samedi 29 septembre 2012

Critique 351 : BATGIRL - YEAR ONE, de Chuck Dixon, Scott Beatty et Marcos Martin


Batgirl : Year One est une mini-série en neuf épisodes, co-écrite par Scott Beatty et Chuck Dixon et dessinée par Marcos Martin, publiée en 2003 par DC Comics.
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(Ci-dessous : les couvertures originales
des neuf épisodes de la série,
dessinées par Marcos Martin.)

Alors qu'elle voulait se présenter à l'académie de police, Barbara Gordon subit les railleries de son père, le capitaine James Gordon, du Gotham Central Police Departement. Elle décide alors de se lancer dans une carrière de justicière en s'inspirant de Baatman, le protecteur masqué de la ville - sans toutefois lui demander ni son accord pour utiliser son logo ni son aide.
Elle fait sa première apparition publique lors d'un bal masqué donné par la police pertubé par Killer Moth, qui veut enlever son père. Après avoir infligé une correction à ce malfrat, elle ne peut cependant pas empêcher sa fuite. Pas plus que Batman et Robin qui interviennent alors.





Après avoir semé le justicier, elle persiste à garder son costume et son objectif. Mais Batman et Robin la surveillent et l'enlèvent pour tenter de la convaincre de ne plus interférer dans leurs affaires. Batman comprend vite qu'il ne fera pas entendre raison à la jeune femme et charge Robin de la chaperonner en lui faisant croire qu'il agit sans l'assentiment de son mentor.



Les choses vont se corser quand, entretemps allié au pyromane Firefly, Killer Moth, pour impressionner la pègre à qui il veut proposer sa protection, tente une nouvelle fois de kidnapper Jim Gordon. Batgirl, qui avait sollicité l'aide de Black Canary pour l'entraîner (en entrant par effraction dans le Q.G. de la J.S.A.), fait un temps équipe avec elle pour libérer son père. Mais leur duo n'est pas très complèmentaire.
Robin lui offre son aide (toujours en lui racontant qu'il agit dans le dos de Batman) et ensemble, ils font équipe tout en flirtant.



