mardi 28 février 2023

VALERIAN : SHINGOUZLOOZ INC., de Wilfrid Lupano et Matthieu Lauffray


Sorti en 2017, cet album de Valérian a été proposé par Pierre Christin et le regretté Jean-Claude Mézières (mort l'an dernier) à Wilfrid Lupano et Matthieu Lauffray après un premier one-shot réalisé par Manu Larcenet (L'armure du Jakolass). Les deux créateurs de l'agent spatio-temporel voulaient que leur héros puisse être réinterprété par des auteurs triés sur le volet. Résultat : un récit complet de bonne facture, qui vaut surtout pour les dessins de Lauffray.



Alors qu'ils procédent à l'arrestation de l'androïde Zi-Pone, escroc intergalactique, Valérian et Laureline voient débarquer leur ami M. Albert à la poursuite des Shingouz. La raison de cette empoignade ? Les Shingouz ont créé une société qui cherche grâce à des sondes des mondes inahbités à vendre. Mais en remontant trop loin dans l'espace et donc le temps, ils ont trouvé la Terre avant que toute forme de vie n'y apparaisse...
 

Propriétaires de la Terre, ils l'ont ensuite perdu au jeu en affrontant Sha-Oo, un assoiffeur cosmique qui revend de l'eau partout dans l'univers à des planètes qui en manquent. Il risque désormais d'assécher la Terre et d'empêcher la naissance de la vie ! Laureline et M; Albert partent tenter de négocier avec Sha-Oo pendant que Valérian répare le vaisseau des Shingouz et de retrouver Zi-Pone, avalé par un Qwanthon, un poisson qu'il pêchait pour un cuisinier recevant la pègre...


Qui sait ce qu'il adviendra de Valérian et Laureline après la mort (qu'on souhaite la plus tardive possible) de Pierre Christin ? Mais il est possible que le scénariste ne souhaite pas que les héros qu'il a créés avec le regretté Jean-Claude Mézières, disparu en 2022, en reste là et que d'autres auteurs le reprennent.


Christin et Mézières avaient déjà autorisé Manu Larcenet à réaliser un one-shot, L'Armure du Jakolass en 2011, mais le résultat fut diversement accueilli par les fans - je me garderai de tout jugement car je n'e l'ai pas lu.. Néanmoins, on peut voir dans cette autorisation une volonté des deux créateurs de tester à la fois un possible repreneur et les fans de la série dans l'éventualité d'une continuation du titre après leur disparition.


Re-belote en 2017 avec ce Shingouzlooz Inc. que Matthieu Lauffray voulait concrétiser pour rendre hommage à la série qu'il lisait enfant. Lauffray est une vedette du 9ème Art en France depuis le succès de Long John Silver (écrit par Xavier Dorison) et de son propre projet, Prophet (commencé avec Dorison également et poursuivi puis achevé après de multiples péripéties éditoriales et créatives).
 
Ne se sentant peut-être de tout faire tout seul, Lauffray a demandé au scénariste-vedette des Vieux Fourneaux, Wilfrid Lupano, de rédiger un script. Une drôle d'association entre cet artiste spectaculaire et cet auteur versé dans le social qui aboutit donc logiquement à un produit fini un peu boîteux.

Si Shingouzlooz Inc. se lit facilement et respecte les codes de la série Valérian, avec les voyages spatio-temporels, l'aventure exotique, une part égale dévolue aussi bien à Valérian qu'à sa partenaire Laureline, convoquant des seconds rôles familiers (les trois Shingouz, M; Albert), j'avoue que certains points m'ont fait tiquer.

Christin a souvent injecté des éléments socio-politiques dans ces histoires, de manière subtile mais complexe, autant de qualités que je ne retrouve pas chez Lupano qui n'a jamais fait mystère de ses sympathies pour la (extrême) gauche. Et cela alourdit de façon maladroite un récit qui n'avait pas besoin de ça.

Un peu comme dans Black Panther : Wakanda Forever où Ryan Coogler appelle tous les personnages blancs des "colonisateurs", Lupano désigne tous les tenants du capitalistes comme des escrocs, des voleurs, des crapules. Cette vision manichéenne et partisane fait passer les dialogues pour un manifeste mélenchoniste franchement affligeant. Heureusement qu'il n'y a pas d'américains dans l'intrigue, sinon on peut parier qu'il serait dépeints comme des suppôts de Satan...

En tout cas, la caractérisation de Zi-Pone comme de Sha-Oo est on ne peut plus grossière et si les Shingouz sont un peu moins maltraités, c'est à l'évidence parce que Lupano leur conserve la sympathie qu'on a pour ces pieds nickelés incapables de convertir leur business en réussite, sinon il aurait droit au même regard sans concessions (dans le monde de Lupano, si tu as de l'argent, c'est qu'il y a forcément un loup...).

Enlevez tout ce charabia et Shingouzlooz aurait été une bien meilleure BD, car le rythme y est, la répartition des rôles entre Valérian et Laureline (lui les mains dans le cambouis, elle dans le feu de l'action), sont là. Dommage.

Le véritable intérêt de l'entreprise repose alors sur Matthieu Lauffray et il ne déçoit pas. Le dessinateur s'empare des personnages avec l'aisance des grands, facilement, avec personnalité. Son respect pour Mézières, cet artiste génial qui aura été pompé sans vergogne par George Lucas sans que le public américain le sache, transpire à chaque page et Lauffray a à coeur d'être à la hauteur de son maître sans le singer.

Surtout on voit bien que, comme beaucoup de fans, ce qu'il adore dans Valérian, c'est... Laureline, cette héroïne d'une modernité incroyable, la première femme qui n'a pas servi de faire-valoir au héros mâle, plus maline, plus combative, et surtout plus canon que toutes les autres. Lauffray adresse des clins d'oeil aux fans de la série en la montrant dans des tenues qu'elle a portées dans des albums emblématiques (comme Brooklyn station terminus Cosmos notamment).

Il nous gratifie aussi de doubles pages somptueuses, démontrant encore une fois son talent pour composer des images à couper le souffle. De ce point de vue, la maîtrise de Lauffray pour le grand spectacle est sans égal dans la BD franco-belge.

C'est donc, scénaristiquement du moins, en deçà de la production de Christin et Mézières. Mais si vous aimez Lauffray et que vous êtes un inconditionnel de Valérian (et Laureline), Shingouzloooz Inc. ne dépareillera pas dans votre collection.

(Maintenant, si Christin convainc Matthieu Bonhomme de s'essayer à l'exercice, je serai comblé.)

dimanche 26 février 2023

BATMAN : ONE BAD DAY - CLAYFACE, de Jackson Lanzing & Collin Kelly et Xermanico


Pour ce pénultième numéro de la collection Batman : One Bad Day, le trio Jackson Lanzing-Collin Kelly (scénario) - Xermanico (dessin) a jeté son dévolu sur Clayface/Gueule d'argile. Comme d'habitude, il s'agit d'un récit complet d'une soixantaine de pages consacré avant tout au vilain de l'histoire, où Batman apparaît peu (davantage comme dans l'épisode consacré à Catwoman que celui avec Mr. Freeze donc). Le résultat est rien moins que magistral.


Basil Karlo a quitté Gotham pour revenir tenter sa chance à Hollywood. Sous une nouvelle apparence et un nouveau nom, celui qui se fait désormais appelé Clay est embauché, pour gagner sa vie entre deux castings, comme serveur. Il se fait une amie de Kat, également employée dans le même restaurant et qui souhaite vendre un script à un studio (dès qu'elle l'aura achevé).


