mardi 20 mars 2012

Critique 317 : BATWOMAN - ELEGY, de Greg Rucka et J.H. Williams III

Batwoman : Elegy rassemble les épisodes 854 à 860 de la série Detective Comics, écrits par Greg Rucka et dessinés par JH Williams III, publiés en 2009-2010 par DC Comics. La série fut alors exclusivement consacrée à Batwoman, le temps de deux histoires ( de 4 et 3 chapitres respectivement)
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Les 3 premières planches de la série,
dessinées par JH Williams III.

- Elegy (# 854-857). Après avoir miraculeusement survécu à une cérémonie sacrificielle, Batwoman enquête à Gotham sur la secte de la Religion du Crime. Elle opére avec l'accord de Batman et le soutien de son père. Apprenant que ce culte va recevoir la visite de sa nouvelle meneuse, une certaine Alice, une déséquilibrée inspiré par le personnage de Lewis Carroll, la justicière interroge des indics. Mais quand son père, un militaire de carrière, est enlevée par ces maniaques sur le point de commettre un attentat, elle découvre que son adversaire est plus proche d'elle qu'elle ne le pensait...

- Go (#épisodes 858 à 860). Kate Kane se remémore trois époques de son passé (il y a 20, 7 et 4 ans), trois étapes-clés pour comprendre qui elle est, comment elle est devenue Batwoman et qui est vraiment Alice...
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Greg Rucka aime les femmes fortes (il a écrit Elektra chez Marvel, Wonder Woman chez DC et ses épisodes de Gotham Central se distinguaient par ses portraits féminins mémorables) et il a créé cette nouvelle version lors de la publication de la maxi-série hebdomadaire 52 (# 11) en 2006. Mais à l'époque, pris dans la cascade d'évènements de la saga, la présentation resta sommaire. Elle réapparut dans Countdown to final crisis, puis à nouveau sous la plume de Rucka dans Five Books of Blood (2007) et Revelations (2008/2009). Mais, malgré cela, l'essentiel restait à faire pour imposer ce personnage au potentiel certain.


Ci-dessus, les 1ers designs de Batwoman par Alex Ross.

Ci-dessus, l'héroïne revue et corrigée par JH Williams III.

DC Comics lui a redonné sa chance en écartant Batman de la série Detective Comics le temps de sept épisodes et Greg Rucka s'associa à l'artiste de Promethea, JH Williams III, pour célébrer l'occasion. Cette équipe créative et leur séjour dans le titre historique du "Dark Knight" allaient donner une exposition maximale à l'héroïne.
Même si le contenu de cet album, rassemblant l'intégralité du run de Rucka et Williams III, est accessible par tous, avoir lu 52 n'est pas vain pour mieux en apprécier le point de départ puisqu'il est fait mention de la tentative de sacrifice à laquelle a miraculeusement échappé Kate Kane et qui motive depuis son enquête sur la secte de la Religion du Crime. 
Rucka a compris que pour donner du relief à son héroïne, il lui fallait un adversaire à sa mesure, l'équivalent du Joker pour Batman. C'est l'aspect à la fois incontournable et le plus convenu du projet car ni la secte, avec ses membres monstrueux (des individus touchés par une malédiction qui les transforme en animaux sauvages), ni la "High Madame" (avec son look de lolita gothique et sa psyché déjantée, trop proche du Joker), ni le projet d'attentat ne sont très originaux. Alors que Batwoman se distingue par son indépendance vis-à-vis de Batman (et ses partenaires habituels), même si elle agit avec son assentiment, et son passé, détaché du Dark Knight, son opposition rappelle trop celle du protecteur de Gotham. C'est dommage. Mais Rucka a d'autres munitions... 
L'arc Elegy vaut par sa concision : en quatre épisodes, menés sur un rythme soutenu, le scénariste dispose efficacement ses pions. On ne s'ennuie pas, il y a une atmosphère prenante, une montée en puissance bien construite, une alternance de séquences intimistes et spectaculaires bien dosée. C'est donc classique mais dans le bon sens du terme. On peut même louer la sagesse de Rucka qui offre un bon contrepoids à la folie graphique de Williams III (mais j'en parlerai ensuite). Et puis, on est positivement surpris par les rapports entre Kate Kane et son mentor, qui n'est autre que son propre père.
Dans le second récit, Go, Greg Rucka renoue avec un registre où il est bien meilleur, en détaillant les antécédents de Kate, comment elle est devenue Batwoman, et comment elle a la confirmation de l'identité d'Alice. Il établit précisèment le traumatisme fondateur de son enfance (décrite avec beaucoup de justesse), le fait qu'elle assume son homosexualité et ce que cela lui coûte (l'occasion d'une critique directe mais subtile sur le refus de l'armée américaine d'accepter les gays et lesbiennes dans ses rangs - la situation n'a évolué que très récemment dans la réalité), la relation qu'elle noue avec Renee Montoya (le personnage fêtiche de Rucka, avec Tara Chase dans Queen and Country), sa première rencontre avec Batman (scène aussi fulgurante que sublime)...
En une page et une réplique, tout est dit :
ce qui motive Kate Kane, c'est son désir de "servir".

