dimanche 28 juin 2009

Critique 68 : JUSTICE SOCIETY OF AMERICA THY KINGDOM COME 3, de Geoff Johns, Alex Ross, Peter Tomasi, Dale Eaglesham, Fernando Pasarin, Jerry Ordway







Justice Society of America : Thy Kingdom Come, Part 3 contient les épisodes 19 à 22 ainsi que les numéros spéciaux Kingdom Come : Superman, Magog et The Kingdom. Leur scénario a été écrit par Geoff Johns et Alex Ross, à l'exception des numéros spéciaux Kingdom Come : Superman écrit par Ross seul et Kingdom Come : Magog par Peter J. Tomasi. L
es dessins ont été réalisés par Dale Eaglesham (n°19, 20, 21, 22), Fernando Pasarin (Kingdom Come : Magog et Kingdom Come : The Kingdom), Alex Ross (Kingdom Come : Superman et quelques planches du n°22) et Jerry Ordway (pour les séquences sur Terre-2 et quelques planches des n°21 et 22). Scott Kolins a illustré les quelques planches sur les origines de Starman, à la fin de Kingdom Come : Magog.
Ces épisodes ont été publiés par DC Comics de Novembre 2008 à Février 2009, les trois "one-shots" spéciaux sont sortis simultanèment en Janvier 2009.
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Résumé des épisodes précédents :
l'arrivée imprévue du Superman de Terre-22, par la faute de Starman, a entraîné une succession d'évènements liés entre eux : le recrutement de nouveaux membres au sein de la JSA, leur affrontement avec Magog autoproclamé héraut du dieu Gog, le réveil de ce dernier et son intention de sauver le monde et de protéger ses héros.
C'est en Afrique que cette créature provenant du Troisième Monde se manifeste : elle suscite la ferveur de plusieurs super-héros en sauvant la population locale de la famine et de la guerre civile, rend la raison à Starman, la vue à Dr Mid-Nite, son visage intact à Damage...
Mais Gog expédie aussi Power Girl sur Terre-2 où son double la traque avec la Justice Society Infinity et divise la JSA en deux : d'un côté, il peut compter sur le soutien inconditionnel de certains membres qui ne voient que le bon côté de ses actions ; de l'autre, il suscite la méfiance... A fortiori lorsqu'il ressucite David Reid, mortellement blessé, pour le transformer en nouveau Magog, semblable à celui qui plongea la Terre-22 dans le chaos !

A présent, voilà comment les choses évoluent :

Derrière sa façade bonhomme, Gog a semé l'embarras au coeur de l'Afrique et de la JSA, présente sur place pour le surveiller ou l'accompagner : ses bonnes actions démontrent qu’obtenir tout ce qu’on désire n’est pas forcément une bonne chose. Ses méthodes provoquent aussi un débat moral : il intervient de manière impulsive, virulente et expéditive (même s’il ne fait pas couler de sang), sans peser les conséquences et donc sans mesurer la justesse et la justice de ses interventions.
La Société de Justice commence à se déchirer : des modérés comme Jay Garrick, Alan Scott et Ted Grant estiment que Gog réclamera tôt ou tard une rétribution, mais d'autres comme Hawkman, Citizen Steel, Amazing-Man et le nouveau Magog sont prêts à défendre le géant en ne doutant pas de sa bienveillance. L'affrontement est inévitable...
Mais Magog téléporte les importuns dans le QG de l'équipe et peu après Starman découvre un aspect inédit de ses pouvoirs : il est un portail vivant entre les dimensions et ainsi Power Girl mais aussi la Justice Society Infinity à ses trousses surgissent dans notre monde !
Les deux équipes s'apaisent aussi vite qu'elles se séparent après avoir compris que le Multivers existe à nouveau et qu'elles doivent veiller sur leurs mondes respectifs.
Le récit opére alors quatres escales pour examiner la situation à travers les regards du "Kingdom Come Superman", de Magog, de Starman et du "Royaume" que commence à instaurer Gog :

- le Superman de Terre-22 se rappelle avec douleur des circonstances dans lesquelles sa Loïs Lane mourrut, après avoir été agressée par la Joker. Ce drame a provoqué sa descente aux enfers et la chute de son monde. Le même sort l'attend-il dans notre réalité ?
- Magog est devenu le parfait soldat de Gog, entraînant dans son sillage Hawkman, Amazing Man, Damage, Citizen Steel. Puis, interceptant le S.O.S. d'anciens camarades de l'armée, David Reid part seul à leur rencontre et les venge dans un bain de sang - à la manière de son homonyme de Terre-22...
- Starman se remémore ses origines et comprend ainsi qu'il est devenu l'incarnation d'un relais spatio-temporel - autrement dit la solution au problème Gog ?
- La présence de Gog bouleverse l'équilibre mondial. Damage porte sa parole avec ardeur et la population américaine espère tout de ce sauveur providentiel. Mais Stargirl et Atom Smasher vont tenter de le raisonner, tandis que Sandman révèle à Mr Terrific et Jakeem Thunder que Gog est en train de posséder (au propre comme au figurer) la Terre. Le dieu du 3ème Monde réclame en effet à ses fidèles de le vénérer désormais...
Cette requête choque certains des partisans de Gog, mais d'autres sont prêts à se prosterner devant lui. Et lorsqu'on lui refuse ce qu'il exige, le géant répond qu'il ne partira pas tant que le monde ne sera pas à ses pieds : il châtie ceux qui osent le défier en leur reprenant ce qu'il a offert - Dr Mid-Nite redevient aveugle, Starman déséquilibré, Sandman assailli par ses visions cauchemardesques et Damage défiguré. Citizen Steel et Amazing Man ne peuvent plus croire à la charité de ce dieu cruel. Même Magog se révolte en voyant ses amis souffrir à nouveau.
Déchirée il y a peu, la Société de Justice se ligue à nouveau pour se débarrasser de Gog. L'affrontement est dantesque et finalement décapité, le colosse est expédié aux confins de l'univers par Starman et le Superman de Terre-22. Celui-ci obtient de son camarade qu'il le renvoie chez lui.
Dans notre monde, la JSA panse ses plaies, mais les divisions d'hier mettront du temps à être réparées - comme le suggère l'amertume d'Hawkman. Et pourquoi David Reid a-t-il conservé l'apparence de Magog ? Judomaster donne son amour à Damage et Citizen Steel a trouvé la paix tandis que Starman reparaît.
De retour chez lui, Superman renonce à se venger et traverse les décennies, les siècles et même les millènaires suivants en veillant sur l'humanité...
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Progressivement, Geoff Johns et Alex Ross ont résolu toutes les intrigues liées à la présence du Superman de Terre-22. Ils commencent par régler le cas Power Girl et en profite, au passage, pour attribuer à Starman des facultés surprenantes, qui en font un personnage pivotal dans la série mais aussi dans le "DCverse". Quant à la Kryptonienne, elle sort de ces épreuves plus attachante : la leader de la JSA a acquis de la sagesse en traversant le miroir, un peu à la manière de l'Alice de Lewis Caroll.
Il restait à conclure dignement le "dossier" Gog et l'impact de son séjour sur Terre : il s'était engagé à sauver le monde en sept jours tel un nouveau messie, il s'est avéré une créature certes puissante mais sans noblesse, exigeant qu'on l'idôlatre pour ses bienfaits.
C'est la notion de la foi qui a été engagée dans cette dernière partie : jusqu'où peut-on, doit-on croire en une entité capable de changer le cours des choses ? Et surtout faut-il espérer qu'un tel être existe si, en retour, il réclame comme un dû qu'on le vénère ? La vraie charité ne doit-elle pas être gratuite ?
En nous interrogeant sur la foi, les auteurs pointent du doigt ses dérives, comme le fanatisme, l'endoctrinement, et le prix qu'on est prêt à payer pour le salut du monde. Comme depuis le début de cette épopée, on est surpris par la profondeur des thèmes abordés et la franchise des réponses apportées par Johns et Ross : cela prouve au moins qu'on peut, via une publication populaire, sans nier ses vertus divertissantes, faire un peu de philosophie - en vérité, des auteurs comme Alan Moore ou Frank Miller nous l'avaient déjà démontré, mais dans le cadre d'oeuvres spécifiques. Ici, nous restons dans la forme traditionnelle des comics de super-héros et, malgré cela, les scénaristes ont réussi à poser des questions sans les survoler.
Bien entendu, ce feuilleton coloré, rocambolesque, exubérant, ne manque pas de grandes batailles, d'explosions : la fibre mélodramatique inhérente au genre n'est pas absente de ce projet et le spectacle peut aussi se déguster au premier degré.
Tout juste regrettera-t-on la brutalité complaisante du segment rédigé par Peter J. Tomasi (Kingdom Come : Magog) qui n'ajoute rien de valable à l'ensemble. Le volet consacré à Superman écrit par Ross seul est émouvant mais dispensable. En revanche, The Kingdom figure une transition probante entre ces intermèdes et la saga. 
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La partie graphique a été l'autre grande satisfaction de cette entreprise, égale en qualité depuis le début jusqu'à la fin. En réponse à la convergence des intrigues et leur résolution, les dessins de Dale Eaglesham et Jerry Ordway se mêlent et les peintures d'Alex Ross semblent parachever leur production. Les "morceaux de bravoure" abondent encore dans ces ultimes chapitres et on ne peut qu'être estomaqué par la puissance picturale qui émane de certaines pages, notamment lorsque Gog doit affronter les justiciers.
Fernando Pasarin réalise deux des "one-shots" qui complètent et enrichissent singulièrement le récit : l'artiste aura été la révèlation de ce relaunch, suppléant avec efficacité Eaglesham jusqu'à devenir son véritable partenaire au générique.
J'ai été plus surpris par la contribution d'Alex Ross, qui s'il signe encore de somptueuses couvertures et planches peintes additionnelles, a expérimenté une nouvelle technique pour dessiner son épisode sur Superman. Alex Sinclair a posé ses couleurs sur les illustrations encrées du maestro, et le résultat est étonnant, parfois très concluant, parfois plus improbable.
Seul bémol : la présence de Scott Kolins à qui nous devons des planches médiocres pour résumer les origines de Starman...
La valse des encreurs s'est également un peu calmée : Nathan Massengil (au style proche d'un Art Thibert) a collaboré avec Eaglesham ; Pasarin a été épaulé par Mick Gray, Norman Rapmund et Jack Purcell, et le fidèle Bob Wiacek assiste toujours Ordway.
A la fin de l'ouvrage, des bonus appréciables : Alex Ross présente ses planches non coloriées de Kingdom Come : Superman, en expliquant comment il les a dessinées et encrées puis comment il a écrit l'histoire. En prime, on trouve les sketches de quelques couvertures... Un régal et une leçon !
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Que retenir de Thy Kingdom Come ? L'histoire aura fait évoluer de manière déterminante notre regard sur des personnages Power Girl ou Starman, moins celle de Kingdom Come dont l'idée a surtout servi de levier narratif. Néanmoins, l'expérience aura été passionnante, le principe de réutiliser un classique des comics pour alimenter une série régulière étant originale.
N'hésitez donc pas à vous procurer ces trois volumes qui dévoilent une des fresques les plus intrigantes de l'univers DC et qui aura fourni la matière pour enrichir durablement un des meilleurs titres de l'éditeur.

