Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour lire le dénouement de la mini-série Ant-Man puisque le précédent numéro était sorti la semaine dernière. Mais, avouons-le, il était temps car l'histoire de Al Ewing et Tom Reilly n'a pas tenu toutes ses promesses et ce dernier épisode noie littéralement le lecteur sous une tonne d'explications qu'il est impossible d'apprécier si on ne connaît pas sur le bout des doigs des travaux antérieurs du scénariste.
Zayn Asgahr est le Ant-Man de 2549. Rescapé d'une attaque de Ultron après que le robot ait été investi de la puissance d'Odin, ce scientifique et justicier a collecté les informations sur ses prédécesseurs.
Malheureusement, les voyages dans le passé ne sont jamais sans conséquence et n'ayant pu empêcher l'attaque de Black Ant contre Ant-Man III (Scott Lang), le pire s'est produit...
... Le destin de Ultron n'a pas été corrigé et il a réapparu en 2549, plus puissant que jamais, et réslou à éliminer les Ant-Men pour les empêcher de le détruire.
Cependant, Hank Pym suggère à Zayn Asghar de remodeler le pistolet vieillissant de son ancien ennemi, le Maître du Temps, et de l'utiliser contre Ultron...
Que Al Ewing ait une passion sincère pour Ant-Man, il ne faut pas en douter. Mais comme souvent dans ce cas de figure (un auteur veut rendre à un héros ses lettres de noblesse), ça ne suffit pas toujours. Et cela se vérifie dans cette mini-série qui avait pourtant bien commencé mais qui n'a cessé de sombrer ensuite.
Ce quatrième et dernier numéro démarre par un flashback de quatre pages qui sont en fait composées d'images tirées de Ultron Forever, un crossover entre les séries Avengers/New Avengers/Uncanny Avengers de 2015, écrit par Al Ewing et dessiné par Alan Davis. Je me souviens l'avoir lu sans que ça m'ait laissé un souvenir impérissable car le récit était alambiqué au possible, malgré de superbes illustrations.
Si vous n'avez pas lu Ultron Forever ou que, comme moi, vous ne vous en souvenez plus vraiment, alors la suite est une vraie purge. A titre personnel, je déteste quand un auteur, si brillant soit-il (et Al Ewing est brillant) oblige le lecteur à connaître ses oeuvres précédentes pour comprendre et savourer une histoire publiée sept ans après comme c'est le cas avec Ultron Forever et Ant-Man.
Je sais bien ce que diront certains puristes : continuité, univers partagé, etc. Mais moi, ça m'emmerde. Je ne veux pas lire un comic-book avec des notes de bas de page me contraignant à relire tel épisode vieux de plusieurs années. Je suis un lecteur, pas un archiviste, ni un complétiste. J'ai envie que l'auteur me prenne par la main, me donne quelque chose d'immédiatement abordable : c'est presque une politesse littéraire.
Surtout que rien ne préparait le lecteur de Ant-Man à des références aussi précises et obscures (car, bon, honnêtement, Ultron Forever n'a rien d'un classique). Jusqu'à présent, dans cette mini-série, Ewing se contentait de quelques remarques amusantes sur l'expérience narrative du projet et s'amusait même, dans le premier épisode, à évoquer des vilains complètement ringards, à relier entre eux les trois premiers Ant-Man (comme Eric O'Grady dépeint comme un garnement qui importuanit Hank Pym et Janet Van Dyne dans un cinéma et Scott Lang pris sur le fait par la Guêpe alors qu'il cambriolait un appartement).
Mais plus le récit progressait, plus ces connexions devenait pointues, avec des allusions au skrull qui usurpa l'identité de Hank Pym à l'époque de Secret Invasion, ou à l'enfermement dans un sarcophage de vibranium scellé par des runes asgardiennes de UltronPym. Ce n'était plus du tout drôle et ça ne s'adressait qu'à des spécialistes, le meilleur moyen pour me faire sortir du jeu.
Dans cet ultime numéro, face à Ultron devenu tout puissant, investi de la puissance d'Odin, Ewing semble d'abord revenir à la simplicité du début, avec le nom sybillin du Ant-Man de 2549 - Zayn Asghar (=Asgard). Mais ensuite il y a ce fameux flashback explicatif qui renvoie à Ultron Forever et alourdit considérablement le propos. La bataille qui s'ensuit est pathétique avec Eric O'Grady qui ne sert strictement à rien, Scott Lang guère plus. Reste Hank Pym dont Ewing n'a pas caché qu'il souhaitait le réhabiliter à travers ce projet, le premier et le seul légitime Ant-Man selon lui.
On en revient à ce que je disais en ouverture : Ewing aime Ant-Man et Hank Pym. Sa volonté de redonner du lustre au personnage originel (dont l'image est écornée depuis des années, après une gifle donnée à Janet Van Dyne dans Avengers #213, devenue le symbole des violences conjugales chez les super-héros) est louable. Mais tout ça pour ça, bon sang, que c'est compliqué, que c'est laborieux... Et finalement vain car personne n'aura assisté au geste de bravoure Pym en 2549 !
Au dessin, Tom Reilly aussi n'a pas convaincu. Passé un excellent premier épisode, où, avec la coloriste Jordie Bellaire, il imitait le style de Don Heck et la patine des pages mal imprimées des années 60, le jeune artiste n'a pas su renouveler cette performance quand il a fallu évoquer le style de Phil Hester avec Eric O'Grady. Et quand il s'est agi d'animer Scott Lang (qu'a surtout dessiné Ramon Rosanas, un dessinateur au style beaucoup plus lisse), Reilly s'est trouvé avec un script qui visiblement n'avait que faire du troisième Ant-Man.
Dans ce quatrième numéro, la colorisation joue un rôle encore plus prépondérant puisque, pour illustrer le look futuriste de l'intrigue, Jordie Bellaire a eu la permission d'effacer des contours d'encrage. Et Reilly lui-même a eu recours à un trait beaucoup plus schématique, avec des à-noirs massifs, qui donnaient à l'ensemble une allure très anguleuse et simpliste.
Le résultat est parfois original, parfois maladroit. On ne comprend surtout pas bien la raison de ce choix graphique qui n'est pas très beau ni très dynamique. Le découpage lui-même est inégal, avec des transitions d'une case à l'autre, des compositions bancales, et des finitions au niveau des visages parfois baclées. Avoir voulu expérimenter à chaque épisode est méritoire pour leur donner une identité visuelle propre, mais cela demande un savoir-faire que n'a visiblement pas encore Reilly (qui n'a pas la maîtrise en la matière d'un caméléon comme Stuart Immonen ou la virtuosité d'un J.H. Williams III).
Comic-book trop petit pour ses trop grandes ambitions et plombé par un final trop référencé, Ant-Man passe à côté de son objectif. pas sûr du tout que Hank Pym en sorte rafraîchi. Et incidemment, pas sûr que je lise la mini-série The Wasp que Ewing proposera début 2023, en écho à celle-ci.
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