Depuis ces épisodes, Rucka a quitté DC (Batwoman continue d'être animée par JH Williams III et Haden Blackman), mais il a donné à l'éditeur une justicière vraiment passionnante.
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Comme je l'ai dit plus haut, la partie graphique est exceptionnelle, et pour cause, c'est l'artiste des séries Promethea d'Alan Moore et Desolation Jones de Warren Ellis qui s'en acquitte. JH Williams III ne déçoit pas et transforme l'aventure en une véritable expérience. 
Quand il dessine Batwoman, il compose ses planches selon des motifs et des formats détonants : les doubles-pages se succèdent, la forme des cases évoquent le logo de la chauve-souris, des éclairs, des triangles. Pourtant, même s'il faut un petit moment pour s'y habituer, ces fantaisies n'altérent pas la narration mais au contraire valorisent les aspects baroques du récit, des protagonistes, de l'ambiance. De plus, l'enchaînement de ces vignettes de tailles et de formes atypiques est d'abord conçu pour accentuer la force des coups portés, la vitesse des scènes, conférant aux pages une dimension quasiment musicale (d'ailleurs, lors d'une séquence, on se trouve dans une réception mondaine où l'on danse).
L'encrage, par Williams III lui-même, est également assez appuyé pour que chaque image reste lisible, dans une abondance de scènes nocturnes. La complicité de l'artiste avec son coloriste est alors essentielle et avec Dave Stewart, on est entre de bonnes mains : les effets de matière (comme le cuir du costume de Batwoman) sont saisissants par exemple. Par ailleurs, à d'autres reprises, les contours sont effacés et la couleur directe vient s'y substituer : ainsi, Alice est traîtée dans des teintes pastellisées qui la font ressembler à un spectre malgré son look de lolita gothique.

Composition audacieuse, couleurs sophistiquées : une collaboration
exceptionnelle entre l'artiste, JH Williams III, et son coloriste, Dave Stewart.

Le côté foisonnant de chaque case et page impose presque deux lectures - la première fois pour suivre l'histoire elle-même, la seconde pour savourer la virtuosité du dessinateur. Williams III utilise à fond toutes les possibilités du storytelling et transcende le script de Rucka.

Le contraste est alors frappant quand c'est Kate Kane qui est mise en scène : le trait se fait plus simple, précis, et fait référence à Alphonse Mucha. Le découpage s'assagit (relativement quand même) et les couleurs sont aussi plus sobres.
Cette transformation stylistique trouve son aboutissment dans la deuxième histoire, dominée par des flashbacks. Williams III (qui avait déjà dans un arc de Batman ou 7 Soldiers of Victory, écrits par Grant Morrison, copié le style de plusieurs dessinateurs de manière confondante) invoque alors le David Mazzucchelli de Batman Year One et le résultat est encore une fois sensationnel.


La 1ère rencontre entre Kate Kane et Batman :
Williams III rend hommage à Mazzucchelli et
Batman Year One en changeant radicalement son style de dessin.

