dimanche 28 juin 2009

Critique 67 : JUSTICE SOCIETY OF AMERICA THY KINGDOM COME 2, de Geoff Johns, Alex Ross, Dale Eaglesham, Fernando Pasarin et Jerry Ordway

(Ci-dessus : la JSA au grand complet par Dale Eaglesham.)
(Ci-dessus : la couverture du recueil)













Justice Society of America : Thy Kingdom Come, Part 2 contient les épisodes 13 à 18 ainsi que le premier numéro annuel de la série régulière.
Le scénario a été écrit par Geoff Johns et Alex Ross.
Les dessins ont été réalisés par Fernando Pasarin (n°13,16 et 17), Dale Eaglesham (n°14,15 et 18), Jerry Ordway (Annual 1), plus quelques planches originales peintes par Alex Ross. Ces épisodes ont été publiés par DC Comics de Février à Octobre 2008, l'Annual 1 en Septembre 2008.
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Rappel des faits :
la JSA continue d'attirer de nouvelles recrues (Judomaster, la fille d'un yakusa repenti ; David Reid, un soldat arrière-petit-fils de Roosevelt ; Lightning, la seconde fille de Black Lightning ; Jakeem Thunder, maître du génie magique Thunderbolt ; Amazing-Man, activiste noir).
Cependant, lors d'une intervention dans une usine en feu, Starman crée un trou noir pour maîtriser l'incendie mais attire dans notre dimension un Superman vieillissant - tout droit venu du futur décrit dans Kingdom Come (de Mark Waid et Alex Ross). Il ne s’agit donc pas, comme le croit d'abord Power Girl, de son cousin mais de "l'Homme d'Acier" de Terre-22, où le justicier Magog a modifié le cours de l'Histoire. Ce méta-humain a tué le Joker et provoqué l'émergence d'une nouveau genre de héros, n'hésitant plus à tuer pour faire régner l'ordre et méprisant le commun des mortels. La situation a empiré au point que les Nations-Uinies ont fini par larguer une bombe atomique sur les super-héros... C'est ce futur-là que veut éviter ce Superman à notre monde avec l'aide de la JSA.
Parallèlement, un nouveau Mr America
(en fait, le co-équipier du précédent, tué par Vandal Savage dans The Next Age) mène une enquête sur les meurtres de super-vilains se faisant passer pour des demi-dieux. L'assassin signe ses crimes au nom de Gog.
A présent, voilà comment les choses évoluent :

Les découvertes et le signalement de son agresseur que donnent Mr America troublent la JSA et le Superman de Terre-22, qui décide d'aller interroger "notre" Superman. Celui-ci a affronté Magog qui lui a raconté venir du futur et vouloir sauver le monde : grâce à Batman, il a appris qu'il s'agissait en fait d'un missionnaire porté disparu en Afrique du nom de William Matthews.
Ce dernier attaque Hercules, déchaîné mais maîtrisé par les deux Superman, avant de disparaître, laissant derrière lui des traces de poussière volcanique. Cette indice va être exploité par Sandman, qui piste Magog jusqu'au Congo où il affronte Infinite Man (sans réussir à le tuer).
Au QG de la JSA, alors que Power Girl et les doyens de l'équipe décident de traquer Magog en laissant leurs jeunes recrues en retrait, celui-ci surgit et les attaque. La bataille se poursuit à l'extérieur jusqu'à ce que, en difficulté, il se téléporte avec Hawkman, David Reid, Citizen Steel, Amazing Man, "Kingdom Come Superman", Power Girl, Mr Terrific et Sandman dans une grotte au Congo.
Magog réveille alors accidentellement Gog, qui le désintégre, et se dresse, immense, devant le groupe de héros médusé en assurant "venir en paix". Amazing Man réussit à entrer en contact avec ce géant qui commence à traverser les environs en sauvant la population de la famine et des persécutions de rebelles armés. Il révèle également ses origines en expliquant avoir été banni du Troisième Monde et avoir échoué sur Terre il y a plusieurs milliers d'années. Pétrifié, il fut découvert par William Matthews qui hérita d'une partie de sa puissance et en devint fou.
Mais à présent, il désire sauver la Terre : pour prouver ses bonnes intentions, il accomplit un miracle en rendant son visage intact à Damage.
La situation met en émoi les super-héros dont Gog prétend devenir le protecteur (comme eux sont les protecteurs de la Terre) : l'athée Mr Terrific confie son trouble à Dr Mid-Nite, David Reid demande à Jay Garrick si on ne devrait pas laisser agir Gog pour le bien de tous, Hawkman effectue des recherches avec Hawkgirl sur l'arme de Magog...
Le Dieu rescapé du 3ème Monde "guérit" d'autres justiciers : il rend le sommeil à Sandman, la vue à Dr Mid-Nite, la raison à Starman et renvoie Power Girl chez elle... Puis soudain, se détourne d'eux en projetant de mettre carrèment fin aux conflits dans le pays !
Le récit suspend son cours pour s'intéresser à Power Girl que Gog a expédiée sur Terre-2.

