dimanche 26 février 2023

BATMAN : ONE BAD DAY - CLAYFACE, de Jackson Lanzing & Collin Kelly et Xermanico


Pour ce pénultième numéro de la collection Batman : One Bad Day, le trio Jackson Lanzing-Collin Kelly (scénario) - Xermanico (dessin) a jeté son dévolu sur Clayface/Gueule d'argile. Comme d'habitude, il s'agit d'un récit complet d'une soixantaine de pages consacré avant tout au vilain de l'histoire, où Batman apparaît peu (davantage comme dans l'épisode consacré à Catwoman que celui avec Mr. Freeze donc). Le résultat est rien moins que magistral.


Basil Karlo a quitté Gotham pour revenir tenter sa chance à Hollywood. Sous une nouvelle apparence et un nouveau nom, celui qui se fait désormais appelé Clay est embauché, pour gagner sa vie entre deux castings, comme serveur. Il se fait une amie de Kat, également employée dans le même restaurant et qui souhaite vendre un script à un studio (dès qu'elle l'aura achevé).


Les choses commencent à se gâter quand Clay, Corey, un autre collègue, doit passer une audition pour le même film que Clay et qu'il décroche le rôle principal. Jaloux, Clay tue Corey et prend son apparence. Mais le premier jour de tournage, il se dispute avec le réalisateur à propos de la manière d'interpréter le personnage. 


C'est le début d'une série de meurtres qui va conduire Clay à usurper l'identité de plusieurs personnes jusqu'à celle d'un producteur organisant une fête dans sa luxueuse villa sur les hauteurs de Los Angeles. Parmi les invités se trouve Bruce Wayne...


Alors que la collection Batman : One Bad Day s'achève le mois prochain avec un ultime numéro consacré à Ra's Al Ghul (écrit par Tom Taylor et dessiné par Ivan Reis), et après l'excellent tome dédié à Catwoman (par G. Willow Wilson et Jamie McKelvie), c'est au tour de Clayface (Gueule d'argile) d'avoir les honneurs d'un récit complet.
 

DC Comics a convaincu les actuels scénaristes de Captain America : Sentinel of Liberty d'écrire le script et Jackson Lanzing et Collin Kelly ont produit un vrai chef d'oeuvre. Visiblement inspiré par le personnage, il font de cette histoire un miroir de ses origines et glisse des clins d'oeil à des classiques, en particulier Killing Joke d'Alan Moore et Brian Bolland.

Il y a eu plusieurs Clayface dans l'a continuité du DCU mais le plus connu reste Basil Karlo et c'est lui qu'ont choisi Lanzing et Kelly. Devenu fou quand il a appris qu'on allait tourner un remake du film d'horreur dans lequel il avait joué, il tua tous les membres du casting et de l'équipe technique. Arrêté par Batman et Robin, il fit de fréquents allers-retours à l'asile d'Arkham par la suite jusqu'à ce que le Pingouin lui remette un échantillon d'argile magique qui, mêlé à son sang, en fit un monstre capable de changer d'apparence. Ainsi naquit Clayface/Gueule d'argile.

Il y a eu cependant une volonté récente de racheter ce méchant lors du run de James Tynion IV sur le titre Detective Comics quand le scénariste l'intégra aux "Gotham Knights" dirigés par Batman et Batwoman, aux côtés de Spoiler, Robin (Tim Drake) et Orphan. Mais même dans cette période, la tragédie rattrapa Basil Karlo qui, confronté à une femme qu'il défigura lors d'une ses exactions passées, et maniupulé par le Syndicat des Victimes, perdit à nouveau la raison et dut être neutralisé violemment par Batwoman, causant un schisme dans l'équipe qu'elle menait.

Jackson Lanzing et Collin Kelly ne font pas mention de cette parenthèse héroïque et reviennent aux sources du personnage en composant un récit qui fait écho à ses origines. Quittant Gotham pour tenter à nouveau sa chance à Hollywood, Basil change d'identité et d'apparence et repart de zéro en courant les castings, subsistant en travaillant comme serveur. Il rencontre d'autres prétendants à la gloire, comme Kat, une scénariste qui lutte pour achever un script, ou Corey, un autre comédien.

