De la fin du DCEU au début du DCU...
Les architectes du DCU : Peter Safran - James Gunn
James Gunn nous aura fait (un peu) attendre mais depuis le début de cette semaine, on en sait plus sur le plan qu'il a établi pour le DCU dont il est à la tête désormais avec le producteur Peter Safran. Le cinéaste a été désigné comme l'architecte des films, séries télé et jeux vidéos produits par Warner Bros. à partir du catalogue de DC Comics, après l'échec du Snyderverse, initié avec Man of Steel de Zack Snyder il y a tout juste dix ans.
David Zazlav, le nouveau patron de Warner Bros. Discovery, cherchait depuis qu'il avait pris la tête du studio l'équivalent de Kevin Feige, celui qui a fait de Disney/Marvel l'empire multimédia qu'on connaît. Il s'agissait de proposer un univers partagé cohérent avec un fort potentiel commercial, une manière de tourner la page aux années Zack Snyder polluées par une fanbase toxique, le director's cut de Justice League, et pas d'errements artistiques (dont le dernier en date a abouti au navrant Black Adam par lequel Dwayne Johnson s'est rêvé calife à la place du calife).
On raconte que la quête de cet architecte a été une valse-hésitation et que beaucoup on refusé le siège (Todd Phillips notamment, mais aussi Phil Lord et Chris Miller), avant que James Gunn ne soit désigné. Le réalisateur des Gardiens de la Galaxie chez Marvel s'apprête à sortir le troisième et ultime volume des aventures de ces héros et, entre-temps, avait signé pour WB le film The Suicide Squad et la série dérivée du film, Peacemaker, deux succès critiques. Par ailleurs, c'est un authentique fan du DC-verse, soucieux de remettre les auteurs au centre du jeu.
Il sera secondé par le producteur Peter Safran, son partenaire sur The Suicide Squad et son ami. Avec ces deux hommes, c'en est fini du DCEU (pour DC Extended Universe) car Gunn a rebaptisé son initiative DCU (pour DC Universe), comme on le dit pour les comics. Dès leur nomination, le tandem a subi les attaques des trolls pro-Snyder, qui rêvaient encore à une suite de Justice League et aux retours de ses acteurs fêtiches (Henry Cavill, Ben Affleck, Gal Gadot, Ray Fisher) en affirmant, sans rire, que le long métrage remonté pour HBO Max avait été un succès comparable aux Avengers de Marvel (c'est cela, oui...).
Il reste des reliquats du DCEU a exploiter en salles : d'abord avec Shazam ! the Fury of Gods ; puis The Flash (avec Ezra Miller, dont les tribulations ont alimenté les gazettes ces derniers mois tout comme la production chaotique du film), puis Blue Beetle (que Gunn présente comme le premier vrai jalon de son DCU), et enfin Aquaman and the Lost Kingdom (avec Jason Momoa, qui serait dans les petits papiers de Gunn et Safran). Toutefois il semble acquis que c'est l'histoire de The Flash qui justifiera le reboot incarné par le DCU (quand bien même, très diplomatiquement, Gunn a expliqué que le cas Ezra Miller sera tranché une fois l'acteur débarrassé de ses casseroles pyschologico-judiciaires - je parie donc qu'on ne le reverra plus dans le DCU et j'en suis heureux).
Maintenant que ceci est posé, passons au programme dévoilé par James Gunn sous le titre générique Gods and Monsters, et qui concerne à la fois le cinéma, la télé mais aussi les jeux vidéos. Car désormais tout sera lié et les futurs acteurs qui personnifieront les héros du DCU signeront pour une longue durée et joueront leurs rôles aussi bien dans les productions pour le grand que pour le petit écran.
Le 11 Juillet 2025 sera une date à cocher d'une croix blanche car ce jour-là sortira en salles Superman Legacy, premier étage de la fusée du DCU. James Gunn est déjà à l'écriture de ce long métrage qui ne sera pas une origin story mais réintroduira un Superman plus jeune, apprenant à composer avec son héritage kryptonien sur Terre.