Les choses commencent à se gâter quand Clay, Corey, un autre collègue, doit passer une audition pour le même film que Clay et qu'il décroche le rôle principal. Jaloux, Clay tue Corey et prend son apparence. Mais le premier jour de tournage, il se dispute avec le réalisateur à propos de la manière d'interpréter le personnage. 


C'est le début d'une série de meurtres qui va conduire Clay à usurper l'identité de plusieurs personnes jusqu'à celle d'un producteur organisant une fête dans sa luxueuse villa sur les hauteurs de Los Angeles. Parmi les invités se trouve Bruce Wayne...


Alors que la collection Batman : One Bad Day s'achève le mois prochain avec un ultime numéro consacré à Ra's Al Ghul (écrit par Tom Taylor et dessiné par Ivan Reis), et après l'excellent tome dédié à Catwoman (par G. Willow Wilson et Jamie McKelvie), c'est au tour de Clayface (Gueule d'argile) d'avoir les honneurs d'un récit complet.
 

DC Comics a convaincu les actuels scénaristes de Captain America : Sentinel of Liberty d'écrire le script et Jackson Lanzing et Collin Kelly ont produit un vrai chef d'oeuvre. Visiblement inspiré par le personnage, il font de cette histoire un miroir de ses origines et glisse des clins d'oeil à des classiques, en particulier Killing Joke d'Alan Moore et Brian Bolland.

Il y a eu plusieurs Clayface dans l'a continuité du DCU mais le plus connu reste Basil Karlo et c'est lui qu'ont choisi Lanzing et Kelly. Devenu fou quand il a appris qu'on allait tourner un remake du film d'horreur dans lequel il avait joué, il tua tous les membres du casting et de l'équipe technique. Arrêté par Batman et Robin, il fit de fréquents allers-retours à l'asile d'Arkham par la suite jusqu'à ce que le Pingouin lui remette un échantillon d'argile magique qui, mêlé à son sang, en fit un monstre capable de changer d'apparence. Ainsi naquit Clayface/Gueule d'argile.

Il y a eu cependant une volonté récente de racheter ce méchant lors du run de James Tynion IV sur le titre Detective Comics quand le scénariste l'intégra aux "Gotham Knights" dirigés par Batman et Batwoman, aux côtés de Spoiler, Robin (Tim Drake) et Orphan. Mais même dans cette période, la tragédie rattrapa Basil Karlo qui, confronté à une femme qu'il défigura lors d'une ses exactions passées, et maniupulé par le Syndicat des Victimes, perdit à nouveau la raison et dut être neutralisé violemment par Batwoman, causant un schisme dans l'équipe qu'elle menait.

Jackson Lanzing et Collin Kelly ne font pas mention de cette parenthèse héroïque et reviennent aux sources du personnage en composant un récit qui fait écho à ses origines. Quittant Gotham pour tenter à nouveau sa chance à Hollywood, Basil change d'identité et d'apparence et repart de zéro en courant les castings, subsistant en travaillant comme serveur. Il rencontre d'autres prétendants à la gloire, comme Kat, une scénariste qui lutte pour achever un script, ou Corey, un autre comédien.

Les deux scénaristes partent d'une situation banale pour enclencher un engrenage criminel quand Corey auditionne pour le même rôle que Basil et décroche la timballe. Le sentiment d'échec de Karlo est d'autant plus vif que lors de son casting son interprétation était trop grandiloquente et qu'il s'est emporté quand la directrice de casting le lui a reproché. C'est tout le drame du personnage, convaincu d'avoir raison contre tous parce qu'il a une vision.

Sans pesanteur, Lanzing et Kelly citent Killing Joke, le classique de Alan Moore et Brian Bolland, car c'est pour le premeir rôle d'une adaptation cinématopgraphique que Basil et Corey passent une audition. D'une certaine manière, Basil a raison de dire qu'il comprend mieux le rôle que n'importe qui puisque l'histoire du film s'est déroulée à Gotham et qu'ellle raconte la naissance du Joker. Mais il n'empêche que, sans ambiguïté, il joue effectivement mal sa partition, en en faisant des caisses.

Habilement, Lanzing et Kelly ne montrent pas l'audition de Corey, on ne sait donc pas s'il a été objectivement meilleur que Basil. Mais ce n'est pas l'important : Basil est frustré par cet échec, d'autant plus qu'il profite à un rival (quand bien même il est aussi son ami). La suite est une répétition de cette frustration initiale : que ce soit avec le réalisateur du film, les membres de l'équipe de tournage, le producteur, il s'estime incompris injustement et tuer ceux qui ne le comprennent pas est le seul moyen efficace à ses yeux pour réparer cet affront. Il ne se rend même pas compte qu'il s'agit d'une fuite en avant.

Dans la dernière partie du récit, les deux scénaristes intègrent Bruce Wayne et dans une courte mais géniale scène, on voit Basil qui le reconnaît et perd littéralement toute contenance au point de devoir se réfugier dans une pièce pour recouvrer son sang froid. Mais il est trop tard. Dans un utltime sursaut, il révélera sa véritable identité à Kat, qui le reconnaîtra alors et comprendra qu'il est l'auteur des crimes...

La réussite magistrale du projet tient dans son côté direct : le vrai monstre, ce n'est en définitive pas Clayface mais Basil Karlo. Clayface n'est que la conséquence du drame de Karlo. Il ne s'agit pas d'un cas semblable à celui du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde puisque Basil sait exactement ce qu'il fait, même quand il laisse resurgir Clayface. En vérité, Clayface est l'arme de Basil, il la dégaine pour éliminer les obstacles qui se dressent devant lui et ses pouvoirs lui permettent ensuite de prendre l'apparence de ses victimes en espérant progresser dans la société. Parvenu (c'est le cas de le dire) au sommet de l'échelle, confronté à un énième échec, il n'a plus d'autre choix que de fuir encore - mais pour aller où ? Il s'est condamné tout seul.

Le script, ciselé comme une pierre d'orfèvre, est magnifiquement servi par le dessin, sublime, de Xermanico. Il a également peint la couverture de l'album, mais pour les pages intérieures, il a pu s'appuyer sur le fabuleux Romulo Fajardo. Ensemble, ils composent des planches exceptionnelles.

Le découpage alternne fréquemment "gaufriers" de neuf cases (hommage supplémentaire à Killing Joke) et doubles pages, qui baignent dans des lumières nuancées. Fajardo accomplit un travail sensationnel pour habiller les dessins, sans déborder dessus.

Xermanico, qui a donc une formation de peintre, sait comment dessiner en laissant de la place à son collaborateur. Son trait esst fin, précis, et ses personnages sont expressifs. Ses décors sont fournis, détaillés. Surtout ses compositions sont toujours parfaites, avec une disposition des divers éléments dans l'image harmonieuse et dynamique.

Il est certain que l'artiste produit une oeuvre majeure dans sa carrière en pleine ascension et on ne peut qu'être impatient de le retrouver sur la prochaine série Green Lantern, avec le retour au premier plan de Hal Jordan, qui sera écrite par Jeremy Adams et sortira en Mai prochain.