Déboussolée, elle y retrouve des amis qu'elle croyait morts - et réciproquement : les membres de la Justice Society Infinity. Les choses se compliquent dramatiquement et rapidement lorsque la Power Girl de ce monde surprend son (quasi-) double et convainc ses partenaires qu'elle est une intruse mêlée à la disparition de leur Superman. Comment va-t-elle se sortir de ce guêpier ? Nous le saurons plus tard...

Retour sur notre Terre où Gog sème la confusion en voulant pacifier le Congo : les héros se divisent en deux clans, ceux qui approuvent son action et ceux qui estiment que ses intentions ne sont peut-être pas si gratuites.
Lorsque David Reid est mortellement blessé, la situation prend une tournure inquiètante pour "Kingdom Come Superman" : Gog ressucite le jeune homme en le transformant en nouveau Magog, identique à celui qui causa la perte de Terre-22...

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Dans cette deuxième partie de l’arc Thy Kingdom Come, Alex Ross et Geoff Johns continuent d'avance leurs pions tranquillement : la JSA va traquer Gog pour découvrir un adversaire aux mobiles perturbants et clivant l'équipe en deux partis. le moins qu'on puisse dire, c'est que les deux auteurs nous offrent un divertissement certes mais avec un vrai fond, soulevant de nombreuses questions d'une richesse peu commune dans les comics mainstream.
La vénérable Société de Justice doit s'interroger sur son efficacité : restent-on d'authentiques redresseurs de torts lorsqu'on n'arrive pas à résoudre des problèmes aussi concrets que la famine, les guerres tribales ? Un super-héros n'est-il bon qu'à appréhender des super-vilains sans s'occuper d'autre chose que de la sécurité civile ?
Nos justiciers sont mis face à leurs responsabilités et affichent leurs doutes, leurs divergences aussi : la grande famille de la JSA n'échappera pas à de brutales dissensions entre ses membres.
Pour certains, l'arrivée et les interventions de Gog sont un miracle qu'il faut soutenir inconditionnellement (la fin justifiant en quelque sorte les moyens, la providence faisant force de loi).
Pour d'autres, ce même Gog prive les humains de leur libre arbitre, agit sans se soucier des conséquences, guérit les gens sans leur demander leur avis, et cache peut-être derrière cette bienfaisance des motivations moins nobles.
La présence en contrepoint du Superman de Terre-22 nous incite à la méfiance et ce qu'il advient de David Reid, littéralement ressucité pour devenir l'incarnation du Magog qu'il a connu et qui a précipité son monde dans le chaos, laisse entrevoir une issue dramatique.
L'intelligence avec laquelle Ross et Johns réussissent à placer au coeur d'un récit par ailleurs toujours riche en action (une bagarre dévastatrice entre Magog I et la JSA dans leur QG sur quasiment deux épisodes entiers), en grand spectacle (le réveil de Gog émergeant d'une montagne en Afrique dans laquelle il s'était figé), une thématique aussi dérangeante est un modèle du genre. Après avoir exploré dans un premier temps (et encore un peu ici) l'héritage, ce sont la responsabilité, la notion même d'héroïsme, l'existence d'une entité désirant "protéger les protecteurs" de l'humanité, qui sont traitées dans ce volume. Pas mal de proposer une réflexion sur des sujets pareils dans un comic-book traditionnellement voué à l'aventure...
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Avec le périple que va traverser Power Girl sur Terre-2, auquel est consacré l'Annual de la série, Johns et Ross se penchent sur le déracinement. Mais cette parenthèse dans le récit, dont nous saurons la conclusion dans le 3ème album, sans démériter, n'a pas la même intensité. Plus longue aussi en nombre de pages et introduisant une foule de personnages sans relation avec la saga principale (la Justice Society Infinity, à la composition voisine d'Infinity Inc. première version), cette histoire dans l'histoire manque de rythme, et j'ai été moins accroché par la mésaventure de Power Girl, dont on devine qu'elle sortira sans doute ébranlée mais indemne.

