Cette fois, c'est la bonne : James Tynion IV tire sa révèrence et quitte Batman avec ce numéro Fear State Omega. C'est le bilan de sa dernière saga et même de l'année écoulée, forcément contrastée, entre tentatives de redynamiser la série et échecs patents. Pour la peine, il est soutenu par cinq dessinateurs qui se partagent les chapitres rétrospectifs du numéro, un procédé habile.
Batman convoie l'Epouvnatail dans son nouveau lieu de détention. Les deux hommes font le point : Molly Miracle a été incarcérée à Blackgate, payant pour tout le Collectif Insensé. Simon Saint est aussi en prison et son entreprise est sous la surveillance d'Amanda Waller.
Sean Mahoney s'est enfui et a quitté Gotham. Poison Ivy a renoué avec Harley Quinn mais a rompu avec la Jardinière et réfléchit au meilleur usage futur de ses pouvoirs. Catwoman doit également penser à son implication dans Alleytown mis à mal par le GCPD, le Magistrat et ses rivaux.
Clownhunter reproche à Batman d'être responsable du chaos en ville sans apporter de réponses. Ghost-Maker propose à Clownhunter de le former pour être plus efficace en renonçant à une justice expéditive et sans intégrer la Bat-famille.
Avant de livrer l'Epouvantail à sa nouvelle psychothérapeute, Chase Meridian, Batman lui explique que, chacun à leur manière, ils ont cru pouvoir changer, contrôler Gotham. Mais Jonathan Crane n'a pas compris que c'est une ville qui change ses habitants et pas le contraire.
C'est l'heure pour James Tynion IV de ranger ses jouets et de confier Batman à son successeur, Joshua Williamson. Il s'en acquitte dans ce long épilogue d'une quarantaine de pages en mettant en scène un dialogue entre Batman et l'Epouvnatail durant le trajet qui mène du commissariat central de Gotham jusqu'au nouvel asile de la ville.
Le procédé vaut ce qu'il vaut, mais il est plaisant à lire. Au fond, le scénariste oppose deux conceptions du contrôle : Batman, comme il l'explique à la fin de l'épisode, a tiré une leçon de l'année chaotique qu'il vient de traverser (depuis Joker War). Il a voulu, comme l'Epouvantail, contrôler Gotham, la changer, mais a fini par admettre que c'était impossible. Cet enseignement lui a été inspiré par une instropection : le drame originel qui a décidé de sa vocation super-héroïque (l'assassinat de ses parents) l'a conduit à vouloir traquer les criminels de toutes sortes en leur faisant peur, une méthode finalement similaire à celle de Jonathan Crane avec ses toxines.
En élaborant l'Etat de la Peur (Fear State), l'Epouvantail a voulu plonger Gotham dans la terreur afin de mieux la soigner ensuite comme un thérapeute, un traitement de choc pour une ville constamment plongée dans le chaos. Sa méthode était juste plus radicale, globale que celle de Batman. Mais comme le justicier, elle a échoué.
Est-ce à dire que Gotham est incurable ? En tout cas, c'est une ville résiliente, qui se relève de toutes les épreuves, et c'est un trait de caractère qu'elle partage avec Batman, mais pas avec l'Epouvantail. James Tynion IV prolonge donc une idée formulée par certains auteurs de la série : Gotham est un personnafge autant qu'une métropole et lorsqu'on écrit Batman, on écrit Gotham.
Durant le trajet qu'ils parcourent du commissariat central jusqu'au nouvel asile (en vérité, Batman empêche l'évasion de Jonathan Crane par des sbires qu'il avait conditionnés pour stopper le fourgon de police qui devait le convoyer), les deux antagonistes dressent une sorte de bilan non seulement de leur affrotnement récent mais aussi de l'année écoulée, ce qui temporalise la run de Tynion, avec une année passée entre Joker War et Fear State.