Batman : One Bad Day s'enrichit elle d'un nouveau chapitre de haute volée. Je sens que je vais crauer pour le Ra's Al Ghul de Taylor et Reis maintenant...

samedi 25 février 2023

G.C.P.D. : THE BLUE WALL #5, de John Ridley et Stefano Raffaele


Quel épisode là encore ! Décidément, même si elle a démarré comme un diesel, G.C.P.D. : The Blue Wall valait la peine qu'on s'y accroche car l'histoire écrite par John Ridley et dessinée par Stefano Raffaele est d'une puissance peu commune. Le scénariste a su tirer le profit maximum de la quantité limitée d'épisodes dont il disposait, servi par un dessinateur très inspiré.


Le meurtre de Benny Montoya et Sondra Wright par Danny Ortega choque toutes les forces de police de Gotham qui se mettent à la recherche de l'assassin, mais il sera difficile à appréhender car il connait leurs méthodes. Renee Montoya s'interroge sur son management et Harvey Dent lui propose de se débarrasser du fugitif pour l'aider...


La fin du précédent épisode créait un électrochoc assez intense pour que les deux suivants entraînent la mini-série dans une direction particulièrement dramatique. Avant son dénouement le mois prochain, G.C.P.D. : The Blue Wall bascule dans le thriller pur sans sacrifier sa qualité psychologique.


John Ridley examine les répercussions du geste fou de Danny Ortega, qui vient de tuer Benny Montoya et sa fiancée Sondra Wright en guise de représailles contre les forces de police qui l'ont broyé en faisant preuve d'un racisme honteux. Le jeune homme veut rendre les coups qu'il a reçus et a commencé par s'en prendre à la chef du GCPD.


La déflagration est terrible et John Ridley passe au crible tous ceux qu'elle touche directement, à commencer évidemment par Renee Montoya. Bouleversée, elle se demande si elle n'est pas responsable de la dérive meurtrière d'Ortega, si elle n'a pas raté quelque chose, d'autant qu'elle avait entendu le jeune homme quand il lui avait signalé le comportement répréhensible de ses collègues officiers.

Ensuite il y a les deux amis de Ortega, Park et Wells. Ce dernier a démissionné, dégoûté comme Ortega du système policier en vigueur à Gotham. Il n'arrive pas à croire que son copain Danny ait pu tué deux innocents, il refuse d'y croire, (se) racontant même qu'il s'agit une nouvelle fois d'une erreur judiciaire. Mais Park le rectifie en expliquant que, désormais membre de la brigade scientifique, elle était présente dans l'appartement du père de Danny pour collecter des indices et elle a observé la rage et même la fierté de ce père qui a vu son fils humilié par ses pairs.

Danny continue sa vendetta en exécutant d'autres policiers de son ancien service. Il les abat froidement, déterminé, implacable. Le lecteur regarde cette scène avec effroi et consternation car il sait que si Ortega commet l'irréparable, il a été également poussé à bout. Ridley montre intelligemment l'ambiguïté de la situation après avoir mis en scène un interrogatoire contre un officier responsable de remarques racistes à l'encontre du jeune homme et qui a minimisé ses propos en les faisant passer pour un bizutage

L'épisode se conclut sur une nouvelle rencontre entre Renee Montoya et Harvey Dent/Double-Face qui propose à la commissaire un marché tentant et radical. Sur ce coup, je dois dire que John Ridley m'a complètement retourné car je craignais au début de la mini-série qu'il exploite encore la relation trouble et tordue entre Montoya et Double-Face. Le scénariste a réussi à déjouer mes appréhensions pour écrire des échanges entre ces deux personnages d'une complexité fascinante, loin du jeu malsain de la victime et de son tortionnaire (comme ce fut le cas dans Gotham Central).

Ce qui surprend, et impressionne le plus, c'est la densité de l'épisode : Ridley aborde beaucoup de points en une vingtaine de pages, sans rien négliger, sans aller trop vite. Il tire le maximum de chaque moment, comme quand Danny braque Wells en pleine rue, prêt à le descendre s'il ne l'aide pas, avant de décamper quand il entend la voix de Park au téléphone. Tout va très vite et en même temps le temps semble suspendu de manière suffisamment efficace pour qu'on mesure le vertige qui s'empare des trois personnages dont le parcours dans la police de Gotham a complètement brisé les attentes, les espoirs, les ambitions.

Mais cela ne serait pas aussi abouti sans un bon dessinateur et il est certain que Stefano Raffaele contribue grandement à la qualité de l'ensemble. Bien qu'on sente encore chez ce jeune artiste italien des progrès à faire, sa façon de découper graphiquement le script, en privilégiant les gros plans sur les visages sert parfaitemetn le propos et l'ambiance étouffants.

Il faudrait évidemment savoir si le scénario mentionne exactement la valeur des plans pour déterminer si Ridley guide fermement la main de Raffaele, mais même sans disposer de ces infos, ce dernier saisit parfaitement les émotions qui traversent les protagonistes. La colorisation sombre de Brad Anderson, que je trouvais un peu terne au début de la mini-série, est progressivement devenue un atout supplémentaire pour le projet alors que le récit plongeait plus profond dans les tourments de ces trois jeunes flics.

La conclusion le mois prochain risque fort d'être très noire et désespérée, mais logique. John Ridley a signé d'ores et déjà un polar très noir, accablant, au réalisme brut, débarrassée de tout super-héroïsme, pour sonder les âmes de trois innocents abîmés. Avec Stefano Raffaele, il a signé une oeuvre forte qui n'attend qu'un dénouement à la hauteur. Peu de risque d'être déçu.

vendredi 24 février 2023

BATMAN-SUPERMAN : WORLD'S FINEST #12, de Mark Waid et Emanuela Lupacchino


Avant de retrouver Dan Mora (qui signe quand même la couverture de ce numéro) et d'entamer avec lui un nouvel arc narratif le mois prochain, Mark Waid livre un épisode qui revient sur la fameuse soirée catastrophe évoquée par Robin et Supergirl dans Batman - Superman : Wordl's Finest #2. Que s'est-il exactement passé ? Réponse dans les pages de ce chapitre très drôle, illustré par Emanuela Lupacchino.


Ce Jeudi-là, Robin a donné rendez-vous pour un dîner en tête-à-tête à Supergirl. Elle découvre qu'il est attablé dans son costume. Le reste va s'avérer désastreux car chacun est trop centré sur ses propres problèmes pour écouter l'autre. Sans compter avec les ravages causés par un chien en fuite...


Si vous vous êtes procuré le tome 1 de Batman - Superman : World's Finest paru récemment chez Urban Comics, vous vous serez certainement demandé pourquoi à l'arrivée de Supergirl dans le manoir de la Doom Patrol, elle et Robin ne sont ravis de se voir et encore moins d'être obligés de travailler ensemble.


Il est évoqué une soirée en tête-à-tête qui aurait mal tourné, mais guère plus. Dan Mora étant toujours aussi occupé (il dessine actuellement en parallèle une mini-série Teenage Ninja Mutants Turtles/Mighty Morphin' Powers Rangers et s'active déjà sur le premier épisode de Shazam !, à paraître en Mai !), Mark Waid propose à nouveau un épisode de transition avec un artiste invité entre deux arcs narratifs.


Après avoir collaboré avec Travis Moore sur World's Finest #6, le scénariste est cette fois assisté par Emanuela Lupacchino, que DC installe un peu partout dès qu'il y a une place vacante. La dessinatrice italienne n'a jamais réussi à vraiment percer, à s'imposer, même si elle fait toujours du bon boulot, très propre, très pro.

