Le phénoménal succés du tome 1 de Quai d'Orsay, Chroniques Diplomatiques obligeaient ses auteurs à réaliser une suite, mais en vérité la fin ouverte du premier album permettait tous les espoirs. Néanmoins, c'es un exercice redoutable de livrer un prolongement à un telle réussite... Mais Christophe Blain et Abel Lanzac ont récidivé et transformé l'essai avec brio, en proposant une nouvelle plongée détonante, comique et parfois effrayante des coulisses de la diplomatie internationale.
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La couverture mérite déjà qu'on en souligne la qualité, comme un préambule au contenu du livre : on la croirait conçue pour le très chic New Yorker, inspiré par Sempé, et résume parfaitement le motif de cette saga. Alexandre Taillard de Vorms nous tourne le dos, regardant par une vaste fenêtre des buildings d'une mégalopole, métaphore de la tâche énorme qui l'attend, mais dans une posture conquérante avec ses mains sur les hanches, ses épaules haussées, sa tête rentrée.
C'est qu'il s'agit de tout l'enjeu de ce deuxième volume : Taillard de Vorms va-t-il (et si oui, comment) réussir à empêcher la guerre que veulent lancer les Etats-Unis contre le Lousdem (soit l'Irak), soupçonné de dissimuler des armes de destruction massive ?
L'arrivée à New York.
Le récit est découpé en 8 chapitres, dont les titres sont autant d'annonces, parfois cryptiques, du programme qui attend les deux protagonistes de cet opus, Taillard de Vorms donc et Arthur Vlaminck, une de ses plumes, mais également toute l'équipe du Ministère des Affaires Etrangères, une bande de vieux cadors de la diplomatie, à la fois au service de leur supérieur et dépassé par le défi qu'il s'est lancé, constamment sur la brêche. Qu'on en juge : 1/ United Nations Plaza (le voyage à New York pour préparer la riposte aux Américains et leur projet guerrier) ; 2/ Conséquences graves (l'art de ménager les susceptibilités au conseil de sécurité par les éléments de langage) ; 3/ Le labyrinthe (le parallèle entre le combat diplomatique à mener et la légende de Thésée et le Minotaure, qui élève Taillard de Vorms au rang de figure mythologique) ; 4/ 1441 (le rôle des services de renseignements français pour éviter les fuites du Ministère des Affaires Etrangères) ; 5/ Noël (comment les fonctionnaires du Ministère rusent pour avoir des vacances lors des fêtes de fin d'année) ; 6/ La schnouff (la découverte du rapport des autorités lousdéménites sur leur armement) ; 7/ Moscou (les manoeuvres pour convaincre les Russes de faire front contre les Américains) ; et 8/ 14 Février (la date du discours tant attendu de Taillard de Vorms aux Nations Unies).
Avec cette suite, nous sommes dans le feu de l'action et l'objectif se dessine : l'intervention aux Nations Unies du Ministre, incarnant la position de la France, contre une guerre au mobile purement politique, symbolisant aussi la lutte du vieux continent européen (et par extension de ses alliés) contre l'Amérique belliqueuse. L'action se déplace des couloirs du Ministère aux voyages à l'étranger, dans une effervescence croissante à mesure que la déclaration du Ministre approche.
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Dans le premier tome, Lanzac et Blain décrivaient de manière caustique et énergique le bouillonnement qui agitait le Ministère des Affaires étrangères et son locataire, le théâtral Alexandre de Taillard de Vorms, entrecoupé par le ballet de ses conseillers. La nouvelle recrue, Arthur Vlaminck, engagé pour rédiger des notes et discours (les "éléments de langage"), était le témoin de ce manège et un acteur encore discret, le personnage auquel le lecteur pouvait s'identifier. Avec cette suite, nous sommes dans le feu de l'action et l'objectif se dessine : l'intervention aux Nations Unies du Ministre, incarnant la position de la France, contre une guerre au mobile purement politique, symbolisant aussi la lutte du vieux continent européen (et par extension de ses alliés) contre l'Amérique belliqueuse. L'action se déplace des couloirs du Ministère aux voyages à l'étranger, dans une effervescence croissante à mesure que la déclaration du Ministre approche.
Le Minotaure.
Le ton est plus dramatique tout comme l'enjeu : Alexandre de Taillard de Vorms ne doit plus seulement gérer de petites crises mais empêcher une guerre contre le Lousdem. Blain et Lanzac expédient leurs héros à l’ONU, à Moscou, et surtout nous éclairent, de façon à peine voilée, les arcanes du pouvoir, les négociations, les alliances, la bataille diplomatique qui secoua les Nations Unies fin 2002 – quand la France s’opposa aux Etats-Unis contre une entrée en guerre immédiate en Irak.
"Trompe-la-mort".
Christophe Blain, qui a aussi écrit et dessiné des bandes dessinées de genre comme Isaac le pirate ou Gus, en transpose graphiquement les codes (ceux de l'aventure, de l'épopée, du western) dans le cadre politique. Son Taillard de Worms, gonflé à bloc, habité par le combat d'une vie, incarne alors le justicier et Arthur Vlaminck son serviteur, à la fois dévoué et souffre-douleur.
Son dessin traduit avec une force impressionnante et irrésistible (son génie de la gestuelle est prodigieux) la vigueur, la tension et la roublardise du duel confrontant Taillard de Vorms et son homologue américain Jeffrey Cole – reprise de l'affrontement Dominique de Villepin et Colin Powell – , mais aussi et surtout les cadences frénétiques auxquelles sont soumis ses collaborateurs, leurs rivalités, leurs complicités, la folie qui les guette à tout moment.
Son dessin traduit avec une force impressionnante et irrésistible (son génie de la gestuelle est prodigieux) la vigueur, la tension et la roublardise du duel confrontant Taillard de Vorms et son homologue américain Jeffrey Cole – reprise de l'affrontement Dominique de Villepin et Colin Powell – , mais aussi et surtout les cadences frénétiques auxquelles sont soumis ses collaborateurs, leurs rivalités, leurs complicités, la folie qui les guette à tout moment.
Les fiches.
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Même si l'effet de surprise a disparu, le charisme de Taillard de Vorms, l'humour "hénaurme" des situations, le dynamisme de la narration, l'énergie du dessin emportent encore une fois l'adhésion.
"Vlon !"
Le mix endiablé de la grande Histoire et des faits les plus triviaux, l'originalité du cadre, l'envergure du héros : tous ces ingrédients, parfaitement maniés et dosés, font de ces 2èmes Chroniques Diplomatiques de Quai d'Orsay une réussite imparable. Vite une suite !
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