Bref, c'est impressionnant.
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L'album se clôt par des bonus formidables : outre la galerie de couvertures alternatives (par des pointures comme J.G. Jones, Adam Hughes, Jock et Alex Ross !), des sketches de Williams III, des pages du script de Rucka (deux séquences) et des planches non colorisées et lettrées permettent de découvrir encore mieux les coulisses du projet.
Même s'il n'est pas exempt de quelques faiblesses, ce recueil est une excellente collection d'épisodes, formidablement écrite et fantastiquement illustrée.

lundi 12 mars 2012

Critique 316 : STARMAN, VOLUME 2 - NIGHT AND DAY, de James Robinson et Tony Harris

Starman 2 : Night and Day rassemble les épisodes 7 à 10 et 12 à 16 de la série écrite par James Robinson et dessinée par Tony Harris, publiée en 1995-1996 par DC Comics. Lépisode 14 est également illustré par Tommy Lee Edwards, Stuart Immonen, Chris Sprouse, Andrew Robinson, Gary Erskine et Amanda Conner.
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- A (K)Night at the Circus 1-2 (#7-8). Jack Knight va démarcher des fermiers vivant à l'extérieur d'Opal City pour leur acheter des antiquités. Il s'arrête dans un cirque où il découvre que le directeur est un démon asservissant sa troupe, parmi laquelle se trouve Mikaal Tomas, un autre Starman. Jack va s'employer à délivrer ces freaks...

- Shards (#9). Jack Knight assume de plus en plus son rôle de protecteur d'Opal City, soutenu par son père Ted qui héberge désormais Mikaal Tomas avec lequel il essaie (sans grand succès) de communiquer. The Shade, lui, est sur la piste du mystérieux détenteur d'une affiche magique absorbant des habitants de "sa" ville...

- The Day before the Day to come (#10). The Shade rend visite à Jack Knight à qui il a confié le premier tome de son Journal et qu'il informe de l'affaire de l'affiche magique. Mais pendant ce temps, un drame se prépare, qui va impliquer tous les acteurs importants d'Opal City : Nash, la fille de the Mist, s'évade de prison et acquiert les pouvoirs de son père, déterminée à venger son frère en attaquant Jack et ses proches...

- Sins of the Child : Jack's Day (1-2) - Ted's Day - The Opal's Day : the O'Dare's Day - Mikaal's Day (#12-16). Nash lance plusieurs attaques sur Opal City en s'en prenant à Jack, qu'elle kidnappe ; à Ted Knight, contre qui elle lance le Dr Phosphorus ; aux O'Dare, la famille de flics irlandais aux prises avec plusieurs agressions en ville ; et à Mikaal, qui se fait torturer par des hommes de main.
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Ce second recueil contient un copieux sommaire avec neuf épisodes, qui composent deux actes distincts.

Dans une première partie, Jack vit donc une aventure dans un cirque : James Robinson fait explicitement référence au film Freaks de Tod Browning et saisit parfaitement l'atmosphère étrange et oppressante de ce décor et de sa troupe de monstres assujettis par un démon. Bien que le scénariste use (et même abuse) de la voix off et du "name dropping" (autre tic qui plombe un peu la narration, et qui peut inciter à zapper les commentaires du héros pour mieux suivre l'action), le récit demeure efficace et revient sur un élément aperçu dans le précédent tome : l'existence d'un autre Starman, d'origine extraterrestre, Mikaal.
Cette idée suggère qu'il existe toute une lignée de Starmen en dehors de Ted et Jack Knight. C'est une figure récurrente chez Robinson qui avait également bâti le relaunch de la JSA sur cette base que tous les héros (et leurs ennemis) incarnent une descendance de bons et de méchants s'affrontant en permanence par-delà l'espace et le temps, vengeant leurs ancêtres éternellement. De là à affirmer qu'il existe une fatalité du Bien et du Mal, il n'y a qu'un pas et aujourd'hui, Geoff Johns, le chef d'orchestre du DCverse, l'utilise abondamment. C'est à la fois un hommage à la continuité de DC et le symbole d'une maison d'édition qui, même quand elle veut se réinventer, aime se reposer sur ses fondements (le récent reboot en atteste puisque si la situation change, les personnages et ce qu'ils représentent restent essentiellement les mêmes).
Après ce dyptique, Robinson enchaîne avec deux épisodes moins inspirés, consistant principalement à souligner le fait que Jack assume de plus en plus son rôle de protecteur d'Opal City, le plaisir qu'il prend à son rôle, son rapprochement avec son père. Le 10ème épisode prépare plus activement à la suite, qui, elle, est d'un tout autre calibre.