Elle profite désormais de l'encrage de Wade von Grawbadger, abandonné par Stuart Immonen après une très longue collaboration, mais son dessin manque toujours de cette consistance qui sépare les bons artistes des très bons, sur lesquels misent les éditeurs. Cette fois ne fait pas exception : elle produit des planches très lisibles, avec des personnages expressifs, mais qui manquent cruellement de saveur, d'énergie.

Passer après Dan Mora est terrible et cela résume un peu la carrière de Lupacchnio qui n'a jamais bénéficié du crédit qu'on accorde à une dessinatrice remarquée pour sa régularité et la fermeté de son style. Il n'y a rien à lui reprocher, sinon de faire des images et pas de raconter visuellement une histoire. La faute à des compositions paresseuses, à un trait banal. Lupacchino est une artiste aimable mais pas de celles qu'on cite comme un espoir ou une confirmation. Ce ne sera jamais Bilquis Evely ou Carmen Carnero, mais plutôt l'équivalent de la girl's next door des comics.

C'est une peu sévère ce que j'écris à son sujet mais c'est ce qu'on ressent en lisant sa production ici. Von Grawbadger ne lui apporte rien et on mesure là aussi à quel point cet encreur était exceptionnel parce qu'il assistait un artiste de la trempe de Immonen et pas le contraire. En comparaison, Travis Moore faisait bien meilleur figure sur le n°6 de la série alors que là, on a l'impression fâcheuse que Lupacchino a été sollicité faute de mieux.

Pourtant le script de Mark Waid était du pain béni. Découvrir ce qui s'est passé lors de ce fameux repas entre Robin et Supergirl est une leçon de comédie : c'est spirituel, très drôle, rythmé, parfait pour respirer entre deux arc trépidants.

Surtout Waid règle en quelque sorte la question qui a pu préoccuper des lecteurs : pourquoi Robin et Supergirl n'ont-ils jamais été plus que des amis alors que leurs mentors, Batman et Superman, sont comme des frères ? Le scénariste imagine donc une soirée qui part mal dès le début, avec l'idée saugrenue de Robin d'aller au restaurant dans son costume de héros, obligeant du même coup Supergirl, lorsqu'elle l'aperçoit, à se changer en quatrième vitesse puisqu'elle arrivait en tenue civile.

La suite n'est qu'une confirmation de ce malentendu où les deux personnages étaient convaincus que la soirée serait romantique. Robin évoque très vite les circonstances tragiques qui l'ont fait devenir qui il est et en vérité il est resté ce petit garçon qui a vu ses parents mourir devant ses yeux, adopté par Batman pour devenir son sidekick, et qui ne vit pas une vie normale, avec des relation sociales normales.

Idem pour Supergirl dont l'arrivée sur Terre s'est produite au cours de péripéties tragiques et qui en est encore à s'acclimater quand son cousin a grandi parmi les humains depuis l'enfance. Lorsqu'elle parle de ses faiblesses et donc s'ouvre un peu, Robin s'impatiente de ne pas voir leur repas arriver. Plus tard, après une scène d'action farfelue, il se rend compte qu'il a oublié son portefeuille et décrit comment il compte remédier à ce problème. Supergirl lui dit qu'elle va règler l'addition pour en finir et il s'y résigne, conscient de l'échec total de la soirée.

Waid fait le portrait de deux adolescents autocentrés, qui ne savent pas communiquer et encore moins s'abandonner à un quelconque jeu de la séduction. Ce n'est même pas qu'ils ne sont pas faits l'un pour l'autre, c'est qu'ils n'ont rien à partager, ils ne sont absolument pas prêts ni disposés. Encore aujourd'hui demeure l'image d'une Supergirl célibataire, sans véritable amant durable, tandis que Robin flirtera plus tard avec Batgirl, couchera avec Starfire et reviendra auprès de Barbara Gordon.

On saisit ainsi mieux pourquoi ils n'étaient pas ravis de faire équipe dans World's Finest #2 : ils ne se détestent mais ont partagé un moment embarrassant et en se revoyant, ils le revivent. Waid pousse même le bouchon un peu plus loin en inscrivant l'épisode dans un flashback et en montrant le lendemain quand Robin reproche à Batman de lui avoir tout appris sauf à être un séducteur quand Supergirl se confie à Superman et reconnaît avoir été rude avec Robin (son cousin la félicité alors avec une pointe de malice pour s'auto-analyser avec autant de lucidité).

Même quand elle souffle un peu, World's Finest reste une série irrésistible. Rendez-vous en Mars pour une nouvelle aventure dont Métamorpho sera la vedette...

THE MAGIC ORDER 4 #2, de Mark Millar et Dike Ruan


Ce deuxième épisode du quatrième volume de The Magic Order ressemble à un jeu de massacre. C'est comme si Mark Millar cassait ses jouets. Mais c'est raccord avec le projet qui annonçait ce nouvel acte comme l'équivalent du Parrain chez les magiciens. Dike Ruan met cela en images avec beaucoup d'énergie, en oubliant quelque peu les décors.


La vendette contre l'Ordre Magique par ceux qui craignent de connaître le même sort que Regan Moonstone se poursuit. Edith la bibliothécaire est tuée devant l'oncle Edgar, puis c'est Regan qui lui-même qui est mis à mort pour avoir refusé de se joindre à ce soulèvement...


Je ne peux malheureusement plus éviter certains spoilers comme en témoignent les planches illustrant cette critique et dévoilant celle qui orchestre ce réglement de comptes. Madame Albany, la grande méchante du volume 1 (dessiné par Olivier Coipel) de The Magic Order est donc de retour d'entre les morts.


Comme elle avait été éliminée (à preu près...) au même moment où Rosie Moonstone a fait le chemin inverse, elle en a profité pour s'emparer du corps de la fillette. Ce twist imaginé par Mark Millar remet les événements des volumes 2 et 3 en perspective et on comprend à la fois pourquoi Cordelia Moonstone et son frère Regan craignaient qu'elle n'ait hérité de la puissance magique de son père, Gabriel, mais aussi pourquoi Sacha Sanchez a voulu l'éliminer en comprenant que quelque chose clochait chez elle.


Hélas ! C'est à peu près, du moins pour l'instant (car on n'en est qu'au tiers de l'intrigue de ce volume 3, donc les choses ont le temps d'évoluer), ce qui marquera les esprits dans cet  épisode qui est assez répétitif et oublie en cours de route des éléments toujours inexploités depuis le volume précédent.

Mark Millar prend son temps pour montrer les exécutions horribles dont sont victimes ceux qui refusent de s'allier à Madame Albany et on voit ainsi disparaître Edith la bibliothécaire mais aussi et surtout Regan avant que Rosie disparaisse à son tour de manière spectaculaire.

On se dit que le scénariste aurait gagné à aller plus vite, quitte à les survoler, dans ces passages un peu gratuits et complaisants. Mais s'il faut absolument trouver un mérite à ces pages, c'est celui de prouver que Madame Albany et ses acolytes ne font pas de quartier et renversent vraiment la table. Elle est désormais la nouvelle patronne de l'Ordre Magique et on voit mal ce qui pourrait améliorer la situation.

Là où c'est beaucoup plus frustrant, c'est en ce qui concerne les manques narratifs et graphiques. Dike Ruan, commençons par lui, est un excellent dessinateur et je crois que s'il conduit bien sa carrière et que les éditeurs lui font confiance, il a tout pour devenir une future star. Son trait dynamique, son découpage vif, s'accordent parfaitement avec le récit intense de Millar.