Killer Moth et Firefly (qui pousse son partenaire à des actions plus spectaculaires et meurtrières) s'en prennent alors au commissariat central de Gotham. Batgirl entreprend en retour de les stopper, seule, une bonne fois pour toute - et ainsi de prouver sa valeur aux yeux de la police, de Batman et Robin et du public... Tout en s'employant à dissimuler à son père sa double vie.
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17 ans après le mythique et magistral Batman : Year One, Chuck Dixon et Scott Beatty ont voulu donner à leur tour une version définitive aux origines de Batgirl, après avoir fait de même avec Robin : Year One. D'autres opus comme Nightwing : Year One (toujours écrit par Dixon) ou plus tard Teen Titans : Year One (par Amy Wolfram et Karl Kerschl) et Green Arrow : Year One (par Andy Diggle et Jock) reprendront le procédé.
Là où Frank Miller bouclait son affaire en quatre épisodes, il en faut neuf pour cette histoire. Mais on ne s'en plaindra pas car la réussite est au rendez-vous. Les deux scénaristes articulent leur récit initiatique autour d'un motif qui, lui, renvoie à Killing Joke d'Alan Moore : celui de l'oracle, l'alias qu'adoptera Barbara Gordon après que le Joker ait fait d'elle une infirme paraplègique, devenant l'informatrice privilégiée des héros DC et une membre des Birds Of Prey (série longtemps écrite par Dixon). Ainsi, sur l'insouciance avec laquelle l'héroïne se lance dans la carrière de justicière plane la tragédie future - même si, avec le reboot "New 52" de DC, le personnage a récupéré sa condition physique.
Cette référence au destin dramatique est parfois, il faut l'avouer, un peu lourde, trop souvent citée à travers ces neuf épisodes, et donne l'impression que tout est déjà joué, de manière cruelle, que Batgirl ne pouvait de toute manière pas éviter le sort qui l'attend. Et du coup cela produit un effet malheureux à la fois sur le ton enjoué sur récit et sur l'importance de cette période dans la vie de Barbara Gordon, comme si avoir été Batgirl était de toute façon moins important que devenir Oracle (il est vrai que, dans ce second rôle, le personnage gagnera une profondeur - et des fans - mais, enfin, quand on veut raconter les origines d'une héroïne, c'est un peu embêtant d'énoncer dès le départ que ça ne va pas durer et qu'elle n'est pas aussi intéressante alors que plus tard). 
Cette réserve mise à part, cette mini-série reste quand même très agrèable et aboutie. D'abord, le portrait de Barbara dans sa jeunesse, son inexpérience, mais aussi sa détermination, sonne remarquablement juste, et il est impossible de ne pas être conquis par cette incarnation de Batgirl. Elle possède un sens de la répartie irrésistible (qu'elle surnomme intérieurement "Pixie Boots"), tient tête à la fois à son père (tout en consacrant une large partie de son temps, en costume, à le protéger) et à Batman (plus rigide que jamais, ce qui souligne sa contradiction puisque le même n'a pas hésité à entraîner le jeune Robin dans sa croisade), affronte deux super-vilains (dont l'un est certes un abruti fini mais l'autre est un psychopathe authentique).
Dixon et Beatty insistent, avec malice, sur le flirt entre Robin (clairement attiré) et Batgirl (pas insensible mais sur ses gardes), et cela donne des scènes exquises, comme quand le Boy Wonder lui fait croire qu'il l'aide sans la permission de Batman, ou quand il lui vole un baiser, ou quand, à la fin, il enfile le costume de la jeune femme pour que Jim Gordon croit que sa fille n'est pas la nouvelle disciple de Batman.
Les auteurs consacrent aussi du temps à montrer comment le personnage évolue de manière pratique, en confectionnant son costume, en s'entraînant, en faisant des recherches, ce qui , sans lui ôter la fantaisie propre au folklore super-héroïque, lui confère un réalisme bienvenue.
L'emploi de guest-stars dans le récit - Wildcat, Dr Fate, Black Canary, Green Arrow - ne vole jamais la vedette à Batgirl et la situe dans le DCverse de façon subtile, parfois ironique, parfois émouvante (parfois les deux à la fois dans un seul dialogue, comme au début du 2ème épisode quand Wildcat et Dr Fate s'interrogent sur ce que peut devenir une débutante comme elle).
Quand, enfin, Batman accepte Batgirl, cela aboutit encore à une scène sobre et forte.
Le tout est mené sur un rythme soutenu, même si tout cela aura sans doute pu être narré en moins de chapitres. Mais ce n'est jamais ennuyeux, souvent palpitant et drôle (un comique plus spirituel que gaguesque), avec une belle progression dans la caractérisation et l'intensité dramatique, et des dialogues efficaces.
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Batgirl : Year One a aussi permis à Marcos Martin, son dessinateur, de se faire remarquer. Il était alors encré par Alvaro Lopez, mais celui-ci a respecté son trait si fin et souple, et déjà le talent de l'espagnol illumine cette production.
Martin ne produisait pas encore des planches au découpage sophistiqué comme il a pu le faire sur Amazing Spider-Man, mais son sens de la composition, sa maîtrise du cadre, sont exemplaires. Suivant un des préceptes de Toth selon lequel la qualité d'un dessin ne se juge pas à son nombre de lignes, les personnages et décors de Martin sont toujours superbement expressifs et suggestifs, au service des scènes, des ambiances, de la lisibilité.
Une séquence comme le combat du dernier épisode est un modèle du genre, très dynamique, tracé d'une main élégante, avec une variété dans les angles de prise de vue et une justesse dans les cadres qui sont épatantes.
De la même manière, quand il doit illustrer des scènes plus ordinaires, Martin réussit à rendre cela aussi vivant, avec des enchaînements d'images d'une fluidité diabolique, toujours à la bonne distance, chaque planche conçue pour que le lecteur voit d'abord ce qui y est important.

