lundi 24 août 2009

Critique 99 : DAREDEVIL par ED BRUBAKER et MICHAEL LARK (4/7)


DAREDEVIL : WITHOUT FEAR ;
(vol.2, #100-105) ;
(Octobre 2007-Avril 2008).

Piègé par son adversaire qui, grâce à un gaz faisant perdre la raison à qui l'inhale, Daredevil doit faire face à ses démons dans le 100ème épisode spécial qui ouvre ce volume. Des pans de son passé tourmenté et des figures connues viennent alors le hanter, ne lui permettant provisoirement plus la possibilité d'arrêter Lamont Cranston/Mr Fear.
La situation est d'autant plus dramatique que son épouse, Pour Milla, son épouse, a elle aussi été exposée au poison et a perdu la raison, tentant même d'assassiner, dans une crise de jalousie, Lily de Lucca.
Le plat n'est pas encore assez corsé pour vous ? Qu'à cela ne tienne ! Dans la coulisse, the Hood guette les agissements de Mr Fear et s'interroge sur ses ambitions alors qu'il fédére autour de lui les super-vilains de la ville.
Pour Matt Murdock/DD, le défi est double : en tant qu'avocat, avec l'aide de Foggy Nelson, il va devoir éviter la prison à sa femme ; en tant que justicier, il doit retrouver la trace de Fear et faire cesser ses exactions. Notre héros sent la peur l'assaillir, une peur familière - celle de voir mourir, encore une fois, un être cher (Milla aujourd'hui, comme Karen Page hier). Et celle de perdre le contrôle de lui-même.
Tout cela ne peut que mal finir - et effectivement, le dénouement sera effroyable car l'ennemi cherche moins à supprimer Daredevil qu'à le briser et casser un héros, c'est souvent d'abord s'en prendre aux êtres qui lui sont chers...

Depuis qu'il a succédé - et avec quel brio ! - à Bendis sur le titre, Ed Brubaker développe des intrigues non pas en arcs classiques de 6 épisodes, mais bien en 12 chapitres : c'est la marque d'un feuilletonniste aguerri soucieux de traiter en profondeur à la fois les tenants et aboutissants d'une histoire et le comportement de ses acteurs. C'est encore une fois le cas ici pour une saga qui atteint des sommets de crispation pour le lecteur et de tension dramatique pour le héros et son entourage.

Chaque grand auteur qui a écrit Daredevil a souligné le chemin de croix du personnage : le diable rouge d'Hell's Kitchen est un justicier marqué par la religion - sa mère est d'ailleurs apparue dans la robe d'une nonne (dans Born again) - et les épreuves - l'abandon par sa mère, la mort de son père, sa cécité, ses amours malheureuses, etc. Tout le destin de DD est contenu dans ces éléments-là : il est fait pour souffrir, chaque victoire s'accompagne d'une douleur, chaque avancée d'un sacrifice. Il est littéralement un damné.

Mais cette damnation s'accompagne d'un altruisme incroyable qui lui donne une noblesse : il s'est donné pour mission, lui, l'homme sans vue, le solitaire, celui qui a tant subi, de protéger les autres, son quartier, sa ville. Il le fait avec gravité : Daredevil, c'est l'anti-Spider-Man. Là où le Tisseur repart au combat en dissimulant ses doutes et ses peines derrière l'humour, voire l'insouciance de sa jeunesse, DD lutte sans plaisir mais avec acharnement, prêt à tout perdre si cela permet de gagner. Il a souvent gagné, mais beaucoup perdu.

La question que pose Brubaker dans ces deux arcs consécutifs que sont To the devil his due et Without fear, c'est : Daredevil peut-il se relever s'il risque de perdre ce qui forme sa devise, c'est-à-dire le fait qu'il n'a peur de rien ? Autrement dit, si l'homme sans peur connaît la peur, peut-il encore se battre et vaincre ?

Quoi de plus évident alors que de lui opposer un adversaire portant le nom de... Mister Fear - soit un ennemi dont l'arme est justement d'inoculer la peur. Affronter un parti comme celui-ci, c'est peut-être l'épreuve ultime, décisive, pour Daredevil. L'occasion de faire face à ce qu'il dit ignorer, dépasser même.

Dans Born again, Frank Miller faisait dire au Caïd, après qu'il eut brisé l'existence de Matt Murdock, que c'était une erreur de s'en prendre à lui ainsi car "un homme sans espoir est un homme sans peur".

Dans Sans peur, Ed Brubaker aborde le problème autrement : si Daredevil fait l'expérience de la peur - la peur de ne plus se maîtriser et la peur que ceux qu'il aime le plus souffrent par sa faute en étant visés par celui qu'il affronte - , peut-il surmonter cela, riposter et l'emporter malgré tout ? L'homme derrière le masque est-il assez ou plus fort que Daredevil ?

La "solution" que délivre le scénariste est terrible à plus d'un point : non seulement le héros va se trouver face à un ennemi qui n'a effectivement plus peur de rien, mais qui va le terrasser en le frappant de manière détournée, intime et durable (voire définitive). Sans déflorer l'issue du combat, c'est un échec cinglant qui attend notre justicier, qui, pardon pour le jeu de mots, n'a rien venir.

La grande qualité d'un auteur, et celle-ci rejaillit sur la BD qu'il écrit, est de savoir profiter de ce que l'artiste avec lequel il travaille peut apporter de plus à son script. En l'occurrence, Brubaker devait, en plus de mener cet arc à son terme, s'acquitter d'une tâche périlleuse sans qu'elle ait l'air d'un gadget commémoratif : faire du 100ème épisode du volume 2 du titre à la fois un évènement en soi et une étape mémorable de son histoire. Et il a profité de l'occasion pour se et nous faire plaisir tout en servant le récit.

Conviés pour l'occasion, quelques grands noms comme John Romita Sr, Alex Maleev, Lee Bermejo, Gene Colan ou encore Bill Sienkiewicz ont donc signé quelques pages de ce n° 100, plus long que d'habitude. Mais leur participation n'est pas qu'une fanfreluche tape-à-l'oeil : en effet, à ce moment-là, Daredevil, exposé au gaz anxiogène de Mr Fear, est pris d'hallucinations en relation avec son passé. Il revit alors des moments avec son père, la Veuve Noire, Elektra, Karen Page, à chaque fois illustrés par un des artistes précités : idée à la fois simple et ingénieuse qui nous donne des pages magnifiques.

Le reste du récit est dessiné par deux tandems : les "titulaires" Michael Lark et Stefano Gaudiano nous gratifient encore une fois de passages magnifiques, de véritables leçons de découpage et d'ambiance, qui se fondent admirablement avec ceux mis en images par la paire Paul Azaceta-Tom Palmer. C'est un exemple bluffant de collaboration entre deux équipes artistiques pour maintenir une unité esthétique à une série d'épisodes.

Enfin, un dernier point est à noter. D'habitude plutôt déconnectée du reste du Marvelverse, la série avec la présence de the Hood reprend contact avec la continuité récente puisque ce criminel est devenu une des Némésis des Nouveaux Vengeurs (auxquels DD refusa de s'intégrer) et rappelle quelle place il occupe dans la hiérarchie du banditisme que côtoie fréquemment le héros. Cela annonce-t-il une implication prochaine plus conséquente de Daredevil dans les évènements post-Secret Invasion ? Pas impossible - même si cela ne se traduira peut-être pas directement dans le titre régulier...

En tout cas, ce nouveau tome confirme tout le bien qu'on peut penser des arrivées de Brubaker et Lark sur la série : c'est noir, très noir, mais tellement bien fait. Comment peut-on faire la fine bouche devant ça ?

samedi 22 août 2009

Critique 98 : NEXUS 1, de Mike Baron et Steve Rude



Nexus est une série apparue au début des années 80 chez Capital Comics, créé par le scénariste Mike Baron et Steve Rude. Ouvertement conçu comme un hommage aux classiques de la SF d'Alex Raymond (Flash Gordon) ou Russ Manning (Magnus robot fighter), ce comic-book a aujourd'hui atteint la centaine de numéros - même si Rude est actuellement en dificulté financière, s'acharnant dans l'auto-édition.
*
Le concept est simple :

Nexus est un vengeur masqué galactique dont la mission consite à traquer des criminels de guerre ayant échappé à leur châtiment. Mais à force de sillonner l'univers et de délivrer des mondes de leurs tyrans, il a aussi été obligé d'héberger une foule de réfugiés sur la lune d'Ylum où se trouve sa base. Et cette population est évidemment devenue un endroit bouillonnant au niveau politique - au point même qu'elle accueille les Jeux Olympiques !

Après ses débuts chez Capital, la série est publiée par First Comics. Rude cède alors parfois la place à d'autres artistes de renom pour dessiner son héros : Keith Giffen, Mike Mignola, José-Luis Garcia Lopez, Paul Smith...
La débâcle de First Comics interrompt la diffusion de la série jusqu'à ce que Dark Horse l'édite - les deux histoires de ce volume sont issues de cette période, traduite chez Semic - mais les ventes ne suivent plus. Aujourd'hui, Steve Rude se consacre surtout à la réalisation de "commissions", dans lesquelles il rend hommage à ses propres personnages, mais aussi à d'autres icônes de chez Marvel ou DC, en imitant parfois (mais à la perfection) le style de ses maîtres (Jack Kirby, Alex Toth...).
*
- Le premier récit de cet ouvrage s'intitule sobrement Nexus, les Origines, et permet donc de se familiariser avec son héros. C'est aussi l'histoire la plus réussie des deux contenues dans ce livre.