Critique 67 : JUSTICE SOCIETY OF AMERICA THY KINGDOM COME 2, de Geoff Johns, Alex Ross, Dale Eaglesham, Fernando Pasarin et Jerry Ordway

(Ci-dessus : la JSA au grand complet par Dale Eaglesham.)
(Ci-dessus : la couverture du recueil)













Justice Society of America : Thy Kingdom Come, Part 2 contient les épisodes 13 à 18 ainsi que le premier numéro annuel de la série régulière.
Le scénario a été écrit par Geoff Johns et Alex Ross.
Les dessins ont été réalisés par Fernando Pasarin (n°13,16 et 17), Dale Eaglesham (n°14,15 et 18), Jerry Ordway (Annual 1), plus quelques planches originales peintes par Alex Ross. Ces épisodes ont été publiés par DC Comics de Février à Octobre 2008, l'Annual 1 en Septembre 2008.
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Rappel des faits :
la JSA continue d'attirer de nouvelles recrues (Judomaster, la fille d'un yakusa repenti ; David Reid, un soldat arrière-petit-fils de Roosevelt ; Lightning, la seconde fille de Black Lightning ; Jakeem Thunder, maître du génie magique Thunderbolt ; Amazing-Man, activiste noir).
Cependant, lors d'une intervention dans une usine en feu, Starman crée un trou noir pour maîtriser l'incendie mais attire dans notre dimension un Superman vieillissant - tout droit venu du futur décrit dans Kingdom Come (de Mark Waid et Alex Ross). Il ne s’agit donc pas, comme le croit d'abord Power Girl, de son cousin mais de "l'Homme d'Acier" de Terre-22, où le justicier Magog a modifié le cours de l'Histoire. Ce méta-humain a tué le Joker et provoqué l'émergence d'une nouveau genre de héros, n'hésitant plus à tuer pour faire régner l'ordre et méprisant le commun des mortels. La situation a empiré au point que les Nations-Uinies ont fini par larguer une bombe atomique sur les super-héros... C'est ce futur-là que veut éviter ce Superman à notre monde avec l'aide de la JSA.
Parallèlement, un nouveau Mr America
(en fait, le co-équipier du précédent, tué par Vandal Savage dans The Next Age) mène une enquête sur les meurtres de super-vilains se faisant passer pour des demi-dieux. L'assassin signe ses crimes au nom de Gog.
A présent, voilà comment les choses évoluent :

Les découvertes et le signalement de son agresseur que donnent Mr America troublent la JSA et le Superman de Terre-22, qui décide d'aller interroger "notre" Superman. Celui-ci a affronté Magog qui lui a raconté venir du futur et vouloir sauver le monde : grâce à Batman, il a appris qu'il s'agissait en fait d'un missionnaire porté disparu en Afrique du nom de William Matthews.
Ce dernier attaque Hercules, déchaîné mais maîtrisé par les deux Superman, avant de disparaître, laissant derrière lui des traces de poussière volcanique. Cette indice va être exploité par Sandman, qui piste Magog jusqu'au Congo où il affronte Infinite Man (sans réussir à le tuer).
Au QG de la JSA, alors que Power Girl et les doyens de l'équipe décident de traquer Magog en laissant leurs jeunes recrues en retrait, celui-ci surgit et les attaque. La bataille se poursuit à l'extérieur jusqu'à ce que, en difficulté, il se téléporte avec Hawkman, David Reid, Citizen Steel, Amazing Man, "Kingdom Come Superman", Power Girl, Mr Terrific et Sandman dans une grotte au Congo.
Magog réveille alors accidentellement Gog, qui le désintégre, et se dresse, immense, devant le groupe de héros médusé en assurant "venir en paix". Amazing Man réussit à entrer en contact avec ce géant qui commence à traverser les environs en sauvant la population de la famine et des persécutions de rebelles armés. Il révèle également ses origines en expliquant avoir été banni du Troisième Monde et avoir échoué sur Terre il y a plusieurs milliers d'années. Pétrifié, il fut découvert par William Matthews qui hérita d'une partie de sa puissance et en devint fou.
Mais à présent, il désire sauver la Terre : pour prouver ses bonnes intentions, il accomplit un miracle en rendant son visage intact à Damage.
La situation met en émoi les super-héros dont Gog prétend devenir le protecteur (comme eux sont les protecteurs de la Terre) : l'athée Mr Terrific confie son trouble à Dr Mid-Nite, David Reid demande à Jay Garrick si on ne devrait pas laisser agir Gog pour le bien de tous, Hawkman effectue des recherches avec Hawkgirl sur l'arme de Magog...
Le Dieu rescapé du 3ème Monde "guérit" d'autres justiciers : il rend le sommeil à Sandman, la vue à Dr Mid-Nite, la raison à Starman et renvoie Power Girl chez elle... Puis soudain, se détourne d'eux en projetant de mettre carrèment fin aux conflits dans le pays !
Le récit suspend son cours pour s'intéresser à Power Girl que Gog a expédiée sur Terre-2.

Déboussolée, elle y retrouve des amis qu'elle croyait morts - et réciproquement : les membres de la Justice Society Infinity. Les choses se compliquent dramatiquement et rapidement lorsque la Power Girl de ce monde surprend son (quasi-) double et convainc ses partenaires qu'elle est une intruse mêlée à la disparition de leur Superman. Comment va-t-elle se sortir de ce guêpier ? Nous le saurons plus tard...

Retour sur notre Terre où Gog sème la confusion en voulant pacifier le Congo : les héros se divisent en deux clans, ceux qui approuvent son action et ceux qui estiment que ses intentions ne sont peut-être pas si gratuites.
Lorsque David Reid est mortellement blessé, la situation prend une tournure inquiètante pour "Kingdom Come Superman" : Gog ressucite le jeune homme en le transformant en nouveau Magog, identique à celui qui causa la perte de Terre-22...

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Dans cette deuxième partie de l’arc Thy Kingdom Come, Alex Ross et Geoff Johns continuent d'avance leurs pions tranquillement : la JSA va traquer Gog pour découvrir un adversaire aux mobiles perturbants et clivant l'équipe en deux partis. le moins qu'on puisse dire, c'est que les deux auteurs nous offrent un divertissement certes mais avec un vrai fond, soulevant de nombreuses questions d'une richesse peu commune dans les comics mainstream.
La vénérable Société de Justice doit s'interroger sur son efficacité : restent-on d'authentiques redresseurs de torts lorsqu'on n'arrive pas à résoudre des problèmes aussi concrets que la famine, les guerres tribales ? Un super-héros n'est-il bon qu'à appréhender des super-vilains sans s'occuper d'autre chose que de la sécurité civile ?
Nos justiciers sont mis face à leurs responsabilités et affichent leurs doutes, leurs divergences aussi : la grande famille de la JSA n'échappera pas à de brutales dissensions entre ses membres.
Pour certains, l'arrivée et les interventions de Gog sont un miracle qu'il faut soutenir inconditionnellement (la fin justifiant en quelque sorte les moyens, la providence faisant force de loi).
Pour d'autres, ce même Gog prive les humains de leur libre arbitre, agit sans se soucier des conséquences, guérit les gens sans leur demander leur avis, et cache peut-être derrière cette bienfaisance des motivations moins nobles.
La présence en contrepoint du Superman de Terre-22 nous incite à la méfiance et ce qu'il advient de David Reid, littéralement ressucité pour devenir l'incarnation du Magog qu'il a connu et qui a précipité son monde dans le chaos, laisse entrevoir une issue dramatique.
L'intelligence avec laquelle Ross et Johns réussissent à placer au coeur d'un récit par ailleurs toujours riche en action (une bagarre dévastatrice entre Magog I et la JSA dans leur QG sur quasiment deux épisodes entiers), en grand spectacle (le réveil de Gog émergeant d'une montagne en Afrique dans laquelle il s'était figé), une thématique aussi dérangeante est un modèle du genre. Après avoir exploré dans un premier temps (et encore un peu ici) l'héritage, ce sont la responsabilité, la notion même d'héroïsme, l'existence d'une entité désirant "protéger les protecteurs" de l'humanité, qui sont traitées dans ce volume. Pas mal de proposer une réflexion sur des sujets pareils dans un comic-book traditionnellement voué à l'aventure...
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Avec le périple que va traverser Power Girl sur Terre-2, auquel est consacré l'Annual de la série, Johns et Ross se penchent sur le déracinement. Mais cette parenthèse dans le récit, dont nous saurons la conclusion dans le 3ème album, sans démériter, n'a pas la même intensité. Plus longue aussi en nombre de pages et introduisant une foule de personnages sans relation avec la saga principale (la Justice Society Infinity, à la composition voisine d'Infinity Inc. première version), cette histoire dans l'histoire manque de rythme, et j'ai été moins accroché par la mésaventure de Power Girl, dont on devine qu'elle sortira sans doute ébranlée mais indemne.

La cassure est aussi plus sensible à cause du graphisme puisque Pasarin et Eaglesham sont remplacés par le vétéran Jerry Ordway. Non que je mette en doute le talent de cet artiste mythique (encré un peu lourdement par un autre fameux "ancien", Bob Wiacek), mais ce changement de style surprend et nécessite un temps d'adaptation.
Une rumeur a couru comme quoi Johns avait invoqué cette JSI pour créer un spin-off à la JSA. Il semble que le projet a fait long feu, si tant est qu'il ait jamais été élaboré. Johns ayant quitté le titre au n°26 pour se consacrer à tout autre chose, on ne risque pas de revoir les héros de Terre-2 de sitôt, dans la galaxie déjà bien peuplée de personnages de DC...
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Puisque j'ai cité les graphistes, restons avec eux pour saluer une nouvelle fois leur splendide travail. Cette fois, Fernando Pasarin s'est véritablement installé comme co-pilote du titre en signant 3 épisodes, soit autant que Dale Eaglesham, incapable de tenir ses délais. Le dessinateur espagnol signe des pages intérieures confirmant tout le bien qu'on pensait de lui : son trait est élégant, assuré, parfois un peu rigide, mais sa contribution est irréprochable.
Quant à Dale Eaglesham, on comprend pourquoi il n'a pas pu livrer ses épisodes aussi régulièrement lorsqu'on examine ceux qu'il a réalisés : il nous offre particulièrement les deux chapitres consécutifs où Magog I affronte la JSA et c'est tout bonnement stupéfiant. Le découpage est d'un dynamisme palpitant et chaque vignette est peaufinée avec une méticulosité ahurissante. C'est aussi lui qui met en scène le retour à la vie de Gog, l'occasion d'une double-page (parmi d'autres) bluffante, peinant presque à contenir tout ce qu'elle montre !
Malgré un nouveau défilé, encore plus conséquent que dans le précédent recueil (Mick Gray, Nathan Massengil, Kris Justice, Prentis Rollins...), l'unité esthétique est miraculeusement intacte : on sent la volonté de toute l'équipe artistique pour maintenir le titre à un niveau d'excellence qui mérite le respect.
Et enfin, encore et toujours, on s'extasie devant les couvertures (les versions "variant" étant toujours réalisées par Eaglesham, en proposant un autre regard sur le programme des épisodes) et les planches peintes par Alex Ross : elles deviennent un complèment de celles du Kingdom Come initial. Il s'est investi personnellement dans cette saga comme le gardien du temple veillant à l'intégrité de l'oeuvre originelle.
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Reste à savoir comment tout cela va se terminer : Power Girl traquée dans une dimension parallèle, la JSA face à un Dieu et à elle-même, "Kingdom Come Superman" hanté par ses fantômes... Le dénouement promet une apothéose !