Un sketchbook, à la fin du livre, permet aussi d'apprécier les designs de Marcos Martin et un work-in-progress de ses planches, avec l'apport d'Alvaro Lopez à l'encrage.

La colorisation de Javier Rodriguez, partenaire de longue date de Martin (et d'autres artistes désormais, comme Javier Pulido, Paolo Rivera, Chris Samnee), en à-plats tour à tour vifs et pastellisés, ajoute au plaisir des yeux.
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C'est donc une oeuvre à la fois conséquente et solide, divertissante, et traversée par une émotion délicate que Batgirl : Year One. Elle fait honneur au chef-d'oeuvre de Miller et Mazzucchelli, et donne envie de lire son pendant consacré à Robin.

mercredi 26 septembre 2012

Critique 350 : GUS, TOME 1 - NATHALIE, de Christophe Blain

Gus : Nathalie est le 1er tome de la série écrite et dessinée par Christophe Blain, publié par Dargaud en 2007.
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L'album est composé de cinq histoires, de longueur variable :

Nathalie (8 pages), met en scène Gus, recevant une lettre d'une jeune femme rencontrée quelques années plus tôt, lors d'une démonstration de ses talents au fouet, dont il s'est épris - mais cet amour semble être sans issue à cause des activités de voleur du héros et surtout parce que sa dulcinée est déjà en couple. Mais alors, pourquoi tient-elle à le revoir ?

  

- Gus, Clem, Gratt (11 pages), est une suite de saynètes sur le thème de la poursuite. Gus suit une jeune femme attirante à sa descente du train avant de la perdre de vue dans la foule. Gus attaque avec ses complices Clem et Gratt un train et pour s'échapper ensuite, détache la locomotive des wagons, mais leur course folle se termine par une chute vertigineuse dont ils sortent miraculeusement indemnes - et avec leur butin !

- El Dorado (34 pages) entraîne Clem et Gratt sur les pas de Gus qui leur a raconté avoir trouvé une ville capable d'assouvir toutes leurs envies. En route, Clem s'arrête chez sa femme, Ava, et leur fille, Jamie. Puis une fois dans cette fameuse cité, c'est une série de folles nuits où, pendant que Clem séduit une belle photographe prénommée Isabella, Gus et Gratt tentent aussi leurs chances avec plusieurs filles, avec plus ou moins de bonheur. Finalement, les trois cowboys quittent l'endroit, plongeant Clem dans une déprime teintée de culpabilité - car son infidélité a été découverte par un autre desperado...
- Linda McCormick (13 pages) est la maîtresse de Gratt, alors qu'avec Gus et Clem, il est devenu, suite à un improbable concours de circonstances, le shériff d'un pueblo. Deux problèmes se posent alors : d'une part, le mari de la dame est un juge réputé pour ses verdicts expéditifs, et d'autre part, Gratt est obsédé par ses performances sexuelles autant qu'il est indisposé par l'odeur de son amante...