Mais quand on le compare à Immonen ou Cavenago, on est quand même un cran en-dessous. De ce point de vue, il se rapproche davantage de Coipel avec qui il partage une négligence coupable pour traiter les décors. Il gagne ainsi certainement du temps mais le lecteur se trouve souvent à lire des planches aux fonds vides, que la coloriste, Giovanna Niro, doit meubler. C'est à mes yeux insuffisant, surtotu après les deux précédents volumes si riches de ce point de vue.

On pourrait aussi reprocher à Ruan de ne pas faire beaucoup d'effort pour représenter les manifestations magiques, si bien que les exécutions commises par les complices de Madame Albany et cette dernière souffrent de la comparaison avec ce qu'offrait Cavenago dans les précédents numéros (même s'il est vrai que le génie italien plaçait la barre très haut).

Millar aussi semble parfois oublier sa propre histoire en route car comment expliquer autrement qu'il néglige à ce point l'oncle Edgar après les révélations faites à son sujet dans le volume 3 ? Cependant, je resterai plus mesuré sur ce point car la fin de l'épisode renvoie directement à cette partie de l'intrigue en rapport avec Edgar et Perditus, le premier fils de Leonard et Salomé (qui, elle, semble effacée de manière trop expéditive).

Vous l'aurez compris, je ne retiens pas grand-chose de positif de cet épisode, un des plus, (si ce n'est le plus) décevant que la série ait produit. Rien de définitif cependant car The Magic Order reste un titre prenant, accrocheur, avec beaucoup de potentiel, et il est clair que Millar a un plan en tête. Ruan doit gagner en consistance pour être au niveau de ses prédécesseurs mais il en a la capacité. Rebond attendu le mois prochain donc, qui coïncidera avec la moitié de cet acte III.

jeudi 23 février 2023

NIGHTWING #101, de Tom Taylor et Travis Moore, C.S. Pacat et Eduardo Pansica

 

Finalement, j'ai décidé de replonger dans les aventures de Nightwing après la réussite du n°100 de la série, paru le mois dernier. Une série qui va pour un temps être un titre Titans déguisé comme le prouve cet épisode. Tom Taylor fait équipe avec l'excellent Travis Moore (Bruno Redondo signant la couverture mais étant trop occupé par ailleurs avec des commissions art).


Feu Blockbuster avait vendu son âme à Neron et s'il venait à disparaître, c'est sa fille qui reveindrait au seigneur des bas-fonds. Olivia Desmond est sous la protection de Raven et Beast Boy lorsque Nightwing leur rend visite. Le corps d'un étudiant de la Titans Academy aurait été trouvé dans les gravats de la Tour de New York, détruite lors de l'attaque menée par Deathstroke...


Si j'ai pu être très déçu par Nightwing de Tom Taylor, et notamment par la prestation en pointillés de Bruno Redondo au dessin avant d'arrêter de suivre la série, je mentirai en disant que ça ne m'a pas manqué de lire les aventures de Dick Grayson. Et le centième épisode paru le mois dernier m'a convaincu de replonger.


Entre-temps, ce qui était attendu s'est concrétisé : une nouvelle série Titans va être relancée en Mai prochain et c'est bien Tom Taylor qui l'écrira, avec Nicola Scott au dessin. En attendant cela, Nightwing va donc être un team-book qui ne dit pas son nom puisque les partenaires de Dick Grayson sont désormais à ses côtés à Blüdhaven.


Mais alors qu'on aurait pu croire que Taylor allait enchaîner, après le n°100, sur un arc narratif mettant en scène Heartless, le scénariste a décidé de jouer encore une fois la montre avec ce vilain. Au lieu de ça, il fait référence à ce qui s'est passé dans Nightwing #98 (avec le lutin Nite-Mite) et l'event Dark Crisis (on Infinite Earths).

Commençons par Dark Crisis : dans ce récit, la Titans Tower de New York a été détruite dans une grande bataille provoquée par Deathstroke. C'est expliqué dans l'épisode, donc même si vous n'avez pas lu l'event, vous n'êtes pas perdu (et oserai-je ajouter que vous n'avez rien perdu non plus si vous n'avez pas lu Dark Crisis, dont la première partie vient d'être traduite par Urban Comics ?).

Ensuite, dans Nightwing #98, Nightwing faisait la connaissance d'un lutin de la 5ème dimension, Nite-Mite (l'équivalent pour lui de Bat-Mite pour Batman et de Mr. Mxyzptlk pour Superman), capable d'exaucer tous ses voeux à condition d'accepter son existence et de le laisser assister à ses exploits. Ainsi, grâce à cet allié inattendu, Nightwing a sauvé Olivia Desmond, la fille de Blockbuster des griffes de démons envoyés par Neron, avec qui Roland Desmond avait passé un pacte.

Roland mort (tué par Heartless), Neron entend bien récupérer la fille et demande une faveur au roi de Vatlava, avec lequel il tend un piège à Nightwing... En dire plus serait spoiler la nature du piège en question, très simple et malin, pas très original mais efficace. Un concentré de Tom Taylor, en somme.

Ce qui change le regard porté sur cet épisode et l'arc à suivre, c'est sans aucun doute le changement de dessinateur. Bruno Redondo a préféré se mettre en congé quelques mois (pour achever des commissions promises à des fans - et recharger ses batteries ?), mais il signera quand même les couvertures de la série. C'est Travis Moore qui se chargera des pages intérieures.

Moore est un artiste solide, dont la productivité n'est pas folle mais toujours soigné. Il avait inauguré le run de Becky Cloonan et Michael Conrad sur Wonder Woman, et il vient de finir une mini-série chez Image (Sins of the Black Flamingo), il a aussi illustré le sixième épisode de Batman-Superman : World's Finest de Mark Waid.

Mais ce qui distingue Moore de Redondo, c'est son classicisme. Contrairement à son collègue espagnol, il met en images les histoires qu'on lui confie avec sobriété, et par conséquent la ressemblance qu'on trouvait visuellement entre Nightwing et Hawkeye (par David Aja) ou Daredevil (par Chris Samnee) n'a plus lieu d'être.

Mine de rien, le titre y gagne énormément, non pas parce que Redondo a fait du mauvais boulot, mais parce qu'on ne lit plus l'épisode en comparant à Nightwing à ses glorieux aînés. Le rendu est très élégant, soigné, avec un niveau de détail pour les décors plus élevé que la moyenne, et un style réaliste académique. Les couleurs, toujours apposées par Adriano Lucas, permettent à la série de conserver sson look lumineux.

Taylor utilise Raven, Beast Boy et Starfire en supporting cast, sans qu'ils ne volent la vedette à Nightwing. Mais de toute façon, ça fait plaisir de voir Dick entouré de ses copains Titans, bien intégrés à l'intrigue. Est-ce qu'on verra Cyborg, Flash ou Donna Troy ensuite ? Ce ne serait pas étonnant vu la menace incarnée par Neron.

C'est presqu'un nouveau départ. Et c'est très plaisant.
 

- A NIGHT AT THE CIRCUS (Ecrit par C.S. Pacat, dessiné par Eduardo Pansica). - Nightwing continue d'entraîner Jon Kent pour qu'il ne se repose pas seulement sur ses super-pouvoirs. Ils sont amenés à enqueter sur une tentative d'assassinat dans un cirque...