samedi 27 juin 2009

Critique 66 : JUSTICE SOCIETY OF AMERICA THY KINGDOM COME 1, de Geoff Johns, Alex Ross, Dale Eaglesham et Fernando Pasarin













Justice Society of America : Thy Kingdom Come, part 1 contient les épisodes 7 à 12 de la série régulière, et se situe chronologiquement après Justice Society of America : The Next Age et le crossover Justice League of America-Justice Society of America : The Lightning Saga.
Ces épisodes ont été publiés par DC Comics de Septembre 2007 à Mars 2008 et ils ont été écrits par Geoff Johns (seul pour les n°7 et 8) avec Alex Ross (à partir du n°9).
Dale Eaglesham a illustré les n°7-9-10-11-12, où figurent des images originales peintes par Ross, tandis que Fernando Pasarin a assuré l'intérim sur le n°8.
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Dans The Next Age, les trois vétérans de la JSA - Alan Scott, Jay Garrick et Wildcat - entreprennent (à la demande de Superman, Batman et Wonder Woman) de recruter et former de nouvelles recrues, descendantes d'anciens membres de l'équipe. Pour cela, ils obtiennent l'aide d'Hourman et Liberty Belle qui abordent Damage (le fils de feu Al Pratt/Atom), Power Girl et Mr Terrific qui enrôlent Cyclone (la petite fille de Ma Hunkel/Red Tornado I, désormais intendante du QG de la JSA), Stargirl et Dr Mid-Nite qui trouvent Starman (membre de la Légion des Super-Héros en provenance du XXXIème siècle), et Hawkman qui leur emmène Citizen Steel (petit-fils et frère des Commander Steel), tandis que Wildcat s'est découvert un fils, Tommy Bronson...
Ce dernier a vu sa famille massacrer par le groupe du IVème Reich, complice de Vandal Savage, dont le projet était d'exterminer tous les fondateurs de la JSA et leurs enfants. Mais ce plan échouera grâce aux anciens et nouveaux membres de la Société de Justice.
Puis la JSA a assisté la JLA, lors de The Lightning Saga, où elles ont découvert que plusieurs membres de la Légion des Super-Héros étaient revenus au XXème siècle. Leur présence a permis le retour inattendu de Wally West/Flash III et de sa famille... Mais Starman a également révèlé à ses partenaires d'où il venait et choisi de demeurer avec eux.

Ce receuil démarre avec deux histoires consacrés à des recrues de la JSA :

- D'abord, Citizen Steel qui a vu Captain Nazi et son quatrième Reich quasiment éliminer toute sa famille : dans cette affaire, le jeune homme infirme (amputé d'une jambe après une blessure subie lors d'un match de foot) a blessé Reichsmark et a été exposé à sa salive de métal liquide. Nathan Heywood se réveille dans le laboratoire du Dr Mid-Nite et découvre que son organisme a assimilé la substance métallique du criminel néo-nazi au point que sa jambe a repoussé et que sa peau est devenue indestructible. Sa masse corporelle a du même coup dramatiquement augmenté et il ne peut plus se déplacer sans briser le sol ni même toucher un objet sans le briser. Il trouvera un semblant de paix en se passant les nerfs sur un groupe de fachos ayant pris des étudiants en otage puis en retrouvant quelques survivants de sa famille...
- Puis, c'est au tour de Liberty Belle d'être examinée, et à travers elle Damage avec qui elle partage une enfance malheureuse : elle a vu ses parents divorcer, sa carrière de super-héroïne contrariée ; il n'a jamais connu son père et veut se venger de Zoom qui l'a défiguré. C'est en le convainquant de ne pas tuer son ennemi qu'elle se - et le - réconcilie avec elle - lui - même.

Ensuite démarre vraiment la saga intitulée Thy Kingdom Come.

Alors que la JSA fête l'arrestation de Vandal Savage avec les pompiers, un incendie se déclare dans une usine. L'équipe intervient et découvre dans le bâtiment en flammes le cadavre du démon Goth. Pour éteindre le feu, Starman créé alors un trou noir qui aboutit à une explosion. Peu après, le justicier est sorti de l'immeuble par Superman - mais un Superman plus vieux, arborant un "S" noir sur la poitrine, et provenant d'une dimension parallèle (celle de Kingdom Come, le récit d'anticipation apocalyptique de Mark Waid et Alex Ross )!
L'apparition de ce personnage va ébranler toute la JSA, à commencer par Power Girl, qui le prend d'abord pour son cousin ressucité
(Kal-L, le Superman d'Infinite Crisis), puis les autres membres auxquels il raconte comment le monde d'où il vient a sombré dans le chaos à cause de super-héros mal formés et partisans d'une justice expéditive. L'incarnation de cette décadence était un certain Magog, devenu l'idôle des foules après avoir abattu le Joker, jusqu'à ce qu'une des interventions n'oblige les héros à se réunir pour diriger le monde en matant les redresseurs de torts dégénérés. En réponse, les gouvernements lâchèrent une bombe sur les surhommes...
Ce Superman venu d'ailleurs fait alors prendre conscience à la JSA qu'elle a la possibilité et même le devoir d'éviter semblable hécatombe dans cette dimension, en éduquant les jeunes héros pour mieux prévenir d'éventuels débordements comme ceux qu'a causé Magog.
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Les deux premiers chapitres de ce recueil permettent à la fois de "digérer" les évènements survenus dans The Next Age, en se penchant sur deux personnages emblématiques de ce que la JSA est devenue - un héros malgé lui, une héroïne ayant trouvé sa voie en intégrant la Société -, et de préparer aux profonds bouleversements que va entraîner la longue saga Thy Kingdom Come.
Geoff Johns et Alex Ross, qui a participé à la construction du récit et participé graphiquement en signant de nouvelles peintures (en plus des couvertures, comme depuis le relaunch de la série) entament doucement leur épopée, dont on devine tout de suite qu'elle est partie pour durer un moment tant les questions qu'elle pose sont nombreuses, ses acteurs multiples et ses conséquences encore plus considérables.
Avec ce nouveau Superman qui débarque, ce sont tous les héros qui sont bouleversés : d'abord parce qu'ils existent désormais deux "Men of steel" sur notre monde, ensuite parce qu'il vient d'un monde ravagé, et enfin parce qu'il évoque tout de suite (en particulier à Power Girl) ce qui s'est déroulé durant Infinite Crisis (où Kal-L, le Superman de Terre II, est mort).
Conscient qu'il ne peut rejoindre son monde, "Kingdom Come Superman" tente de s'adapter en prêtant main forte aux justiciers, qui, en retour, essaient d'en savoir plus sur lui : la JLa est sollicitée pour lui faire passer une batterie de tests (soumis au lasso de vérité de Wonder Woman, présenté à Kal-El alias le Superman de notre Terre, examiné par Mr Terrific et les Green Lanterns Hal Jordan et John Stewart), tandis que Jay Garrick et Flash III utilisent le tapis roulant cosmique de Barry Allen et découvrent la possible existence d'une Terre parallèle (mais est-ce celle de leur visiteur ?).
Il assiste aussi la JSA lorsqu'elle vient en aide à Judomaster, la fille d'un yakusa repenti attaquée par des mercenaires japonais. Avec l'apparition de cette jeune femme, une nouvelle phase de recrutement est entamée, qui verra l'incorporation d'Amazing Man, l'héritier d'un activiste black ; Lightning, la fille de Black Lightning (membre de la JLA) incapable de maîtriser ses pouvoirs ; David Reid, un soldat engagé en Afghanistan et arrière-petit-fils du Président Roosevelt (fondateur de la Société de Justice) ; et Jakeem Thunder, l'adolescent accompagnée du génie magique Thunderbolt.
Ces nouveaux personnages viennent complèter l'effectif déjà abondant de l'équipe, soulignant bien qu'il s'agit davantage d'une grande famille que d'un simple groupe de justiciers, et tous dôtés d'un "background" personnel original qui les caractérise immédiatement : Johns aborde à travers eux la diversité ethnique (Judomaster est asiatique ; Amazing Man, Lightning et Jakeem afro-américains), générationnelle (Jakeem est à peine sorti de l'enfance ; Lightning a le même âge que Stargirl et Cyclone) et philosophique (Judomaster cherche à expier les crimes de son père ; Amazing Man est un militant et un homme de foi).
La richesse de ces individus démontre une fois encore le soin que le scénariste apporte à son casting.
Une troisième voie est explorée, en parallèle à celle du "Kingdom Come Superman" et des nouvelles recrues : elle concerne l'enquête que mène le nouveau Mr America sur les assassinats de plusieurs méta-humains assimilés à des demi-dieux. D'abord, qui est ce nouveau Mr America ? Il s'agit de Jeffrey Graves, le contact au sein du FBI de Trey Thompson, tué par Vandal Savage (dans The Next Age) : un nouvel exemple de la "transmission héroïque", le thème de prédilection de la série. Ensuite, il suit la trace de victimes semblables à Goth, le démon dont le cadavre se trouvait dans l'usine incendiée d'où a surgi "KC Superman". Tout est lié, mais qui supprime ces surhommes ? Et pourquoi ? Lorsqu'il va identifier le coupable, Mr America se réfugiera au QG de la JSA en demandant si le nom de Gog évoque quelque chose à quelqu'un - Gog, Magog : troublante et quasi-homonymie...
Le procédé narratif de Johns et Ross requiert de la patience et de la vigilance car, comme on le voit, des éléments antérieurs sont cités et annoncent subtilement ce qui se produira ensuite. Mais, du même coup, ce puzzle donne à l'ensemble de la cohérence et de la solidité, formant un vrai bloc narratif.
L'effet est immédiatement addictif car on brûle d'en savoir plus, on est intrigué par la toile qui se dessine sous nos yeux et dont on devine à peine l'aboutissement - la suite prouvera d'ailleurs que ces prémices ne sont que la partie visible d'un gigantesque iceberg. En même temps, pour une fois, les auteurs ont vraiment intégré les atouts de la narration "décompressée" en donnant une véritable ampleur romanesque, et même feuilletonnesque, à l'histoire : "compactée" en recueil, celle-ci n'est pourtant pas résolue en un seul volume et un authentique suspense s'installe.
L'autre avantage de ces épisodes tient dans la tonalité de l'écriture qui, malgré une gravité sensible, rend le tout très agréable : les descriptions des personnages sont exposées sur un rythme enlevé, parfois avec humour - comme avec Starman (à la fois loufoque et énigmatique), Jakeem (qui s'offusque qu'on le reçoive pas mieux), Lightning (dont les pouvoirs lui gâchent l'existence), Cyclone (irrésistible pipelette ingénue) ou Wildcat Jr (qui fait enrager son paternel).
Le récit est ponctué de scènes d'action spectaculaires, intervenant toujours pour éclairer la situation des personnages impliqués : on se régale avec cette ribambelle de héros apprentis ou aguerris, dysfonctionnelle au possible.
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Visuellement, la série reste également un éblouissement total grâce au virtuose Dale Eaglesham : aussi à l'aise pour dessiner les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, il donne à tous une expressivité magnifique, qui traduit au mieux toutes les émotions par lesquelles ils passent.
Mais il est aussi brillant lorsqu'il s'agit de mettre en scène des séquences d'action où il ne néglige jamais rien : admirez plutôt le soin maniaque avec lequel il compose les décors, les arrière-plans, vous verrez rarement cela ailleurs.
Bien sûr, cette précision et ce goût pour les doubles-pages a un prix : la série a pris du retard, au point que Fernando Pasarin ait été sollicité comme artiste fill-in - un rôle qui va aller crescendo ensuite, en faisant le véritable second artiste du titre. Mais l'espagnol se montre tout à fait à la hauteur d'Eaglesham, dans un registre différent mais tout aussi appliqué.
Autre conséquence : les encreurs défilent, apparemment eux aussi débordés par ce qu'ils doivent parachever (Ruy José est remplacé par Rodney Ramos et Drew Geraci). Mais, miraculeusement, subsiste une cohérence esthétique.
Mais ces petits désagrèments sont compensés par la contribution d'Alex Ross, qui, en plus de son rôle de co-auteur, nous gratifie de nouvelles vignettes peintes, véritables passerelles visuelles entre la série et Kingdom Come, auquel elle est étroitement connectée. Et le Maître continue de signer de magnifiques couvertures (dont Eaglesham donne des versions alternatives tout aussi remarquables).
Comme dans le TPB de The Next Age, DC a complété le volume de quelques croquis, permettant d'apprécier les études réalisées pour les designs des personnages et les couvertures.
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Ce nouveau recueil est donc un sans-faute : gâté, le lecteur peut attendre sereinement la suite... Elle ne le décevra pas !