La photo postée sur Twitter par James Gunn du hardcover de All-Star Superman (de Grant Morrison et Frank Quitely) a affolé les fans car cette mini-série en douze épisodes est unanimement considérée comme un chef d'oeuvre. Toutefois, je serai plus prudent car l'intrigue raconte douze travaus accomplis par Superman avant sa mort et ça ne me paraît pas être le récit idéal pour ramener le personnage, même si des éléments peuvent inspirer le cinéaste.
D'ailleurs, Gunn réalisera-t-il aussi ce long métrage ? C'est fort probable, mais pas assuré par l'intéressé. Pas de casting non plus, même si on sait que Henry Cavill ne sera plus le Man of Steel, désormais trop âgé pour l'histoire envisagée et surtout plus sous contrat avec le studio (sans compter que le comédien ne manque pas de projets de son côté).
On reste avec les kryptoniens avec Supergirl : Woman of Tomorrow, qui semble bien parti pour être l'adaptation fidèle de la magistrale mini-série en huit épisodes de Tom King et Bilquis Evely. King avait évoqué son séjour récent à Hollywood pour écrire un script, qui serait donc inspiré de son propre récit. Gunn a expliqué que le film suivrait une Supergirl très différente de son cousin, engagée dans une aventure âpre et dans l'espace. Tout ça colle avec Woman of Tomorrow le comic-book.
Pas de réalisateur ni d'actrice annoncés, mais c'est très prometteur.
The Brave and The Bold va permettre à Gunn d'intégrer son Batman dans le DCU. Car lui et Safran ont clarifié les choses : des films comme The Batman (de Matt Reeves) et The Joker (de Todd Phillips) ne sont pas partie de la continuité, ils ont un statut à part, tout comme le dessin animé Teen Titans Go !, appartenant à ce qui s'appelera DC Elseworlds (là encore une référence à une collection de comics).
Si Gunn a prévenu qu'il n'y aurait plus une multitude de Batmen ou de Supermen, il semble avoir obtenu qu'un Batman existe dans le DCU et qu'il sera introduit dans The Brave and The Bold, un long métrage où il partagera l'affiche avec Damian Wayne, son propre fils, dernier Robin en date (et Robin préféré de Gunn).
Incorporé à la continuité des comics par Grant Morrison (encore lui), Damian Wayne a d'abord fait équipe avec son père Bruce, avant d'être le partenaire de Dick Grayson sous le masque de Batman. Mais je doute que Gunn fasse de Dick Grayson son Batman. En revanche, il semble résolu à présenter la Bat-family à terme, donc Batgirl (dont le film a carrèment été annulé après avoir été terminé), Nightwing, voire Tim Drake, Jason Todd, ou Alfred Pennyworth.
Avant-dernier film annoncé pour cette Phase 1 : Swamp Thing. Après une série qui n'aura connu qu'une saison (acclamée) sur HBO Max, la créature des marais va revenir sur le grand écran et s'annonce déjà comme quelque chose de très différent du reste (mais qui pourrait ouvrir la porte à un pan plus surnaturel, magique du DCU).
On reconnaît là à la fois le goût de Gunn pour des personnages inattendus, marginaux. Et, aux dernières nouvelles, le réalisateur James Mangold (Logan) serait déjà attaché au projet, ce qui serait une excellente recrue.
Mais la surprise du chef pour conclure ce volet cinéma, c'est bien entendu l'annonce concernant l'adaptation ciné de The Authority, la série créée par Warren Ellis et Bryan Hitch, qui révolutionna le genre super-héroïque chez Wildstorm à la fin des années 1990-début des années 2000.
Cette réponse violente et impertinente à la Justice League, qui devança Ultimates aussi, est taillée pour le grand écran et serait une manière d'introduire des personnages que DC Comics a le plus grand mal à intégrer à sa continuité depuis la fin de Wildstorm tout en offrant une solution de rechange (provisoire) au retour de la Justice League en salles. Croisons les doigts pour que celui qui s'en chargera soit à la hauteur et qu'il choisisse la formation originale (ci-dessus) pour le film.
En parallèle des films prévus, Gunn va aussi développer des séries télé ambitieuses, à commencer par Creature Commandos, interprétation libre d'un obscur comic-book, et qui prolongera ce qu'il avait fait sur The Suicide Squad. Cette série mélangeant animation et prises de vues réelles comptera sept épisodes écrits par Gunn et diffusés sur HBO Max.
