Devil's Reign est le nouvel event Marvel : il comptera six épisodes qui seront publiés en trois mois. Il s'agit aussi du climax du run de Chip Zdarsky sur Daredevil. Pour l'occasion, le scénariste renoue avec Marco Checchetto, avec lequel il avait relancé la série sur le diable de Hell's Kitchen. Bien que je n'ai pas été convaincu par leur prestation jusqu'à présent, j'ai quand même voulu tenter l'aventure. Et, ma foi, ça démarre très bien.
Wilson Fisk tient une conférence de presse sur le parvis de la mairie de New York. Evoquant les différentes batailles dont la ville a été le théâtre, il décréte, avec effet immédiat, que tous les justiciers masqués, qu'ils jugent responsables du chaos, hors-la-loi.
Les arrestations débutent, menées par les Thunderbolts. Mais lorsque ceux-ci s'en prennent à Miles Morales, Captain America s'interpose et Daredevil avec Elektra et Spider-Man aident à les évacuer. Après quoi, DD explique la raison véritable pour laquelle Fisk agit ainsi.
Le maire ne se contente pas d'appréhender des vigilantes. Il use de recours légaux pour déloger les 4 Fantastiques du Baxter Building. Sue Richards avertit in extremis Ben Grimm et Johnny Storm de ce qui se passe et ils fuient avec Valeria et Franklin.
Après une visite à son fils, Butch, à qui il assure faire tout cela pour le protéger, Fisk prépare son prochain mouvement en s'en prenant à l'Homme-Pourpre. De leur côté, Luke Cage et Jessica Jones, avec leur fille, sur le départ, sont abordés apr Tony Stark qui a une solution pour contrer Fisk...
Je ne veux pas vous ennuyer en répétant les griefs que j'ai contre la manière dont Chip Zdarsky s'est occupé de Daredevil depuis deux ans et presque trente épisodes. Pour le dire vite, je trouve qu'il a démarré très fort (en rendant le diable de Hell's Kitchen responsable du meurtre d'un cambrioleur) puis s'est ensuite enlisé pour boucler le héros en prison et lui substituer Elektra sous le pseudo du justicier. Ajoutez à cela l'incapacité pour le titre à avoir un dessinateur stable et vous obtenez une lecture laborieuse. Bien que mon avis soit, je le sais, minoritaire, j'avais préféré le run de Charles Soule.
Mais à vrai dire, il me semble que depuis la fin de l'ère Mark Waid/Chris Samnee, qui s'était achevé d'une manière presque définitive, Marvel semble perdu, ne sachant dans quelle direction entraîner tête à cornes. Zdarsly comme Soule ont fait un choix pas si différent l'un de l'autre en renouant avec une veine noire, qui n'a rien d'original puisqu'elle porte le sceau de Frank Miller.
Quand Devil's Reign a été annoncé, j'ai donc été surpris. A ma connaissance, c'est la première fois qu'un event tourne autour de Daredevil. J'étais aussi méfiant puisque Zdarsky prévenait qu'il s'agissait du point culminant de son run. Marvel promettait aussi que cette saga en six chapitres serait auto-contenue, sans tie-in - finalement, elle en compte une vingtaine, impactant les titres les plus inattendus (X-Men en particulier).
Pourtant, après avoir lu le premier épisode de Devil's Reign, je dois reconnaître que je suis positivement surpris. C'est très bien raconté, l'argument de départ est accrocheur et ne nécessite pas vraiment d'avoir lu les épisodes de Daredevil (un résumé de la situation est quand même fourni au début) et le rythme est haletant.
Il y a un air, assumé me semble-t-il, de Civil War dans Devil's Reign puisque Fisk décréte tous les super-héros de New York, dont il est le maire, hors-la-loi. Le pire, c'est qu'il s'appuie sur des raisons valables : en effet, la ville est le théatre régulier d'affrontements destructeurs entre super-héros et super-vilains, menaçant d'innocents civils et engendrant de considérables dégâts matériels. C'est effectivement intolérable et grave. Et, d'un point de vue narratif, c'est un problème rarement traité dans les comics.
Mais évidemment, l'ex-Caïd n'agit pas ainsi pour de nobles raisons. Daredevil est sa cible principale : il possédait des documents relatifs à son identité secrète et le justicier vient de sortir de prison. Dans le run de Charles Soule, on apprenait comment DD grâce aux enfants de l'Homme Pourpre avait effacé de la mémoire collective le secret de son alias. Zdarsky avait ensuite suggéré que cet enchantement avait visiblement des faiblesses puisque Elektra se souvenait que Matt Murdock était le diable de Hell's Kitchen. Fisk aussi sent que quelque chose cloche et la disparition des documents compromettants qu'il détenait sur son ennemi le conforte dans son malaise. Il emploie donc les grands moyens pour déguiser sa vengeance en une affaire de sécurité publique.
Zdarsky fonce pied au plancher et c'est très bien, d'autant que deux épisodes paraîtront chaque mois. Il enchaîne les scènes-choc avec notamment la réquisition du Baxter Building par le Dr. Octopus, l'intervention musclée des Thunderbolts (qui sont à la fois une équipe de super-vilains aux ordres du maire et un ensemble d'agents de la paix lourdement armés) contre Moon Knight, Miles Morales, Captain America. Ce dernier renoue avec son rôle de défenseur des libertés civiques en prenant le maquis, comme dans... Civil War. D'autres anciens résistants comme Luke Cage, Jessica Jones se rebellent et défient même Fisk. Cerise sur le gâteau : Tony Stark trouve une forme de réhabilitation après avoir été partisan de l'enregistrement des super-héros jadis lorsqu'il avance une solution astucieuse et légale.
Ce sentiment de sans-faute jubilatoire est souligné par la prestation survoltée de Marco Checchetto au dessin. L'italien, qui a rarement été capable d'aligner plus de cinq numéros d'affilée depuis qu'il officie sur Daredevil (et donc, par conséquent, souvent suppléé, parfois par de bons remplaçants - Jorge Fornes - , parfois par de piètres intérimaires - Mike Hawthorne), affiche ici une forme épatante.
Avec son style réaliste et nerveux, il traduit à merveille le climat très tendu et ne se ménage pas pour nous gratifier de beaux morceaux de bravoure. Le sauvetage de Miles Morales et Captain America, la prise du Baxter Building, la cavale de la Chose et de la Torche Humaine avec Valeria et Franklin Richards, le coup de gueule de Luke Cage : tout ça ponctue de manière très énergique et vibrante le récit.
Mais Checchetto se montre aussi à l'aise quand il faut calmer le jeu, notamment dans une scène de dialogue entre Wilson et Butch Fisk. C'est l'occasion de donner une perspective passionnante au projet puisque le fils du Fisk, qui le remplace comme Caïd, n'aime pas son père, qu'il estime responsable de la mort de sa mère, tout en admettant qu'il faut l'aider dans sa croisade sinon Wilson perdra son poste de maire et voudra récupérer sa place de patron de la pègre.
Il faut maintenant croiser les doigts pour que Zdarsky confirme ce beau départ, maintienne à la fois le cap et le tempo, et pour que Checchetto garde ce niveau graphique sur les trois mois de parution. Si c'est le cas, alors Devil's Reign sera une grande réussite - même si je souhaite que le scénariste abandonne Daredevil ensuite.
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