jeudi 25 juin 2009

Critique 65 : JUSTICE LEAGUE OF AMERICA/JUSTICE SOCIETY OF AMERICA - THE LIGHTNING SAGA, de Brad Meltzer, Geoff Johns, Shane Davis, Fernado Pasarin, Dale Eaglesham et Ed Benes



The Lightning Saga est un crossover prenant place après les relances de deux séries publiées par DC Comics : la Justice League of America et la Justice Society of America.
Cette saga en cinq épisodes a été conjointement écrite par Brad Meltzer et Geoff Johns, et illustrée par Ed Benes, Dale Eaglesham, Fernando Pasarin et Shane Davis.
L'histoire se situe chronologiquement après JSA : The Next Age et JLA : Tornado's Path.
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Le super-vilain, Trident, a été capturé par la JLA (cf. Tornado's path) qui a découvert qu'il était sus l'emprise de Starro. Batman a appris grâce à un test ADN que le malfrat était en vérité Karaté Kid, un membre de la Légion des Super-héros du XXXIème siècle. Karaté Kid revient à lui et agresse Batman, réussissant presque à le vaincre, jusqu'à ce que Black Lightning intervienne pour le nutraliser.
Pendant ce temps, Thom Kallor révèle à ses co-équipiers de la JSA qu'il vient du futur et provoque des réactions perplexes dans son entourage.
La JSA et la JLA sont appelées à l'
Asile d'Arkham où le Dr Destiny manipule mentalement une des patientes, Dream Girl, en créant de terrifiantes illusions. Starman délivre sa bien-aimée en prononçant le nom d'un de leurs partenaires, Lightning Lad. Dream Girl explique alors que d'autres membres de la Légion se trouvent à notre époque.
Les deux équipes décident donc d'unir leurs forces pour retrouver les Légionnaires.Superman, Stargirl, Cyclone et Red Tornado se rendent à la Forteresse de Solitude où ils retrouvent Wildfire, pétrifié parmi les statues des membres de la Légion conservées dans le bâtiment. A son tour, Superman prononce "Lightning Lad" et cela ranime Wildfire, en possession d'une ceinture semblable à celle de Batman.
A la Batcave, Batman, Starman et Black Lightning interrogent Karaté Kid, qui croit toujours être un membre de la Guilde du Trident, jusqu'à ce que Starman le "désenvoûte" comme il l'a fait avec Dream Girl.Jay Garrick, Vixen, Hal Jordan et Tom Bronson (le fils de Wildcat) arrivent à Gorilla City où ils trouvent Timber Wolf dont il restaurent la mémoire.
Pendant ce temps, Red Arrow, Power Girl, Hawkman et Hawkgirl gagnent Thanagar à la recherche de Dawnstar, mais apprennent qu'elle est déjà partie pour la Terre.
Les membres réunis de la Légion s'isolent et utilisent chacun une baguette en proclamant que "L'un d'entre eux doit mourir". Superman trouve une de ces baguettes et comprend que les Légionnaires veulent sacrifier l'un des leurs pour ressuciter Lightning Lad.
La JSA et la JLA se rassemblent dans l'ancienne base de la
Société Secrète des Super-Vilains pour y trouver le dernier Légionnaire, Triplicate Girl, mais ils sont attaqués par le mécanisme de défense Computo. Durant la bataille qui suit, Superman réalise qu'il a déjà vécu cette scène auparavant et que cette impression est l'oeuvre de Sensor Girl. Avant que quiconque ait eu le temps de réagir, elle est récupérée par ses amis Légionnaires et prend la fuite avec eux.
Alors que la JSA tente de localiser les Légionnaires, Batman et Hal Jordan les repèrent dans la maison où
Barry Allen était apparu au "Dark Knight" lors de Crisis on Infinite Earths et dans la Tour des Titans.
Le plan des membres de la Légion s'accomplit : la foudre frappe Karaté Kid... Et provoque la réapparition de Wally West, sa femme Linda, et leurs deux enfants !
Les Légionnaires ont rejoint le futur, à l'exception de Starman, qui a choisi de rester car on a (selon lui) besoin de lui ici et maintenant, et de Karaté Kid, qui est en contact avec un des corps de Triplicate Girl dans le présent. Au XXXIème siècle, Brainiac 5 considère le retour de Wally comme une conséquence de leur opération, mais ils ont obtenu ce que la Légion voulait : quelqu'un est effectivement emprisonné dans la baguette de Karaté Kid...
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Cette nouvelle saga réunissant les deux équipes de l’univers DC se solde par une déception. Les raisons en sont simples : cette aventure commune arrive trop vite après les recompositions de la JLA et la JSA et l'intrigue est plutôt nébuleuse.
Pourtant, avec "seulement" 5 chapitres, on ne peut reprocher aux deux scénaristes de s'être trop étalés, mais l'abondance de personnages mis en scène et le peu de lisibilité de l'enjeu font qu'il est difficile de s’y retrouver quand on ne lit pas toutes les séries DC - en particulier si l'on n'est pas un familier de la Légion des Super-Héros.
Lorsqu'on découvre cette histoire en TPB, en l'absence de référence sur les événements antérieurs ou postérieurs, et sans avoir lu et la JLA et la JSA et Flash et Countdown to Final Crisis, je défie quiconque de comprendre parfaitement ce qui est ici raconté.
Heureusement, le savoir-faire de Meltzer et Johns permet quand même, à défaut d'apprécier pleinement les tenants et aboutissants du récit, de profiter de ces 5 épisodes en se concentrant sur leurs personnages, bien caractérisés.
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L'autre atout de ce crossover tient dans la contribution de ses quatre très bons dessinateurs, Eaglesham et Pasarin en tête : le premier nous gratifie même d'une ahurissante double-page lorsque la JSA, la JLA et les Légionnaires affrontent Computo dans les marais. Shane Davis ouvre le bal avec efficacité et Ed Benes ne démérite pas (notamment lors de la scène où Timber Wolf est retrouvé à Gorilla City).
Le recueil propose même un sixième épisode, entièrement peint par Gene Ha (Top 10), centré sur Vixen et Red Arrow - mais sans aucun rapport avec La Saga de l'Eclair (!).
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Cette Lightning Saga se laisse donc lire mais reste loin du niveau d'autres grandes réunions entre la Ligue et la Société de Justice - n'espérez pas retrouver un récit du calibre de Vice et Vertu. Graphiquement efficace, et même donc parfois épatant, le scénario ne tient pas ses promesses. Une occasion manquée pour un rassemblement sans doute prématuré.

Critiques 64 : JUSTICE LEAGUE OF AMERICA 0 & TORNADO'S PATH, de Brad Meltzer et Ed Benes



Après avoir passé en revue tous les crossovers importants de DC depuis 1985, force est d'admettre que les cartes ont été amplement rebattues, pour le pire et/ou le meilleur. Quoiqu'il en soit, au terme de 52, la firme de Broadway avait le champ libre pour relancer au numéro 0 ses deux séries-phares (du moins celles dont les équipes de super-héros tenaient la vedette) : la JLA et la JSA.
Il est donc temps de voir ce que ces "relaunchs" ont donné, et je commencerai donc par le premier arc de la nouvelle JLA, inauguré par un curieux n°0...
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Justice League of America #0 a été publié par DC Comics en Juillet 2006, sur un scénario (ou plutôt un canevas) signé Brad Meltzer et illustré par plusieurs dessinateurs (dont je donnerai la liste complète à la fin de cet article).
Puisqu'il n'y a pas d'histoire à proprement parler dans ce numéro, mais plutôt une succession de séquences se déroulant dans le passé, le présent et le futur de l'équipe, passons tout de suite à l'analyse de l'ouvrage.
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Avec les bouleversements survenus à la fin d'Infinite Crisis, le retour de la JLA se devait d'être un évènement piloté par des auteurs à la hauteur. Une année s'était passée, dont les détails furent racontés dans l'hebdomadaire 52, et DC devait proposer une refonte du titre à la fois surprenante et accessible, respectant cependant le "bagage" de la continuité avec toutes les incarnations que connut son groupe de super-héros le plus fameux : synthèse périlleuse...
Relancer la Justice League of America avec une nouvelle équipe créative était un challenge difficile, pour ne pas dire impossible : des fans allaient forcèment râler, et rien n'assurait que de nouveaux lecteurs seraient séduits. Mais c'était aussi une opportunité de revitaliser le titre, en le purgeant de nombreuses scories, en osant emprunter une nouvelle direction, un nouveau casting.
En confiant cette tâche à Brad Meltzer, DC faisait le choix de la qualité et de l'audace : n'était-il pas l'homme qui avait réussi avec Identity Crisis à bousculer les conventions en rédigeant une histoire dérangeante mais à l'écriture soignée ?
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, Meltzer a pris les chemins de traverse : dans ce numéro 0, c'est à un voyage au coeur de l'histoire de la JLA qu'il nous convie, un périple dont la "trinité" formée par Superman, Batman, et Wonder Woman sont les guides. A travers eux, nous allons revivre en une multitude de flashes des épisodes d'hier, d'aujourd'hui et même de demain, au moment même où ils se réunissent pour décider si leur équipe doit renaître de ses cendres - et avec qui, comme nous le révèlera Tornado's path.
Pour chaque période, Meltzer s'exprime via un de ces trois illustres personnages, avec leur sensibilité, leur vision des choses : qu'ont-ils retenu de toutes leurs aventures communes ? Et dans quelle mesure l'enseignement qu'ils vont en tirer va les inspirer ? Plus encore : quel avenir se dessine pour eux et la Ligue ?
On peut reprocher au scénariste, avec ce procédé, d'égarer le lecteur (a fortiori débutant) et de ne pas avoir (su choisir) un vrai point de vue. C'est particulièrement éloquent lorsque Meltzer nous montre d'hypothétiques scènes dans le futur, où l'on se demande s'il nous révèle de possibles et réelles histoires à venir ou s'il s'amuse simplement à nous lancer sur des pistes n'ayant aucune chance d'être exploitées. Les éditeurs de DC ne voient eux-même certainement pas aussi loin que Meltzer... Même si certaines scènes sont troublantes (ainsi, on devine qu'il arrivera malheur à Batman lors d'un dialogue entre Superman et Wonder Woman. Meltzer savait-il alors que Grant Morrison allait signer Batman R.I.P. ?).
Chacun appréciera (ou non) cet exercice d'anticipation...
En revanche, l'évocation du passé ponctuée par ce qui se passe aujourd'hui et ce qui a suscité la réunion de Superman et Wonder Woman dans la Batcave de Batman (la décision de ranimer la JLA et le choix de ses membres) est tout à fait plaisante : c'est exposé avec rythme, connaissance, souci de clarté, et l'entreprise permet d'apprécier la contribution d'une foule d'artistes très différents pour illustrer chaque époque. Tous ces dessinateurs ont effectué un formidable travail, certains recréant même le style des épisodes passés cités par Meltzer. Il se dégage de tout cela un étrange mélange de sentiments : nostalgie, excitation, expectative...
Si le but recherché était dee mettre l'eau à la bouche tout en adressant un clin d'oeil à la mythologie, c'est indéniablement réussi.
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Et comme promis, en conclusion, voici la liste des artistes crédités pour ce n°0 : Ed Benes, George Pérez, Jim Lee, J. H. Williams, Gene Ha, Dick Giordano, Eric Wight, Tony Harris, Kevin Maguire, Dan Jurgens, Howard Porter, Luke McDonnell, Rags Morales, Ethan Van Sciver and Phil Jimenez.
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Maintenant, place à l'action !