Plus prévisible, Booster Gold aura droit à sa propre série en live action. Grand fan du héros venu du XXXVème siècle, Gunn en confiera--il l'interprétation à Chris Pratt que beaucoup voit dans le rôle (et avec qui le cinéaste veut retravailler après Guardians of the Galaxy vol. 3) ? Et en voyant plus loin, Booster Gold préparera-t-il une adaptation (ciné ou télé) de Justice League International (de J.M. DeMatteis, Keith Giffen et Kevin maguire), pour laquelle Gunn serait le réalsateur idéal ?
Présentée comme True Detective avec Hal Jordan et John Stewart dans les rôles de deux Green Lanterns enquêtant sur un sombre mystère, la série pour HBO Max Lanterns ne manque pas d'ambition. Cela fait un moment qu'on parle d'une série sur le Green Lantern Corps, mais celle-ci serait écrite par des scénaristes de Watchmen (version Damon Lindelof). Alléchant.
Paradise Lost se déroulera avant les événements narrés dans Wonder Woman et Wonder Woman 1984 de Patty Jenkins sur l'île des amazones, Themyscira. Toutefois la cinéaste ne sera pas impliquée (elle ne semble pas faire partie des plans de Gunn et Safran et a des projets chez Marvel). A priori, cela aboutira à un recast de Diana Prince (Gal Gadot étant elle aussi sur la touche) et de ses semblables, avant un retour de WW sur grand écran (dans une Phase 2 ?).
Enfin, c'est acquis : Amanda Waller incarnée par Viola Davis va avoir droit à son propre show, sobrement intitué Waller. Là aussi, c'était depuis un moment dans les tuyaux mais la comédienne va enfin disposer d'une série où elle aura du temps d'écran. Et comme une saison 2 de Peacemaker est d'ores et déjà confirmée, Viola Davis pourrait bien devenir la Nick Fury du DCU, proche comme le personnage des comics d'une surveillante des surhumains (et avec Superman, Batman, Robin, Swamp Thing et les autres, elle ne manquera pas de taf).
James Gunn a également précis, pour les gamers, que les futurs jeux estampillés DC raconteraient des histoires complémentaires aux films et aux séries. Univers partagé au maximum donc.
Alors oui, il y a des personnages qui manquent, et oui, tout dépendra des succès commerciaux de ces projets pour que le plan prévu sur 8-10 ans de Gunn et Safran puisse être mené à bien. Mais il y a des motifs pour se réjouir car Gunn est un créatif aux commandes de ce gros paquebot qu'est le DCU, il est animé par un amour sincère pour cet univers, c'est un vrai fan de comics, et son plan est intelligent, varié. David Zazlav paraît lui avoir accorder sa confiance et des moyens à la hauteur.
Par ailleurs, comme l'a précisé le cinéaste, ce n'est pas un "Gunn-verse", chaque auteur aura les mains libres (tant qu'il respectera la cohérence du plan) - ça signifie surtout, pour tous ceux qui râlent en espérant le retour impossible de Snyder, que Gunn ne va pas écrire et réaliser tout (pour ceux qui craignent qu'il transforme le DCU en un MCU-bis, en important son humour, son esthétique, etc.).
Pour ma part, si ça intéresse qui que ce soit, j'ai confiance. Je n'ai jamais apprécié le DCEU, Zack Snyder, et surtout ses fans toxiques. J'ai juste envie de voir de bons films adaptés des comics DC, qu'il y ait une vraie émulation entre Marvel et DC (condition sine qua non pour que la qualité soit là des deux côtés). Gunn a tourné une page, chaotique, et si je peux comprendre l'attachement de certains fans, raisonnables, à ce qui a été fait, il faut admettre que Safran et Gunn veulent repartir sur de nouvelles bases, avec leurs idées au lieu de recycler celles des autres ou d'établir une sorte de multivers ciné-télé cacophonique sans vrais chefs d'orchestre.
Si vous aimez les super-héros, leurs films, leurs séries, les comics qui sont la base de tout, et DC en particulier, vous devez au minimum accorder sa chance au DCU. Question de fair-play.
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