dimanche 9 octobre 2022

WEREWOLF BY NIGHT, de Michael Giacchino (Disney+)


Et son tenait là la meilleure production de la Phase IV du MCU ? Werewolf by Night se présente comme un programme "Special", produit par Kevin Feige, et mis en ligne depuis Vendredi sur Disney +. Ce moyen métrage d'une cinquantaine de minutes est réalisé par le compositeur de musiques de film Michael Giacchino et investit une zone inexplorée de l'univers Marvel à l'écran. Le résultat est absolument unique et magistral.


Le décés du chasseur de monstres Ulysses Bloodstone aboutit à l'invitation dans son manoir par sa veuve Verussa de plusieurs de ses pairs mais aussi de sa file, Elsa, avec qui il était en froid. L'enjeu de cette réunion: désigner l'héritier de la Pierre de sang, une relique magique.
 

Parmi les invités se trouve Jack Russell, au palmarès impressionnant et qui gagne le droit de traquer dans le parc labyrinthique de la propriété une créature en captivité sur laquelle on accrochera la Pierre de sang pour l'affaiblir. Disposant d'une légère avance, Jack sera ensuite rejoint par les autres pour la chasse.


Particulièrement motivée, Elsa, à qui Verussa refuse tout privilège, doit se réfugier dans un crypte après avoir éliminé un de concurrents. Elle y est coincée avec Jack qui lui confie ne pas être là pour tuer le monstre mais pour l'aider à s'enfuir. Si elle l'aide, il lui cédera la Pierre de Sang. Marché conclu.


Mais si l'évasion de l'Homme-Chose Ted Salis réussit, au moment de se saisir de la Pierre, Jack est repoussé violemment par elle, révélant aux autres qu'il est lui-même un monstre. Enfermé dans un cage à l'intérieur du manoir avec Elsa, coupable de l'avoir aidé, il se change en loup-garou sous l'influence de la Pierre maniée par Verussa. La cage ne le retient pas longtemps et il tue avec Elsa les autres chasseurs et les gardes de Verussa. Avant que l'Homme-Chose ne revienne se venger de Verussa.


Comme promis, Elsa laisse filer Jack et l'Homme-Chose qui, au petit matin, dans la forêt voisine, déguste un café en mesurant leur chance de s'en être tiré.

Si on ignore à cette heure à quel moment se situe cet unitaire (pour employer un terme du jargon audiovisuel), en vérité peu importe. Mieux vaut laisser à ce Werewolf by Night son statut à part, quitte à ne pas l'intégrer au reste du MCU. C'est l'essence même de ce projet complètement décalé mais réjouissant.

A l'origine, cette adaptation du Loup-Garou de la Nuit, personnage de anti-héros apparu en 1972 sous la plume de Gerry Conway et le crayon de Mike Ploog, devait être un long métrage. Mais le projet n'a pas abouti malgré les efforts de Kevin Feige, le grand architecte du MCU et grand fan du personnage. Connu aussi pour avoir été le premier adversaire de Moon Knight, ce n'était que partie remise.

Mais qui aurait prédit qu'il réapparaîtrait sous une forme aussi originale ? En effet, Disney + veut désormais dévelopepr un nouveau format pour donner leur chance à des personnages pour lesquels un film de cinéma ou une série seraient sans doute trop compliqués à produire. Ce sera donc un "Special" d'une cinquantaine de minutes, en noir et blanc qui plus est (exception faîte de la fin en couleurs).

C'est au compositeur de musiques de film Michael Giacchino (Ratatouille, Les Indestructibles mais aussi  Dr. Strange in the Multiverse of Madness ou Spider-Man : No Way Home, et bien sûr ici) que Feige confie cet unitaire, convaincu par sa proposition cinématographique. Giacchino veut en effet en faire un hommage aux films d'épouvante des années 50, sans aucune référence au MCU et à ses super-héros.

Ecrit par Heather Quinn (qui a rédigé le synopsis original) et Peter Cameron, l'histoire se déroule sur une nuit au cours de laquelle plusieurs chasseurs de monstres sont réunis par la veuve d'Ulysses Bloodstone, leur meneur, afin de désigner qui sera son héritier. Pour gagner la Pierre de Sang qui lui permettait de vaincre les pires créatures, ils vont devoir traquer dans un labyrinthe une "abomination" affaiblie par le caillou magique. Mais parmi les concurrents s'est glissé un intrus. Et la fille de Bloodstone, en froid avec son père et en conflit ouvert avec sa belle-mère.

Sur un rythme haletant, la suite est absolument jubilatoire. Giacchino manie l'humour avec habileté, sans jamais sombrer dans la farce ou parodier les classiques dont il se réclame. On sent qu'il a beaucoup étudié les films de Jacques Tourneur (La Féline) car il privilégie à la débauche d'effets péciaux numériques la suggestion, les jeux d'ombres, les trucages traditionnels mécaniques, soutenus par une magnifique photo signée Zoë White.

Même si la durée de l'objet oblige à sacrifier la caractérisation de tous les chasseurs, le tandem formé par la force des choses par Jack Russell/le Loup Garou de la Nuit et Elsa Bloodstone est un régal, chacun étant obligé de composer avec un allié de circonstance qui, en d'autres occasions, voudrait lui faire la peau.

Puis lorsque le fameux monstre apparaît, divine surprise : il s'agit de Ted Salis, Man-THing, création de Steve Gerber et Gray Morrow, apparu dans les comics un an avant le Loup-Garou de la Nuit (en 1971 donc). Pour les connaisseurs, Salis est un savant associé au sérum du super-soldat, qui transforma Steve Rogers en Captain America, et qui chercha à le reproduire, avant d'être trahi par sa compagne, une espionne à la solde de l'A.I.M.. Il s'injecta le dernier échantillon de sa potion et se transforma en l'Homme-Chose.

Le charisme de la créature, inquiétante et sympathique à la fois, est idéalement traduit à l'image et forme l'autre grande attraction de ce programme - à tel point que depuis Vendredi, de nombreux spectateurs manifestent sur les réseaux sociaux pour qu'il réapparaisse dans de futurs projets.

Giacchino a réservé pour la fin l'intervention du Loup-Garou pour une longue séquence magistralement mise en scène. Le réalisateur n'hésite pas à faire couler le sang, de manière graphique mais pas complaisante, ce qui est étonnant pour une production Disney +.

Le casting est une réussite également. On saluera l'excellente idée d'avoir recruté Gael Garcia Bernal pour le rôle principal car le comédien s'est visiblement beaucoup amusé à composer ce faux chasseur de monstres fébrile et ironique, qui redoute sa propre sauvagerie. Sa complicité avec Laura Donnelly, qui campe Elsa Bloodstone (un choix moins évident quand on sait que dans les comics il s'agit d'une grande rousse forte en gueule) avec brio, et ses échanges avec Casey Jones, qui se cache sous le costume de Man-Thing, est savoureuse. Quant Harriet Sanson, elle est totalement déchaînée dans le rôle de Verussa.

Même si le MCU vous a déçu durant sa Phase IV et plus globalement si vous n'êtes pas client de cet univers, Werewolf by Night a toutes les chances de vous plaire car il est comme un satellite, un électron libre. Est-ce le poisson pilote pour de futures productions aussi barrées ? Une alternative aux blockbusters en salles ou les séries plus formatées sur Disney + ? L'avenir le dira. Mais quoiqu'il arrive, ça restera l'expérience la plus audacieuse de Kevin Feige. 

1 commentaire:

Zaïtchick a dit…

Sympathique production à l'ambiance des films de la Universal (et de la RKO - on pense beaucoup aux Chasses du comte Zaroff.)