Justice League of America : Tornado's path est donc le premier récit, comptant 7 chapitres, mettant en scène la nouvelle muture de l'équipe. Le scénario a été écrit par Brad Meltzer et les dessins ont été réalisés par Ed Benes (encrés par Sandra Hope). Ce story-arc a été publié en 2006-2007 par DC Comics.
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La Bat-cave sert de décor à une réunion importante entre Batman, Superman et Wonder Woman : ceux-là même qui avaient dissous la Ligue de Justice (après Infinite Crisis) débattent de l'opportunité de la reformer puis de qui y intégrer. Chacun a ses favoris et ses arguments pour défendre ses candidats, le casting va être l'objet d'âpres négociations.
Diana vise l'efficacité et la complémentarité. Clark désire des membres motivés et aux aspirations nobles. Bruce privilégie la confiance (normal, après que ses "collègues" aient voulu le rendre amnésique suite à ce qui s'est passé dans Identity Crisis...).
Cependant, Roy Harper et Hal Jordan s'entretiennent de leurs projets lorsqu'ils sont interrompus par la bague de Green Lantern : Kathy, la compagne de Red Tornado, s’inquiète car l'androïde, sévèrement blessé mais normalement capable de se reconstruire, ne revient pas à lui aussi vite que d'habitude...
Par ailleurs, Jefferson Pierce, alias Black Lightning, mène l'enquête, en se faisant passer pour un émissaire de Lex Luthor, au sujet de la disparition inexpliquée et récente de plusieurs super-vilains - spécialement Plastique et l'Electrocuteur.
Celle qui pourrait le savoir est Vixen mais elle est justement piègée en allant à la rencontre de la Question ...
Dans l'ombre sont à l'oeuvre T.O. Morrow, l'inventeur de Red Tornado, qui s'est allié avec Felix Faust et Salomon Grundy. Et si Morrow est là, Amazo n'est pas loin non plus : la situation s'annonce explosive et la JLA n'attendra pas longtemps pour reprendre su service !
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Comme Red Tornado, la JLA est encore en pleine reconstruction et il faudra 7 épisodes à Brad Meltzer pour réassembler toutes les pièces d'une intrigue complexe mais, disons-le tout net et sans attendre, bien moins convaincante qu'Identity Crisis (qu'il considèra comme sa première histoire avec la JLA).
Si l'on cherche une analogie au processus de fabrication du récit ici proposé, c'est à une recette de cuisine qu'on pense : une pincée d'existentialisme chez Red Tornado, un peu de totem de Vixen, un zeste de magie de Felix Faust, quelques grains de savant fou façon T.O. Morrow, une pointe de mort-vivant avec Salomon Grundy, quelques gouttes de réplicant fou genre Amazo, le tout pimenté par les négociations du trio Batman-Wonder Woman-Superman, et le plat est prêt à être servi !
Mais le met est-il bon pour autant ? Pas autant qu'il aurait pu (dû ?)... En fait, Meltzer s'amuse avec le lecteur en ne lui donnant pas ce à quoi il s'attend - ce à quoi il était en droit d'attendre même. Finalement, c'est moins la refondation de l'équipe que des intrigues séparées mais se croisent qu'il s'agit : ces jonctions doivent former par la force des choses un groupe et un récit, mais si cette nouvelle Ligue comporte quelques bonnes surprises, ce dans quoi elle est embarquée est moins captivant à force d'être délayé.
Le lien entre tous ces évènements est l'androïde Red Tornado, décrit comme une version de Pinocchio... mais plus violente. Choisir d'axer l'histoire autour de ce héros de seconde zone n'est pas une option vraiment passionnante (à moins d'adorer le personnage). Ensuite, Meltzer, fidèle à sa réputation, ne ménage pas le lecteur avec des effets "gore" qui sont franchement complaisants ici. On a alors la désagréable impression qu'Authority s'est invité dans les pages de la JLA, comme si la parodie avait eu raison de l'original dont elle s'est inspirée - un comble !
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Le dessin détaillé et massif d'Ed Benes souligne cette tendance "dure" avec laquelle Meltzer traite son sujet. L'artiste brésilien est un bon artisan au style solide, dans la veine d'un Jim Lee, et il respecte fidèlement les directives du scénariste. Les amateurs de planches (souvent doubles) spectaculaires seront comblés, mais ceux qui préférent la fluidité et la finesse devront passer leur chemin.
J'ai en outre trouvé que Benes affichait des faiblesses préjudiciables dans ce type d'entreprises, incapable de varier le physique de ses héros et héroïnes - les premiers sont tous des armires à glace aux mâchoires carrées, les secondes des créatures pulpeuses aux poses exagérèment sexys. Le casting fourni de cette nouvelle Ligue souligne ces lacunes.
Lorsqu'on repense à l'association de Meltzer avec un graphiste bien plus complet comme Rags Moralès, la comparaison n'est pas favorable à Benes.
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Néanmoins, le scénariste a bien compris 5 points essentiels à une renaissance de la JLA comme équipe et comme titre :
- 1/ elle doit inclure les icônes du "DCverse",
- 2/ elle doit s'ouvrir à de nouvelles recrues,
- 3/ elle doit être intimement connectée à l'Univers DC,
- 4/ elle doit avoir des ennemis dignes d'elle,
- et 5/ elle doit savoir surprendre ses lecteurs.
A l'évidence, Meltzer aime ces personnages et écrire leurs aventures, mais justement cette affection l'empêche de rendre une copie plus satisfaisante et plus mesurée.
Le précédent "revival" de la JLA avait été dirigé par Grant Morrison et l'écossais s'était appuyé sur une formation plus classique mais aussi plus dense, celle des "big 7" – Superman, Batman, Wonder Woman, Green Lantern, Flash, Martian Manhunter et Aquaman. L'équipe avait de l'allure et de la consistance car elle n'était composée que de héros icôniques.
Meltzer a converti le concept des "big 7" de Morrison en "big 3" : sa Ligue repose toute entière sur le trio emblèmatique Superman-Batman-Wonder Woman, qui, du coup, fait immanquablement de l'ombre au reste de l'équipe. On passe trop de temps à passer en revue tous les membres susceptibles d'intégrer la Ligue et pas assez à les voir en action. 7 épisodes, souvent long d'une trentaine de pages, avec d'abondants dialogues et des voix-off envahissantes, ont raison de notre patience.
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Même si ce n'est pas une mauvaise bande dessinée, ce recueil ne provoque pas une adhésion suffisante, à la fois compte tenu des enjeux d'un tel relaunch et des qualités de ses auteurs. Un départ aussi laborieux plombe une série, a fortiori quand elle doit être relancée, et c'est la raison pour laquelle, après le crossover avec la JSA qui suivit cet arc, je n'ai suivi que de loin le titre.

vendredi 19 juin 2009

Critique 63 : INFINITE CRISIS - 52, de Geoff Johns, Grant Morrison, Greg Rucka, Mark Waid et Keith Giffen






52 est une maxi-série publiée hebodomadairement par DC Comics, à partir du 10 Mai 2006, une semaine après la sortie du dernier épisode du crossover Infinite Crisis.
Au scénario ont collaboré quatre des plus brillantes plumes de la firme (et même de l'industrie) : Geoff Johns, Grant Morrison, Greg Rucka, et Mark Waid.
La direction artistique a été confiée à Keith Giffen, qui en a découpé graphiquement tous les épisodes, fournissant le cadre à plusieurs dessinateurs.
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52 compte, comme son titre l'indique, 52 volets, édités à raison d'un par semaine sur une année entière, chroniquant les évènements survenus durant "l'année perdue" après le dénouement d' Infinite Crisis. La série concerne la globalité de l'univers DC à travers les trajectoires de plusieurs de ses personnages, trajectoires parfois convergentes et formant une vaste fresque cohérente.
A partir du numéro 2, un complèment a été ajouté à la série - et ce, jusqu'au n°11 - où une seconde équipe créatrive, emmenée par Dan Jurgens, relatait l'Histoire du DC Universe : la narratrice en était Donna Troy. Dans le dernier chapitre de cette rétrospective (fort utile pour le non-initié), l'enregistreur d'Harbinger et un nouveau Monitor informaient Donna Troy qu'elle aurait dû mourir à la place de Jade (fille d'Alan Scott, alias Green Lantern I/Sentinel, un des vétérans de la JSA, et soeur d'Obsidian)...
Autre bonus de 52, à partir du n°12 jusqu'au 51, les origines de personnages emblématiques du "DCverse" étaient résumées en deux planches, rédigées par Mark Waid et illustrées par plusieurs artistes.
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Booster Gold :
- Comme nous l'avons vu à la toute fin d'Infinite Crisis, Superman, Batman et Wonder Woman décident de cesser leurs activités héroïques. Les autres justiciers font alors ériger un mémorial en hommage à Connor Kent/Superboy à Metropolis. C'est à cette occasion que l'aventurier venu du futur Booster Gold se fait remarquer en annonçant l'arrivée de Superman, Batman, et Wonder Woman. Lorsque l'assemblée présente sur place comprend son erreur, Booster Gold accuse son partenaire, le robot Skeets (qui a en mémoire tous les évènements survenus à cette époque), de lui avoir fourni une mauvaise information.
Lorsque, plus tard, Skeets donne à nouveau des signes de disfonctionnement, Booster décide de gagner la base dans le désert du voyageur temporel Rip Hunter pour qu'il examine le robot Mais une fois arrivé à son bunker, il n'y trouve personne et découvre plusieurs tableaux noirs remplis de notes cryptées et de photos - dont certaines où il figure avec Skeets et indiquant "sa faute".
La réputation de Booster est définitivement ruinée après que soit révèlée au grand jour ses manoeuvres peu scrupuleuses pour conserver ses nombreux partenariats commerciaux (acquis grâce à ses bonnes actions en l'absence de Superman à Metropolis). Pour ne rien arranger, un nouveau et mystérieux justicier nommé Supernova fait son apparition et séduit rapidement le public par ses interventions aussi providentielles que désintéressées.
Booster tente de regagner les faveurs des citoyens en les protégeant de l'explosion d'un sous-marin nucléaire. Mais il disparaît tragiquement en sauvant la vie de Supernova. Skeets aborde alors l'ancêtre de Booster, Daniel Carter, pour le convaincre de réaccèder au laboratoire de Rip Hunter. Lorsqu'il réalise que ce dernier était au courant de son plan secret, le robot piège Daniel Carter dans une boucle temporelle à l'intérieur du bunker et part à la recherche de Hunter lui-même.
C'est ainsi qu'en suivant Supernova il retrouve Rip Hunter dans la cité de Kandor, contenue dans une cloche de verre. La vérité lui apparaît alors que Supernova n'est autre que Booster Gold, ayant maquillé sa mort avec l'aide de Hunter pour cacher à Skeets leurs vraies intentions. Hunter et Supernova/Booster essaient de pièger Skeets dans la Zone Fantôme, mais le robot absorbe cette dimension parallèle et poursuit ses deux adversaires à travers cette faille temporelle.