A partir de ce numéro, la série s'enrichit d'une back-up story. DC en a confié l'écriture à l'écrivain C.S. Pacat, spécialiste de romans fantastiques et qui a collaboré récemment à des tie-in pour l'event Lazarus Planet. Elle n'a que quelques pages pour faire ses armes, donc 'est assez ingrat à juger, mais le prétexte est de montrer comment Nightwing entraîne Jon Kent avant qu'ils ne se mêlent d'une affaire qui rappelle étrangement les conditions ayant conduit à la mort des parents de Dick Grayson.

Encore plus ingrat peut-être : c'est le talentueux Eduardo Pansica qui s'occupe des dessins. Il mérite franchement mieux que quelques planches, mais souhaitons que c'est en attendant mieux et plus.

mercredi 22 février 2023

SUPERMAN #1, de Joshua Williamson et Jamal Campbell


La série Superman est donc relancée au n°1 avec une nouvelle équipe créative à l'occasion de Dawn of DC, le nouveau statu quo issu de Dark Crisis (on Infinite Earths). Joshua Williamson, déjà scénariste de cet event, est aux commandes des aventures en solo du Man of Steel et la couverture ne ment pas quand elle annonce qu'il est Back in action. Avec Jamal Campbell au dessin, on a l'assureance d'une belle BD. Mais surtout ce relaunch est vraiment irrésistible. Mon coup de coeur de la semaine !


Après avoir arrêté Livewire, Superman reprend son identité de Clark Kent pour rentrer au Daily Planet dont Lois Lane, durant le congé sabbatique de Perry White, est la rédactrice-en-chef. Bien que Lex Luthor soit derrière les barreaux, il a réservé une surprise de taille au Man of Steel : désormais Lex Corp s'appelera SuperCorp et tout son personnel et ses équipements seront au service du héros !


Et si, en 2023, DC avait décidé de rendre à Superman toute la place qui luirevient, c'est-à-dire celle de son super-héros le plus emblématique ? Certes, Batman restera toujours le chouchou des fans, mais ce qui frappe, c'est la volonté de restaurer l'image de Superman, jusqu'à l'annonce d'un film Superman Legacy qu'écrit (et réalisera ?) James Giunn (en 2025).


Superman est depuis longtemps un personage que tout le monde cherche à réinventer. Brian Bendis, arrivé chez DC avec tambour et trompette, avait supprimé l'identité secrète de Kal-el, après que Peter J. Tomasi (au tout début de l'ère Rebirth) avait fait comme si tout redémarrait au lendemain de la mort de Superman. Mais où était Superman là-dedans, comment l'aborder sans ces références, comment le rendre à nouveau accessible et attirant ?


C'est à ces questions que Joshua Williamson a entrepris de répondre avec cette relance au n°1 de la série Superman. Tandis que Philip Kennedy Johnson dans Action Comics semble être parti sur une idée impliquant toute la Super-family (avec Supergirl, Jon et Connor Kent, Steel), Williamson, lui, évoque rapidement cette partie-là pour mieux imposer sa direction : sa série sera celle de Superman seul.

Le scénariste s'appuie sur le nouveau statu quo mis en place par Kennedy Johnson : plus personne (ou presque) ne sait que Clark Kent est Superman depuis que Lex Luthor a tué le magicien Manchester Black en le forçant à lancer un sort effaçant de la mémoire collective cette info (et pouvant même tuer ceux qui pourrait essayer de s'en rappeler). Superman a fait incarcérer Luthor pour cela même si ce dernier a juré avoir commis cet acte pour aider le Man of Steel, conscient que le monde avait besoin de lui - mais sans que ses proches soient menacés.

C'est comme si DC avait voulu radicalement effacer le souvenir du run de Bendis surtout. On peut juger le procédé peu élégant. Sauf s'il aboutit à une relance efficace et pérenne. On verra donc. J'ai envie de donner sa chance à Williamson (et Kennedy dont j'ai également beaucoup aimé le dernier n° de Action Comics).

Et si je suis enclin à l'indulgence, c'est pour deux raisons : 1/ il faut bien admettre que le run de Bendis n'a pas été mémorable, en dehors du changement imposé au personnage de Jon Kent (qui a été à la fois une mauvaise chose car elle nous a privés de l'adorable gosse qu'il était, et une bonne chose puisque DC et surtout Tom Taylor ont quand même réussi à exploiter cette situation habilement) ; et 2/ parce que ce premier épisode période Dawn of DC est simplement excellent.

Mieux même : il est irrésistible et c'est assurément mon coup de coeur de la semaine (voire plus). J'ai pris énormément de plaisir à le lire, c'est le Superman que j'aime, que j'avais envie de lire, que je n'espérai pas de la par de Williamson. Il est accessible à tous, il est tonique, lumineux, mouvementé. C'est idéal.

Le twist reposant sur le fait que Luthor veuille aider Superman en allant jusqu'à faire de LexCorp SuperCorp, intégralement au service du héros de Metropolis, est génial. Il redessine la relation entre Kal-el et Luthor en sortant du cliché de leur rivalité (même s'il n'est jamais exclu qu'il s'agisse d'un énième coup fourré de Lex...), mais surtout il donne le ton au reste - un ton résolument positif, feel-good. Et ça fait vraiment du bien.

En ce moment, j'ai envie de lire des comics sympas, entraînants, positive vibrations only. C'est sans doute ce qui me manque chez Marvel où je ne trouve plus trop ça (même si quelquefois il y a de bonnes surprises, comme récemment avec la mini X-terminators), alors que chez DC l'écriture de Nightwing par Tom Taylor, de World's Finest par Mark Waid donnent le "la". Je ne dis pas que tout est rose chez DC, simplement que chez Marvel je ne vois pas d'équivalent à des titres comme ça.

Cela passe aussi par le graphisme et là encore ce nouveau volume de Superman se distingue par son esthétisme. Avoir confié cet icone à Jamal Campbell est épatant. Ce jeune artiste s'est en quelques années imposé comme un dessinateur important chez l'éditeur : remarqué sur la mini-série Far Sector, il a co-créé (avec Brian Bendis et David Walker) Naomi, et là, c'est une forme de consécration pour celui qui est un grand fan de Superman.

Cet amour pour le personnage transpire des pages. Il y a quelque chose de grisant dans sa manière de représenter le surhomme, souriant, confiant, mais aussi terriblement humain. Le reste est à l'avenant : les deux scènes d'action sont incroyablement puissantes. Metropilis brille de mille feux. Les locaux de SuperCorp béneficient des détails d'un niveau élevé que l'infographie, bien dosée, permet. Williamson a par ailleurs l'habitude de parsemer d'indices pour le futur les couvertures qui inaugurent ses runs et donc après Livewire et Parasite dans cet épisode, on devrait voir  bientôt Silver Banshee et Bizarro, des adversaires moins familiers, en tout cas moins fréquents. Et le scénariste avec son dessinateur ont promis des surprises, des nouveautés.

Campbell assume aussi la colorisation de ses planches et c'est essentiel dans le rendu si solaire de l'ensemble. Franchement, qui n'aime pas ce Superman... N'aime pas Superman tout simplement !

J'ai du mal à contenir mon enthousiasme, mais ça fait un tel plaisir de lire un comic-book aussi bien pensé et fait. J'espère que ça va fonctionner et que DC laissera ce relaunch grandir tranquillement (même si c'est vrai que DC soumet moins ses personnages aux diktats des events trop récurrents comme chez Marvel). Dans quelques mois, ça fera un bel album pour une nouvelle collection chez Urban, pour ceux qui préférent attendre la vf.

mardi 21 février 2023

LADY KILLER, TOME 2, de Joelle Jones


Ce deuxième tome de Lady Killer, paru en 2016 en vo, est encore meilleur que le premier. Cette fois, Joelle Jones est seule aux commandes et son écriture comme son dessin ont gagné en assurance. Surtout elle ne se contente pas d'une suite facile puisqu'elle développe des éléments négligés ou suggérés dans le premier tome. Avant un troisième volume qui est en cours de réalisation...