Horatio Hellpop reçoit d'immenses pouvoirs - à la mesure d'une immense charge - d'une entité extra-terrestre appelée le Merk. En échange, sous le masque et le nom de Nexus, il devra pourchasser et éliminer des criminels disséminés dans la galaxie. Lorsque le Merk désigne une cible, Nexus est pris de violentes migraines et identifie sa proie grâce à des rêves.
Horatio est donc l'instrument du Merk, mais il remplit ses missions avec zèle. Mais pourquoi accepte-t-il si docilement ce travail de bourreau ?
La réponse se trouve dans son passé, ou plutôt dans celui de son père, Theodore, qui fut un général communiste administrant la planète Vradic. La menace d'une insurrection religieuse menée par son beau-frère l'obligea, suivant les ordres du régime Sov, à fuir ce monde avec sa femme, Marlis, enceinte, après en avoir causé la destruction totale.
Dévasté par cette décision (qui coûta la vie à plus de dix millions d'individus), le Général Hellpop s'engouffra avec sa femme à bord d'une capsule spatiale dans un trou noir. Mais cela allait les conduire tout près de Ylum, où Horiato naquit.
A mesure qu'Horatio grandit, l'influence du Merk grandit sur lui, au point qu'il s'inventa deux amis imaginaires, Alpha et Beta. Cependant, à la mort de sa mère, qui s'égara dans les tnnels de la planète, Horatio le leur reprocha et les tua, découvrant par là même ses pouvoirs. Peu après, Horatio commença à rêver des crimes de son père et, alors que celui-ci allait se suicider, le supprima à son tour.
Seul les deux années suivantes, Horatio finit par découvrir le costume et la fonction de Nexus qu'il allait incarner. Progressivement, Ylum devient le refuge des peuples oppressés qu'il a libérés. Tout va "bien" jusqu'à ce que débarque une séduisante journaliste, Sundra Peale, curieuse d'en savoir plus sur le justicier de l'espace...
- Dans le second récit, en deux parties, intitulé Le Chant du Bourreau, alors que les Jeux Olympiques se préparent sur Ylum, Nexus doit s'absenter pour capturer Michana, autrefois détentrice des mêmes pouvoirs que lui, et qui, avec son gang martien, a profané la tombe de ses parents ; puis démasque un haut gradé Sov ayant pris la place d'un candidat pour la compétition sportive.
*
Cette relecture, à la fois politisée et pleine d'entrain, de la SF d'antan possède un charme décalé à la mesure de son héros : on peut rapprocher cette entreprise de celle entamée par Alan Moore et Chris Sprouse avec Tom Strong (qui revisitait le mythe du "héros de la science" en rendant hommage à Doc Savage) ou même à Planetary de Warren Ellis et John Cassaday - même si les références y sont plus légères.
En vérité, Nexus est d'abord "dépaysant" car il évolue dans un registre différent de tout ce qu'on peut lire d'habitude en matière de super-héros : l'action se déroule dans l'espace, au milieu d'extra-terrestres divers et variés, avec un personnage central qui est moins un bon samaritain qu'un exécuteur et surtout une fonction (comme on le découvre avec Michana, il y a eu d'autres Nexus).
Pourtant, dans cette optique résolument "rétro", Baron et Rude ne font pas de leur série une oeuvre violente : Nexus agit rapidement, parfois spectaculairement, mais sans jamais faire verser le sang - ses pouvoirs surpuissants lui épargent ces effusions. Comme ses cibles sont toutes des méchants absolus, impardonnables, il est facile d'approuver ses sanctions.
La métaphore politique du récit ne s'encombre pas de trop de finesse : c'est une charge contre les dérives du régime soviétique, contre toutes les tyrannies, et aux exactions de ces régimes et de leurs dirigeants, la réponse est expéditive. La grossiéreté du trait donne une ambigüité au projet : Nexus n'est-il qu'un tueur froid ? Ou est-il taraudé par sa conscience parfois ? La question n'est pas résolue dans les épisodes de cet ouvrage : Horatio assure que son père s'est suicidé, dévoré par les remords, mais nous savons que ce n'est qu'à moitié vrai - le fils a tué le père avant que celui-ci ne mette fin à ses jours et cette exécution (quasi) originelle (quasi, seulement, puisqu'Horatio avait déjà supprimé Alpha et Beta) a déterminé toute la suite.
Le scénario vaut aussi pour son côté "soap" : les réfugiés qui entourent Nexus (et parfois sont devenus de véritables collaborateurs pour ses missions), l'arrivée de Sundra Peale (qui deviendra sa maîtresse), tout cela forme un arrière-plan consistant que Baron s'emploie à faire exister autant que son héros - ainsi quand Horatio part à la recherche de Michana et Hurtz, on continue de suivre ce qui se passe sur Ylum car c'est essentiel au dénouement de l'intrigue.
*
Graphiquement, Steve Rude est déjà un artiste accompli lorsqu'il signe ces épisodes : son trait est élégant, son art du découpage virtuose - ses planches égalent en richesse et en finesse celles d'un JH Williams III avec un emploi des vignettes, de leur disposition, extraordinaire.
L'encrage de Gary Martin et les couleurs de Noelle Giddings et Paul Mounts ajoutent encore à la classe de la production : il y a toujours quelque chose de jubilatoire à découvrir une équipe créative comme celle-ci, qui, tout en respectant les codes du genre, les enrichit avec tant de distinction, d'intelligence et d'efficacité.
C'est à la fois beau et excellent : un régal.
*
Le seul bémol de cette aventure reste qu'à ma connaissance la série n'a plus été traduite depuis, et que même en vo les recueils sont difficiles à trouver - et lorsqu'ils sont accessibles, ils sont coûteux. Dommage qu'un éditeur ne réussisse pas avec les auteurs à arranger une diffusion plus abordable de cette oeuvre atypique mais fabuleusement séduisante.

Critique 97 : SPIDER-MAN : LES INCONTOURNABLES - LE SECRET DE PETER PARKER, de J.Michael Straczynski et John Romita Jr


En 2007, Paninicomics avait distribué en kiosques 8 volumes, accompagnés à chaque fois d'un fascicule, encore une fois consacrés au Tisseur : on y trouvait à la fois des grands classiques de la série, avec des épisodes des années 60-70 et d'autres des années 2000 - comme ceux contenus dans ce Secret de Peter Parker. Il s'agit pour être précis des épisodes 30 à 35 du volume 2 d'Amazing Spider-Man, autrement dit le premier story-arc écrit par J. Michael Straczynski - dont le run allait s'achever sept ans plus tard. A cette époque, le titre bénéficiait d'un autre grand talent en la personne de John Romita Jr, peut-être le meilleur dessinateur de Spider-Man.
*
Dans ces chapitres, l'homme araignée allait connaître d'emblée de grands bouleversements puisqu'il rencontre le mystérieux Ezekiel : celui-ci sait tout de lui, de ses pouvoirs jusqu'à son identité civile, mais surtout il possède les mêmes capacités que lui et il le met en garde contre un nouveau et terrible danger.
En effet, un nommé Morlun traque tous les individus ayant des liens privilégiés avec les animaux et les insectes pour se nourrir de leur énergie vitale. Spider-Man découvre donc qu'il doit peut-être autant ses pouvoirs à l'araignée radioactive qui l'a piqué qu'à une force totemique !
Ezekiel propose d'abord à Peter Parker de se cacher de Morlun, le temps que celui-ci s'éloigne de New York, mais notre héros refuse, sachant que cela signifie que ce prédateur cherchera une autre proie, autre part.
Mais comment affronter - et vaincre un adversaire pour qui votre mort signifie sa survie et qui n'a jamais été défait ? Et, bien sûr, comment mener cette bataille tout en continuant à cacher sa double vie à sa tante et alors qu'on vient d'accepter un poste d'enseignant dans un collège des bas-quartiers ?
Ce n'est pas encore cette fois que Spider-Man va pouvoir se reposer...
*
Publiés de Juin à Novembre 2001, ces épisodes offrent un point de vue détonant sur le plus célèbre justicier masqué de Marvel : d'entrée de jeu, Straczynski imprime sa marque sur la série en y glissant des éléments aussi inattendus qu'originaux.
Le mysticisme s'invite dans la vie de Spider-Man et donne un relief inédit aux origines du héros sans les réécrire complètement - rétrospectivement, il est amusant de constater que le scénariste ait voulu rafraîchir le passé du Tisseur dès son arrivée et de voir qu'il a quitté le titre lorsque Joe Quesada a voulu revenir aux fondamentaux du héros (mais d'une manière bien moins inspirée... Et en effaçant du même coup bien des idées de JMS).
Toutefois est-il que relier les pouvoirs de Spider-Man à un totem, ce qui expliquerait aussi le bestiaire composant ses ennemis les plus emblématiques (le Rhinocéros, le Lézard, le Vautour, le Scorpion, la Chatte Noire...), éclaire d'un jour nouveau (si j'ose dire...) l'histoire du personnage.
C'est la grande force d'un auteur comme Straczynski : il sait aborder son sujet sous un angle sinon nouveau en tout cas passionnant, comme on l'a encore vu récemment lors du relaunch de Thor (où le scénario était bâtie sur l'idée que les Dieux n'existaient vraiment que par la foi des humains en eux).
Son autre atout réside dans la caractérisation des protagonistes : longtemps écrit (et à nouveau aujourd'hui) comme un post-ado mal dégrossi, Peter Parker est traîté ici comme un authentique jeune homme, qui doute de lui-même, de son rôle de justicier, qui revient sur son passé de collégien non pour reprendre ses études mais pour enseigner. Il se retrouve ainsi dans deux élèves aux destins distincts : l'un finira par ouvrir le feu dans l'établissement, évoquant par là de tragiques faits divers comm la fusillade de Columbine ; l'autre aidera Peter à le maîtriser en utilisant ses connaissances scientifiques alors qu'il était la tête-de-turc des petits caïds du bahut. Dans ces deux trajectoires, JMS trace une métaphore sobre car rapide, expresse mais simple, de l'existence de son héros.
Les seconds rôles sont encore rares, signe que l'auteur prenait ses marques : Tante May fait quelques rares apparitions, Mary-Jane Watson (alors mariée à Peter) est absente. Mais l'introduction de l'énigmatique Ezekiel est frustrante : le personnage, charismatique à souhait, aurait pu être employé pour épaissir la mythologie du Tisseur, mais, curieusement, JMS ne l'emploiera plus ensuite - et la refonte du titre après le dyptique One More Day-Brand New Day ne laisse pas espérer un retour. Dommage vraiment car on aurait aimé en savoir plus sur la famille des "Accomplis" suggérée dans ce récit...
Les dialogues, enfin, traduisent le savoir-faire de Straczynski : jamais ils ne cèdent au bavardage mais toujours ils éclairent ou soulignent la personnalité des protagonistes. C'est exemplaire.
*
Les dessins de John Romita Jr, encrés à merveille par Scott Hanna, sont d'une puissance et d'une vivacité extraordinaires : riche en action, cet arc permet à l'artiste de donner la pleine mesure de son énorme talent, utilisant avec force les splash et double-pages.
Le découpage dégage un mélange de fluidité et d'énergie et le rythme de lecture s'en ressent de manière optimale : on tourne les pages à toute vitesse tout en étant souvent ébloui par ce qu'elles donnent à voir et qui mérite qu'on s'y arrête pour en observer toous les détails.
Là aussi, c'est une vrai leçon.
*
Que du bonheur en somme : un pitch original et palpitant, un graphisme tourbillonnant... le résultat est emballant - si vous tombez dessus à votre tour, n'hésitez pas, surtout à ce prix-là !

Critique 96 : LEAVE IT TO CHANCE 1 - LA DANSE DE LA PLUIE, de James Robinson et Paul Smith

Leave it to Chance est une série écrite par James Robinson et illustrée par Paul Smith : c'est la deuxième collaboration du tandem créatif de JSA : The Golden Age. L'héroïne est Chance Falconer, une adolescente de 14 ans, fille d'un détective renommé du paranormal, Lucas Falconer, et qui a pour partenaire un dragon baptisé St. George.
La publication par Image Comics a été très irrégulière : les douze épisodes sont sortis entre 1996 et 1999, et un treizième volet a été édité en 2002.
*
Leave it to Chance a lieu dans un monde où des faits surnaturels sont convenus, et donc l'existence de monstres, de fantômes, de démons et de magiciens va de soi. L'action se déroule dans une ville fictive, Devil's Echo, à une époque indéterminée mais plutôt contemporaine avec des éléments rétros.
Les membres de la famille perpétuent un héritage, celui qui consiste à combattre des menaces surnaturelles et ce, dès l'âge de 14 ans. Mais le père de Chance refuse de l'entraîner pour qu'elle lui succède, prétextant que la tradition veut que la fonction se transmette de père en fils. Cette décision est, pour la jeune fille, motivée par une attitude paternaliste et mysogine, mais en vérité il est encore affecté par la mort de sa femme et sa défiguration à la suite d'un combat contre les forces du Mal. Il ne souhaite donc pas que Chance connaisse le même sort. Il préfère que la tradition saute une génération et que sa fille rencontre un homme, se marie et donne naissance à un fils qu'il pourra alors former le moment venu.
Mais Chance n'accepte pas ce programme et désobéit à son père pour mener de son côté une enquête sur la disparition d'un shaman indien, John Corbeau, et de sa fille, Mina. Pour l'assister dans ses investigations, en l'absence de Lucas Falconer, Chance libère le dragon St. George et bénéficie de la complicité tacite du majordome Hobbs. Elle recevra aussi le soutien du journaliste Will Bendix que lui a présenté l'agent de police Margo Vela.
L'intrigue se concentre donc sur les aventures de Chance Falconer et la découverte d'un complot politique sur fond d'occultisme dont l'instigateur est le frère d'un ennemi de Lucas Falconer. C'est donc à la fois le récit d'une émancipation (celle de Chance) et d'une vengeance (celle de Belloc).
*
Ce titre tranche singulièrement avec ce qu'on a l'habitude de lire sous la plume de son scénariste. James Robinson a la réputation d'être un auteur de récits sombres et ambitieux, comme en témoignent ses chefs-d'oeuvre JSA : The Golden Age et Starman. Mais Leave it to Chance est d'une toute autre inspiration : les seules ténèbres de cette série sont celles des scènes nocturnes et des motivations de ses méchants.
Son héroïne en particulier est une innocente jeune fille qui vit dans un monde féérique peuplé de dragons et d'elfes : elle a pour père le protecteur respecté d'une cité, Lucas Falconer, un homme charismatique mais hanté par une tragédie personnelle (il est veuf et la magie l'a transformé physiquement). C'est aussi un père attaché aux traditions familiales et qui refuse que son enfant souffre à cause de lui et de la pratique de la magie.
Le charme de l'histoire tient d'abord dans la résolution de Chance à assumer un rôle qu'on lui refuse : à sa manière, c'est une féministe qui désire prouver à son géniteur et au monde qu'elle est aussi capable qu'un garçon, et cela la rapproche des figures classiques des comics comme Lois Lane ou Wonder Woman. Avec un mélange de naïveté enfantine et de sensibilité matûre, elle entend écrire son histoire et donc défier l'autorité paternelle. Cette détermination sera payante puisqu'elle lui permettra de gagner la considération de son père - même si la perspective de la voir lui succèder le terrifie.
Mais si Chance est la vedette incontestable du livre, Robinson a pris soin de l'entourer de seconds rôles intéressants et divertissants. Son père est donc très protecteur mais il est surtout dévoué à sa mission et à sa ville. Le majordome Hobbs est un évident clin d'oeil à Alfred Pennyworth, le valet de Bruce Wayne/Batman, auquel il est clairement fait référence lors d'un dialogue entre lui et Chance.
La jeune fille se fait aussi des amis d'autres adultes au cours de son enquête, comme la "fliquette" Margo Vela, qui apparaît comme un modèle pour elle, peut-être comme une mère de substitution.
Cette galerie de personnages hauts en couleurs, parmi lesquels il y a aussi le candidat véreux à la mairie (Abbott) ou le revanchard Belloc, donne beaucoup de charme à l'ensemble, un aspect "old-fashioned" irrésistible, très frais et dynamique.
*
Ceux qui seront aussi déconcertés sont ceux qui attendent de retrouver chez Paul Smith un graphisme comparable à celui qu'il avait appliqué à sa précédente collaboration avec Robinson (JSA : The Golden Age).
Ici, le style de ce grand mais trop rare artiste est en effet encore plus épuré que lors de ses épisodes des X-Men dans les années 80, plus simple et plus "cartoony" aussi - mais cela correspond bien au ton du sujet. Néanmoins, il n'applique pas le même traitement à tous les personnages : par exemple, Chance est traitée d'une manière assez réaliste, mais Hobbs est dessiné avec un nez rond et une physionomie tout droits sortis des dessins animés humoristiques. Smith pousse cette stylisation jusqu'à réduire le dessin des yeux à de simples points, comme dans les classiques de l'école de la "ligne claire" (d'Hergé à Yves Chaland).
C'est toujours un bonheur de contempler ses planches d'un élégance formelle à nulle autre pareil, avec cet art du découpage si sobre, si fluide. Les couleurs pastellisées de Jeremy Cox soulignent chaque effet sans jamais surcharger le dessin : il faut apprécier cet apport si humble quand tant de coloristes vampirisent les planches et les encrages.
*
D'aucuns pourraient réduire cette série à un produit ciblée pour des jeunes filles fleur bleue, une BD un peu désuéte. Pourtant, sa lecture atteste qu'elle peut également toucher des fans plus âgés, féminins comme masculins. Donc, même si vous croyez que vous n'allez pas apprécier... Donnez sa chance à Chance : vous serez fort agréablement surpris !

Critique 95 : JLA - LEGENDES, de John Ostrander, Len Wein et John Byrne

JLA : Légendes (Legends, en vo) est une saga en 6 épisodes principaux, mais qui a aussi affecté, comme toujours dans ce genre de cas, plusieurs autres titres publiés par DC Comics en 1986-87. Ainsi, pour signifier leur lien, chaque volet de la saga et chaque épisode des tie-in portaient la mention "Legends". L'idée originale est de John Ostrander, adaptée en script par Len Wein, avec des dessins de John Byrne.
Pour bien comprendre les enjeux et donc l'importance de cette production, revenons sur l'histoire de sa publication. Les six épisodes de Légendes peuvent être lus comme une mini-série se suffisant à elle-même, mais en vérité, pour en apprécier toute l'ampleur, le récit comptait 22 chapitres incluant donc cette saga et plusieurs volets de séries parallèles comme Batman, Superman ou Secret Origins. Il s'agissait de relancer le DC Univers après le grand coup de balai passé durant le crossover précédent, la mythique maxi-série de Marv Wolfman, George Pérez et Jerry Ordway : Crisis on infinite earths. Les mondes parallèles et plusieurs personnages avaient disparu, d'autres avaient été re-positionnés selon cette nouvelle organisation, et d'autres encore allaient voir le jour à la faveur de ce nouveau statu quo : telle était l'ambition de Légendes, présenter le visage de la nouvelle JLA.
*
L'intrigue de Légendes évoque le passage de la Bible consacré à Job :

le dieu du mal, Darkseid, discute avec le mystérieux Phantom Stranger de la possibilité de retourner l'opinion des simples mortels contre leurs héros. Pour se faire, Darkseid envoie sur Terre son agent Glorious Godfrey, où il manipule les masses grâce à sa voix lui permettant d'envoûter quiconque l'écoute. Ainsi, rapidement, il convainc le peuple que les héros sont des dangers publics, désirant régir le monde, et qu'il est temps que cela cesse.
Pour s'assurer la victoire, Darkseid sème la panique sur Terre grâce au géant de feu Brimstone, qui défait rapidement la Justice League à Detroit, malgré l'intervention de Firestorm et de Cosmic Boy.
Au même moment, pour stopper le cyborg dément Macro-man, Captain Marvel est obligé de le tuer, ce qui sert les desseins de Darkseid et confirme les discours de Godfrey sur la dangerosité des héros.
Batman doit aussi subir des pertes lorsque Robin (Jason Todd) est pris au piège dans une émeute et sévèrement blessé.
Craignant que la situation n'empire, le Président Ronald Reagan (au pouvoir à l'époque de la publication) proclame la loi martiale et prohibe les activités des super-héros en Amérique. En contrepartie, le départment de la défense active, sous l'autorité d'Amanda Waller, le "Projet: Task Force X", autrement dit la Suicide Squad, un commando formé de criminels, pour détruire Brimstone.
Face à cela, le Dr Fate
se voit obligé d'agir pour empêcher Glorious Godfrey et ses partisans d'envahir Washington et prendre le pouvoir des Etats-Unis. Fate rassemble Superman (jusque-là aux ordres de la Présidence), Batman, Captain Marvel, le Green Lantern Guy Gardner, Black Canary, Changelin, Flash, et Blue Beetle pour affronter Glorious Godfrey et ses troupes. Ils sont rejoints par le Martian Manhunter et Wonder Woman et combattent les cheins de guerre de Darkseid ainsi que Godfrey.
Finalement, les humains sont libérés de l'emprise de Godfrey, grâce à la foi intacte dans leurs héros des enfants, insensibles à son pouvoir. Conséquence directe : the Martian Manhunter, Batman, Blue Beetle, Guy Gardner, Black Canary, Captain Marvel et Dr. Fate décident de rester unis pour former la nouvelle Justice League. Superman et Flash préférent rester des membres réservistes tout comme Wonder Woman alors que Changeling réintégre les Teen Titans.
*
(Presqu')un quart de siècle après sa parution, cette saga n'a pas aussi bien vieilli que l'épopée de Wolfman à laquelle elle succèdait. La première et plus évidente raison à cela est qu'elle est précisèment datée, comme en témoigne le rôle donné à Reagan, alors que si le Président des Etats-Unis avait été un personnage imaginaire, le problème ne se serait pas posé.
L'autre raison, c'est qu'il n'existe toujours pas une édition complète des 22 chapitres de l'histoire, comprenant tous les éléments suggérés par ce crossover, et donc le récit principal paraît incomplet, trop elliptique, avec des personnages qui apparaissent puis disparaissent subitement, d'autres qui surgissent très tard (pour s'éclipser brusquement, comme Wonder Woman), et un dénouement à la naïveté décevante par rapport au potentiel dramatique du sujet (la confiance des bambins ramène les adultes à la raison et permet aux héros de faire leur boulot et de regagner le crédit de la population).
Enfin, pompeux à souhait, le Phantom Stranger paraît savoir dès le départ l'issue du combat et observe Darkseid semant la zizanie en concluant presque : "je t'avais prévenu".
Bref, le bilan ne serait pas fameux s'il n'y avait pour mener la barque un équipage aussi brillant...
Le pitch d'Ostrander a les qualités de ses défauts : la simplicité de l'intrigue est divertissante et le développement que lui a donné Wein souligne cet aspect. C'est un comic-book bourré d'action, de scènes spectaculaires, de personnages iconiques, au symbolisme primitif, qui est devenu rafraîchissant aujourd'hui où la majorité des comics (chez Marvel surtout, mais DC n'est pas en reste) est d'une noirceur oppressante, gagnant en ambigüité ce qu'elle a peut-être perdu en spontanéité. Entretemps, il y a eu Watchmen, Dark Knight et bien d'autres BD qui ont profondèment et définitivement changé le média et notre regard sur lui.
Toutefois, le propos du livre est métaphorique et même s'il aurait pu être mieux exploité, il n'est pas sans intérêt. En choisissant de questionner la notion de foi - foi dans les héros, dans le Bien, dans l'imaginaire - , Ostrander s'attaque avec le personnage de Glorious Godfrey aux télévangélistes américains, qui constituent un vrai contre-pouvoir. Or, Godfrey est un adversaire singulier puisque la mission que lui assigne Darkseid est de renverser des idoles et d'inciter le peuple à prendre le pouvoir par la force.
Le récit balance donc entre l'espérance qu'incarnent les super-héros et le fanatisme dont Godfrey est le porte-voix : la vision que cela donne des Etats-Unis n'est pas si rassurante puisque le pays apparait comme celui d'individus incapables de se passer de champions, qu'ils soient d'authentiques défenseurs du Bien ou des pousse-au-crime manipulateurs.
En outre, avec Len Wein, la nouvelle JLA qui se met en place dans l'histoire compte des membres à la fois incontournables et inattendus : si la présence de bons samaritains comme Superman (par ailleurs décrit comme un fidèle soldat aux ordres du gouvernement), Batman ou le Martian Manhunter ne surprend pas, on trouve des personnnages bien plus savoureux à leurs côtés, comme Guy Gardner, le plus mal emboûché des Green Lantern, arrogant et peu soucieux de ce qu'on pense de lui ; Captain Marvel, qui est à la fois un être surpuissant avec l'esprit d'un enfant, le pendant en quelque sorte du "dark knight" ; Flash III, qui supporte mal de succèder au mythique Barry Allen et fait encore ses classes au sein des Teen Titans ; Dr Fate, qui va regrouper ces justiciers et revêt presque le rôle du chef.
C'est donc une équipe majoritairement composé d'hommes, de gros bras, même si ceux-ci sont parfois encore peu ou trop sûrs d'eux. Il est dommage que le personnage de Black Canary, en plus d'arriver tardivement, n'ait pas été plus creusé, et que Wonder Woman n'ait pu être mieux et plus exploitée. Mais cette formation de la JLA reste une des plus originales et le soin apporté à l'écriture de ses membres compense les faiblesses et ellipses de l'histoire.
*
Ce qui "sauve" Légendes, c'est son dessinateur : John Byrne. Après avoir connu la gloire chez Marvel, il venait juste de signer chez DC pour y recréer Superman (la série Man of Steel). Et pourtant, il est déjà comme chez lui et s'empare de la JLA comme s'il était né pour en illustrer les aventures.
On retrouve donc ce trait identifiable entre mille, à la fois élégant, fluide, et percutant. Il découpe les scènes d'action avec un brio que seuls les cadors affichent : il s'est fait la main sur les X-Men puis Alpha Flight et enfin sur les FF pour un run anthologique. Il n'a rien plus à rien prouver mais Byrne démontre son exceptionnel savoir-faire.
L'encrage de Karl Kesel se marie bien aux dessins, par contre les couleurs tramées de l'époque gâchent un peu la vue.
*
Ce livre fait office de document : éditorialement, il figure après un "event" mémorable, mais affectivement c'est une sorte de fêtiche qu'apprécieront de possèder les fans de Big John Byrne.

Critique 94 : HUMAN TARGET 2 - LA DERNIERE BOBINE, de Peter Milligan et Javier Pulido

Human Target est une série policière écrite par Peter Milligan, publié sous le label Vertigo de DC Comics. Il s'agit d'une re-création d'un personnage, la Cible Humaine (Human Target), conçu en 1972 par le scénariste Len Wein et le dessinateur Carmine Infantino.
*
En 1999, Peter Milligan et le dessinateur Edvin Biukovic le raniment pour une première mini-série en quatre épisodes. Puis avec Final Cut, un récit complet paru en 2003, Milligan collabore cette fois avec l'artiste espagnol Javier Pulido :

Chance, toujours profondèment marqué psychologiquement par sa précédente mission, est engagé par un riche producteur d'Hollywood dont le fils a été enlevé. Son enquête va le compromettre au point d'être suspecté du rapt et lorsqu'enfin, il découvre la vérité, il est sévèrement blessé dans un incendie.
A nouveau défiguré mais tombé amoureux de l'épouse de son client, Chance adopte l'identité de ce dernier sans que personne ne se doute de rien, laissant ses proches et les autorités qu'il a péri dans les flammes. Ainsi espère-t-il trouver ce qu'il n'a jamais eu : une vie paisible avec la femme qu'il aime mais ignore qu'il a pris la place de son vrai mari.
*
Il se dégage de ce polar une impression de vertige aussi saisissante que durable, d'autant plus que le scénario est admirablement ambigü, à l'image de son héros, et que le dénouement est dérangeant.
Je ne connaissais le travail de Milligan que de réputation mais à l'évidence, on se trouve en présence d'un excellent auteur, maîtrisant parfaitement son sujet, entraînant comme il le veut le lecteur là où il l'a décidé, sans jamais céder à la facilité.
L'identité et la filiation sont au coeur de l'histoire. Une histoire qui se distingue par sa densité, sa subtilité et son efficacité : tous les élements sont là pour en faire une réussite indiscutable - personnages riches, complexes ; intrigue à la fois limpide et piègeuse ; décor exploité de manière habile, référentielle sans ostentation. L'action se situe dans la capitale du cinéma, l'endroit idéal pour ce précipité de péripéties où l'illusion, les faux-semblants, la manipulation règnent. Personne n'échappe au regard perçant de l'auteur, ni le héros (qui finit par profiter de la mort de son client tout en renonçant à rester lui-même), ni son fidèle bras-droit (qui l'a trahi dans le passé), ni la victime supposée de cette aventure (qui se venge avant d'être doublé par son complice).
Le rythme du récit est ensorcelant : on ne s'y ennuie pas une seconde et on tourne les pages avec gourmandise. Pourtant le tempo n'est pas trépidant et la violence ne surgit que par éclairs - ce qui ne la rend que plus spectaculaire. Milligan manoeuvre avec dextérité pour assoupir le lecteur puis le faire sursauter au moment qu'il a choisi : on se laisse mener par le bout du nez sans jamais être en avance sur le héros, ainsi on découvre avec la même stupéfaction l'énormité du traquenard dans lequel il est tombé, avec la même incrédulité les fausses pistes qu'il a suivies, le même trouble qui l'étreint lorsqu'il est prêt à oublier qui il est en espérant gagner la paix intérieure.
Superbe écriture...
*
... Et graphisme magnifique ! Javier Pulido est l'autre révèlation de cet ouvrage : cet artiste, issu de la génération espagnole qui a percé dans les comics américains durant les années 90, a, il est vrai, tout me séduire.
Son trait élégant et racé, marqué par un encrage (qu'il effectue lui-même) au pinceau, est similaire à celui de son compatriote et ami Marcos Martin. Le graphisme épuré répond de manière originale et intelligente à la sinuosité du récit et restitue à merveille l'ambiance vénéneuse de l'intrigue.
Son style est à la fois lumineux et dépouillé, parfois proche de l'abastraction avec un emploi du découpage diabolique : l'émotion et l'expressivité sont soulignées avec une sobriété étudiée.
Apparemment peu productif, ce dessinateur mérite donc qu'on guette ses apparitions.
*
Pour se changer les idées et aller voir ailleurs que les super-héros, ce Human Target témoigne de la variété du média outre-Atlantique : c'est une pépite, brillamment rédigée et formidablement illustrée.

mardi 11 août 2009

Critique 93 : NEW AVENGERS 38 et 39 - THE BREAKUP et ECHO, de Brian Michael Bendis, Michael Gaydos et David Mack




The Breakup et Echo sont les 38 et 39èmes épisodes des Nouveaux Vengeurs et se situent après l'arc Trust et l'Annual 2 et juste avant les évènements de Secret Invasion. Publiés en Avril et Mai 2008 par Marvel Comics, ils sont respectivement illustrés par Michael Gaydos et David Mack mais toujours écrits par Brian Michael Bendis.
Il s'agit d'épisodes de "transition" avant la grande saga dévoilant la tentative des skrulls de contrôler la Terre.
*
- Dans The breakup, on assiste aux conséquences immédiates de la décision de Jessica Jones de quitter son mari, Luke Cage, et les Nouveaux Vengeurs pour signer le "registration act", en échange duquel elle profitera de la protection de Tony Stark pour elle et son bébé.
Cage se présente devant la Stark Tower pour parler à sa femme : aussitôt les Puissants Vengeurs s'apprêtent à l'arrêter mais Ms. Marvel laisse le couple s'expliquer. Durant cette conversation, Cage révèle qu'il pense que Stark est un skrull - la Veuve Noire se tourn alors vers Spider-Woman qui botte en touche en répondant qu'il s'agit d'affaires concernant prioritairement le S.H.I.E.L.D. (dont Iron Man est, souvenez-vous, devenu le directeur).
Iron Fist loge les Nouveaux Vengeurs dans un grand appartement appartenant à sa société, mais loué officiellement à un certain Samuel Sterns : ce sera leur nouveau repaire après avoir habité chez le Dr Strange.

- Dans Echo, Maya Lopez s'entretient avec Wolverine au sujet de leur précédente rencontre, alors que chacun croyait que l'autre était un skrull. Alors qu'elle fait une ronde de surveillance, Echo est attaqué par un des aliens métamorphes ayant pris l'apparence de Daredevil et qui veut la remplacer. Wolverine (qui a suivi la jeune femme) le fait fuir.
De retour à leur planque, Echo a une discussion avec Clint Barton (qui lui a succédé sous le masque de Ronin), qui lui assure qu'être Vengeur, c'est surtout savoir attendre la bonne opportunité pour faire la différence. Comme elle l'invite à la suivre sous la douche, il ne résiste pas à l'envie de l'embrasser. Et ils finissent ensuite la nuit ensemble.
*
Comme on le voit, ces deux nouveaux volets s'attachent surtout à deux personnages : d'un côté Luke Cage, désorienté par le choix de sa femme, ancré à ses convictions (Stark est l'ennemi, c'est un skrull), et de l'autre Maya Lopez, qui manque d'être piégée par un skrull et noue une relation intime avec celui qui a endossé sa précédente identité, Clint Barton/Ronin II.
Depuis la déflagration Civil War, Luke Cage est devenu le porte-voix de Bendis au sein des Nouveaux Vengeurs : le personnage a acquis une dimension inédite en poursuivant le combat de feu Captain America, en dirigeant l'équipe, mais aussi devenant un homme préoccupé, que seule sa conviction empêche d'être écrasé par la découverte de l'infiltration des skrulls et la responsabilité de manager un groupe de justiciers clandestins et sa vie de famille.
Avec le départ de sa femme et de leur enfant, ce surhomme indestructible est à nouveau fragilisé, vulnérable, même s'il refusera de se rendre pour rester aux côtés de son bébé et de celle qu'il aime.
Bendis propose un épisode sans action, uniquement bâti sur le dialogue (et ses limites), assez atypique, surtout après la furia à l'oeuvre lors du dénouement de The Trust. L'auteur confirme qu'il est très doué dans cet exercice mais aussi que le succès du titre lui permet ce type de pause.
Le cas d'Echo est moins passionnant : de tous les Nouveaux Vengeurs, c'est le personnage qui s'impose le moins - à tel point qu'on l'a découverte comme Ronin, rôle désormais tenu par Clint Barton. Comme pour installer, établir cette jeune héroïne dans sa nouvelle position, Bendis lui offre une romance avec, justement, l'ancien Hawkeye.
La manoeuvre est pour le moins maladroite et le résultat peu convaincant : Barton a retrouvé une de ses maîtresses (Wanda Maximoff/La sorcière rouge) au terme de Civil War mais a renoncé à le révèler et donc à la livrer à ceux (nombreux) qui la recherchent. Et le voilà qui tombe dans les bras d'une nouvelle amante ? On n'y croit tout simplement pas et, pire, l'image d'homme revenu d'entre les morts, hanté, du héros est gâché par ce choix scénaristique. Certes, Hawkeye a toujours été un séducteur, mais malheureux (il a perdu Mockingbird, la femme de sa vie, et a donc vécu une relation pour le moins tourmentée avec la fille de Magneto). Là, alors que rien (ou pas grand'chose) ne laisser présager un tel rapprochement, son flirt avec Echo est trop artificiel pour être crédible. Ce n'est pas ainsi que Maya Lopez gagnera ses galons...
*
Visuellement, ces deux épisodes ne sont pas non plus des références. Je ne suis pas un amateur de Michael Gaydos, dont le style, sans être déplaisant ou laid, n'a rien de fabuleux. Quant à David Mack, c'est un cover-artist singulier et intéressant, mais ses planches m'ont laissé assez froid.
J'ignore si des dessinateurs plus "percutants" auraient mieux convenu, mais graphiquement, ces deux chapitres n'ont rien de mémorable.
*
Tout est en place pour Secret Invasion : les skrulls ne vont plus tarder à coloniser et la Terre et une bonne partie de la production Marvel. Bendis avait, parait-il, tout prévu depuis le début : hé bien, nous y voilà !

Critique 92 : NEW AVENGERS 32 à 37 - THE TRUST + ANNUAL 2, de Brian Michael Bendis, Leinil Yu et Carlos Pagulayan















The Trust et l'Annual 2 composent le 8ème arc des Nouveaux Vengeurs, se déroulant de l'épisode 32 à 37 - l'Annual étant le suite directe du 37 - , publiés par Marvel Comics de Septembre 2007 à Février 2008. Comme pour le récit précédent, Brian Michael Bendis est accompagné par Leinil Yu, sauf pour l'Annual 2 où c'est Carlos Pagulayan qui signe les dessins.
*
La division de la communauté héroïque a permis au malfaisant The Hood de fédérer autour de lui plusieurs super-vilains. Son plan est simple : désormais que l'identité secrète de plusieurs justiciers est connue (après qu'ils se soient fait recenser), il conçoit de s'attaquer à eux ou leurs proches pour les fragiliser encore plus et donc les empêcher de contrarier ses ambitions. En guise d'exemple, il s'en prend à Tigra dont il menace la mère de mort pour l'obliger à coopérer avec lui.
Pendant ce temps, les Nouveaux Vengeurs quittent le Japon en emportant avec eux le corps du Skrull ayant pris la place d'Elektra. Spider-Woman suggère d'apporter le cadavre à Iron Man, mais Luke Cage s'y oppose, arguant que Tony Stark a tout pour être lui aussi un alien si l'on considère son comportement depuis ces derniers mois.
Le débat est interrompu lorsque le jet d'Iron Fist, qui transporte l'équipe, a une avarie eet doit se poser en catastrophe. Profitant de la confusion, Spider-Woman prend la fuite en enlevant le cadavre et l'amener à Tony Stark.
De retour chez le Dr Strange, Danny Rand lui confie ses problèmes pour employer ses pouvoirs depuis peu. Strange lui répond que, tout comme lui, il a obtenu ses capacités d'un héritage et que, peut-être, le temps est venu pour qu'apparaissent un nouveau Iron Fist et un nouveau Sorcier Suprême.
Après une journée de réflexion chacun de leur côté, les membres du groupe se rassemblent et demandent à Strange d'utiliser un sort pour vérifier qu'ils peuvent tous se faire confiance, qu'aucun Skrull ne se cache parmi eux. Ceci fait, l'équipe, avertie par Wolverine qui a surpris une conversation louche dans un bar, décide d'arrêter the Hood qui projette d'attaquer la Stark tower.
La bataille dégénère brusquement lorsque tous les Vengeurs sont attaqués à leur tour par des symbiotes - on découvrira dans la série des Puissants Vengeurs que le Dr Fatalis est derrière cette agression, sans rapport avec les plans de The Hood. Mais au terme de l'affrontement, les vilains battent en retraite et Ms Marvel choisit de laisser également filer les Nouveaux Vengeurs puisqu'ils se sont battus contre le même adversaire qu'eux.
Spider-Woman a entretemps été intégrée aux Puissants Vengeurs après une réunion et se retire dans les quartiers mis à sa disposition dans la Tour Stark. C'est alors que Wolverine se présente devant elle pour évoquer le cadavre du Skrull qu'elle a remis à Iron Man pour qu'il l'examine : selon elle, le problème d'une possible invasion extraterrestre est plus important que l'antagonisme existant actuellement entre Puissants et Nouveaux Vengeurs. Wolverine se retire et rejoint ses partenaires, apparemment convaincu par cette explication.
L'équipe repart à la recherche de The Hood et son gang, et les trouve finalement dans un entrepôt abandonné. Dr. Strange créé l'illusion d'un attaque massive de héros contre cette bande de malfrats pour semer le trouble dans leurs rangs.
The Hood affronte directement le Dr. Strange et lui révèle son double démoniaque puis en profite pour s'échapper. Les Nouveaux Vengeurs livrent les criminels à la police puis célèbrent leur victoire chez Strange. Mais celui-ci critique les méthodes du groupe.
Plus tard, the Hood s'infiltre au Raft et libèrent plusieurs de ses complices arrêtés par les Nouveaux Vengeurs avec le projet de prendre leur revanche sur eux.
Dans New Avengers Annual #2, on a droit comme pour le n°1 du genre à un épisode plus long, directement relié à une intrigue inachevée (hier, la vengeance de Yelena Belova, aujourd'hui, celle du gang de the Hood).

Faisant irruption chez Tigra, The Hood apprend que les Nouveaux Vengeurs se cachent chez le Dr Strange. Mais le sens d'araignée de Spider-Man prive les vilains d'une attaque-surprise chez le Sorcier, même s'ils sèment une belle panique dans la maison.
Souffrant d'effets secondaires suite à son combat contre le démon Zom lorsqu'il essaya de vaincre Hulk (durant les évènements du crossover World War Hulk), le Dr Strange devient une proie facile pour ses ennemis au coeur de la bataille et the Hood en profite pour le cribler de balles avant que Wong n'intervienne. Le malfrat est alors attaqué par Tigra qui aide les Nouveaux Vengeurs à affronter leurs assaillants.
Finalement, Strange invoque les forces noires pour se débarrasser des malfaiteurs. Mais cet effort le conduit, après la bataille, à confesser ce qu'il a dû faire à ses amis : il doit, en conséquence, les congédier et lui-même s'éclipse en se téléportant. Les Nouveaux Vengeurs font alors face à Ms. Marvel et les agents du SHIELD mais elle décide de les laisser tranquilles. Seul the Hood a réussi en s'en tirer, avec la conviction de savoir désormais comment vaincre les justiciers.
Plus tard, Jessica Jones arrive à la Stark Tower où elle demande en échange de son recensement une protection pour elle et son bébé.
*
"Qui trop embrasse mal étreint "? C'est la question qu'on peut se poser en arrivant au terme de cet arc très long, s'achevant par le second Annual de la série, donc quasiment un double épisode, ce qui porte presque à 7 le nombre de chapitres de cette histoire. Pour déterminer ce qui fonctionne ou pas là-dedans, autant procéder de manière scolaire avec les + et les -.
Ce qui fonctionne le moins bien se situe dans le passage où Nouveaux et Puissants Vengeurs doivent affronter les symbiotes : ce récit qui constitue en vérité la matière du second arc des Mighty Avengers (Venom Bomb) montre parfaitement ce qui empêche les deux titres, pourtant pilotés par le même auteur, de bien cohabiter. Ce qui ne lisent que New Avengers voient surgir cette menace de manière abrupte et se dénouer de façon maladroite : les Puissants Vengeurs s'invitent dans un titre qui n'est pas le leur au moment où l'intrigue est déjà traversée par beaucoup d'éléments importants - la découverte qu'Elektra, et certainement d'autres personnalités du Marvelverse, a été remplacée par un skrull, que ce skrull vient d'être enlevé par Spider-Woman, et qu'un ambitieux malfrat (the Hood) manoeuvre en coulisses pour devenir le nouveau maître du crime organisé.
Comble du ridicule : au terme de cette bataille contre les symbiotes, bien forcés d'admettre que les Nouveaux Vengeurs les ont aidés à triompher, les Puissants Vengeurs, qui doivent aussi arrêter les contrevenants à la loi sur le recensement, laissent filer leurs alliés hors-la-loi... Alors que les deux équipes savent pertinemment que ce n'est qu partie remise ! La ficelle est vraiment grosse...
Mais elle l'était déjà quand, pour permettre à Spider-Woman - qui est, en vérité, rappelons-le, la reine skrull Veranke - de livrer le cadavre du skrull-Elektra à Tony Stark, Bendis ne trouve pas de meilleure idée que de provoquer un subit crash aérien des Nouveaux Vengeurs ! Danny Rand, tout milliardaire qu'il est, dispose apparemment de moyens de transport peu fiables...
Bref, Bendis nous prend un peu pour des imbéciles et a bien du mal à faire exister deux séries avec des équipes de héros, dans un concept bien précis, de manière pertinente. On touche certainement là aux limites à la fois de la capacité d'écriture d'un auteur certes prolifique mais incapable d'être bon partout (qui le pourrait ?) et d'autre part aux contraintes narratives qu'impose le fameux "univers partagé" où les actions des uns influent directement sur celles des autres. Plus spécifiquement, cela indique sans doute que trop de Vengeurs tue la franchise si chaque groupe portant ce nom n'opère pas dans un cadre mieux défini (les Puissants Vengeurs : super-flics post-Civil War ou justiciers officiels ?).
En revanche, le reste est d'un bien meilleur cru : toute la partie introduisant the Hood, exposant ses plans, ses méthodes, ses confrontations avec les Nouveaux Vengeurs, constitue un ensemble qui, s'il n'avait été parasité par les éléments précités, aurait été quasiment parfait. C'est en tout cas un méchant original, vraiment menaçant, déterminé, et qui présente la particularité double d'être un "négatif" à la fois de Spider-Man (chez lui, de grands pouvoirs permettent surtout les pires exactions, pour parodier la célèbre formule du Tisseur) et du Dr Strange (ses pouvoirs provenant de la magie).
Les motifs du double, de l'héritage, de la passation de pouvoir traversent cet arc : the Hood est donc un double maléfique de deux héros, Spider-Woman trahit les siens, Iron Fist et Strange s'interrogent sur le temps qu'il leur reste à occuper leur rôle, le gang des super-vilains qu'on voit se composer aspire à prendre le contrôle des affaires een profitant des conflits entre les justiciers depuis la guerre civile. Sur ces points-là, Bendis dispose des éléments passionnants et les développe en respectant les clichés du genre - la situation culminant dans un affrontement dévastateur, qui remet profondèment en cause la position des Nouveaux Vengeurs avec le retrait de Strange et la reddition de Jessica Jones.
*
Gaphiquement, le résultat est contrasté : Leinil Yu, qui a tenu plus longtemps que tous ses prédécesseurs sur le titre, semble s'essoufler un peu. On ne peut pas vraiment le lui reprocher car il a tenu le rythme (chose rare aujourd'hui) mais aussi parce qu'il a dû mettre en images des séquences épiques, avec une foule incroyable de personnages. Mais il n'empêche que ses découpages sont moins fluides et ses finitions moins abouties : sans doute a-t-il plus de liberté en s'encrant lui-même, son trait est-il plus personnel, mais on verra en lisant Secret Invasion qu'un collaborateur comme Mark Moralès contribuera pour beaucoup à rendre son dessin plus lisible.
Pour l'Annual, Carlos Pagulayan prend le relais avec brio et aisance : il met en scène des séquences de combats spectaculaires tout en soignant la représentation des personnages, des décors, de l'ambiance. J'aurai aimé qu'il enchaîne sur un arc entier pour voir ce qu'il avait vraiment sous le crayon. Sans avoir la même virtuosité que Coipel (qui avait dessiné le premier Annual), il lui succède avec talent et mérite dans cet exercice.
*
Secret Invasion est maintenant sur le point de démarrer : avant cela, Bendis va rédiger deux épisodes supplémentaires, en forme de prologue, puis fera correspondre la série des Nouveaux Vengeurs au rythme des péripéties du crossover dans un arc aussi long que déroutant dans sa structure.

Critique 91 : NEW AVENGERS 27 à 31 - REVOLUTION, de Brian Michael Bendis et Leinil Yu












The Revolution est le 7ème arc des Nouveaux Vengeurs, couvrant les épisodes 27 à 31, publiés par Marvel Comics d'Avril à Août 2007. Brian Michael Bendis y collabore avec le dessinateur Leinil Francis Yu, qui va s'installer douze épisodes durant (record à battre) sur le série.
Chronologiquement, cette histoire se situe après les évènements relatés dans le crossover Civil War, qui a vu l'équipe se déchirer et va provoquer sa reconfiguration, ses membres choisissant de ne pas se faire recenser et agissant donc désormais dans la clandestinité, avec à la clé l'arrivée de nouveaux membres.
*
Maya Lopez, sous le costume et le psuedonyme de Ronin, est tuée puis ramenée à la vie par Elektra et les prêtres magiciens de l'organisation criminelle basée au Japon, la Main, qu'elle dirige. L'objectif de l'ancienne maîtresse de Daredevil est d'assujetir Maya.
Cependant, Jessica Drew révèle aux Nouveaux Vengeurs que Captain America (assassiné par des adversaires sans rapport avec la "guerre civile") ne serait pas mort - ce que confirme le Dr. Strange (chez qui les héros rebelles sont désormais logés) après une rapide enquête sous sa forme astrale. L'équipe est divisée sur cette révèlation, certains croyant à un piège monté par Iron Man. Mais finalement elle décide de vérifier les geôles du SHIELD, refusant l'idée de laisser Captain America derrière les barreaux s'il est effectivement en vie.
Malheuureusement, il s'agit en effet d'un traquenard organisé par les Puissants Vengeurs, la nouvelle formation dirigée par Tony Stark. Les Nouveaux Vengeurs réussissent à s'échapper mais leurs adversaires se rendent ensuite chez le Dr Strange où ils ne trouvent qu'une demeure désertée et laissée à l'abandon (en apparence seulement, grâce à un sortilège du Sorcier Suprême).
Le lendemain, Iron Man et ses acolytes vont interroger Danny Rand
à son bureau au sujet de ses relations présumés avec les héros non-enregistrés, mais Jeryn Hogarth, l'avocat du justicier milliardaire, les éconduit puisqu'ils n'ont aucune preuve compromettant son client.
Après cela, Dakota North, du cabinet juridique Nelson & Murdock, apporte aux Nouveaux Vengeurs un paquet de la part de Matt Murdock : il contient le costume de Ronin et une lettre de Maya Lopez/Echo où elle demande à Daredevil de venir l'aider ou, si elle est morte, de la venger. Les héros acceptent de suppléer l'homme sans peur et de partir au secours d'Echo.
Cependant, convaincu que le Dr Strange se cache et cache les Nouveaux Vengeurs, la bande d'Iron Man obtient l'aide de Brother Voodoo pour sonder la maison de Strange - mais la magie de ce dernier est trop forte pour être dévoilée et les Puissants Vengeurs repartent bredouilles.
Sur ces entrefaîtes resurgit Clint Barton, vite soupçonné d'être un espion à la solde de Stark. Afin d'apaiser tout le monde, le Dr Strange invoque le sort de Tartashi pour éprouver la pureté des intentions de chacun (ce test échouera pourtant à révèler que Spider-Woman est en réalité la reine skrull Veranke). Clint accepte ensuite d'intégrer l'équipe comme nouveau Ronin et part avec les autres pour le Japon.
Les Nouveaux Vengeurs arrachent Maya Lopez d'Elektra et son organisation et le Dr Strange téléporte toute l'équipe chez le Samouraï d'argent
. Spider-Man alerte ses amis qu'Elektra et plusieurs centaines de Ninjas approchent alors : l'affrontement éclate mais Luke Cage convainc leurs adversaires de suspendre le combat pour négocier une trêve, lorsqu' Echo revient à elle et, encore sous l'emprise magique de la Main, pourfend Strange avec un sabre.
Le Sorcier, entre la vie et la mort, contacte télépathiquement son fidèle serviteur Wong pour qu'il l'aide à se rétablir et, ceci fait, il désenvoûte Echo qui se retourne contre Elektra et la tue. Leur maîtresse vaincue, les Ninjas battent en retraite.
C'est alors que le cadavre d'Elektra se transforme en une dépouille Skrull !
*
Ce nouvel acte relance de manière spectaculaire la série à coups de rebondissements multiples et variés tout en annonçant "officiellement" le futur crossover Secret Invasion. Pour la première fois, des héros découvrent effectivement que les aliens métamorphes ont pris la place d'une figure importante - Elektra en l'occurrence. Après la "guerre civile" et se déchirures dramatiques, le Marvelverse va entrer dans une longue période de paranoia. La question n'est plus : quel camp choisir (être un hors-la-loi ou se faire recenser) ? Mais à qui faire confiance ?
Revolution : le titre est judicieux et résumee parfaitement la situation au début mais aussi à la fin de l'histoire contée dans ces cinq épisodes. Captain America mort, c'est Luke Cage, fidèle à l'idéal défendu par le héros décédé et ses propres convictions, qui prend les commandes des Nouveaux Vengeurs : l'ancien taulard qui avait servi de cobaye au projet "super-soldat" a bien changé pour devenir une sorte de sage, leader improvisé mais déterminé. Son vieil ami Iron Fist l'a rejoint et le Dr Strange, qui s'était tenu à l'écart des conflits durant Civil War bien qu'ayant désapprouvé depuis le début la loi sur le recensement (quand Iron Man la présenta aux Illuminati), abrite désormais les Nouveaux Vengeurs.
Parallèlement sont nés les Puissants Vengeurs, créés par Iron Man, représentant le nouvel ordre. Tony Stark s'y révèle de plus en plus antipathique, usant de méthodes douteuses pour pièger ses anciens alliés, prêt à tout pour appliquer la loi. D'une certaine manière, Civil War a rendu caduque le schisme classique entre bons et méchants : aujourd'hui, les héros traquent les héros. La situation est dramatique, d'une rare noirceur, tout à fait surprenante, et cet arc le montre bien.
Enfin, Bendis dévoile ce qu'il a (semble-t-il) préparé de longue date : en tuant Elektra, nous est révèlée la présence des Skrulls sur Terre, inflitrés apparemment dans des cercles sociaux importants - en premier lieu le milieu du crime organisé. Depuis quand l'invasion a commencé ? A quel point en est-elle ? Qui est qui ? Les cartes sont brouillés et cette découverte finale est en soi une autre révèlation : le doute va désormais ronger tout le monde et pervertir encore davantage les relations entre les héros.
Le scénariste complique encore l'affaire en recourant à une narration sophistiquée, avec des flashbacks, des allers-retours spatiaux entre l'Amérique et le Japon, jonglant à la fois avec les confrontations entre Nouveaux et Puissants Vengeurs, Nouveaux Vengeurs et la Main, Nouveaux Vengeurs et le Silver Samouraï. Pourtant, tout reste parfaitement lisible et donne même du rythme au récit, chaque épisode se terminant sur un cliffhanger vraiment palpitant (quand ce n'est pas chaque séquence d'un même épisode qui réserve une surprise) : Bendis a bien des défauts (comme une propension à écrire des dialogues de plus en plus abondants) mais il fait preuve d'une belle maîtrise pour (dé)construire son récit.
*
Graphiquement, la série connaît aussi une révolution avec sa prise en main par Leinil Yu. Son style n'a rien d'évident : le trait est nerveux, hâchuré, parfois sombre et torturé, le découpage est heurté, jouant sur toute la largeur des double-pages. C'est un vrai choc esthétique et le choix d'un tel artiste pour un titre devenu un best-seller peut surprendre, mais je trouve pour ma part que c'est courageux.
Yu a revitalisé le titre avec une imagerie plus radicale, après un défilé d'artistes inégaux, diversement inspirés. La durée de son passage du la série a aussi permis de lui donner une cohérence visuelle inédite. A l'évidence, le dessinateur et Bendis se sont trouvés et leur production en a profité : avec un nouveau casting et une nouvelle orientation issus de Civil War, cela a dépoussiéré New Avengers.
*
La suite allait s'intutiler d'une manière évidente : Trust. Plus généralement, cela résonnait comme le générique du Marvelverse jusqu'à Secret Invasion : les Nouveaux Vengeurs étaient bel et bien devenus le poisson-pilote de la firme et des évènements qui l'agitaient.

Critique 90 : NEW AVENGERS 21 à 26 - DISASSEMBLED, de Brian Michael Bendis











Civil War: New Avengers: Disassembled est le 6ème arc de la série, qui couvre les épisodes 21 à 25, publiés d'Août 2006 à Janvier 2007 par Marvel Comics. Il s'agit en fait d'une collection de one-shots, de chapitres indépendants se déroulant au même moment que le crossover Civil War, écrit par Mark Millar et dessiné par Steve McNiven.
Pour l'occasion, Brian Michael Bendis se penche sur la situation de divers Vengeurs lorsqu'ils choisissent dans quel camp ils vont se ranger : la résistance et le maquis, comme ceux qui s'opposent à la loi sur le recensement des méta-humains, ou l'adhésion aux forces officielles du SHIELD, comme ceux qui se soumettent désormais aux autorités gouvernementales.
*
Après la tragédie de Stamford, au cours de laquelle l'équipe des New Warriors a tenté d'appréhender des malfrats et provoqué la destruction d'un quartier entier (et donc la mort de plusieurs centaines de civils innocents), le Congrès vote donc le "Superhuman Registration Act" qui impose à tous les surhommes, héros comme malfrats, de s'enregistrer auprès du gouvernement fédéral. Plusieurs superhéros se plient à cette loi, mais d'autres, à la tête desquels se trouve Captain America, y sont farouchement opposés, considérant qu'elle viole les libertés civiles. C'est donc une scission nette qui déchire la communauté métahumaine, et en premier lieu les Nouveaux Vengeurs.
Après qu'un escadron du S.H.I.E.L.D.
ait tenté d'arrêter Luke Cage, ce dernier rejoint Captain America.
Par contre, Sentry choisit de suivre Iron Man, après s'être isolé sur la Lune pour réfléchir, estimant qu'il pourrait, grâce à sa puissance, faire basculer le conflit.
Iron Man, justement, qui n'a jamais eu confiance en Spider-Woman et sa triple vie (comme Vengeur, membre du SHIELD et agent de l'HYDRA), n'hésite pas à la trahir et la livre à Maria Hill. Avec l'aide des terroristes, elle s'enfuit. Mais Jessica Drew refuse également de rester au sein de l'HYDRA et se réfugie auprès de Cap, Luke et leurs camarades.
Spider-Man s'éloigne aussi d'Iron Man après la mort de Black Goliath
, causée par le clone de Thor qu'il a mis au point. Tony Stark échappera de justesse à une tentative d'assassinat à la même période.
*
Ces cinq épisodes marquent en vérité le terme d'un premier volume dans l'existence de la série : les Nouveaux Vengeurs ont vécu, désormais l'équipe sera divisée en deux formations. D'un côté, il y aura les Vengeurs Secrets, même après la mort de Captain America (qui surviendra, dans sa propre série, juste après Civil War), des justiciers agissant dans l'illégalité, refusant d'être des agents fédéraux. De l'autre, il y aura les Puissants Vengeurs, les héros officiels, au service du gouvernement, occupés aussi bien à traquer les contrevenants à la loi de recensement qu'à combattre le crime organisé.
En fait, la démarche est aussi motivée par une opportunité commerciale : revitalisé par les succés de la série Ultimates (de Mark Millar et Bryan Hitch) et celui, justement des New Avengers, la franchise "Vengeurs" est devenue plus populaire et vendeuse que les X-Men. L'occasion est trop belle pour Marvel : deux titres peuvent êetre commercialisés, les personnages ne manquant pas et la situation permettant de développer des intrigues distinctes, tout en étant rédigés par le même auteur.
Malheureusement, ce qui aurait pu être une entreprise aussi ambitieuse que réussie n'aboutira pas à un succès artistique : Mighty Avengers seront une déception terrible, Bendis l'écrivant comme une pitoyable parodie, avec en outre des artistes inégalement inspirés ou franchement mauvais. Ce n'était pas la première tentative pour animer deux équipes de Vengeurs puisque, dans les années 80, il y eut les Vengeurs "classiques" et les Vengeurs de la Côte Ouest (sur lesquels John Byrne accomplit un run mémorable... Et précurseur, tant Bendis y puisa des idées). Mais des complications entre auteurs et éditeurs à l'époque mirent fin à l'expérience.
En ce qui concerne ce story-arc, par sa nature même, le bon (voire le très bon) y côtoie le mauvais (voire le très mauvais).
Ainsi, l'épisode consacré à Captain America est incontestablement le pire de toute la série (encore aujourd'hui), avec des dessins particulièrement épouvantables signés Howard Chaykin. Ceux qui s'intéressent à Iron Man et Sentry ne sont pas beaucoup mieux écrits, mais ils bénéficient au moins de belles images (respectivement dûes à Jim Cheung et Pasqual Ferry).
En revanche, les volets représentant Luke Cage et Spider-Woman sont d'un tout autre calibre et ils sont illustrés par deux très bons dessinateurs (Leinil Yu, qui va s'imposer sur le titre, et Olivier Coipel, de retour après l'Annual 1) : l'ancien Power Man prend une dimension passionnante, très politisée, où sa condition d'afro-américain comme de super-héros en fait une sorte de sage, défendant jusqu'au bout sa conception des choses ; quant à Jessica Drew, désorientée, elle affiche une fragilité mêlée de détermination qui prendront un relief troublant durant Secret Invasion.
En résumé, voilà un passage un peu curieux dans l'histoire de la série, mais qui va durablement la reconfigurer.
*
The ballad of Hawkeye and Scarlet Witch est le 26ème épisode de la série, publié en Janvier 2007 par Marvel Comics , mais s'il s'inscrit dans la continuité de Civil War, c'est un chapitre à part à plus d'un titre.
D'abord, on y assiste au retour effectif d'un personnage présumé mort depuis Avengers disassembled et House of M - Clint Barton alias Hawkeye - et à la réapparition de Wanda Maximoff, dont on était sans nouvelles depuis le fin d'HoM.
Ensuite, Civil War n'y est pas évoqué, ou à peine : il ne s'agit donc pas d'un épisode où un héros choisit son camp, mais de la quête personnelle d'un revenant.
Enfin, c'est sans doute le plus beau numéro de la série, esthétiquement parlant, car bénéficiant d'un traitement graphique exceptionnel.

Après le dénouement d'House of M, Hawkeye se réveille dans le parc du manoir abandonné des Vengeurs, revenu d'entre les morts on ne sait comment. En découvrant les ruines de l'ancienne demeure de ses camarades, Clint Barton se rend chez le Dr Strange pour qu'il l'aide à comprendre les raisons dee sa résurrection. Il en profite pour l'interroger sur la situation du monde depuis House of M, et en particulier sur ce qui est arrivé à la Sorcière Rouge.
Apprenant qu'elle a disparu, il décide de partir à sa recherche pour savoir pourquoi elle l'a tué puis rendu au monde des vivants.
Direction : les Monts Wundagore. Hawkeye rencontre une jeune femme, parfait sosie de Wanda Maximoff. Cette apparition le bouleverse tellement qu'il perd connaissance. A son réveil, il est chez elle et elle lui avoue être effectivement Wanda.
En l'interrogeant, il apparaît que la mutante a effacé tout souvenir de son ancienne vie pour acquérir la paix intérieure qui l'a toujours fuie. Dérouté, désarmé, Clint ne résiste pas à l'attirance intacte qu'il éprouve pour la jeune femme et ils font l'amour.
Le lendemain matin, Hawkeye se réveille, désorienté, aux côtés de son amante encore endormie. Il se rappelle qu'elle avait mentionné la présence de sa "tante Agatha" dans une pièce voisine et décide de la chercher. Alors qu'il touche la poignée de la porte, il se fige puis remarque une brûlure sur ses doigts, exactement là où il avait touché le pommeau.

Parlons peu, parlons bien : cet épisode est fantastique, mais c'est également un chapitre atypique, inclassable, mystérieux et envoûtant. Une vraie pépite où il faut accepter de ne pas tout comprendre pour l'apprécier pleinement, à sa juste valeur. Ces 23 planches sont peut-être le meilleures de toute la série, de Brian Bendis et Alex Maleev - le duo magique qui réinventa Daredevil durant un run d'ores et déjà classique.
Dôté de dialogues d'orfèvre, d'une sobriété exemplaire, le scénario fonctionne de manière optimale grâce aux dessins hors du commun dont il bénéficie.
Dessiné de manière minimaliste mais avec une justesse ahurissante dans les expressions, les poses, le découpage, puis peint par Alex Maleev, les pages possèdent une beauté littéralement à couper le souffle - jusqu'à une splash-page éblouissante, lorsque Clint et Wanda s'embrassent, composée à la manière de Gustav Klimt !
Chaque vignette pourrait être isolée et encadrée : ce sont de vrais tableaux de maître, réalisés par un artiste au sommet de son art. Rarement comic-book aura provoqué un tel sentiment de sidération visuelle !

Tout simplement indispensable : une parenthèse enchanteresse.

Critique 89 : NEW AVENGERS 16 à 20 - THE COLLECTIVE, de Brian Michael Bendis et Mike Deodato









The Collective est le 5ème arc des Nouveaux Vengeurs, se déroulant des épisodes 16 à 20, publiés par Marvel Comics d'Avril à Août 2006. Toujours auteur du scénario, Brian Michael Bendis a cette fois pour illustrateur le brésilien Mike Deodato.
*
En Alaska, Michael Pointer est frappé par le Collectif, une somme importante d'énergie provenant en fait des pouvoirs perdus par les mutants au terme de House of M. Possédé par cette puissance, il tue l'équipe de super-héros canadiens, la Division Alpha, qu'il rencontre en se dirigeant vers les Etats-Unis.
Quand les Nouveaux Vengeurs arrivent pour l'arrêter (les X-Men étant indisponibles et les 4 Fantastiques en déplacement dans une autre dimension), Spider-Man et la Vision - qui sont à bord d'un héliporteur du S.H.I.E.L.D pour analyser scientifiquement la menace - découvrent que le Collectif possède la signature énergétique de tous les mutants "désactivés".
Les télépathes du S.H.I.E.L.D. en profitent pour lire l'esprit de Spider-Man et découvrent ainsi ce qui s'est passé durant la crise de House of M. Mais les Vengeurs récupèrent le Tisseur après une dispute avec la directrice Maria Hill sur ses méthodes.
Cependant, le Collectif s'est posé sur l'île de Genosha, refuge dévasté des mutants (dôtés ou non de leurs pouvoirs), parmi lesquels Magneto. Les Nouveaux Vengeurs - sans Ronin, mais avec Ms Marvel, la Vision et un commando du SHIELD - se rendent sur place et doivent faire face à Magneto à qui le Collectif a rendu ses capacités surhumaines.
C'est également ainsi qu'on apprend que le maître du magnétisme était en fait possédé par Xorn, qui voulait à tout prix libérer les mutants de leur condition. A la fin d'un affrontement épique où les héros sont dominés, le corps de Magneto disparaît quand l'hélicoptère à bord duquel il était transporté explose subitement. Quant à Michael, il est pris en charge par le S.H.I.E.L.D., bien qu'Iron Man suggère qu'il a le potentiel pour devenir un grand héros (de fait, il deviendra le leader de l'Omega Flight, appelée à remplacer l'Alpha Flight).
*
Cette nouvelle aventure des New Avengers laisse une impression mitigée, celle d'un récit qui aurait, somme toute, être beaucoup mieux, plus percutant. En définitive, il semble n'être qu'une transition entre les évènements (et leurs conséquences) de House of M et ceux (à venir tout de suite après) de Civil War.
Bendis a voulu, à l'évidence boucler le dossier HoM en expliquant ce qu'était devenu l'énergie de tous les mutants dont la Sorcière Rouge avait ôté les pouvoirs dans le 7èmé épisode du crossover : la réponse nous est donc donnée ici et aboutit à la création d'un nouveau personnage, surpuissant mais responsable d'un carnage. Ceux qui, comme moi, ont assisté à la naissance de l'Alpha Flight par John Byrne dans les pages des X-men puis dans celles de leur propre série dans les années 70-80 pourront avoir du mal à pardonner le scénariste d'avoir exterminé ces super-héros canadiens, même s'ils n'étaient plus guère utilisés par Marvel... Michael Pointer réapparaîtra ensuite dans une calamiteuse mini-série, par Michael Avon Oeming et Scott Kolins (Omega Flight), mais sinon il semble condamné à l'oubli (un sort commun à beaucoup de personnages du genre par un éditeur qui ne sait pas comment les animer).
Autre élément frappant : les Nouveaux Vengeurs continuent d'aligner les échecs dans leurs missions et n'affichent toujours pas une composition satable. Ronin n'est pas de la partie, par contre Ms Marvel - qui avait pourtant refusé d'intégrer l'équipe - et la Vision des Jeunes Vengeurs assistent les héros...
Plus épineux : le SHIELD sait désormais, après avoir sondé l'esprit de Spider-Man, que les Nouveaux Vengeurs leur a caché ce qui s'était produit durant House of M et le fait même que la Sorcière Rouge ait altéré la réalité. Cette "omission" pésera lourd avant la tragédie de Stamford à l'origine de Civil War, surtout lorsqu'on sait, en ayant lu New Avengers : Illuminati, que Iron Man encourage la promulgation d'une loi sur le recensement des surhommes afin de les encadrer.
C'est comme si Bendis s'évertuait d'arc en arc à souligner la dysfonctionnalité de l'équipe qu'il a mise sur pied et annonçait son inévitable rupture en leur faisant rater toutes leurs missions, en pointant toutes les différences qui caractèrisent ses membres (divergences philosophiques entre Cap' et Wolverine, influence d'Iron Man sur Spider-Man - à qui il donne un nouveau costume - , duplicité avouée de Spider-Woman...). Les Vengeurs ont été "désassemblés" après les manipulations de la Sorcière Rouge, mais les Nouveaux Vengeurs s'autodétruisent sous nos yeux en ne réussissant pas à opérer correctement ensemble, à former un collectif stable, à agir maladroitement...
A bien l'observer donc, la série se déroule sur un mode en contradiction avec les standards du genre : l'équipe qu'elle met en scène ne marche pas et n'a certainement aucune chance de jamais fonctionner ! Plutôt inattendu, et même osé...
*
Graphiquement, le résultat est également assez inégal : l'excellent Mike Deodato accomplit un bon travail, mais l'encrage de Joe Pimentel ne valorise pas son travail. Parfois, cela donne des planches saisissantes où la "patte" de l'artiste transparaît complètement ; parfois, l'énergie et le sens du contraste si puissants du brésilien sont comme étouffés par la mise en couleurs de Dave Stewart et Richard Isanove.
C'est un peu dommage car Deodato aurait pu marquer durablement le titre de son empreinte...
*
Sans que cela soit frappant, The Collective marque un tournant dans l'histoire des New Avengers : en effet, cette histoire précéde le crossover Civil War et donc la dissolution du groupe tel qu'on le connaît depuis 20 épisodes. Après ça, rien ne sera plus pareil et, d'une certaine manière, une nouvelle ère s'ouvre : celles des "Secret Avengers", justiciers résistants et clandestins symbolisant la fracture au sein de la communauté surhumaine de Marvel.