Ralph Dibny :
- De son côté, Ralph Dibny, alias Elongated Man, ne se résoud pas à la mort de sa femme (tué par Jean Loring dans Identity Crisis), Sue, et il décide de mener l'enquête lorsque sa tombe a été vandalisée avec une inscription ressemblant au signe de Superman, le symbole kryptonien pour la résurrection.
Il va interroger Cassandra Sandsmark qui lui avoue qu'elle a rejoint un groupuscule prêchant le possible retour à la vie de Connor Kent/Superboy. Elle pense ce miracle probable et convainc Ralph qu'il pourrait ainsi retrouver Sue.
Avec quelques amis (Green Lantern, Green Arrow, Metamorpho...), Ralph inflitre une cérémonie de ce groupe et y mettent fin. Mais leur intervention provoque un incendie, vite jugulé, au milieu duquel l'effigie de Sue en flammes se met à ramper jusqu'à son mari. Cette brêve manifestation plonge Dibny dans une profonde dépression, au bord de la folie.
A peine remis de ses émotions, mais désormais persuadé qu'il peut retrouver Sue, Ralph cherche et trouve le casque du Dr Fate, toujours animé et qui lui promet à son tour un contact avec sa défunte épouse contre certains sacrifices...
Dibny embarque avec le casque de Fate pour un périple à travers les différents au-delà de diverses cultures, où il accepte d'utiliser la magie pour son usage personnel. Après plusieurs tentatives infructueuses pour ramener sa femme à la vie, Dibny lance un sort dans la Tour du Dr Fate avant de coiffer le casque de ce dernier : il découvre alors que le sorcier Felix Faust a négocié l'âme de Sue avec le démon Neron en prenant l'apparence de Nabu (à qui Fate doit ses pouvoirs) et en échange de sa liberté.
Neron tue Dibny mais réalise ensuite que celui-ci l'a piègé avec Faust par un sortilège dans la Tour de Fate. Ralph et Sue sont enfin réunis dans la mort sous la forme de fantômes détectives.

Lex Luthor :
- Par ailleurs, Lex Luthor annonce le lancement du "Projet Everyman", un programme conçu pour dôter n'importe quel humain ordinaire de super-pouvoirs. Au même moment, John Henry Irons désactive l'armure de sa nièce Natasha après avoir voulu, en vain, lui inculquer qu le statut de justicier se méritait, impliquait le sens des responsabilités.
En réponse à cette punition, Natasha rencontre Luthor pour intégrer le "Projet Everyman" et provoque la colère de son oncle auquel Lex inocule une solution qui transforme progressivement sa peau en acier. Lorsqu'elle découvre le nouvel état de John Henry, Natasha croit qu'il s'est inscrit au programme de Luthor et l'accuse de s'être comporté en hypocrite vis-à-vis d'elle.
La jeune femme reçoit des super-pouvoirs et devient membre de l'équipe d'agents de Luthor, baptisée Infinity, Inc.. Irons apprend que Luthor peut priver lorsqu'il le souhaite ses cobayes de leurs facultés surhumaines, expirant au bout de six mois.
Ces soupçons se confirment lorsqu'une des co-équipières de Natasha perd subitement ses pouvoirs lors d'un combat et meurt contre l'adversaire qu'elle afrontait. Irons se sert de ce drame pour regagner la confiance de sa nièce et la convaincre des mauvaises intentions de Luthor.
Lex est frustré car, en vérité, des examens médicaux révèlent qu'il ne peut profiter du traitement dont il fait bénéficier ses recrues. Pour se venger, il désactivate les pouvoirs de la majorité des sujets du "projet Everyman" le soir du Nouvel-An, entraînant leur chute mortelle depuis le ciel de la ville où ils paradaient.
Désormais, Natasha va oeuvrer pour démasquer Luthor. Mais ce dernier découvre que ses employés lui ont menti par peur qu'il puisse , lui aussi, acquérir des capacités surhumaines : ainsi s'administre-t-il lui-même le traitement pour obtenir les pouvoirs de Superman. Il apprend ainsi que Natasha l'espionne et la brutalise jusqu'à ce qu'Irons et les Teen Titans assaillent le siège de Lexcorp et le neutralisent pour le livrer à la justice.
Beast Boy offre ensuite à Natasha de les rejoindre au sein des Teen Titans, mais elle préfére former sa propre équipe avec son oncle.

Animal Man, Starfire et Adam Strange :
- Animal Man, Starfire, et Adam Strange ont, quant à eux, échoué sur une planète extra-terrestre après les évènements d'Infinite Crisis. Ils fuient les troupes de Lady Styx, dont les plans de conquête spatiale doivent aboutir à la destruction de la Terre.
Le trio est aidé par Lobo, qui possède l'Oeil d'émeraude d'Ekron et clâme qu'il s'est converti à une existence pacifique et pieuse au service des Dauphins de l'espace. En vérité, Lady Styx a engagé Lobo pour capturer les trois héros.
Lorsqu'il les livre à elle pourtant, c'est pour mieux la combattre. Lobo avoue alors que l'Oeil d'émeraude d'Ekron appartient en fait à un membre des Green Lanterns, depuis à sa poursuite - l'oeil étant son anneau de puissance.
Durant le combat contre Lady Styx, Animal Man a été empoisonné par une toxine et trouve la mort. Starfire et Strange abandonnent sa dépouille et repartent. Animal Man revient ensuite à lui, entouré par des extraterrestres qui renforcent ses anciens pouvoirs au point qu'il fait désormais corps avec tout être vivant dans l'univers. Dôté des facultés des Mangeurs de Soleil, il s'en sert pour rejoindre la Terre mais il est poursuivi par les sbires de Lady Styx. Mais Starfire resurgit pour les tuer juste avant qu'ils n'arrivent chez lui.
Black Adam, la Question, Renee Montoya et Batwoman  :
- En parallèle, Black Adam, le monarque surhumain du Kahndaq, forme une alliance avec plusieurs autres pays opposés à la suprématie des Etats-Unis. Offerte à lui comme esclave, Adrianna Tomaz explique à Adam comment il pourrait utiliser ses pouvoirs pour pacifier le monde en commençant par aider son peuple.
Adam convainc Captain Marvel de donner à la jeune femme le pouvoir d'Isis : à ses côtés, il libère d'un camp plusieurs enfants en Afrique.
Pendant ce temps, la Question, Renee Montoya, et Batwoman découvrent que l'organisation criminelle Intergang se prépare à prendre le contrôle de Gotham City. La Question et Montoya s'envolent pour le Kahndaq pour mener l'enquête à ce sujet et contrecarrent un attentat kamikaze lors du mariage de Black Adam et Isis.
En remerciement, Adam les reçoit avec les honneurs. La Question, Montoya, Isis et Adam mettent à jour un lieu de culte consacrant la Bible du Crime et dirigé par Intergang. Parmi les enfants utilisés par l'organisation lors de ces célébrations se trouve le frère d'Isis, Amon, et Adam partage ses pouvoirs avec lui pour le transformer en un nouvel Osiris.
Osiris devient l'ami d'un crocodile humanoïde mal dans sa peau, Sobek, et l'invite à se joindre la famille Marvel. Cependant, Adam et Isis informent les membres de leur coalition politique que le Kahndaq n'est plus intéressé par leur projet de contre-pouvoir aux américains.

Black Adam et Isis :
- Will Magnus, le créateur des Metal Men, est enlevé et conduit sur l'ïle d'Oolong Island, où Intergang et Chang Tzu retiennent plusieurs autres scientifiques pour y développer de nouvelles armes. Magnus est privé de ses anti-dépresseurs et on lui confie la construction d'un androïde en Plutonium, mais le savant en profite pour confectionner en secret des copies miniatures de ses Metal Men.
Ses "confrères" donnent vie à trois des Quatre Cavaliers d'Apokolips pour supprimer Black Adam.
De son côté, ne croyant pas à la reconversion de Black Adam, Amanda Waller s'arrrange pour ruiner la réputation d'Osiris en l'attirant dans un traquenard où il est filmé en train de tuer un adversaire. Le film fait la "Une" des journaux télévisés et provoque un scandale.
Comme une malédiction, en réponse au drame causé par Osiris, une pluie acide s'abat sur le Kahndaq. Convaincu qu'il est responsable de cette calamité, Osiris demande à Captain Marvel de lui ôter ses pouvoirs mais Isis et Black Adam le ramènent au Kahndaq.
Sobek manipule Osiris pour qu'il reprenne sa forme mortelle d'Amon et le dévore, révèlant qu'il n'est autre que le Quatrième Cavalier d'Apokolips, la Famine. Les trois autres Cavaliers attaquent Black Adam et Isis, qui est empoisonné par la Pestilence et meurt après avoir obtenu d'Adam qu'il les venge, elle et son frère.
Fou de rage, Black Adam dévaste le
Bialya, pays où sont basés les Quatre Cavaliers, et les extermine sans pitié, en s'acharnant sur la population civile. Puis il attaque l'île d'Oolong mais les savants le capturent et l'emprisonnent.
La JSA prend l'île d'assaut pour arrêter Adam et les scientifiques, mais Adam s'échappe et sème la terreur et la désolation tout autour du globe, tuant plusieurs surhumains qui veulent lui barrer la route.
Les super-héros unissent leurs forces pour maîtriser Black Adam et permettre à Captain Marvel de lui retirer ses pouvoirs, après avoir convaincu le panthéon égyptien de le re-transformer en son alter-ego humain Teth-Adam : il errera désormais comme un vagabond, incapable de se rappeler la formule magique "Shazam".

Batwoman :
- La Question et Montoya se rendent chez Richard Dragon à Nanda Parbat, où Renee apprend que Vic Sage se meurt d'un cancer et veut qu'elle prenne sa succession. Après avoir découvert dans la Bible du Crime une prophétie impliquant le sacrifice de Batwoman, ils la rejoignent pour lutter contre Intergang à Gotham city.
Mais l'état de santé de la Question empire et Montoya le ramène à Nanda Parbat dans l'espoir de lui sauver la vie. Pendant ce temps, Intergang découvre l'identité secrète de Batwoman, qui est la richissime Kathy Kane et l'enlève pour la sacrifier selon la prophétie.
Vic Sage mort, Montoya sous le masque de la Question contacte Nightwing et un espion inflitré au sein d'Intergang, Kyle Abbot, pour sauver Batwoman. Hélas ! Elle ne peut empêcher le caïd Bruno Mannheim de blesser Kathy Kane avec une dague lors de la messe noire qu'il dirige. La jeune femme survit quand même et, après s'être rétablie, remarque le Bat-Signal activé par Montoya pour inciter Batwoman à reprendre du service.