- Isabella (12 pages) montre les trois outlaws qui ont trouvé une planque tranquille dans la campagne. Gus se pique de transformer cette cabane en un vrai foyer et investit dans la décoration avec une partie de l'argent de leurs vols. Gratt goûte rapidement à cette nouvelle vie tandis que Clem ne reste jamais bien longtemps, accaparé (dit-il) par sa femme et sa fille. En vérité, après avoir été débusqué par des chasseurs de prime, Gus et Gratt vont découvrir le secret de leur ami, en rapport avec leur séjour dans l'El Dorado...
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Entre deux tomes d'Isaac et les pirates et de Quai d'Orsay, Christophe Blain a cherché et trouvé un autre terrain de jeu où exercer son talent de narrateur : le western était tout indiqué pour sa vision décalée et décapante. Mais ne vous attendez pas à une visite convenue dans cet univers bien connu...   
Le Far West a toujours fasciné les auteurs européens (franco-belges mais aussi italiens) qui en ont tiré des histoires à la fois dramatiques, épiques ou parodiques - dans cette dernière veine, son plus célèbre exemple est et reste Lucky Luke par Morris (puis avec Goscinny, et d'autres scénaristes par la suite). C'est à l'évidence aussi la référence de Blain, en particulier la période où Morris écrivait et dessinait les aventures du cowboy qui tire plus vite que son ombre.
Mais, en lieu et place d'une intrigue classique, avec quelques gags, il a choisi une forme plus libre avec des récits à géométrie variable, dont le véritable thème, aussi bien narratif que visuel, est le mouvement.
Plus que les codes stricts du western, c'est au rapport des hommes et des femmes que s'intéresse Blain : pour en parler, il démonte les stéréotypes et met en scène trois pieds-nickelés aussi, sinon plus intéressés par la gente féminine que par leurs attaques de trains, de diligences ou de banques. Chacune de ses histoires est articulée autour d'une (ou plusieurs) figure(s) féminine(s) qui sont là pour mettre en évidence la gaucherie, la vantardise, les complexes de ces aventuriers aussi audacieux dans leurs entreprises criminelles que peu inspirés quand il s'agit d'amour ou de séduction.
Ce contraste produit des effets savoureux et souvent hilarants quand de durs-à-cuire, nos trois olibrius deviennent des drageurs plus ou moins efficaces, inégalement performants, rongés par le doute, complexés, embarrassés par leur relation, ou comme contaminés par l'envie de devenir de parfaites ménagères (irrésistible dernier épisode où Gus arrange leur cachette comme une fée du logis). 
Ils sont aussi touchants, Gus, Clem et Gratt, quand le romantisme les rattrape : Gus sincèrement épris par Nathalie, Gratt voulant rompre avec Linda sans être désobligeant, ou Clem honteux d'avoir trompé sa femme Ava mais entretenant une liaison secrète avec Isabella. 
Là encore, ils passent en vérité plus de temps à rêver à l'âme soeur qu'à aligner les conquêtes, et ce côté fleur bleue agit en contrepoint drôlatique à l'assurance décomplexée des femmes qu'ils croisent.

Graphiquement, Blain confirme son exceptionnel sens du mouvement, qui rappelle effectivement le Morris des débuts ou plus encore Franquin : ses héros semblent animés d'une bougeotte constante, et leur gestuelle est exagérèment soulignée pour mieux que lecteur saisisse cette espèce de fièvre.
Le découpage à la fois simple et formidablement percutant présente ces cowboys dans des décors réduits à l'essentiel, dans des vignettes au contour tracé sans règle, tremblantes presque, comme si l'artiste lui-même ne tenait pas en place, était pressé d'enchaîner avec l'image, la planche suivante.
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Avec Gus, Blain confirme bien qu'il est un des auteurs complets les plus passionnants et impressionnants de la scène française de la bande dessinée. 

samedi 22 septembre 2012

Critique 349 : TOM STRONG AND THE ROBOTS OF DOOM, de Peter Hogan et Chris Sprouse



Tom Strong and The Robots of Doom rassemble les six épisodes de la mini-série écrite par Peter Hogan et dessinée par Chris Sprouse, publiée en 2010-2011 par DC Comics
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Quand il a créé ce personnage, Alan Moore a voulu rendre hommage à sa manière à l'archétype du héros de l'âge d'or, un aventurier vertueux, un "héros de la science" comme il l'a défini : Tom Strong était la sytnhèse de Doc SavageTarzanSuperman, et ses histoires évoquaient les pulp-fictions américaines classiques, avec leur lot de clichés et de rebondissements, de créatures excentriques et de situations rocambolesques. Tom Strong, ce gaillard robuste, comptait plus sur son intellect pour résoudre divers conflits mais n'hésitait cependant pas à faire le coup de poing quand cela l'exigeait.