Les deux scénaristes partent d'une situation banale pour enclencher un engrenage criminel quand Corey auditionne pour le même rôle que Basil et décroche la timballe. Le sentiment d'échec de Karlo est d'autant plus vif que lors de son casting son interprétation était trop grandiloquente et qu'il s'est emporté quand la directrice de casting le lui a reproché. C'est tout le drame du personnage, convaincu d'avoir raison contre tous parce qu'il a une vision.

Sans pesanteur, Lanzing et Kelly citent Killing Joke, le classique de Alan Moore et Brian Bolland, car c'est pour le premeir rôle d'une adaptation cinématopgraphique que Basil et Corey passent une audition. D'une certaine manière, Basil a raison de dire qu'il comprend mieux le rôle que n'importe qui puisque l'histoire du film s'est déroulée à Gotham et qu'ellle raconte la naissance du Joker. Mais il n'empêche que, sans ambiguïté, il joue effectivement mal sa partition, en en faisant des caisses.

Habilement, Lanzing et Kelly ne montrent pas l'audition de Corey, on ne sait donc pas s'il a été objectivement meilleur que Basil. Mais ce n'est pas l'important : Basil est frustré par cet échec, d'autant plus qu'il profite à un rival (quand bien même il est aussi son ami). La suite est une répétition de cette frustration initiale : que ce soit avec le réalisateur du film, les membres de l'équipe de tournage, le producteur, il s'estime incompris injustement et tuer ceux qui ne le comprennent pas est le seul moyen efficace à ses yeux pour réparer cet affront. Il ne se rend même pas compte qu'il s'agit d'une fuite en avant.

Dans la dernière partie du récit, les deux scénaristes intègrent Bruce Wayne et dans une courte mais géniale scène, on voit Basil qui le reconnaît et perd littéralement toute contenance au point de devoir se réfugier dans une pièce pour recouvrer son sang froid. Mais il est trop tard. Dans un utltime sursaut, il révélera sa véritable identité à Kat, qui le reconnaîtra alors et comprendra qu'il est l'auteur des crimes...

La réussite magistrale du projet tient dans son côté direct : le vrai monstre, ce n'est en définitive pas Clayface mais Basil Karlo. Clayface n'est que la conséquence du drame de Karlo. Il ne s'agit pas d'un cas semblable à celui du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde puisque Basil sait exactement ce qu'il fait, même quand il laisse resurgir Clayface. En vérité, Clayface est l'arme de Basil, il la dégaine pour éliminer les obstacles qui se dressent devant lui et ses pouvoirs lui permettent ensuite de prendre l'apparence de ses victimes en espérant progresser dans la société. Parvenu (c'est le cas de le dire) au sommet de l'échelle, confronté à un énième échec, il n'a plus d'autre choix que de fuir encore - mais pour aller où ? Il s'est condamné tout seul.

Le script, ciselé comme une pierre d'orfèvre, est magnifiquement servi par le dessin, sublime, de Xermanico. Il a également peint la couverture de l'album, mais pour les pages intérieures, il a pu s'appuyer sur le fabuleux Romulo Fajardo. Ensemble, ils composent des planches exceptionnelles.

Le découpage alternne fréquemment "gaufriers" de neuf cases (hommage supplémentaire à Killing Joke) et doubles pages, qui baignent dans des lumières nuancées. Fajardo accomplit un travail sensationnel pour habiller les dessins, sans déborder dessus.

Xermanico, qui a donc une formation de peintre, sait comment dessiner en laissant de la place à son collaborateur. Son trait esst fin, précis, et ses personnages sont expressifs. Ses décors sont fournis, détaillés. Surtout ses compositions sont toujours parfaites, avec une disposition des divers éléments dans l'image harmonieuse et dynamique.

Il est certain que l'artiste produit une oeuvre majeure dans sa carrière en pleine ascension et on ne peut qu'être impatient de le retrouver sur la prochaine série Green Lantern, avec le retour au premier plan de Hal Jordan, qui sera écrite par Jeremy Adams et sortira en Mai prochain.

Batman : One Bad Day s'enrichit elle d'un nouveau chapitre de haute volée. Je sens que je vais crauer pour le Ra's Al Ghul de Taylor et Reis maintenant...

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