Rip Hunter :
- Aux trousses de Rip Hunter et Booster Gold dans la Zone Fantôme, le redoutable Mister Mind se trouve en fait dans le corps métallique de Skeets, dont il s'est servi comme d'un cocon pour se métamorphoser en un gigantesque et monstrueux dévoreur du Temps.
Rip Hunter et Booster s'enfuient à la fin de l'Infinite Crisis où ils assistent à la création secrète de 52 univers parallèles identiques, que Mister Mind tente de consommer.
Daniel Carter réapparaît comme le nouveau Supernova et sauve Hunter et Booster, restaurant du même coup le processus spatio-temporel de la Zone Fantôme. Mister Mind altère le cours des évènements des 52 universes, créant ainsi de nouvelles histoires et de nouveaux status quo pour chacun d'entre eux.
Booster et Supernova piègent Mister Mind dans la capsule de Skeets et le renvoient dans le passé, un an avant, où il est capturé par le Dr. Sivana, prisonnier d'une booucle temporelle pour l'éternité.
Hunter, Booster et Supernova s'entendent pour garder secrète l'existence du multiverse restauré tandis que Will Magnus répare Skeets d'après une copie qu'il en avait faite.

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Avant d'aller plus loin, on peut ajouter ceci : en parallèle à la 50ème semaine, une mini-série en 4 volets intitulée World War III dépeignit la bataille opposant la communauté des super-héros contre Black Adam. On y assistait à la transformation d'Aquaman en Seigneur des Profondeurs, au changement de physionomie du Martian Manhunter, à la reconversion de Donna Troy, au retour de Supergirl à notre époque, au nouveau rôle de Jason Todd comme Nightwing, et à la déchéance maléfique de Cassandra Cain aux côtés de Deathstroke. Cette production est un complèment dispensable à 52, même si elle permet de comprendre les modifications subies par ses personnages par la suite.

Une comparaison à la fois facile et éloquente pour apprécier cette épopée ? Pensez à la série télé Lost : dans les deux cas, bien que le média et la confection soient différents, on se trouve dans ce qu'on appelle le "méta-folklore", c'est-à-dire un objet artistique référentielle, qui fonctionne justement en multipliant les clins d'oeil et en semant des indices discrets. Le procédé est extrèmement ludique car on peut apprécier l'ensemble sans pour autant connâitre tout ce à quoi il se rapporte, et en étant attentif ou tout bonnement joueur, vous aurez le plaisir d'embarquer pour une destination inattendue et vous vous rendrez compte que tout ce dont vous aviez besoin pour saisir l'histoire était sous vos yeux (presque) dès le début.
Le premier atout de 52, c'est justement de nous donner pour guides des personnages de seconde zone : promues au rang d'improbables vedettes de ce feuilleton, elles n'ont pas l'assurance des héros auxquels on est sûr que rien de (vraiment) grave n'arrivera et, en conséquence, le récit gagne en suspense. Il faut d'ailleurs peu de temps pour se familiariser avec ces protagonistes méconnues et les apprécier car les auteurs les précipitent (et nous avec) dans un authentique tourbillon d'évènements, qui ne leur laisse pas le temps (et nous non plus) de réfléchir.
On est donc vite intrigué, ému, amusé, etc, par Booster Gold, l'arriviste sans scrupules au coeur d'un complot énorme ; Black Adam, l'implacable tyran découvrant l'amour ; Ralph Dibny, le veuf inconsolable prêt à tout pour revoir sa bien-aimée ; Steel, aux prises avec sa nièce et le machiavélique Luthor ; Renee Montoya, partagée entre son attirance pour Batwoman et son association avec la Question ; Animal Man, essayant de contrer avec Starfire et Adam Strange une terrible conquérante.

52, c'est une longue marche dans l'univers DC, sans les arbres qui cachent la forêt : écartée la "trinité" (Superman, Batman, Wonder Woman), on redécouvre le frisson en s'inquiétant pour des héros beaucoup moins connus, donc moins protégés, susceptibles d'y passer à tout moment, et dévoilant une psychologie complexe. On s'attache à eux progressivement et cela participe aussi à la bonification de l'ensemble : tout ne nous est pas donné d'entrée de jeu, nous ignorons qui gagnera, qui perdra, qui survivra ou mourra - pour le savoir, il faudra suivre jusqu'à la fin les histoires des protagonistes.

L'autre expérience savoureuse que permet 52, c'est d'apprécier une autre mesure du temps dans la bd : l'histoire s'étirant sur toute une année, peu ou pas d'elllipses, et donc l'opportunité de lire autrement, de goûter à des intrigues initialement parallèles puis qui finissent par converger, se croiser et repartir dans des directions inédites. Cette saga renoue avec la veine du feuilleton, c'est-à-dire d'un récit qu'on est obligé de suivre du début à la fin, qui ne permet pas de sauter un épisode. Plusieurs genres sont ainsi explorés pour enrichir la trame principale et varier les plaisirs : c'est tout à la fois un "soap opera", un mélodrame, un polar, un récit d'aventures, initiatique, fantastique, une série B, un "space opera", une histoire de gangsters, de sociétés secrètes, une métaphore religieuse, une parabole politique, une comédie, une romance, une tragédie... Tout est mouvement, action : vous êtes dans une centrifugeuse, un accélérateur de particules, où tous les délires sont permis pour maintenir votre intérêt éveillé. Et c'est absolument jubilatoire si, là encore, on accepte de se prêter au jeu.

- La clé de la série, c'est le tableau de Rip Hunter que découvre Booster Gold dans le bunker de l'explorateur du temps : y sont inscrits une multitude de données d'abord incompréhensibles mais qui prendront tour leur sens par la suite. Et pour ce qui ne sera pas éclairci, c'est une manière pour les scénaristes de suggérer des pistes possibles pour le futur du "DCverse", comme ds pirouettes narratives qui nous mettent l'eau à la bouche : par exemple, lorsque Will Magnus, avant d'être emmené de force sur l'île d'Oolong, rend visite au savant T.O. Morrow, créateur de Red Tornado (membre de la JLA), qui mentionne d'autres androïdes de son invention (comme Red Volcano) - or, on n'a jamais vu ce Red Volcano nulle part avant ! Mais l'idée qu'il puisse exister a le potentiel d'une future histoire...
Les auteurs se sont amusés à truffer 52 d'éléments de ce genre, et le procédé fut même repris par les éditoriaux de l'éditeur Dan Didio qui adressait (parfois moins subtilement) des messages cachés aux lecteurs de la série. Mais, même sans savoir cela, un examen des héros principaux pouvait mettre la puce à l'oreille et révèler que la reconstitution du Multivers était la clé de cette entreprise.
Ainsi, et bien qu'il apparaisse dans la partie la moins passionnante du récit (le périple spatial en compagnie de Starfire, Adam Strange, Lobo et Lady Styx), Animal Man, personnage cher à Morrison (qui a percé dans les comics US en écrivant sa série), apparaît comme le sésame de 52. Témoin de la réémergence du Multivers, c'est pour cela qu'il est ici traqué avec ses deux acolytes par des mercenaires. Le voyage mouvementé du héros et ses deux amis reproduit des étapes à L'odyssée d'Homère (et cela souligne le fait qu'ils rejouent une pièce déjà écrite, comme les acteurs d'une histoire cyclique) : le trio, par exemple, échoue sur une planète paradisiaque mais gardée par un géant. La référence à la rencontre entre Ulysse et le cyclope Polyphème est manifeste.

- Le périple de Ralph Dibny fonctionne lui aussi en recopiant des motifs de la mythologie : il descend littéralement jusqu'en Enfer pour retrouver Sue, et ce n'était pas encore assez limpide, il finit par démasquer Felix Faust (vilain dont le patronyme est inspiré par le personnage de Goethe, ayant vendu son âme au Diable), coupable d'avoir voulu négocier avec le démon Néron l'âme de Sue contre sa liberté.

- Un dernier exemple encore plus élémentaire de ce procédé serait celui qui consiste à assimiler les Quatre Cavaliers d'Apokolips à ceux de l'Apocalypse et la vengeance dévastatrice de Black Adam contre le monde entier au Jugement Dernier.

On voit donc que le "méta-texte" de 52 est non seulement riche de références aux comics, aux feuilletons télé mais aussi romanesque, aux fables, aux contes, à la mythologie, aux écrits religieux. La série en hérite une profondeur insoupçonnée sous ses apparences de divertissement d'envergure, en explorant les notions de responsabilité (entre John Henry Irons et sa nièce, qui aspire à la gloire héroïque sans les devoirs qu'impose la tâche de rendre la justice), du deuil (avec le calvaire et l'apaisement de Ralph Dibny), de la transcendance (avec la métamorphose d'Animal Man), de la transmission (avec la succession de la Question par Renee Montoya ou de Batman par Batwoman), de l'altruisme (avec l'évolution de Booster Gold passant de l'arrivisme à la prise de conscience de son rôle de sauveur), de la rédemption et de la chute (avec Black Adam que l'amour d'Isis transforme puis que la perte de cet amour renvoie à ses démons)...
En ambitionnant à la fois de réinterpréter les motifs de classiques littéraires, d'évoquer des pans entiers de l'histoire de l'univers DC (spécialement méconnus, mais pour, à l'occasion, en corriger des fautes de goûts - en introduisant par exemple des personnages étrangers plus positifs, comme les super-héros asiatiques, souvent décrits de manière raciste dans le passé) en misant sur un certain cryptage narratif, les scénaristes de 52 fournissent aux lecteurs la matière pour se divertir intelligemment et le prétexte pour se replonger dans d'anciens ouvrages, d'anciens auteurs, dépassant la simple continuité - une invitation finalement pour voyager dans les collections DC tout en offrant des pistes pour le futur à court (le sort des héros de la série et l'issue de celle-ci), moyen (les conséquences de la série sur la production de l'éditeur) et long terme (de nouvelles façons d'élaborer des histoires).

Il y a, on l'a remarqué, une performance éditoriale dans la fabrication même de 52, double performance qui mérite d'être saluée :

- d'abord, avoir réussi à fédérer autour d'un même projet quatre scénaristes prestigieux et doués s'est avéré un formidable atout. On peut reconnaître, dans les principales lignes narratives de la série, la "griffe" de chacun d'entre eux, et d'ailleurs, par la suite, une fois la publication achevée, certains ont précisé sur quels points ils avaient particulièrement aimé travailler.
Ainsi, Mark Waid s'est consacré au chemin de croix de Ralph Dibny, lui conférant une force émotionnelle poignante, et aux rapports compliqués entre Steel, Natasha et Luthor.
Geoff Johns a pris en mains les commandes de Booster Gold, auquel il donnera même sa série après 52 (conservant et développant son partenariat avec Rip Hunter pour en faire des "correcteurs" de la continuité), et Black Adam (qui intervenait déjà dans JSA).
Greg Rucka s'est investi en recréant Batwoman, qui aura aussi droit à sa série, et en traitant de la relation entre Renee Montoya avec la Question.
Grant Morrison a imprimé sa marque sur les mésaventures cosmiques d'Animal Man, Adam Strange et Starfire.
Mais alors qu'on aurait pu penser que des personnalités aussi affirmées ne se complèteraient que mal ou par intermittences, le contraire s'est produit et c'est la cohérence de l'ensemble qui impressionne le plus. Les lignes narratives principales sont distinctes, mais forment quand même un ensemble harmonieux, chaque rebondissement se produisant sans chevaucher le suivant, sans créer de parasitage ou de saturation. La lecture et la grille sur laquelle sont disposées les intrigues est d'une accessibilité et d'une efficacité exemplaires, compte tenu du nombre de personnages, de décors, d'actions, d'enjeux. Et à cet égard l'ultime épisode opère une synthèse assez bluffante, en précisant des points effleurés au début ou en cours de route et en ne freinant pas l'allure.