Quand il a quitté définitivement le giron de DC Comics, avec qui il était en conflit ouvert depuis les rééditions de Watchmen, mais qui devint ensuite propriétaire du label Wildstorm au sein duquel il avait développé la collection America's Best Comics (avec des titres comme Promethea, Tomorrow's Stories, Top Ten et Tom Strong donc), Alan Moore termina toutes les séries qu'il avait initiées lors d'un crossover qui mettait en scène la fin du monde tout en laissant quelques portes ouvertes.
C'est ainsi que Tom Strong revient avec cet album, qui s'inscrit dans la continuité de son 36ème et (croyait-on) dernier. Aux commandes, on trouve deux familiers de la série : son co-créateur et dessinateur, Chris Sprouse, et le scénariste de quelques épisodes, Peter Hogan (avec lequel Moore créa la mini-série dérivée, Terra Obscura).
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Alors que sa fille, Tesla, est sur le point de se marier avec Val, régent des hommes de lave, et que la famille va célèbrer les noces à Attabar Teru, Tom Strong procède à un examen du chromium en compagnie du fantôme de Paul Saveen. Ce dernier disparaît subitement et Tom comprend que quelque chose cloche. Il se précipite dehors et découvre, horrifié, que son monde a totalement sombré dans le nazisme. Son fils, Albrecht (qu'il a eu avec Ingrid Weiss), est devenu le maître de cette nouvelle terre et le fait enfermer.
Tom, touché mais pas abattu, veut comprendre comment cela est devenu possible et Albrecht lui donne quelques explications : il s'est allié, en remontant dans le temps, avec les Deros, des robots abandonnés sur terre par des voyageurs spatiaux dans un passé très lointain. Désireux de se venger de la race humaine après que Tom les ait rencontrés et que l'armée ait préféré les engloutir alors qu'ils réclamaient un territoire, ils ont permis à Albrecht et aux nazis de conquérir le globe. Dans l'affaire, Tom a perdu tous les siens : sa femme, sa fille, Solomon...
Tous, vraiment ? Sauf Pneuman qui a feint d'obéir aux ordres d'Albrecht et permet à Tom de s'échapper en remontant lui aussi le cours du temps, avant que son fils, les nazis et les Deros ne liguent leurs forces.
Là, en Septembre 1939, Tom Strong va faire équipe avec lui-même, plus jeune, mais aussi les hommes de lave et son ennemi, Pluto Parulian alias Dr Permafrost, pour empêcher le pire de se produire...

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Ce qui frappe d'abord à la lecture de cette histoire, c'est son nombre d'épisodes : Alan Moore (et tous les scénaristes à qui il a permis d'animer son héros dans sa première série) a toujours veillé à construire des récits de un à trois épisodes maximum, d'une densité extrème et pourtant remarquablement fluides. Peter Hogan procède d'une autre manière, en adoptant une narration décompressée, avec six épisodes : le déroulement de l'action est toujours aussi souple, mais souffre de quelques temps morts, et surtout a pour effet immédiat une mise en images faisant la part belle à des cases plus grandes, des splashs et des doubles-pages plus fréquentes (on ne s'en plaindra pas car le dessinateur nous gratifie de plans irréprochables).

Chris Sprouse, toujours encré par Karl Story, vole du coup la vedette à son scénariste en livrant des pages superbement ouvragées, aux décors fantastiques et variés, où les personnages possèdent toujours cette élégance remarquables, avec un soin particulier accordé à leur gestuelle.
On pourrait regretter qu'il ait fallu trois coloristes (Carrie Strachan, Darlene Royer et Jonny Rench) pour finaliser tout cela, mais ce serait un mauvais procés tant les transitions entre chacun sont imperceptibles.



Peter Hogan a élaboré un scénario qui reste cependant habile, en veillant avant toute chose à le garder compréhensible, ce qui est toujours ardu avec les histoires de voyage dans le temps et les paradoxes temporels que cela engendre.
Des idées comme celle du duo formé par le Tom Strong d'aujourd'hui et celui, plus jeune, de 1939, le fait que le premier soit obligé de cacher des évènements du futur pour ne pas altérer le comportement du second quand ils lui arriveront, mais aussi la nécessité pour Tom Strong de demander de l'aide au Dr Permafrost (en devant le faire évader du pénitencier où il l'a fait enfermé), la rencontre anticipée avec les hommes de lave et leur connection historique avec les Deros, sont toutes savoureuses, malines, efficaces.
Hogan n'hésite pas non plus à bousculer le statu quo de la série et de son héros : au début, Tesla est sur le point de se marier, et à la fin une révèlation sur sa condition suggère des répercussions sensibles sur la famille Strong. Plus trouble encore est la manière dont Tom va décider de punir son fils Albrecht, qu'on peut considérer à la fois juste et dérangeante...