1963. Josie, Eugene leurs deux filles, et Greta, la mère de ce dernier, ont déménagé sur la Côte Est, en Floride, dans la station balnéaire de Cocoa Beach. Gene a trouvé un nouvel emploi et son patron est marié à une femme plus jeune, Ruth. Josie, elle, travaille à son compte et exécute des contrats avec toujours la même efficacité. Même si elle aurait besoin d'un bon coup de main pour se débarrasser des corps de ses victimes...
 

Irving, qu'elle avait rencontré à Seattle l'année précédente, resurgit opportunément pour lui proposer une association. Peu après, elle est contactée par Hawley, émissaire du Syndicat qui lui offre de meilleures missions, mieux payées, mais exige qu'elle se sépare d'Irving. Celui-ci le prend évidemment très mal et la belle-mère de Josie va lui révéler des choses inquiétantes sur le passé de cet homme...


Tout comme les nouvelles aventures en Floride de Josie Schuller se déroulent un an après les premières, Joelle Jones n'aura pas tardé à se remettre à l'ouvrage puisque les cinq épisodes de ce tome 2, publiés apr Dark Horse (en vo) et traduit par Glénat, sont sortis un an après les cinq premiers.


Entre-temps, Jones a donc délaissé son éditeur et co-scénariste Jamie S. Rich et sa coloriste Laura Allred, ici remplacée par Michelle Madsen. Ce qui frappe d'emblée, c'est la maturité gagnée dans cette évolution. L'écriture est plus acérée, plus fouillée aussi, le dessin encore meilleur, et la palette de couleurs beaucoup plus convaincante.
 

La presse américaine a décrit Lady Killer comme le croisement entre Dexter (la série avec Michael C. Hall sur un serial killer) et Mad Men (sur le destin d'un publiciste, Don Draper, dans les années 60), manière de résumer l'ambition de Joelle Jones entre le récit criminel et violent et le look rétro et élégant dans lequel baigne son histoire. C'est exactement ça.

Cocoa Beach offre à Jones un cadre plus ensoleillé que Seattle (même si elle représentait cette ville de manière très flatteuse). On sent surtout que Jones a voulu un décor qui contraste au maxmum avec les actions sanglantes de son héroïne, une série de meurtres au paradis en somme.

Le casting s'étoffe avec le patron d'Eugene, Mr. Robidoux, et son épouse, Ruth. Lui est introduit comme une grande gueule machiste et sans gêne, qui drague ouvertement Josie, fait des blagues pas drôles au dîner, tandis que sa femme embrasse Eugene franchement comme si elle l'invitait à avoir une liaison. Jones va utiliser ce couple de manière habile comme un subplot puisque Robidoux va disparaître mystérieusement, que Gene va être soupçonné d'être mêlé à cette disparition alors que le responsable est un proche de Josie, resurgi de son récent passé.

Josie, justement, poursuit ses activités de tueuse mais elle travaille désormais à son compte après s'être débarrassé de Peck et Stenholm, qui l'embauchaient à Seattle. Il faut donc bien avoir lu le tome 1 avant de plonger dans le 2. Très vite, elle voit réapparaître une connaissance de sa vie dans l'Est avec lequel elle noue une alliance redoutable. Mais qui va être contrariée quand on lui propose un deal très engageant à condition qu'elle se sépare de son partenaire de boulot...

Le rythme à partir de là s'affole et on suit les péripéties suivantes avec jubilation. Josie mais aussi Eugene sont cernés par les difficultés, et c'est sans compter avec Greta, la belle-mère qui va confier de perturbants secrets au sujet de son passé à sa belle-fille. C'est là qu'on voit que Jones a considérablement réfléchi et a appris de ses erreurs sur les cinq premiers épisodes : le background de la série s'est densifié, les personnages gagnent en épaisseur, les situations s'entremêlent et la tension grimpe d'un bon cran.

Il ne s'agit plus d'observer à l'oeuvre Josie sans savoir d'où elle vient (un court flashback, amené à être développé dans le prochain volume en cours de réalisation, nous instruit sur l'enfance de la jeune femme auprès d'une mère désoeuvrée mais qui lui apprend à ne jamais se laisser rabaisser), ni pourquoi elle fait ce qu'elle fait. De façon adroite et troublante se dresse un pont entre Josie et Greta, deux femmes de caractère qui sont aussi des survivantes et qui vont être confrontées à un ennemi commun, apprenant à faire front ensemble. Ce n'est donc pas si surprenant qu'à la fin les deux restent ensemble alors que Gene et ses filles désertent, déboussolés par ce qu'elles ont découvert.

Il est assez rare de dire qu'un auteur complet s'améliore en se délestant de ceux qui l'ont aidé à s'imposer, mais Joelle Jones a grandi en s'émancipant de ses deux plus proches collaborateurs. C'est quelque part un mystére qu'elle n'ait pas réussi à convertir ces atouts en passant chez DC où son dessin a fait merveille mais où ses qualités de scénariste ont paru se briser sur des personnages d'un univers partagé (y compris quand il s'agissait d'une création de sa part, comme Wonder Girl Yara Flor, ou sur Catwoman, qui semblait pourtant taillée pour elle).

Visuellement, ces cinq épisodes sont éblouissants. Jones est une fabuleuse artiste, au trait imparable, expressif et élégantissime. Son encrage est également fantastique, avec des effets de texture admirables, mais surtout un soin épatant apporté à l'épaisseur selon la profondeur de champ de l'image.

Encore une fois, on est ébahi par la méticulosité de la reconstitution d'époque, qu'il s'agisse des véhicules, des maisons (aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur avec un mobilier, des papiers peints à motifs savamment choisis), et les vêtements. Josie reste une gravure de monde, au chic renversant, c'est le côté Mad Men de la série, vintage mais sans être corseté. Même quand elle met en scène l'assassinat d'une danseuse de strip-tease dans sa loge, Jones ne néglige rien, et la séquence finale, nocturne, du réglement de comptes dans la maison, est un modèle de découpage.

Michelle Madsen a remplacé Laura Allred et a apporté à la série des couleurs plus nuancées et aussi plus flamboyantes, qui valorisent le dessin de Jones. J'espère qu'elle reviendra pour les nouveaux épisodes car c'est un renfort appréciable.

Lady Killer est une série unique qui donne à voir le meilleur de son auteur. Ne passez pas à côté, même si vous vous méfiez des histoires de tueuses et que les éclaboussures d'hémoglobine vous répugnent : les qualités de la série dépassent ces caractéristiques.

lundi 20 février 2023

LADY KILLER, TOME 1, de Joelle Jones avec Jamie S. Rich


Le travail de Joelle Jones chez DC Comics ne m'a jamais emballé, et je suis donc heureux qu'elle ait annoncé revenir à sa propre création (sur la plateforme Zestworld dans un premier temps) : Lady Killer. Publiée à l'origine chez Dark Horse, traduite par Glénat, ce titre compte pour l'instant deux tomes (qui ont été réunis dans une superbe Library Edition, grand format). Parlons du premier qui compte (comme le deuxième) cinq épisodes, co-écrits par Jamie S. Rich.