La cassure est aussi plus sensible à cause du graphisme puisque Pasarin et Eaglesham sont remplacés par le vétéran Jerry Ordway. Non que je mette en doute le talent de cet artiste mythique (encré un peu lourdement par un autre fameux "ancien", Bob Wiacek), mais ce changement de style surprend et nécessite un temps d'adaptation.
Une rumeur a couru comme quoi Johns avait invoqué cette JSI pour créer un spin-off à la JSA. Il semble que le projet a fait long feu, si tant est qu'il ait jamais été élaboré. Johns ayant quitté le titre au n°26 pour se consacrer à tout autre chose, on ne risque pas de revoir les héros de Terre-2 de sitôt, dans la galaxie déjà bien peuplée de personnages de DC...
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Puisque j'ai cité les graphistes, restons avec eux pour saluer une nouvelle fois leur splendide travail. Cette fois, Fernando Pasarin s'est véritablement installé comme co-pilote du titre en signant 3 épisodes, soit autant que Dale Eaglesham, incapable de tenir ses délais. Le dessinateur espagnol signe des pages intérieures confirmant tout le bien qu'on pensait de lui : son trait est élégant, assuré, parfois un peu rigide, mais sa contribution est irréprochable.
Quant à Dale Eaglesham, on comprend pourquoi il n'a pas pu livrer ses épisodes aussi régulièrement lorsqu'on examine ceux qu'il a réalisés : il nous offre particulièrement les deux chapitres consécutifs où Magog I affronte la JSA et c'est tout bonnement stupéfiant. Le découpage est d'un dynamisme palpitant et chaque vignette est peaufinée avec une méticulosité ahurissante. C'est aussi lui qui met en scène le retour à la vie de Gog, l'occasion d'une double-page (parmi d'autres) bluffante, peinant presque à contenir tout ce qu'elle montre !
Malgré un nouveau défilé, encore plus conséquent que dans le précédent recueil (Mick Gray, Nathan Massengil, Kris Justice, Prentis Rollins...), l'unité esthétique est miraculeusement intacte : on sent la volonté de toute l'équipe artistique pour maintenir le titre à un niveau d'excellence qui mérite le respect.
Et enfin, encore et toujours, on s'extasie devant les couvertures (les versions "variant" étant toujours réalisées par Eaglesham, en proposant un autre regard sur le programme des épisodes) et les planches peintes par Alex Ross : elles deviennent un complèment de celles du Kingdom Come initial. Il s'est investi personnellement dans cette saga comme le gardien du temple veillant à l'intégrité de l'oeuvre originelle.
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Reste à savoir comment tout cela va se terminer : Power Girl traquée dans une dimension parallèle, la JSA face à un Dieu et à elle-même, "Kingdom Come Superman" hanté par ses fantômes... Le dénouement promet une apothéose !

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