Le petit reproche qu'on peut adresser à Peter Hogan reste que son histoire s'adresse d'abord à des familiers, sinon des initiés de la série, tant il convoque d'éléments uniquement identifiables si on a lu les précédents épisodes. Ce choix de jouer avec la mythologie même de Tom Strong plutôt que de proposer un récit accessible pour qui ne la connaît pas est un handicap pour le néophyte qui se demandera alors pourquoi le héros a si peu vieilli en depuis 1939, qui est cette fille de glace dans le coma dans le labo de Permafrost (pour rappel, il s'agit de Greta Gabriel, le premier amour de Tom), quelle est la nature du contentieux entre Tom et Permafrost. 
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C'est toutefois une aventure divertissante, magnifiquement illustrée, et on peut remercier Alan Moore d'avoir donné son accord à Hogan et Sprouse pour continuer d'animer Tom Strong (tout le monde sait que c'est un privilège que Moore n'accorde pas facilement - cf. la polémique récente au sujet du prequel Before Watchmen).
Chris Sprouse a déjà annoncé que de nouveaux épisodes paraîtraient (prévus pour 2012, mais probablement publiés en 2013) : cela s'intitulera Tom Strong and The Planet of Peril (avec le retour des héros de Terra Obscura en guest-stars). 

dimanche 16 septembre 2012

Critique 348 : QUAI D'ORSAY, CHRONIQUES DIPLOMATIQUES - T. 2, d'Abel Lanzac et Christophe Blain



Le phénoménal succés du tome 1 de Quai d'Orsay, Chroniques Diplomatiques obligeaient ses auteurs à réaliser une suite, mais en vérité la fin ouverte du premier album permettait tous les espoirs. Néanmoins, c'es un exercice redoutable de livrer un prolongement à un telle réussite... Mais Christophe Blain et Abel Lanzac ont récidivé et transformé l'essai avec brio, en proposant une nouvelle plongée détonante, comique et parfois effrayante des coulisses de la diplomatie internationale.
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La couverture mérite déjà qu'on en souligne la qualité, comme un préambule au contenu du livre : on la croirait conçue pour le très chic New Yorker, inspiré par Sempé, et résume parfaitement le motif de cette saga. Alexandre Taillard de Vorms nous tourne le dos, regardant par une vaste fenêtre des buildings d'une mégalopole, métaphore de la tâche énorme qui l'attend, mais dans une posture conquérante avec ses mains sur les hanches, ses épaules haussées, sa tête rentrée.
C'est qu'il s'agit de tout l'enjeu de ce deuxième volume : Taillard de Vorms va-t-il (et si oui, comment) réussir à empêcher la guerre que veulent lancer les Etats-Unis contre le Lousdem (soit l'Irak), soupçonné de dissimuler des armes de destruction massive ?
L'arrivée à New York.