Qui est Josie Schuller ? En apparence, c'est une femme au foyer modèle des années 60, mariée à Eugene avec qui elle a deux filletes (Jane et Jessica, des jumelles), et qui cohabite avec sa belle-mère acariâtre. Elle raconte aussi passer son temps libre dans un hospice où elle accompagne des personnes âgées en fin de vie.


Sauf que Josie Schuller est aussi (surtout) une tueuse. Elle travaille pour une organisation sans nom, dirigée par le sévére Stenholm, et elle a pour agent de liaison le séducteur Peck.  Malgré sa redoutable efficacité et ses quinze ans de service, Josie est dans le collimateur de sa hiérarchie qui se méfie qu'une femme fasse ce boulot - et le fasse bien...


Dans la préface de Lady Killer : Library Edition (que je possède), la romancière et scénariste Chelsea Cain résume au mieux la singularité du projet de Joelle Jones et de son héroïne. Une femme serial killer, voilà qui n'est pas commun. Mais ne serait-ce pas surtout dû à des préjugés qui nous font considérer une femme comme une créature douce et aimable, incapable de commettre les mêmes atrocités que les hommes ?


Le spectacle d'une femme tuant impitoyablement des hommes et des femmes, en manant des objets tranchants (Josie Schuller abhorre les armes à feu, trop bruyantes et faillibles) et donc en versant abondamment le sang, dérange. Pourtant, comme le dit Cain, le sang est familier aux femmes, ne serait-ce qu'à cause de leurs règles mensuelles. Quant à la douleur, elle la ressente à un degré élevé lors d'un accouchement. Donc, si on suit ce raisonnement, Josie Schuller n'a rien d'une anomalie.
 

Pour les cinq premiers épisodes de Lady Killer, Joelle Jones s'est faite aider par son ami éditeur Jamie S. Rich, qui a convenu que sa contribution s'était toutefois limitée à arranger les scripts et non à s'impliquer dans l'intrigue et sa construction.

On peut en effet sentir que Jones n'est aps encore une scénariste aguerrie dans ce premier tome. Elle ne creuse pas beaucoup (voire pas du tout) la psychologie de son héroïne, ni ne revient sur son passé, qui pourrait expliquer comment et pourquoi elle s'est investie dans ce job de tueuse, encore moins comment elle a décidé de concilier vie de famille et assassinats.

Mais ce manque d'élements dans la caractérisation est (presque) compensé par le rythme et l'humour noir des épisodes. On entre dans le vif du sujet dès la première scène où Josie, se faisant passer pour une vendeuse de la marque de cosmétiques Avon, entre chez Doris Roman avant de la trucider. Jones montre à quel point la tâche est ardue, salissante, écoeurante même, mais aussi avec quel efficacité et sang froid Josie l'accomplit.

Toutes ses missions sont exécutées avec la même absence de scrupules, même si, quand elle devra tuer un enfant, elle renoncera in extremis et en subira les violentes conséquences. Le contraste avec ce que Jones montre de Josie dans sa vie quotidienne rend tout cela perturbant et en même étonnamement drôle (pour peu qu'on apprécie l'humour noir).

Sur ce plan-là, le scénario soigne les détails. Eugene, le mari, est une bonne pâte, qui s'étonne à peine quand sa femme rentre tard à la maison, en ayant au passage oublié d'acheter quelque chose qu'il lui avait demandé. La situation rappelle, dans une veine plus criminelle, le couple de Ma Sorcière bien-aimée, cette série où Elizabeth Montgomery usait de magie tout en menant une vie rangée avec Dick Sargent, à l'exception près que Samantha a avoué sa condition à Jean-Pierre et que, en plus, leur fille, Tabatha, hérite des pouvoirs de sa mère (et de sa grand-mère envahissante).

La ressemblance est accentuée par la présence de la belle-mère de Josie, qui vit sous le même toit qu'elle et son fils. Elle n'est pas commode et ne cache pas son acrimonie envers sa belle-fille, la surveillant sans cesse et l'apercevant un soir avec Peck, qu'elle soupçonne d'être son amant. Avant de découvrir sur la fin un collègue de Josie qui la laissera pantoise...

Un certain suspense se met alors en place qui consiste à se demander quand Josie sera démasquée et quelles en seront les conséquences. En vérité, sans trop spoiler, cela sera surtout au programme du tome 2 car dans ce premier volume, l'héroïne a d'autres soucis plus pressants : son chef, Stenholm, juge qu'elle n'est pas/plus fiable et ordonne à Peck de règler ce problème (même si ce dernier souhaite plutôt tenter de discuter dans un premier temps).

Toute l'affaire culmine dans un dernier épisode explosif où Josie embarque une ancienne recrue de Peck. Et vous devinerez sans mal que ça va saigner ! La série aurait très bien pu s'arrêter là, avec quelques frustrations (concernant la pauvreté de la caractérisation comme écrit plus haut). Mais un an après, Joelle Jones donnera une suite aux aventures de sa ménagère tueuse. Et en 2023, donc, elle a enfin décidé de complèter le titre avec un nouveau volume (qui sera d'abord mis en ligne sur la plateforme Zestworld, avant, je l'espère, une édition physique chez Dark Horse).

Visuellement, Joelle Jones impressionne déjà, même sans être encore au sommet de son art. Par-ci, par-là, on notera quelque petits problèmes de proportions, des hésitations entre l'envie prononcée d'aller vers un réalisme descriptif classique et de conserver quelque exagérations cartoony.

Mais ces petits bémols mis à part, on ne peut qu'être saisi par la richesse de dessins. Joelle Jones a un souci maniaque des détails, qu'il s'agisse de représenter les intérieurs comme les extérieurs des quartiers pavillonaires de Seattle en 1962, avec une débauche d'éléments étourdissants. On voit qu'elle s'est abondamment documenté pour reproduire jusqu'aus motifs des papiers peints, les designs des voitures, et surtout les vêtements.

Car Josie est une gravure de mode. Toujours d'une élégance digne d'une star hollywoodienne, elle est remarquable aussi par sa beauté qui fait penser à Ava Gardner, Liz Taylor, ces brunes sublimes de l'époque. Ses toilettes sont toujours apprêtées, d'un raffinement exquis. 

Jones met la même énergie à habiller la belle-mère ou Eugene et les fillettes. L'épisode 2 au Kitty Cat Club est absolument sensationnel avec ses serveuses déguisées comme les bunnies de Playboy (mais ici version féline). Le plan de coupe de l'immeuble où loge Irving (voir ci-dessus) donne à voir plusieurs appartements et leurs occupants dans des situations et des décorations toutes distincres. On ne peut pas lire ces planches sans s'y arrêter de longues minutes pour savourer la densité d'informations visuelles qu'elles comportent.

Pour ces cinq épisodes, Jones est accompagnée pour les couleurs de Laura Allred. J'avoue que c'est l'autre réserve que j'ai car je trouve la palette employée un peu terne (alors que dans le tome 2, Michelle Madsen effectue une prestation bien meilleure). Ce n'est toutefois pas vilain mais le trait de Jones, avec cet encrage splendide, mérite plus de vigeur.

Lady Killer, c'est vraiment une tuerie (oui, elle est facile mais je ne pouvais pas ne la faire). Rendez-vous très vite pour la critique du tome 2.

La couverture de la Library Edition (un ouvrage un peu coûteux mais vraiment magnifique, idéale pour profiter de la série, regroupant les deux premiers tomes et comportant de superbes bonus) :