Parmi les sorties majoritairement décevantes de cette semaine, j'ai gardé le meilleur pour la fin avec, autre autres, le deuxième épisode de Minor Threats, la mini-série co-écrite par Patton Oswalt et Jordan Blum et dessinée par Scott Hepburn. Voilà un projet qui a un pitch clair, qui s'y tient, le développe efficacement, et file à toute allure. On se régale !
Grâce à Brain Tease, prétendument le plus grand derveau criminel de Twilight City, l'équipe assemblée par Playtime trouve où devrait se trouver le Stickman, qui a tué Kid Dusk, le partenaire de l'Insomniac.
Mais pour attendre le night-club en question, il faut traverser la ville en évitant les membres de la super-équipe du Consortium qui, elle aussi, traque le Stickman. Pigeon Pete connaît un moyen.
Sur place, le groupe de Playtime découvre que les sbires du Stickman exhibent le cadavre de Kid Dusk. L'Insomniac débarque et massacre quiconque est soupçonné d'avoir participé à cette mise en scène.
Les sbires du Stickman file et Playtime les poursuit sur le toit. L'Insomniac surgit à son tour et la situation dégénère...
Il y a des semaines comme ça : des séries sortent, prometteuses, mais leur lecture s'avère décevante. Seuls un ou deux titres surnagent et sauvent l'affaire. Parmi ceux-ci : Minor Threats, la comédie super-héroïque publiée depuis le mois dernier par Dark Horse Comics.
Pourquoi est-ce si bon, meilleur que Captain America, Jane Foster & the Mighty Thor, Ant-Man ? Tout simplement parce que les auteurs de Minor Threats ne se prennent pas au sérieux mais font sérieusement leur boulot. Ils ont imaginé une histoire en quatre numéros (soit autant que Ant-Man de Al Ewing et Tom Reilly) et ils s'y tiennent. Leur pitch est simple et marrant (une équipe de vilains de second rang s'unissent pour capturer et tuer un super criminel avant des super-héros qui menacent de mettre à sac leur quartier) et ils le développent intelligemment, sur un rythme soutenu, avec des personnages intéressants.
Patton Oswalt et Jordan Blum ne sont pas des vedettes des comics, mais de grands fans. Ils ne résistent pas quelquefois à des passages un peu trop bavards, avec par exemple le monologue de Brain Tease, mais l'ensemble est efficace, sans temps mort, et surtout original. Les références, clins d'oeil sont plethore, mais habilement distribués, sans alourdir le projet, sans être inabordables par les non-initiés.
Dans ce deuxième épisode, l'équipe de Playtime localise le Stickman, ce pseudo-Joker qui a assassiné Kid Dusk, l'équivalent du Robin de l'Insomniac, l'avatar de Batman dans cet univers. Nos anti-héros ne paient pas de mine avec leurs pouvoirs bizarres, leur look ringards, leur absence d'esprit d'équipe, et leur plan foireux. Pourtant, la mission qu'ils se sont fixés a quelque chose de trouble qui séduit : veut-il vraiment se débarrasser du Stickman pour empêcher le Consortium et l'Insomniac de ravager leur quartier ? Ou cherchent-ils dans cette mission un moyen de prouver leur valeur, voire de se racheter ?
Ce qui est sûr, c'est que les super-héros ici sont dépeints comme des individus brutaux, tyranniques, effrayants. Ils terrorisent la population, violentent des vilains sans lien avec le Stickman : ils ressemblent davantage à une milice qu'à un groupe de bienfaiteurs bienveillants et sympathiques. A l'inverse, la bande de Playtime parce qu'elle est mal assortie, composée de vilains déconsidérées par leurs pairs, représentant des "menaces mineures" (selon le titre), suscite la sympathie alors même qu'ils veulent tuer un des leurs.
Dans la séquence au night-club, l'apparition de l'Insomniac souligne encore plus la différence entre anti-héros et héros car l'Insomniac, aveuglé par la douleur d'avoir eprdu son partenaire, qui plus est en découvrant que son cadavre est exhibé, frappe indifférement et tue sans discernement. Le Stickman n'est qu'un prétexte pour ce pseudo-Batman pour se débarrasser de cette communauté qu'il ne peut plus tolérer. Le déchaînement de violence auquel assistent Playtime et ses acolytes est aussi terrifiante pour eux que pour nous.
Oswalt et Blum parviennent magistralement à nous faire sourire (toute la mise en scène de Brain Tease pour localiser le Stickman... Qui se plante puisque le criminel ne sera pas dans le night-club) et à nous sidérer (l'intervention musclée de l'Insomniac). Les deux scénaristes ne quittent jamais leurs personnages, leur script file droit, c'est direct, impeccable, et équivoque à souhait. Toutes choses qui manquent aux comics que j'ai déjà critiqués cette semaine (Briar excepté, mais il s'agissait d'une sortie de la semaine dernière). On a presque envie de dire que ce n'est pas si difficile d'écrire un bon comic-book, tant que les auteurs mettent leur égo de côté...
Scott Hepburn a aussi une patate qui réjouit. Son dessin possède un goût pour l'outrance qui est bien jugulé par le script. Sa manière de représenter les héros ne cherche pas le réalisme ni l'esthétisme, mais c'est vif, vivant, énergique. Et non dénué d'imagination (encore une fois, quand Brain Tease tente de repérer le Stickman, la composition des plans est vraiment épatante).
Hepburn saisit l'occasion qui lui est donné pour prouver, semble-t-il, qu'il a faim et quand on traverse avec la bande de Playtime les rues de Twilight City à feu et à sang, on savoure le soin apporté aux décors, la richesse des différentes valeurs de chaque plan. L'artiste détaille l'environnement urbain dévasté par les surhommes, qui tous disposent de designs élaborés (alors que, ne figurant que dans une image, cela aurait pu être négligé).
Le morceau de bravoure de l'épisode, dans la boîte de nuit, est une merveille de découpage. Hepburn lâche les chevaux dans cette grande séquence d'action, sauvage, sanglante, et haletante. L'action reste constamment lisible, les déplacements des personnages ne nous perdent jamais, et la dernière page nous cueille.
Minor Threats n'est pas un comic-book mineur, mais une mini-série diablement bien foutue.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire