jeudi 30 décembre 2021

DEVIL'S REIGN #2, de Chip Zdarsky et Marco Checchetto

 

Après une excellente entame, Devil's Reign poursuit sur sa lancée avec un deuxième épisode aussi réussi. C'est vraiment la bonne nouvelle en provenance de Marvel et de Chip Zdarsky : un event maîtrisé, palpitant, au propos efficace. Marco Checchetto affiche aussi un brio retrouvé. 


La chasse aux justiciers lancée par Wilson Fisk ne ralentit pas et même Elektra ne réussit pas à effrayer le Caïd. Danny Rand est arrêté par Crossbones. Luke Cage, Jessica Jones et Tony Stark ont donné rendez-vous à Captain America et Miles Morales au manoir des Avengers pour un débrief secret.


Cependant, Spider-Man (Ben Reilly) est attiré dans un traquenard au "Daily Bugle" par le Maître de Corvée et Whiplash. Après avoir neutralisé ce dernier, il est pourtant dominé et appréhendé. Dans la prison sous-marine du Myrmidon, Reed et Sue Richards doivent se défendre contre d'autres détenus.


Au Baxter Building, Doctor Octopus explique à Fisk comment exploiter les pouvoirs de l'Homme Pourpre pour manipuler l'opinion en vue de sa réélection. Elektra, en cavale, est prise en chasse par Kraven.


Dans les sous-sol du manoir des Avengers, Luke Cage explique à Tony Stark qu'il est un meilleur candidat pour battre Fisk aux élections. Otto Octavius découvre un portail dimensionnel dans le labo de Reed Richards qui contient de quoi servir son propre agenda...

Ces dernières années, j'ai eu ce qu'on pourrait appeler une "event fatigue" (formule employée par l'ex-editor-in-chief de Marvel, Axel Alonso, quand il avait voulu faire croire aux lecteurs qu'il allait publier moins de sagas événementielles). J'en avais marre de ces grands raouts prétextes à des combats dévastateurs, souvent entre super-héros et j'ai définitivement raccroché après Fear Itself.

L'event est un exercice éditorial autant que scénaristique, mais il me semblait que les editors dictaient de plus en plus leurs histoires aux auteurs (Fear Itself, tel qu'imaginé par Matt Fraction, était d'abord une aventure entre Captain America et Thor, avant de devenir un blockbuster obése). C'était peut-être déjà le cas avant, mais il me semblait que House of M de Bendis ou Civil War de Millar étaient plus personnels. Seul Secret Wars de Hickman a renoué avec la direction d'un scénariste (qui avait réussi à convaincre Marvel de mettre au pas toutes ses séries).

Je ne suis pas convaincu que le prochain event me séduira, mais Devil's Reign, dont je n'attendais pas grand-chose, puisque je n'ai pas apprécié le run de Chip Zdarsky sur Daredevil, déjoue plaisamment mes craintes. Voilà une saga qui, même si elle a vu un nombre grostesque de tie-in se greffer sur son intrigue, est auto-contenue et très efficace.

Wilson Fisk (qui est le véritable centre du projet : le Règne du Diable, c'est le sien, et le diable ne renvoie pas à Daredevil comme on pouvait initialement le penser)  a décidé de déclarer hors-la-loi tous les justiciers de New York en arguant qu'ils attirent plus de catastrophes que de bienfaits à la ville. Déjà, ça, c'est un point intéressant car, même si la motivation de Fisk n'est pas noble (il se sert de cela pour mieux s'en prendre à Daredevil), il pose une vraie question de fond sur la dangerosité des surhommes et les menaces qu'ils créent par leur seul présence. Envoyés par le maire de New York, des Thunderbolts, en renfort des forces de police, arrêtent vite plusieurs super-héros pour mise en danger de la vie d'autrui et réquisitionnent leurs Q.G., places fortes susceptibles d'abriter des armes.

Chip Zdarsky mène son affaire sur un rythme très soutenu et il ne mollit pas avec ce nouvel épisode qui s'ouvre avec l'arrestation musclée de Danny Rand (ex-Iron Fist). Ce sera bientôt le tour de Spider-Man (actuellement Ben Reilly). Le Baxter Building des Fantastic Four devient le théâtre des expériences du Dr. Octopus. Face à cette situation de crise dont l'intensité est très bien traduite, les héros en cavale prennent le maquis. Tony Stark a proposé de se présenter comme candidat à la mairie contre Fisk mais Luke Cage, soutenu par ses amis (Daredevil, Captain America, Miles Morales), le convainc qu'il sera un meilleur adversaire (car il n'a jamais porté de masque, reste populaire auprès du peuple). Elektra est en fuite après que le Caïd lui a révélé être au courant d'un de ses secrets (qui pourrait tout lui coûter). Reed et Sue Richards doivent survivre en prison.

Vous connaissez la fameuse loi de Hitchcock : "meilleur est le méchant, meilleur est le film". Zdarsky s'en est souvenu visiblement car il écrit Fisk comme un formidable antagoniste, qui a patiemment préparé son coup, payant (cher) pour collecter des secrets concernant les héros, s'entourant de vilains revanchards et minutieux, avec des compétences précises (à même de vaincre toutes sortes de justiciers). L'ambiance oppressante au possible est électrisante, on sent vraiment que personne n'est à l'abri, et on devine même les germes d'une possible division chez les fugitifs (il est évident que Stark prend mal le fait que ses amis lui préférent Cage).

Marco Checchetto renoue avec son meilleur niveau après des années à courir après. Le dessinateur italien a beaucoup donné depuis qu'il est chez Marvel mais, comme d'autres, son ascension lui a coûté des plumes et, depuis qu'il illustre Daredevil, il a eu des difficultés croissantes pour enchaîner les épisodes. 

Dans ces conditions, le savoir aux commandes (graphiques) d'un event s'avérait casse-gueule car plus d'un artiste s'y est grillé. Dessiner un casting très fourni, des décors variés, des scènes de combat spectaculaires exige beaucoup d'efforts dans des délais serrés. Il faut du talent mais aussi une sacrée discipline.

Même si son encrage paraît parfois un peu léger, Checchetto livre une prestation épatante. Son poids fort reste la gestuelle des personnages, avec lui pas besoin de beaucoup de temps et d'espace pour qu'un héros ou un vilain en impose. Qu'il s'agisse de Spider-Man surgissant dans la rédaction du "Daily Bugle" pour défier Whiplash et le Maître de Corvée, ou dans un registre plus calme, d'un dialogue entre Tony Stark et Luke Cage, Checchetto donne une spécifit" corporelle unique à ses "acteurs", le lecteur identifie immédiatement les rapports de force entre deux individus.

L'autre atout de l'artiste, c'est qu'il n'a aucun mal à s'approprier ces personnages puisqu'il les a à peu prés tous déjà dessinés. C'est l'avantage d'avoir oeuvré à la fois sur des team-books (comme Avengers World) et des titres solos (comme Punisher). Il tient bien son casting. Tout comme le cadre urbain lui convient parfaitement (là encore grâce à ses runs sur Punisher ou Daredevil). C'est en tout cas très agréable à lire, avec un découpage nerveux.

Il n'ya aucune raison de douter que Devil's Reign confirme son rang de bonne surprise. Mais surtout, il prouve, pour l'instant, qu'un bon event doit reposer sur une idée forte bien développée plutôt que sur un concept étiré jusqu'à le vider de sa substance par des interférences éditoriales.

mercredi 29 décembre 2021

THE HUMAN TARGET #3, de Tom King et Greg Smallwood

 

C'est Noël car on a droit à deux épisodes de The Human Target ce mois-ci (ce qui signifie aussi que la série paraîtra désormais en fin de mois). Et bon sang, quel épisode encore ! Tom King et Greg Smallwood réalisent le meilleur comic-book dans les bacs actuellement. Point. C'est merveilleusement écrit, somptueusement dessiné. Merci.



La journée commence mal pour Christopher Chance dans la chambre duquel s'est introduit Guy Gardner, très jaloux de sa relation avec Ice. Après s'être fait tabassé par le Green Lantern, Chance retrouve Tora et sème Guy à un feu rouge où il les harcèle à nouveau.


Direction : la patisserie qu'inaugure Booster Gold. Michael Carter, égal à lui-même, répond aux questions de Chance sur son emploi du temps et nie avoir voulu tuer Lex Luthor. Pourtant, sa capacité à voyager dans le temps lui permettraient de déceler les faiblesses de ce dernier...


L'après-midi s'achève autour d'un échange d'anecdotes entre Booster et Ice sur leurs exploits passés au sein de la Justice League International. Chance dérobe discrètement l'anneau de la Légion des Super-Héros que porte le héros... Avant que Gardner ne resurgisse. Et que Ice l'éconduise à nouveau.


Mais Guy n'a pas dit son dernier mot et débarque dans la chambre d'hôtel pour le rosser à nouveau. Mal lui en prend car cette fois, sa victime a prévu une parade imparable pour le calmer...

Je suis certain que dans votre vie de lecteur, il vous est arrivé de tomber littéralement amoureux d'une BD. Vous savez, ce livre que vous relisez régulièrement, ce plaisir de fan dont vous ne vous lassez jamais. Parfois c'est un authentique chef d'oeuvre, parfois juste une histoire divertissante grâce à laquelle vous vous évadez pour oublier vos soucis - en tout cas, un récit que vous aimez inconditionnellement et que vous emporteriez sur une île désert ou que vous sauveriez in extrmeis en cas d'incendie.

Pour ma part, ce serait Batman : Year One (Frank Miller/David Mazzucchelli), Nextwave (Warren Ellis/Stuart Immonen), Hawkeye (Matt Fraction/David Aja et, disons, Spirou et Fantasio : Le Repaire de la Murêne (Franquin).

Mais je suis certain à présent que The Human Target de Tom King et Greg Smallwood s'ajouterait à cette liste car j'adore cette série. En trois numéros, je suis conquis, j'aime absolument tout : c'est un sans faute, chaque nouvel épisode est un moment de jubilation garanti. C'est le comic-book que j'attendais.

Christopher Chance, la Cible Humaine, a joué le rôle de Lex Luthor et évité un attentat. Mais il a été empoisonné à la place de Luthor. Par qui ? Douze suspects sont définis par Dr. Midnight, les membres de la Justice League International, qui ont voyagé dans une dimension d'où le poison est originaire. Chance a d'abord interrogé Ice et il en est tombé amoureux. Elle lui a proposé de l'introduire auprès de ses collègues pour l'aider.

Chance prévoit donc de rencontrer Booster Gold, mais il va devoir composer avec Guy Gardner, l'ex de Ice. Qui n'est pas du tout content que celle-ci fréquente Chance. Pour lui, le détective profite de la jeune femme après le traumatisme de son combat contre Overmaster et surtout si elle a rompu avec lui, lui n'a pas rompu avec elle.

Les scènes avec Guy Gardner ponctuent l'épisode de manière comique tout en n'épargnant pas le personnage qui est un abruti fini, têtu et brutal. Il vole (presque) la vedette à l'autre membre de la JLI qui est pourtant au centre de l'épisode et pourtant, il a un sérieux concurrent avec Booster Gold.

Tom King n'a jamais caché son affection pour Michael Carter : il l'a fait intervenir dans un court arc narratif de son run sur Batman, puis en fait un personnage central de Heroes in Crisis. Le scénariste a parfaitement cerné ce héros atypique, qui n'est pas très malin mais qui vit aussi une drôle d'existence, même s'il n'en perçoit pas toute la tragique subtilité. En effet, venu du futur où sa carrière sportive a été abrégée par une blessure, il est devenu ensuite le gardien d'un musée où étaient exposées les reliques des super-héros. En dérobant plusieurs artefacts, il a remonté le temps pour réapparaître au XXème siècle et devenir à son tour un justicier masqué. Et le plus étonnant, c'est que, malgré son caractère vantard et ses maladresses récurrentes, ça a marché.

Mais cela se double d'un drame : grâce au robot Skeets qui l'accompagne et qui contient les archives du futur, Booster Gold sait tout ce qui va arriver à ses pairs. Il s'en arrange en fonçant, profitant de l'instant présent, sans se soucier des conséquences - y compris donc en modifiant par ses actions présentes le futur.

Cela fait aussi de lui un suspect solide pour avoir voulu tuer Luthor. Il connaît les faiblesses de celui-ci et a pu savoir comment l'empoisonner. Mais en même temps, comme le remarque Chance, Booster est Booster parce qu'il ne cache pas ses erreurs, il ne dissimule pas ses gaffes. Sa sincérité est désarmante. Ice le qualifie de "goofy" (maladroit ou bouffon, un brave couillon). C'est tout à fait ça : comment imaginer Booster en meurtrier ? Impossible. Il est plus occupé à voler des ingrédients rares ou disparus dans le passé pour cuisiner des bagels que pour planifier l'assassinat de Luthor.

La séquence avec Booster est un joyau : Greg Smallwood exploite à fond, avec des couleurs vives, gaies, qui collent au personnage, cette espèce de naïveté irrésistble propre au héros. Le trait du dessinateur est extraordinairement expressif et il saisit les moues avec génie. On pense bien sûr à Kevin Maguire, sous le crayon duquel les membre de la JLI grimaçaient comme des comédiens en roue libre. Mais Smallwood a un style suffisamment affirmé pour que la comparaison n'aille pas plus loin.

L'épisode tout entier a quelque chose de solaire, de chaleureux. La bonne humeur de Booster Gold est contagieuse et Chance lui-même semble atteint. Il relève d'ailleurs que Ice et Booster, en se rappelant leurs aventures passées, évoquent plus que d'anciens camarades que des vétérans : en vérité, ils ne formaient pas une équipe, ils sont une famille qui, à chaque retrouvailles, échangent comme des frères et soeurs ou des cousins. L'interrogatoire lui-même ne dure pas, il est emporté par le pur plaisir d'être avec Booster Gold.

Après ça, les rodomontades de Guy Gardner ne sont plus que des interfèrences. Pourtant, Chance observe et prend des notes. Et on devine qu'il doute de Ice, dont la puissance et le tempérament ne sont pas pas négligeables, peut-être lui ment-elle... Surtout, il a percé à jour Gardner et s'est préparé pour la suite grâce à un subterfuge génial qu va le calmer pendant un bon moment (il le questionnera dans l'épisode 6, ce qui promet un match retour épique).

Il demeure difficile d'exprimer mon enthousiasme devant ce nouvel épisode. Chaque page est sublime, Greg Smallwood écrase la concurrence avec une classe et une technique impressionnante, mais sans une once d'arrogance : The Human Target, comme avant Moon Knight, lui offre un écrin idéal pour prouver son brio. De la couverture à la dernière page, c'est un festival, une leçon. La manière dont il anime ses planches est exemplaire, sa colorisation est divine. 

Et Tom King est décidément dans une très grande forme : après l'impressionnant Rorschach (le spin-off de Watchmen le plus accompli qu'on puisse lire), et parallèlement à Supergirl : Woman of Tomorrow (une version magistrale de la kryptonienne), il signe un nouveau chef d'oeuvre.

Qui a dit que les comics, c'était "mieux avant" ? 

mardi 28 décembre 2021

HAWKEYE (Disney +) (Critique avec spoilers !)


Dernière série de 2021 diffusée sur Disney +, Hawkeye est une très agréable surprise, pile ce qu'il fallait pour égayer cette fin d'année encore une fois écrasée par la pandémie. Conduite par le showrunner Jonathan Igla et réalisée par le duo Bert & Bertie, elle s'impose comme une éclatante réussite, merveilleusement équilibrée entre passé et présent, humour et émotion et action, avec un casting impeccable.



2012. Encore enfant, Kate Bishop assiste à la bataille de New York au cours de laquelle elle remarque, parmi les Avengers contre les Chitauri, l'archer Hawkeye. De nos jours, la fillette est devenue une jeune femme, qui a remporté plusieurs médailles au tir à l'arc et rêve d'embrasser la carrière de justicière. D'autant qu'elle se méfie du nouvel amant de sa mère, Eleonor, un aventurier du nom de Jack Dusquene. Elle le suit lors d'un gala dans une vente aux enchères de matériel récupéré dans la tour des Avengers lorsque des mafieux russes font irruption. Elle enfile la tenue de Ronin, mis en vente, et les affronte jusque dans la rue. La bagarre est filmée et Clint Barton, qui est avec ses enfants à l'hôtel, la remarque à la télévision. Kate suit ensuite Jack chez son père, Armand Duquesne, qu'elle trouve assassinée.


Clint vient en aide à la jeune femme attendue par les russes dehors. Il démasque et elle le reconnaît. Elle l'entraine chez elle mais les russes l'ont suivi et mettent le feu à l'immeuble. Clint et Kate doivent fuir, en abandonnant le costume de Ronin derrière eux. Ils se réfugient chez la grnd-mère de Kate, absente. Clint confie à Kate un téléphone pour l'appeler en cas d'urgence et repart récupérer le costume de Ronin. Kate tente, elle, de convaincre sa mère que Jack a assassiné son propre père. Les russes capturent Clint. Grâce au téléphone, Kate le localise en essayant de l'appeler mais, en voulant le libérer, se fait attraper à son tour.


Présentés à Maya Lopez/Echo par son second, Kazi, Clint disculpe Kate accusée d'être Ronin. Tandis que Kazi tente de raisonner Maya en expliquant que le rapt d'un Avenger déplairait à leur boss, "l'Oncle", Clint se libérer et défait les liens de Kate. A eux d'eux, ils écartent les russes et prennent la fuite en voiture. Une course-poursuite s'ensuit dans les rues de New York au terme de laquelle les russes sont semés. Kate entraîne Clint chez sa mère pour se renseigner sur les russes et découvre un lien entre eux et Jack qui surprend Clint en train de déambuler dans l'appartement.


En présence de Jack et Eleonor, Clint explique n'avoir pas voulu mêler Kate à ses affaires et cesser de la fréquenter. Mais une fois l'archer parti, Eleonor téléphone à "l'Oncle" pour qu'il se débarrasse de lui. Clint appelle sa femme, Laura, au sujet de Maya Lopez et elle indique une adresse. Kate suit Clint toujours grâce au téléphone et s'introduit dans l'appartement indiqué par Laura : c'est de Maya, qui lui tombe dessus. Mais Clint est attaqué au même moment par une Veuve Noire, qu'il démasque et identifie : c'est Yelena Belova. Lorsque Kate et Maya surgissent, Yelena préfère s'éclipser après avoir neutralisé Maya et Kate. Clint renvoie alors Kate, jugeant que l'affaire prend une tournure trop dangereuse.


De retour chez sa mère, Kate voit Jack embarqué par des policiers pour le meurtre de son père. Clint donne rendez-vous à Maya au nom de Ronin pour une explication définitive. Kate retourne à son appartement en ruines, et Yelena l'y attend pour savoir où se trouve Clint. Celui-ci, vêtu en Ronin, affronte Maya après avoir neutralisé son gang, et se démasque en lui expliquant que c'est son boss qui l'a trahi lorsqu'il n'a pas envoyé Kazi protéger son père de Ronin. Kate retrouve Clint et lui explique avoir parlé avec Yelena. Maya confronte Kazi qui accuse Clint d'avoir menti. Le lendemain matin, Kate prend le petit-déjeuner avec Clint lorsqu'elle reçoit un message de Yelena qui a photographié Eleonor en compagnie de "l'Oncle" : Wilson Fisk alias le Caïd.


Eleonor annonce à Fisk qu'elle se retire de leur partenariat après avoir fait porter la responsabilité du meurtre d'Armand sur Jack. Bouleversée, Kate est soutenue par Clint qui accepte de règler cette mission avec elle. Eleonor donne une réception à laquelle sa fille et Hawkeye se mêlent mais aussi Yelena. Kazi, sur ordre de Fisk, doit abattre Eleonor et Kate mais il manque ses cibles et les tirs de fusil déclenchent la panique parmi les invités. Kate procède à l'évacuation tandis que Jack, libéré sous caution, se joint à la partie aux côtés des deux archers contre les russes. Maya neutralise Kazi, Clint affronte Yelena et Kate défend sa mère contre Fisk avant de la livrer à la police. Clint convainc Yelena qu'il n'a pas tué Natasha Rmanoff mais qu'elle s'est sacrifiée. Fisk prend la fuite avant de faire face à Maya qui lui tire dessus...
 

Comme il l'avait promis, Clint rentre chez lui pour fêter Noël en famille. Il a emmené avec lui Kate...

C'est exceptionnel de suivre une série en découvrant que chaque épisode est meilleur que le précédent et que le final offre une conclusion aussi pleine et satisfaisante. C'est le miracle qu'accomplit Hawkeye, qui est sans doute la série Marvel que j'ai le plus appréciée, avec WandaVision et Loki (sans effacer les déceptions que furent Falcon et le Soldat de l'Hiver et What if... ?).

Mais la première réussite de Hawkeye, c'est sans doute le moment choisi par Disney + pour la diffuser. Débuté en Novembre par deux épisodes à la suite, la série s'est achevé le Mercredi 22 Décembre, quelques jours l'avant-veille de Noël. Et comme l'intrigue se déroule au même moment, c'était parfait; Car en ces temps troublés, c'est exactement ce qu'il faut regarder pour ne pas avoir le moral complètement dans les chaussettes.

En effet, le showrunner de la série, Jonathan Igla, a puisé son inspiration dans le run de Matt Fraction et David Aja, paru en 2012. Visuellement, c'est flagrant, dès le générique, qui emprunte beaucoup à la charte graphique créée par David Aja (c'est d'ailleurs proprement scandaleux que l'artiste espagnol soit juste remercié, parmi d'autres, dans le générique final, et non pas mieux crédité - mais Matt Fraction n'est guère mieux lôti en tant que "consultant", alors qu'il a avoué n'avoir été invité aux séances d'écriture que grâce à l'animateur Seth Meyers !).

En tout cas, c'est un gâge de qualité car, de mon point de vue, jamais Hawkeye n'a été mieux écrit et dessiné. Avec les réalisateurs Bert & Bertie, Igla a procédé à une adaptation non pas littérale des comics mais à une adaptation intelligente, dans laquelle ils devaient incorporer des éléments épars. En effet, l'introduction de Yelena Belova (jouée par Florence Pugh avec un accent russe à couper au couteau, un peu too much) renvoie au film Black Widow, plus exactement à sa fin quand la Comtesse Valentina Allegra de Fontaine affirme que Hawkeye a tué Natasha Romanoff, sa "soeur". Pour ne rien simplifier, au lieu de conserver Kazi le clown assassin dans le rôle du méchant, la série a préparé le terrain pour Echo, à laquelle Kevin Feige va consacrer une série. 

Parfois la série joue avec les attentes du téléspactateur, quitte à frustrer certains fans, comme avec le personnage du Spadassin (Swordsman) Jack Dusquesne, ici relégué au second plan et délesté de ses origines de mercenaire devenu héros, mentor de Clint Barton. Toutefois, l'interprétation de Tony Dalton emporte tellement l'adhésion qu'on finit par adorer ce drôle de bonhomme, amant de la mère de Kate Bishop, fils d'un riche homme d'affaires, et qui jubile in fine lorsqu'il a l'occasion de ferrailler avec des fripouilles russes.

Ceci mis à part, donc, c'est un crescendo qu'offre Hawkeye, avec de l'humour et de l'action, à la manière d'un buddy movie (infiniment plus convaincant que Falcon et le Soldat de l'Hiver) et d'un fimm de Noël. La rencontre entre Clint Barton et Kate Bishop, qui en a fait son idole depuis qu'elle l'a vu lors de la bataille de New York (dans le premier film Avengers), est jubilatoire de bout en bout, grâce à l'abattage irrésisitible de Hailee Steinfeld et à la placidité lasse de Jeremy Renner : leur duo est absolument parfait, leur alchimie parfaite - svp, Kevin Feige, commandez tout de suite une saison 2 !

L'intrigue part quelquefois dans tous les sens, à cause du nombre de seconds rôles, et le fil rouge concernant cette fameuse montre ne trouve une réponse in extremis et quelque peu lapidaire (Laura Barton a été une agent du SHIELD, et son matricule correspond à celui de Mockingbird, qui a été l'épouse et partenaire de Hawkeye dans les comics. Mais ça n'explique pas vraiment pourquoi elle craignait tant que son secret tombe dans d'autres mains puisque le SHIELD n'existe plus dans le MCU et qu'on voit mal Linda Cardellini interpréter Mockingbird dans le futur).

Pourtant, le téléspectateur peut facilement faire le lien entre les protagonistes : Yelena, par exemple, on le sait, est en mission pour la Comtesse de Fontaine et il semble évident que Wilson Fisk finance les projets de celle-ci tout il est le partenaire d'Eleonor Bishop. Vincent d'Onofrio endosse à nouveau le costume du Caïd après la série Daredevil sur Netflix, pour le bonheur de tous, et il en impose sans forcer, même s'il n'apparaît vraiment que dans le dernier épisode. "L'Oncle" de Maya Lopez et boss des russes ne meurt évidemment pas à la fin, malgré le coup de feu qu'on entend, tiré par Maya (dans les comics, une scène similaire avait aveuglé un temps Fisk) et je pense que Fisk reviendra hanter quelques séries futures (un peu comme Kang est voué à le faire dans les films).

Le rythme de la narration est soutenu, d'ailleurs les épisodes ne sont pas longs (une quarantaine de minutes, sauf pour le dernier qui dure une heure). Malgré cela, l'équipe laisse les héros et le fan souffler, mais jamais trop longtemps, et surtout le récit rebondit sans cesse jusqu'au final, spectaculaire avec son lot de flèches spéciales, d'affrontements intenses et d'explications justes. Sans que Alaqua Cox y soit pour rien, c'est son personnage, qui renvoie à Ronin (un passage peu réussi de Avengers : Endgame, mais bien exploité ici), qui est peut-être le plus dispensable (là encore, le choix des scénaristes de ne pas faire de Kazi un véritable tueur et homme de main de Fisk est discutable).

Quoiq qu'il en soit, n'hésitez pas à donner sa chance à Hawkeye. Si vous aimez le personnage, quel que soit celui qui l'incarne, vous ne serez sûrement pas déçu. Et dans l'ensemble que forment les séries Marvel sur Disney +, elle figure dans les meilleures.

lundi 27 décembre 2021

DES NOUVELLES NOUVELLES TOUTES FRAÎCHES


Tout d'abord, je vous souhaite de bonnes fêtes (en compagnie de Christmas Ben Grimm, dessiné par Tom Reilly). J'espère que vous avez été gâtés. Les éditeurs ont fait quelques annonces pour les prochains mois et je vais partager avec vous celles qui ont retenu mon attention. Allez, c'est parti !

DARK HORSE COMICS :



Je vous en avais parlé récemment mais cette fois, c'est fait : l'éditeur Dark Horse Comics vient d'être racheté par Embracy Group, géant du jeu vidéo. Si j'ai bien compris, cette acquisition est partagée à 80% par cette société et les 20% par le fondateur de Dark Horse, Mike Richardson, et son directeur des opérations, Neil Hankerson.
Sachant que Dark Horse publie tous les titres de l'univers Hellboy de Mike Mignola, ceux de l'univers Black Hammer de Jeff Lemire, les séries du label Jinx (de Brian Michael Bendis) et les creator-owned de Scott Snyder (pré-publiés sur Comixology), c'est un catalogue très consistant. Il faut maintenant espérer que Embracy Group laissera les auteurs travailler tranquillement même s'il y a fort à parier que le nouvel acquéreur va exploiter les licences comics pour des jeux vidéos (et peut-être pour d'autres médias).
 

DC COMICS :


Après avoir annoncé son départ prochain de la série Justice League, et le retour pour une nouvelle salve d'épisodes de Naomi (avec David F. Walker et Jamal Campbell), Brian Michael Bendis va oeuvrer pour le département animation de HBO Max.


Il s'agira pour le scénariste d'écrire une série animée "pour adultes" adaptée de Legion of Super Heroes, apparemment directement inspirée de son run (datant de 2019). Un projet surprenant car les épisodes de Bendis n'avait pas eu un succès fou et n'avait pas duré longtemps (un an). A moins que que DC ne prépare le retour de ce comic-book (à l'issue du crossover Justice League vs Legion of Super Heroes qu'écrit justement Bendis) ?

MARVEL COMICS : 

Kieron Gillen, depuis son retour chez Marvel, grouille de projets : sa reprise convaincante de Eternals, le lancement prochain de Immortal X-Men, un event Avengers/X-Men (avec Gerry Duggan)... Auxquels va s'ajouter une autre rencontre au sommet.


En effet, à partir de Eternals #10 (en Fèvrier), Ikaris et compagnie vont aussi se bagarrer avec les Avengers. Bon, encore une battle entre héros, pff... Mais c'était inévitable dans la mesure où l'actuel Q.G. des Avengers est un Céleste mort et on sait le lien étroit qui existe entre les Célestes et les Eternels. Sans oublier qu'au début de son run sur Avengers, Jason Aaron avait montré ces derniers découvrant les Eternels décimés...


C'est bien sûr Esad Ribic qui dessinera cet épisode. Avant un futur event pour une explication encore plus musclé, impliquant plus de personnages, plus tard l'an prochain (on voit mal Marvel se priver de l'occasion) ?


L'autre revenant qui a du pain sur la planche, c'est Steve Orlando. Le futur scénariste de Marauders semble bien décidé à faire son trou dans la franchise X puisqu'il va signer un one-shot consacré à un X-man longtemps disparu...


Avec la catcheuse (!) et scénariste Nyla Rose (oui, parce que chez Marvel, on préfère embaucher des catcheurs que des scénaristes qui galèrent...), Orlando va donc proposer Giant-Size X-Men : Thunderbird. Victime du Comte Nefaria dans X-Men #94-95, il vient d'être ressucité dans les pages de la mini The Trial of Magneto.


Ci-dessus : la couverture signée Ken Lashley où on voit l'Epervier dans son costume original.


C'est David Cutler qui dessinera ce one-shot, dans lequel John Proudstar aura droit à un nouveau look, dont je vous laisse savourer la mocheté :



Donny Cates est actuellement dans une situation rare chez Marvel : en effet, il est le premier scénariste depuis Stan Lee à écrire simultanément les séries Thor et Hulk. Entendu que les deux membres fondateurs des Avengers ont toujours eu des relations conflictuelles, ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils se mettent sur la gueule dans un crossover.


Et donc Donny Cates va répondre à ceux qui se posaient la question de savoir qui du dieu du tonnerre ou du géant de jade était le plus fort d'Avril à Juin 2022 dans Banner of War : Alpha #1 introductif du combat à venir, puis se poursuivra dans Thor #25, Hulk #7, Thor #26 et Hulk #8

Ce projet bien bourrin sera mis en images non pas Nic Klein (artiste de Thor) ni Ryan Ottley (dessinateur de Hulk) mais par Martin Coccolo. Et l'image promotionnelle ci-dessous renvoie ouvertement au film Thor : Ragnarok de Taïka Waititi (mais pas sûr que ce soit aussi fun et réussi)...



Après avoir redonné quelque chose à écrire à Chris Claremont, Marvel emploie à nouveau le talent de Larry Hama en lui confiant également une série située dans le passé (faut pas déconner, on va pas mêler un bon scénariste expérimenté aux X-Men actuels...).


Hama, qui compte à son actif un run mémorable sur Wolverine (dessiné notamment par Marc Silvestri), rédigera le script de Wolverine : Patch, clin d'oeil (si j'ose dire) à la période où Logan traînait à Madripoor alors que le monde le croyait mort. Nick Fury (l'original, le seul, le vrai) sera de la partie.
 


Et c'est à Andrea di Vito que reviendra la charge de dessiner tout ça. Comme Gambit de Claremont, on ne sait pas s'il s'agit d'une ongoing ou d'une mini, mais par contre là ça commencera à paraître en Mars.

Et voilà ! N'hésitez pas à laisser un commentaire si une info vous inspire. Prenez soin de vous et de ceux que vous aimez. On se retrouve vite pour de nouvelles critiques, les dernières de l'année.

vendredi 24 décembre 2021

NIGHTWING #87, de Tom Taylor et Bruno Redondo


Nightwing #87 est un pur exercice de style. Ce qu'a imaginé Tom Taylor et dessiné Bruno Redondo n'a absolument aucune valeur puisque ce qui est raconté dans cet épisode est anecdotique. Mais il s'agit de faire plaisir et d'impressionner le fan tout en assumant pour les auteurs une réalisation spectaculaire. On ne boudera donc pas son plaisir, même si un peu plus de substance aurait été appréciable.



Alors qu'il rentre, à pied, chez lui, Dick Grayson reçoit un appel de Barbara Gordon qui l'avertit que sa tête est mise à prix. Il essuie en effet rapidement les tirs nourris de malfrats, en pleine rue, au milieu de civils innocents. Dick se change en Nightwing et rejoint son appartement visité par les gangsters.


Sa chienne Haley est enlevée et Nightwing, après avoir rossé quelques fripouilles, part à sa poursuite. Oracle annonce à son partenaire qu'elle vient en renfort tandisq qu'un passant prête sa moto à Nightwing pour qu'il suive la camionnette des ravisseurs.


En franchissant un pont de Blüdhaven, Nightwing est averti par Batgirl qu'elle se trouve sur le toit de l'immeuble voisin où les kidnappeurs se rendent. Il la rejoint et se partage la mission de neutraliser les vilains.


Ceci fait, grâce à un traceur dans le collier de la chienne, Nightwing localise Haley qui est menacée par le chef des malfrats. Batgirl le désarme mais l'animal tombe par la fenêtre. Nightwing se jette pour la rattraper. La police arrive pour arrêter le gangster ligoté par Batgirl.

Les références qui sautent aux yeux depuis que Tom Taylor et Bruno Redondo ont repris Nightwing sont à trouver du côté de Marvel quand l'éditeur publiait des séries exceptionneles comme Daredevil par Mark Waid et Chris Samnee et Hawkeye par Matt Fraction et David Aja. Il était donc logique et quelque part inévitable que comme leurs glorieux aînés, Taylor et Redondo s'attèlent à un épisode spécial construit comme un défi narratif et esthétique.

Mais, autant le dire tout de suite, Nightwing #87 n'atteint jamais le niveau d'un Hawkeye #11 (l'épisode du point de vue de Lucky the pizza dog) ou des meilleurs chapitres du tandem Waid/Samnee. Pourquoi ? Parce que, simplement, ce qui y est raconté n'aura aucun impact sur la suite et surtout échoue totalement à suciter une quelconque émotion.

On lit cet épisode en ne cessant jamais de se demander quel est son objectif sinon d'en mettre plein la vue sans rien offrir de plus. Tom Taylor a conçu son affaire comme un hors-série qui aurait en vérité plus eu sa place dans une revue anthologique que comme un chapitre à part entière de sa série.

Dick Grayson est maintenant devenu une sorte de néo-Bruce Wayne, plus riche que ne l'esst actuellement son ancien mentor, mais qui présente la particularité de vouloir s'occuper de Blüdhaven différemment de Batman avec Gotham. Autrement dit, en mettant sa fortune au service de la collectivité au lieu de sa croisade contre le crime organisé. C'est approprié puisque Dick Grayson a toujours été un garçon positif, lumineux et altruiste, à l'opposé de ténébreux Bruce Wayne.

Inévitablement, cela lui attire des ennuis et c'est ce que veut montrer, platement, le scénario de cet épisode où la tête de Dick Grayson et non de Nightwing est mise à prix car les projets du jeune homme contrarient la pègre qui préfère continuer à profiter des miséreux de Blüdhaven plutôt que de voir la cité amélioré par un bon samaritain.

Des gangsters se mettent donc à tirer en pleine rue, au milieu d'une foule d'innocents badauds, sur Dick tandis que d'autres forcent la porte de son domicile et kidnappent sa chienne Haley. Et voilà Dick puis Nightwing courir après le toutou, bientôt aidé par Barbara Gordon. Oracle/Batgirl. Au terme d'une course-poursuite finalement assez terne et brève, menée par des fripouilles sans envergure ni génie (ils n'ont visiblement préparé aucun plan, agissent comme des idiots), les gentils gagnent et récupèrent l'animal et les bandits sont punis et livrés à la police. Et c'est tout.

Survendu depuis des semaines par DC et les auteurs sur les réseaux sociaux, le pitch de ce numéro laisse pantois par sa minceur et son néant dramatique. Ce n'est pas nul, mais ça ne vaut objectivement pas grand-chose et ça n'a pas dû prendre beaucoup de temps à Tom Taylor pour l'écrire (ou alors il écrit lentement).

La véritable attraction est donc le dessin de Bruno Redondo puisque tout l'épisode (hormis la première et dernière pages, qui sont des splash) est composé de doubles pages simulant une séquence continue avec une décomposition de l'action à l'intérieur de plans uniques mais qui, mis bout à bout, forme une sorte de poster. L'editor de la série, Jessica Chen, s'est même amusée à se prendre en photo couchée à côté des planches alignées pour bien nous prouver à quel point c'est trop ouf.

Mais pour que l'expérience ait été encore plus percutante, il aurait fallu : 1/ que DC consente à publier cet épisode également comme une seule planche dépliable - un procédé cependant certainement trop coûteux - ; 2/ que Redondo ne se contente pas de dérouler l'action sur des plans en façade affreusement numérisés. 

Le fait de découper plusieurs actions sur une même image est un jeu graphique qui ne date pas d'hier (Botticelli a peint des tableaux ainsi), et des artistes de comics extraordinaires en ont tiré des morceaux de bravoure autrement plus vertigineux (comme JH Williams III dans Promethea ou Frank Quitely dans The Multiversity : Pax Americana). Redondo a juste poussé le curseur en dessinant tout l'épisode de cette façon. Mais il aurait pu aller plus loin en jouant sur la profondeur de champ, les valeurs de plan, les compositions.

Hors, ici, tout est désespérement plat, on se croirait dans un vieux jeu d'arcade avec Nightwing se déplaçant sur des niveaux, sans aucun relief (à une exception près). C'est joli et ça épatera le lecteur qui apprécie l'épate, mais pour qui relira la tête froide ce numéro de cirque, c'est juste ça, un numéro de petit malin qui a voulu faire croire qu'il était aussi fort que David Aja (mais qui ne l'est pas car Aja n'a jamais oublié que la forme devait sublimer le fond).

Le pire est sans doute que cet exercice voulait renforcer la représentation des capacités acrobatiques d'un héros monte-en-l'air comme Nightwing. Or, il n'a jamais paru aussi peu aérien qu'ici. C'est une erreur visuelle flagrante : pour suggérer l'agilité, il ne faut surtout pas l'enfermer dans une posture formelle, mais au contraire lui donner un espace approprié, un découpage ad hoc. Sans ça, c'est trop plaqué.

Allez, la série s'en remettra. Mais on saura maintenant à quel niveau il faut réellement placer Taylor et Redondo : des petits malins roublards et pas des cadors, car ils n'arrivent pas à la cheville de ceux à qui ils se mesurent.  

CATWOMAN : LONELY CITY #2, de Cliff Chiang


Si vous me lisez fréquemment, vous savez à quel point j'apprécie les productions du Black Label de DC Comics, un véritable espace de (re)création pour des auteurs désireux de s'affranchir de la continuité (tout en lui adressant des clins d'oeil). Catwoman : Lonely City de Cliff Chiang apporte une fois de plus la preuve qu'avec un format différent (des épisodes de 50 pages) une périodicité différente (un épisode tous les deux mois) et la possibilité d'écrire et dessiner son projet comme bon lui semble, on obtient une vraie pépite.
 


En cambrioleuse avertie, qui souhaite braquer le Batcave et découvrir le secret de Morpheus, Selina Kyle doit renforcer son équipe : son amie Rowena lui fournit de l'équipement et son neveu Winston, un hacker.


Néanmoins, la sécurité de la Batcave est telle qu'il faut à Catwoman un vrai sésame pour s'y introduire. Winston l'informe que l'anneau du premier Green Lantern, Alan Scott, se trouve dans les locaux de S.T.A.R.Labs. Mais, Selina doit l'utiliser pour échapper aux gardes et épuise les réserves.
 

Avec le soutien de Edward Nygma et de sa fille Edelia, Selina applique son plan B : s'infiltrer dans les bâtiments d'Ace Chemicals. Avec Edelia, elle dérobe des échantillons qu'évacue Killer Croc. Les deux fills se font la belle par les airs. Le gang se réunit et quitte Gotham.


La réapparition de Catwoman alimente le débat entre les deux candidats à la mairie : Harvey Dent, qui se représente, et Barbara Gordon. Babs marque un point décisif en pointant le fait que les méthodes répressives de Dent terrorisent plus qu'elles ne tranquillisent la population.


Pendant ce temps, Selina et ses acolytes arrivent au Brésil pour y rencontrer une vieille amie à qui elle a promis les échantillons d'Ace Chemicals en échange de son renfort pour visiter la Batcave et neutraliser la police de Dent...

Si on voulait faire un raccouric facile, on pourrait dire que le Black Label de DC Comics est un peu l'équivalent de feu le label Vertigo pour des histoires super-héroïques : des auteurs confirmés s'y expriment sans avoir à se soucier de la continuité, en proposant au lecteur des "What if...?", des "Elseworlds", mais qui peuvent aussi s'apprécier comme des histoires possibles du DCU classique.

On y aborde des thèmes divers et variés, souvent plus adultes, avec des personnages célèbres et d'autres moins, susceptibles d'être réinventés ou creusés plus profodément. Les intrigues sont limitées dans le temps avec des mini-séries de trois, six, huit, dix, douze épisodes, dont le format varie (jusqu'à une cinquantaine de pages), et une péridocité moins stricte.

Cette formule est un effort de DC qu'il faut non seulement féliciter mais encourager. Il n'y a pas d'équivalent chez Marvel et c'est bien dommage. Surtout le Black Label est désormais bien installé et alimenté, avec une politique éditoriale intelligente et des auteurs qui reviennent chez DC pour en profiter.

Cliff Chiang illustre parfaitement tout cela : ces dernières années, il a dessiné la série Paper Girls, écrite par Brian K. Vaughan, chez Image Comics, et rien ne l'obligeait à retourner chez son ancien éditeur pour qui il a été editor, dessinateur, cover-artist, scénariste. Sauf pour mener à bien une histoire qui lui tenait à coeur et qui ne pouvait exister qu'au sein du Black Label : Catwoman : Lonely City.

Ce deuxième chapitre est aussi réussi que le premier, sa lecture est un régal, son exécution impeccable. Comme je l'avais écrit pour le n°1, il est aisé de faire le rapprochement avec Batman/Catwoman de Tom King, Clay Mann et Liam Sharp puisqu'on suit aussi Selina Kyle dans ses vieux jours. Mais le résultat est autrement plus concluant ici, grâce à une écriture bien plus appliquée, une narration moins inutilement alambiquée, et un propos plus direct.

Dix ans après la Nuit des Fous, qui a coûté la vie à Batman, le Joker, le Pingouin, Harley Quinn et le commissaire James Gordon, et une peine de prison pour Catwoman, tenue pour resposable du massacre, Selina Kyle se souvient des derniers mots de Batman : Morpheus. Après avoir interrogé Barbara Gordon à ce sujet, sans succès, elle est convaincue que la réponse à cette énigme se trouve dans la Batcave. Problèmes : l'endroit est impénétrable et Harvey Dent/Double-Face, devenu maire de Gotham, espère se faire réélire en capturant Catwoman (qu'il a fait sortir de prison avant le terme de sa peine).

Dans cet épisode, Selina considère la difficulté de la tâche qui l'attend : elle a pour unique partenaire Killer Croc, qui a pris du ventre et ne fait plus peur à personne, et elle se doute que Dent lui réserve un mauvais tour. Auprès d'une amie, Rowena, elle gagne un soutien en la personne de Winston, un jeune hacker, qui va lui indiquer un moyen de pénétrer dans la Batcave. Mais c'est un échec.

Cliff Chiang va alors faire basculer son récit dans une véritable histoire de braquage, avec le renfort de complices mais aussi en arrière-plan la prochaine élection municipale qui voit s'opposer Dent et Barbara Gordon sur fond de réaménagement du quartier d'Alleytown à grands coups d'expropriations. L'intrigue devient une conquête de territoires : Dent avec Gotham et Alleytown, Selina avec la Batcave.

Le scénario nous entraîne dans des lieux familiers comme l'industrie Ace Chemicals (où le Joker a eu l'accident qui l'a transformé) avant de se déplacer au Brésil pour y retrouver un personnage rondement bien redéfini. C'est jubilatoire, captivant, drôle, mélancolique aussi (le dîner entre Edward Nygma et Selina est une merveille). De la belle ouvrage, menée sur un tempo soutenu.

Visuellement, Chiang tient la grande forme et s'en amuse : artiste expérimenté, il prend un plaisir évident à montrer que ses vieux héros (ou vilains repentis) ne sont pas en reste, suant dans une salle d'entraînement (tenue par Ted "Wildcat" Grant), tout en respectant un certain réalisme (les acrobaties à cinquante balais ne sont plus aussi simples, même avec de la volonté, et Chiang évoque même une possible passation de flambeau quand Edelia Nygma demande à Selina si, une fois l'affaire bouclée, elle pourra devenir sa coach).

Maître total de son projet, Chiang n'a laissé à personne le soin de la réaliser à sa place : il dessine, encre, colorise, lettre. Et il fait tout cela magistralement. On sent qu'il a muri son histoire, sa réalisation, notamment en ce qui concerne les designs (les tenues de Catwoman sont à la fois élégantes et pratiques, et il nous gratifie d'un délicieux flashback où la féline et Batman se couraient après).

C'est donc très beau, et même chic, car Chiang a du goût. Il ne s'agit pas pour lui d'ironiser sur ses personnages, de grossir le trait. Pas de cruauté. Il aime son casting, c'est évident, et sa manière de les dessiner, comme de représenter Gotham, traduit cette affection, ce qui confère une vraie tendresse à l'histoire. On est avec Catwoman et sa bande, qu'on suit comme de vieux amis, dans leur dernier gros coup, avec du panache et suffisamment de mystères pour rester à l'affût.

Catwoman : Lonely City est une production exquise, une lettre d'amour. La faire partager aux fans est un beau cadeau de la part de Chiang et DC.(Suggestion : et si DC inscrivait le retour de la JSA dans ce Black Label au lieu de nous faire lambiner avec une nouvelle ongoing ?)

jeudi 23 décembre 2021

SUPERGIRL : WOMAN OF TOMORROW #6, de Tom King et Bilquis Evely


Tom King a déclaré qu'il était "très fier" de ce sixième épisode de Supergirl : Woman of Tomorrow. S'il a dit ça en pensant au travail abattu par Bilquis Evely, il a raison : c'est effectivement splendide. Mais son script n'est pas mal non plus car il faut apprécier ce qu'il raconte au-delà d'une simple course-poursuite qui occupe la moitié de l'épisode.


Ruthye et Supergirl se déplacent sur la planète Urrralann où a été vu Krem des collines jaunes. Durant le trajet, parce qu'elle n'est pas sûre de pouvoir vaincre le criminel du père de la jeune fille, Supergirl lui raconte ses origines.


Krem lance son second globe de Mordru contre Supergirl qui fuit et enfourche son cheval, Comète, galopant dans l'espace pour semer l'arme. Autrefois, Supergirl a assisté à la destruction de Krypton et erré avec la ville d'Argo autour de laquelle son père avait fait ériger un dâme protecteur.


Cela ne suffit pas et les habitants moururent, victimes des radiations cosmiques. Après avoir perdu sa femme, Zor-El conçut une navette pour évacuer sa fille. Supergirl atteint un zone où la magie du globe de Mordru s'éteint et elle le détruit.


Au moment de quitter Argo City et son père, Kara promet d'"être bonne", selon le souhait de sa mère. Elle survivra. Supergirl rejoint Ruthye et elles s'approchent de Krem. Il tire une flèche sur elle, que Supergirl intercepte...

Tom King aime bien les défis un peu stupides le temps d'un épisode. Plus généralement, son écriture est souvent animée par des challenges narratifs et formels, ce qui lui vaut soit l'appréciation de ses fans, soit les quolibets de ses détracteurs (qui l'accusent de s'écouter parler, de se regarder écrire, comme ivre de ses mots). 

Ce sixième épisode de Supergirl : Woman of Tomorrow est typique de l'écriture de King. La première impression qui s'en dégage une fois terminé, c'est celle d'avoir lu une longue course-poursuite avec Supergirl montant le cheval Comète pour semer le globe de Mordru. C'est visuellement splendide, grâce aux planches merveilleuses de Bilquis Evely et aux couleurs enchanteresses de Matheus Lopes, qui se surpassent à nouveau pour représenter l'espace constellé d'innombrables étoiles, passant devant un soleil si flamboyant que vous aurez l'impression de sentir ses flammes, pour finir dans une sorte de nébuleuse annulant les pouvoirs de l'artefact dans une ambiance lunaire et fascinante.

Tom King a salué la performance (car c'en est une) de sa dessinatrice en ironisant sur le fait que les artistes de comics américains n'aiment pas dessiner les chevaux, mais qu'elle y arrive parfaitement, puis ajoutant qu'il existait plus difficile : dessiner des chevaux avec un personnage portant une cape. Et là encore, Bilquis Evely accomplit cela avec un talent extraordinaire.

L'artiste, qui travaille à l'ancienne (c'est-à-dire avec un crayon, en s'encrant à la plume et au pinceau), donne une texture fantastique à ses images. La vitesse du galop, les paysages sidéraux, les sensations éprouvées par Supergirl durant sa course folle sont traduites avec une précision luxuriante. Evely créé des pages qui ressemblent souvent à des tableaux quasi-surréalistes, et les couleurs de Lopes soulignent ce sentiment avec une palette exubérante, qui flirte avec le criard sans jamais y sombrer. Il y a là quelque chose de grisant parce que c'est un spectacle unique, une expérience visuelle, esthétique peu commune.

Mais tout cela a son revers : celle d'une certaine superficialité narrative, du tout pour l'image et pas grand-chose pour le récit. C'est pourtant là que naît le malentendu.

Car, s'il y a effectivement un côté exercice de style, une carte blanche donnée à l'artiste, le scénario de King possède une double couche qui entraîne l'épisode dans une autre dimension. En effet, en parallèle de cette cavalcade, l'auteur revient en voix-off sur les origines de Supergirl.

Pourquoi ? Là aussi, si on lit vite, on est tenté de penser que c'est pour gagner du temps, faire du remplissage. Mais c'est une erreur. Ruthye, qui est la narratrice de la série, explique que Supergirl entreprend de lui raconter son passé à la veille d'une nouvelle confrontation avec Krem des collines jaunes, dont la kryptonienne n'est plus sûre de venir à bout. Après tout, le malfrat est redoutable, il a réussi à l'envoyer sur une planète avec un soleil rouge, où Kara Zor-El a failli mourir dans un environnement très hostile.

Mais surtout, King dresse un parallèle entre Supergirl et Ruthye tout au long de sa série et il le justifie pleinement dans cet épisode. Elles sont toutes deux des survivantes, mues par un désir d'être dignes de ceux qu'elles ont laissés derrière elles. Ruthye veut venger son père, assassiné. Supergirl, honorer la mémoire de sa mère qui, sur son lit de mort, lui avait promettre d'"être bonne".

Contrairement à son cousin Kal-El/Superman, Supergirl n'a pas quitté Krypton avant sa destruction. Son père avait fait édifier autour de la ville d'Argo un dôme protecteur qui a permis à la cité de dériver dans l'espace après que Krypton ait implosé. Mais cela n'a pas suffi à préserver les habitants de radiations mortelles, à commencer par sa femme. Il a ensuite improvisé des renforts à ce dôme, qui a fait gagner quelques mois aux survivants. Puis il a construit une navette pour sauver sa fille. Au moment du départ, il lui a rappelé les mots de sa femme, "sois bonne".

Etre bonne : voilà une formule qu'on peut interpréter de bien des manières. Il peut s'agir de faire preuve de bonté. Ou d'être excellente. Supergirl est une fille qui veut être les deux. Et l'enseigner à Ruthye en espérant qu'elle oubliera de vouloir réparer la mort de son père en tuant Krem des collines jaunes. A moins que Supergirl oublie cette fois d'être bonne car Krem a empoisonné Krypto et qu'elle lui en veut pour cela au moins autant que Ruthye. La conclusion de la série (dans deux mois) révélera si Supergirl est bonne comme le souhaitait sa mère, au point de pardonner et/ou d'empêcher une vengeance mortelle...

Alors, oui, ce sixièe épisode est bavard, apparemment artificiel. Mais il est aussi intense, poignant. C'est du Tom King pur jus. Et du grand Bilquis Evely.