Est-ce à dire que tout était parfaitement programmé dès le début ? Ce serait exagéré et illusoire, ne serait-ce qu'en tenant compte du rythme de diffusion de la série (en cas d'insuccès, DC aurait sûrement revu ses plans et l'histoire en aurait été singulièrement modifiée) et en sachant que les quatre scénaristes étaient également engagés sur d'autres séries publiées en même temps (qui ont d'ailleurs souffert du planning de leurs auteurs).
On a su aussi, ensuite, que Morrison, Johns, Rucka et Waid avaient changé certaines données en cours d'écriture :

- par exemple, Skeets n'était pas le méchant initial de l'histoire (ce qui laisse imaginer combien la saga aurait pu être différente) ;
- certains personnages n'ont pas été aussi complètement développés que voulu (comme les Great Ten chinois) ;
- et d'autres encore auraient dû occuper une place plus conséquente (notamment les héros revenus sur Terre au début, comme Hawkgirl transformée en géante)...

Mais les circonstances et le "hasard" ont été cléments avec l'équipe rédactionnelle, qui a pu poser d'autres éléments employés après 52, comme la dissolution (temporaire) de la JSA, l'utilisation d'Infinity Inc. (référence à une ancienne équipe formée par les descendants de la JSA), l'éclosion de Batwoman, l'émergence de Booster Gold, l'allusion aux Metal Men.
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"Quatre pilotes" ? En vérité, il y en avait cinq, et il serait injuste d'oublier la contribution décisive de Keith Giffen dans ce projet : c'est en effet à ce vétéran des comics que toute la (colossale) partie graphique fut confiée. Représentez-vous l'énormité de son labeur pour donner une unité visuelle, sinon esthétique, à ces 52 épisodes produits à raison d'un par semaine : il lui a fallu storyboarder chaque chapitre puis diriger un défilé d'artistes aux sensibilités et aux styles très différents exécutant les illlustrations dans ce cadre imposé !

Parmi tous les collaborateurs de Giffen, évoquons Dale Eaglesham, Joe Bennett, Todd Nauck, Darick Robertson, Justianino, Mike McKone, Eddy Barrows, Chris Batista, Shawn Moll, Jack Jadson, Pat Oliffe, Drew Johnson, Phil Jimenez, Dan Jurgens, Jamal Igle, Andy Smith, et Giuseppe Camuncoli pour se faire une idée de l'accomplissement de cette tâche : tous ne sont pas de grands graphistes, mais leur dévouement et leur ponctualité ont permis à ce navire d'arriver à bon port, sans retard - autant dire un exploit !

Et bien sûr, il y a enfin les sublimes couvertures signées J.G. Jones : lorsqu'on a suivi la série en fascicules, en étalant parterre ces 52 exemplaires, on peut admirer cette fantastique galerie d'images, parfois d'une beauté sidérante, parfois drôles, parfois inquiétantes, parfois conçues comme des hommages à des affiches de films ou à d'anciennes covers de comics, et peintes avec une magnifique maîtrise technique, élaborées avec une intelligence émérite (ce sont à la fois des résumés de chaque volet et des invitations irrésistibles pour la suite). Bravo et chapeau !
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Pour conclure, j'aimerai revenir sur le fameux laboratoire Rip Hunter découvert par Booster Gold (lors de la "Semaine 6"), et dont les détails sont autant de passerelles pour ce qui a précédé et ce qui suit. Voilà ce que j'en ai retenu et qui pourra guider d'autres lecteurs :

- 1/ un globe géant porte l'inscription d'un "X" rouge puis des mots "World War III? Why? HOW?";
- 2/ des notes dispersées un peu partout dans le bunker indiquent qu'il y a un problème avec le cours du temps et le nombre 52 figure de manière proéminente dans ces écrits ;
- 3/ plusieurs de ces écritures font référence, de manière parfois nébuleuses, à l'univers DC, ses évènements et ses personnages (parfois inconnus même à l'époque dont provient Booster) ;
- 4/ une multitude d'horloges, de réveils est arrêtée à l'heure de 12:52 (00:52) ;
- 5/ des écrans montrent des images de Rosa Parks, Abraham Lincoln, d'un vaisseau arborant le drapeau des Templiers, d'Elvis Presley, d'une "tea party" à Boston, et d'un dinosaure ;
- 6/ d'autres papiers sur le sol portent le nom de titres de séries annulées par DC, dont celle d'Infinity, Inc., Casey the Cop, et Silverblade ;
- 7/ toujours parterre, un livre intitulé "Who's Who", avec le logo d'une série DC du même nom, et deux notes : "FIND THE SUN DEVILS" et "What is spanner's galaxy?" (Sun Devils et Spanner's Galaxy sont des titres de deux maxi-séries des années 80) ;
- 8/ plusieurs tableaux noirs sont couverts d'indices, dont le plus évident est la phrase : "TIME IS BROKEN". Dans son ultime semaine, où nous assistons à la renaissance du Multivers, Booster Gold se désole de cette "cassure temporelle", mais Rip Hunter le rassure en lui expliquant que finalement chaque chose est quand même à sa place.
- 9/ Le nombre 52 encerclé est présent en plusieurs endroits sur ces tableaux, et les cercles entourant ce nombre se chevauchent parfois : ce symbole des cercles qui se chevauchent avait déjà été utilisé dans le passé par DC pour représenter les Terres alternatives, ou les Terres parallèles qui fusionnaient (comme dans Infinite Crisis).
- 10/ La question "Dead by lead?" se rapporte, dans le "DCverse", à la race Daxamite, particulièrement vulnérable au poison : ainsi, dans le contexte pré-Crisis, le Daxamite Mon-El était un héros du XXème siècle que Superman avait envoyé dans la Zone Fantôme pour une durée de mille ans après qu'il ait été empoisonné. Ce personnage réapparut après Infinite Crisis dans la série Supergirl et la Légion des Super-Héros.
- 11/ L'autre interrogation "The four horsemen will end her rain?" fait écho à une mention du maléfique Chang Tzu et ses Quatre Cavaliers d'Apokolips, et le fait qu'Isis provoque des orages pour exprimer sa tristesse. Plus tard, lorsqu'Intergang active les Quatre Cavaliers, une pluie acide s'abat sur le Kahndaq, et la Pestilence tue Isis quatre semaines après le début de ce déluge.
- 12/ La formule "He won't smell it." se rapporte au flair légendaire de Ralph Dibny pour sentir un mystère.
- 13/ "Find the last 'El' " fait bien sûr référence au nom de famille de plusieurs kryptoniens comme Superman (Kal-El) and Supergirl (Kara Zor-El). Au terme d'Infinite Crisis, Supergirl était renvoyée au XXXIème siècle pour y rejoindre la Légion des Super-Héros. C'était aussi le nom du Superboy version pré-Crisis Superboy, également membre de la Légion, un millier d'années dans son propre futur. Par ailleurs, Conner Kent s'appelait en réalité Kon-El, et fut lui aussi un Légionnaire.
- 14/ "MAN OF STEEL" est l'autre surnom donné à Superman, également attribué à John Henry Irons à cause de son armure métallique puis de sa peau qui se transforme en acier durant 52.
- 15/ La suite "Sonic disruptors --> Time Masters --> Time Servants" concerne directement Rip Hunter, désigné dans le "DCverse" comme "Maître du Temps", et induit qu'il existerait des "Esclaves du Temps". Sonic disruptors était le titre d'une série annulée par DC. Rip Hunter avait offert à divers super-vilains spécialisés dans les voyages temporels un moyen de se repentir en devenant des "Maîtres du Temps" et en l'aidant à contrecarrer les plans de Skeets.
- 16/ "Tornado is in pieces" signifie, comme on le découvre dans la série, que Red Tornado a été démantelé lors d'un combat dans l'espace.
- 17/ "It hurts to breathe" se réfère au cancer des poumons qui ronge la Question.
- 18/ "Where is the Curry Heir?" concerne une des histoires labellisée "One Year Later" où un personnage appelé Arthur Curry ressemble à Aquaman. (L'Aquaman original est devenu le Seigneur des Profondeurs, comme on peut le voir dans la mini-série, reliée à 52, World War III.)
-19/ "Who is Supernova?" fait écho à la 37ème semaine de la série où on apprend que Supernova est la nouvelle identité de Booster Gold - Booster étant dès lors incarné par son ancêtre Daniel Carter.
-20/ "Where is the Batman?" nous ramène un mois après Infinite Crisis lorsque Batman, Robin et Nightwing décident de partir en voyage autour du monde pendant un an - l'année des évènements relatés dans 52.
- 21/ "Who is the Batwoman ?" désigne Kate Kane, la nouvelle Batwoman, qui apparaît lors de la 11ème semaine.
- 22/ "Who is Diana Prince?" désigne le pélerinage de Wonder Woman, alias Diana Prince, à Nanda Parbat, en pleine quête identitaire. Après cela, l'amazone deviendra un agent secret.
- 23/ "SECRET FIVE!" fait référence à la mini-série Secret Six (de Gail Simone et Dale Eaglesham), publiée avant Infinite Crisis. Cette équipe de vilains refusant d'intégrer la Société des Super-Vilains de Lex Luthor comptera un temps dans ses rangs le Châpelier Fou, qui sera ensuite remplacé par Harley Quinn, puis par Bane.
- 24/ "World War III? Why? HOW?" fait écho à la guerre vengeresse menée à la fin de 52 par Black Adam où périront plusieurs héros.
- 25/ "IMMORTAL SAVAGE" désigne le malfaisant Vandal Savage, qui a passé l'année décrite dans 52 dans l'espace, et qui, à son retour sur Terre, découvre qu'il a perdu son immortalité.
- 26/ "Someone is monitoring. They see us. They see me." indique le retour de Monitor.
- 27/ "When am I?" est la question que se pose Skeets lorsqu'il traque Rip Hunter (il demande au Waverider "when is Rip Hunter?" pour le localiser).
- 28/ "I'm not Kryptonite." se réfère bien sûr à la Kryptonite, minerai auquel est vulnérable Superman. Dans 52, le "Culte de Conner", la secte vouée à la résurrection de Superboy, uutilise la "Kryptonite Rouge" dans un rituel préliminaire devant ressuciter Sue Dibny. Il est ultérieurement révèlé que son effet est un artifice de Felix Faust.
- 29/ "I'm supposed to be dead?"est une question posée dans la "back-up" L'Histoire de l'Univers DC, quand Donna Troy et l'intelligence artificielle chargée d'enregistrer cette rétrospective achèvent leur revue des évènements. L'enregistreur et un des nouveaux Monitors révèlent à Donna que la ligne du temps a divergé et que, normalement, elle devrait être morte à la place de Jade, la fille d'Alan Scott qui s'est sacrifiée pour Kyle Rayner.
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Voilà tout ce que je pouvais en dire. Maintenant, n'hésitez pas à vous procurer les 4 recueils rassemblant l'intégralité de cette saga : plus de 1200 pages de bonheur vous attendent, donc n'ayez pas peur !