Le récit est découpé en 8 chapitres, dont les titres sont autant d'annonces, parfois cryptiques, du programme qui attend les deux protagonistes de cet opus, Taillard de Vorms donc et Arthur Vlaminck, une de ses plumes, mais également toute l'équipe du Ministère des Affaires Etrangères, une bande de vieux cadors de la diplomatie, à la fois au service de leur supérieur et dépassé par le défi qu'il s'est lancé, constamment sur la brêche. Qu'on en juge : 1/ United Nations Plaza (le voyage à New York pour préparer la riposte aux Américains et leur projet guerrier) ; 2/ Conséquences graves (l'art de ménager les susceptibilités au conseil de sécurité par les éléments de langage) ; 3/ Le labyrinthe (le parallèle entre le combat diplomatique à mener et la légende de Thésée et le Minotaure, qui élève Taillard de Vorms au rang de figure mythologique) ; 4/ 1441 (le rôle des services de renseignements français pour éviter les fuites du Ministère des Affaires Etrangères) ; 5/ Noël (comment les fonctionnaires du Ministère rusent pour avoir des vacances lors des fêtes de fin d'année) ; 6/ La schnouff (la découverte du rapport des autorités lousdéménites sur leur armement) ; 7/ Moscou (les manoeuvres pour convaincre les Russes de faire front contre les Américains) ; et 8/ 14 Février (la date du discours tant attendu de Taillard de Vorms aux Nations Unies).
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Dans le premier tome, Lanzac et Blain décrivaient de manière caustique et énergique le bouillonnement qui agitait le Ministère des Affaires étrangères et son locataire, le théâtral Alexandre de Taillard de Vorms, entrecoupé par le ballet de ses conseillers. La nouvelle recrue, Arthur Vlaminck, engagé pour rédiger des notes et discours (les "éléments de langage"), était le témoin de ce manège et un acteur encore discret, le personnage auquel le lecteur pouvait s'identifier.
Avec cette suite, nous sommes dans le feu de l'action et l'objectif se dessine : l'intervention aux Nations Unies du Ministre, incarnant la position de la France, contre une guerre au mobile purement politique, symbolisant aussi la lutte du vieux continent européen (et par extension de ses alliés) contre l'Amérique belliqueuse. L'action se déplace des couloirs du Ministère aux voyages à l'étranger, dans une effervescence croissante à mesure que la déclaration du Ministre approche.
Le Minotaure.

Le ton est plus dramatique tout comme l'enjeu : Alexandre de Taillard de Vorms ne doit plus seulement gérer de petites crises mais empêcher une guerre contre le Lousdem. Blain et Lanzac expédient leurs héros à l’ONU, à Moscou, et surtout nous éclairent, de façon à peine voilée, les arcanes du pouvoir, les négociations, les alliances, la bataille diplomatique qui secoua les Nations Unies fin 2002 – quand la France s’opposa aux Etats-Unis contre une entrée en guerre immédiate en Irak.
"Trompe-la-mort".

Christophe Blain, qui a aussi écrit et dessiné des bandes dessinées de genre comme Isaac le pirate ou Gus, en transpose graphiquement les codes (ceux de l'aventure, de l'épopée, du western) dans le cadre politique. Son Taillard de Worms, gonflé à bloc, habité par le combat d'une vie, incarne alors le justicier et Arthur Vlaminck son serviteur, à la fois dévoué et souffre-douleur.
Son dessin traduit avec une force impressionnante et irrésistible (son génie de la gestuelle est prodigieux) la vigueur, la tension et la roublardise du duel confrontant Taillard de Vorms et son homologue américain Jeffrey Cole – reprise de l'affrontement Dominique de Villepin et Colin Powell – , mais aussi et surtout les cadences frénétiques auxquelles sont soumis ses collaborateurs, leurs rivalités, leurs complicités, la folie qui les guette à tout moment.
Les fiches.
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Même si l'effet de surprise a disparu, le charisme de Taillard de Vorms, l'humour "hénaurme" des situations, le dynamisme de la narration, l'énergie du dessin emportent encore une fois l'adhésion. 
"Vlon !"

Le mix endiablé de la grande Histoire et des faits les plus triviaux, l'originalité du cadre, l'envergure du héros : tous ces ingrédients, parfaitement maniés et dosés, font de ces 2èmes Chroniques Diplomatiques de Quai d'Orsay une réussite imparable. Vite une suite !

jeudi 6 septembre 2012

LUMIERE SUR... CHRIS SPROUSE (2)

Chris Sprouse


























Dessinateur, cover-artist, designer.

Ces personnages figurent tous dans la mini-série Number of The Beast, écrite par Scott Beatty, publié par Wildstorm. On reconnaîtra des emprunts à des héros célèbres de DC Comics et Marvel Comics, Sprouse s'étant inspiré des Vengeurs ou de la JLA.
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Le (nouveau) site de l'artiste : www.sprousenet.wordpress.com