En effet, dans une seconde partie, avec les cinq chapitres suivants, on a affaire à un ensemble d'une authentique virtuosité narrative : Nash, la fille de the Mist, déclare la guerre à Opal City pour venger son frère tué par Jack. Pour traiter le plus largement ce conflit d'envergure, Robinson décide de montrer l'action selon cinq points de vue différents, et même, dans le 14ème épisode, selon 7 points de vue (les O'Dare, la famille irlandaise de policiers proche des Knight, et deux autres personnages). Le scénariste réussit à jongler avec les situations, les protagonistes, les lieux, da manière éblouissante. Le rythme est trépidant, les ambiances diverses et puissantes, on est comme aspiré dans un tourbillon sans jamais être égaré par ces allers-retours spatio-temporels.
Il y a quelque chose de grisant à lire une bande dessinée quand elle propose un tel challenge et que son auteur réussit son coup. Qui plus est, le dénouement de ce combat avec le face-à-face de Jack et Nash aboutit à un dialogue, certes un peu verbeux, mais qui noue de façon très originale et perverse les belligérants, définissant la relation d'un héros et de sa némésis avec une richesse et une subtilité rares. Un grand moment.
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Graphiquement, la série reste également d'un excellent niveau : Tony Harris s'affranchit progressivement de ses influences tout en conservant un trait anguleux et expressionniste, au découpage inventif, aux ambiances bien senties. Les quelques maladresses de ses compositions sont compensées par la vitalité communicative entre texte et image, comme en témoigne cette scène d'action :  
une géométrisation des cadrages mais où la "continuité cinématographique", le flux de lecture ne sont pas sacrifiés pour des effets graphiques faciles.
En prime, quelques invités prestigieux (même si, en vérité, à l'époque, ils n'étaient pas les vedettes qu'ils sont devenus depuis) ont été convoqués pour le 14ème épisode : le temps de quelques planches, chacunes consacrées à un personnage spécial, Tommy Lee Edwards (méconnaissable par rapport à ce qu'il fait aujourd'hui), Stuart Immonen (dans son registre pré-Nextwave, influencé par Adam Hughes), Chris Sprouse, Andrew Robinson, Gary Erskine et Amanda Conner (elle aussi, pas encore arrivée à maturité esthétiquement parlant) suppléent Harris, qui n'est cependant pas absent de ce segment.
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Même si tout n'a pas bien vieilli (notamment la colorisation), ce nouveau tome de Starman confirme la singularité et l'efficacité de cette série, prouvant à quel point elle a effectivement compté dans la rénovation narrative des super-héros à l'époque. 

dimanche 11 mars 2012

LUMIERE SUR... JOHN CASSADAY

John Cassaday.

Astonishing X-Men #1, page 2.

Astonishing X-Men #2, page 9.
Astonishing X-Men #5, page 13.

Astonishing X-Men #21, page21.

Astonishing X-Men #21, page 22.

Astonishing X-Men #23, page 11.










10 pages de Planetary/Batman.

Couverture de Astonishing X-Men #4.

Couverture de Batman : Legends of the Dark Knight.



3 couvertures (dont la "widescreen cover" du #27) de Planetary.

Naissance en 1971 au Texas, Etats-Unis.
Dessinateur, encreur, cover-artist, réalisateur.
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Le site de l'artiste : http://www.johncassaday.com/  

LUMIERE SUR... JEAN "MOEBIUS" GIRAUD


Le Maître à l'oeuvre :
admirez l'aisance.
 Blueberry,
le héros qu'il a créé avec Jean-Michel Charlier.

Death

Batman
 Daredevil
 Elektra
 Iron Man
 Le Punisher
 Spider-Man
 Wolverine
 La Chose
 Galactus et le Silver Surfer
Le Major Fatal, héros du Garage Hermétique, devant son créateur.
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Les hommages des artistes :
Francesco Francavilla.
 Dan Panosian
Goran Parlov

 Evan Shaner
Chris Weston
Becky Cloonan
Jimmy Broxton

Cliff Chiang

 Cameron Stewart
André Juillard

Enrico Marini

Duncan Fegredo

Mike Mignola

Phil Noto

Jean Giraud / Moebius s'est éteint ce samedi 10 Mars 2012, à l'âge de 73 ans.
Scénariste, dessinateur, encreur, lettreur, cover-artist, peintre, designer.

Arzach.