Batman détaille le sort de plusieurs personnages liés à ces événements : Molly Miracle et Simon Saint sont incarcérés. La première paie pour le Collectif Insensé qui a participé à la déstabilisation générale en s'attaquant aux médias, mais son séjour à Blackgate va sûrement lui permettre de convertir des détenus. Le second a tout perdu : son entreprise est désormais au main d'un conseil d'administration surveillé par Amand Waller (et il y a là de la matière pour une intrigue de la série Suicide Squad).
Poison Ivy a renoué avec Harley Quinn mais chasse la Jardinière de son éden dans les sous-sols de Gotham. C'est la drôle de fin d'une histoire qui n'a jamais eu lieu puisqu'il est évident que Tynion IV devait certainement revenir sur le passé commun de Pamela Isley et cette Jardinière et il y a peu de chances qu'on revoit cette dernière dans le futur. A force de vouloir peupler la Bat-galerie de nouveaux personnages, Tynion a eu les yeux plus gros que le ventre et en laisse un paquet sur le carreau (car j'ai aussi des doutes au sujet de Molly Miracle, Sean Mahoney, Clowhunter, Ghost-Maker) : peut-être ne pensait-il pas, en les créant, partir de Batman et de DC si vite, mais en même temps personne ne l'a mis dehors, c'est lui qui a choisi de tout plaquer pour Substack et ses creator-owned.
Sean Mahoney prend le maquis et quitte Gotham. Clownhunter accepte que Ghost-Maker devienne son tuteur. Tous ces noms, je me répéte, sont condamnés aux oubliettes, à mon avis. Joshua Williamson n'a rien dit à leur sujet pour sa reprise de la série et l'histoire qu'il veut développer, et je ne vois personne s'y intéresser pour les intégrer à une autre série, une équipe. Tout ça fait beaucoup de casse. Mais entre des designs moches et des rôles improbables, comment les exploiter ? Le problème de tous ces personnages, outre qu'ils sont des seconds rôles oubliables, c'est qu'ils sont morts-nés : Tynion a échoué à leur donner une épaisseur, un intérêt, une fonction, il a échoué à les rendre indispensables. Ils manquent tous de l'étoffe dont on fait des personnages avec un avenir : Tynion n'a écrit ces personnages que pour lui, et comme il s'en va, ils vont disparaître. Personne ne les regrettera, trop nombreux, trop artificiels.
In fine, Tynion introduit Chase Meridian dans l'histoire. Il s'agit en fait d'une psy qui avait fait son apparition dans le film Batman Forever de Joel Schumacher en 1995, incarné par Nicole Kidman. Une addition inattendue, qui rend perplexe, mais qui, bizarrement, pourrait, elle, servir car, Arkham détruit, elle devient la nouvelle thérapeute des super-vilains de Gotham, à la tête d'un nouvel asile.
Comme pour Batman : Fear State Alpha, Riccardo Federeci rempile au dessin et livre des planches très détaillées (quoique aux décors fantômatiques - l'avantage d'ilustrer des scènes à l'intérieur de la Bat-mobile roulant dans un brouillard à couper au Batarang).
Chaque segment du scénario en relation avec un des acteurs de Fear State est ensuite dessiné par un artiste différent : Christian Deuce officie sur les pages impliquant Molly Miracle, le Collectif Insensé, Simon Saint et Amanda Waller. Du bon travail, propre.
Ryan Benjamin imite Jim Lee avec les pages consacrées à l'évasion de Sean Mahoney. Sans intérêt, paresseux.
Guillem March, fidèle à son goût pour les super-vilaines (cf. Gotham City Sirens), s'occupe de la scène avec Catwoman Poison Ivy, Harley Quinn et la Jardinière. Pas mal, mais convenu.
Enfin, Trevor Hairsine livre la prestation la plus intéressante avec Clowhunter et Ghost-Maker. Nerveux, efficace.
On n'aura pas à attendre pour découvrir la nouvelle équipe créative à la tête de Batman puisque le #118 sortira dans une semaine pile. Joshua Williamson sera très attendu et aidé par l'excellent Jorge Molina pour un premier arc de quatre épisodes.
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