jeudi 27 octobre 2022

A.X.E. : JUDGMENT DAY #6, de Kieron Gillen, Valerio Schiti et Ivan Fiorelli


A.X.E. : Judgment Day, c'est (presque) fini. Avant le n° Omega, qui conclura vraiment cet event le mois prochain, la mini-série centrale s'achève ici. Hélas ! un peu comme d'habitude, Kieron Gillen ne convertit pas les bonnes idées et les promesses faîtes en un dénouement original et audacieux, s'embourbant dans un final qui ne veut pas finir. Valerio Schiti, fatigué, ne dessine que 24 pages, laissant les huit dernières à son compatriote Ivan Fiorelli.


Captain America commande l'évacuation des terriens dans les cités éternels, encore intouchées par la dévastation du Progéniteur. Celui-ci tente désormais d'atteindre la Machine pour détruire la planète.


Cependant, le commando qui a infiltré le Céleste, accède à son coeur et fait face à une créature qui pilote le géant et désigne qui réussit ou échoue à son test. Mais Ajak s'oppose à ce qu'il soit tué.


Pour tenter de convaincre le Céleste que l'humanité est capable de changer, Sersi se sacrifie en avouant le secret des Etenrels au sujet de leur résurrection. La population cesse ainsi de haïr les mutants.


Troublé, le Céleste suspend son geste destructeur devant la Machine et son pilote se tourne vers Ajak pour savoir si, à son tour, il est digne du test auquel il a soumis la Terre.
 

Ajak reçoit les pouvoirs du Céleste et restaure le monde à l'état qui était le sien avant le Jugement Dernuier. Tout en faisant comprendre à chacun que, désormais, chaque jour sera un test pour s'améliorer...

On a presque envie de dire, après avoir lu ce sixième et dernier épisode de A.X.E. : Judgment Day qu'il est normal d'être déçu. C'est quasiment dans l'ADN des events de décevoir le lecteur qui les suit parce que ce genre de sagas promet énormément, et en vérité promet trop pour ce qu'il peut tenir. Celui-ci n'échappe pas à la règle.

Au fond, Kieron Gillen avait de bonnes idées mais pas assez de lattitude. Les planètes n'étaient pas suffisamment alignées pour que son propos porte autant qu'il l'a sans doute souhaité. Quand, au même moment où Judgment Day paraissait, Jason Aaron achève son run sur Avengers avec une histoire vendue comme la plus importante du titre, c'est comme si Marvel se tirait une balle dans le pied en publiant deux events, dont l'un ne disait pas son nom mais en possédait l'allure. Or, pour qu'un event comme Judgment Day réussisse son coup, il faut que tout le monde joue le jeu et Marvel n'a pas voulu contraindre Aaron à se plier à l'histoire de Gillen.

Du coup, le meilleur moyen d'évaluer les qualités et les défauts de Judgment Day est peut-être de vérifier quel impact a eu cet event sur les A.X.E., soit les Avengers, les X-Men et les Eternels.

Commençons donc par les Avengers. Et disons-le simplement : ils n'ont servi à rien dans cette histoire. Annoncés comme les arbitres du conflit initial entre Eternels et mutants, ils n'ont absolument jamais pesé dans la balance, ménageant la chèvre et le chou car ayant des amis dans les deux camps et cherchant à être des conciliateurs dans une guerre qui les dépassait. Pire, sans doute : Gillen a sombré dans des clichés réucrrents et désormais bien usés avec Iron Man dans le rôle du mec qui fait tout foirer (la conscience déglinguée du Progéniteur est le résultat de sa programmation, à égalité avec Ajak), tandis que Captain America caractérisé comme le symbole de paix et de justice n'a jamais dépassé sa qualité de symbole, transparent dans l'action, inutile dans les moments cruciaux (alors que le précédent épisode s'achevait sur sa résurrection, ce qui en fait le premier humain ramené à la vie par des mutants, pour conduire les héros à la victoire. On ne saura jamais pourquoi lui et pas Cyclope, autrement plus concerné et efficace). Les autres Avengers n'auront strictement servi qu'à remplir des images sans rien apporter, qu'il s'agisse de Thor, Captain Marvel ou Starbrand (qui pourtant est censé être l'incarnation d'un système de défense planétaire).

Ensuite, les X-Men : avec le recul, on est déçu des prémisses de Judgment Day qui n'a fait que recycler les mutants en éternels persécutés. Pointés du doigt par Druig, décimés par le Céleste et Uranos, les X-Men ont semblé longtemps perdu dans une intrigue que Destinée sentait venir depuis un moment pourtant. Cette contradiction mine tout le projet d'où surnagent des mutants inattendus, comme Diablo, mais où sont empêtrés d'autres, comem Mr. Sinistre dont on ne saisit jamais pourquoi il a été kidnappé par Makkari et Ajak ni pourquoi il fait partie du commando qui nfiltre le Céleste (Gillen adore Sinstre, mais il faudrait quand même qu'il se calme là-dessus ou au moins qu'il soit plus clair sur le rôle qu'il veut lui donner - ce sera plus sûrement pour son prochain event The Sins of Sinister, même si, du coup, j'hésite beaucoup à le suivre).

Enfin, les Eternels : évidemment, logiquement même, ce sont les plus affectés par l'event. De l'attaque fomentée par Druig à l'aveu de Sersi jusqu'à la transformation de Ajak, on a envie de dire que, même s'ils finissent l'histoire dans la peau des méchants, difficilement récupérables (ce qui devrait être confirmé par A.X.E. : Judgment Day Omega), tout tourne surtout autour d'eux. Mais là encore, le compte n'y est pas vraiment. Les teasers sur les Déviants-Mutants, le sort du Céleste, la réconciliation et les excuses finales de Zuras en passant par le retour de Eros/Starfox, tout cela rappelle le gloubi-boulga de la série Eternals de Gillen qui avait bien commencé pour se ramasser pitoyablement dans un second arc poussif. Je n'ai pas compris l'objectif de Gillen à leur sujet mais le résultat est là : à peine revenus, les Eternels vont retourner dans leur purgatoire, après un film lamentable et un comic-book bancal.

Plus long que les précédents épisodes, ce dernier épisode a renoué avec les écueils de précédents events, avec des destructions massives, des actes de bravoure plus bravaches qu'efficaces (tout le passage avec l'arsenal donné aux humains jusqu'à la page avec Orchis (dont le renfort a été aussi inutile qu'expédié). La créature, que j'ai appelé le pilote du Céleste, a un rôle nébuleux au possible et le twist final quand il se fait juger par Ajak ressemble à un artifice de la part d'un scénariste ne sachant plus comment terminer ce qu'il a entrepris. Gillen avait promis qu'il ne finirait pas en promettant, selon la formule consacrée, que "rien ne serait plus comme avant", mais plutôt en laissant les héros avec l'obligation d'être différemment héroïques. Bon, ben, c'est clairement raté, même si les mutants vont désormais ressuciter des enfants malades ou mourants. Mais pour le reste du casting, cela se résume à un débat sur le ton de la balgue chez les Avengers qui se demandent s'il est opportun de garder leur QG dans un Céleste mort, et pour les Eternels à des excuses rapides et pour Druig à partager la cellule d'Uranos. On n'a pas le sentiment que tous ces héros en sortent changés ou avec la volonté de changer.

Un dernier point concerne les six humains vendus par Gillen et Marvel comme les six individus les plus importants de l'Histoire. Bon, là aussi, on se demande pourquoi ces six quidams ont mérité cette qualification car ils n'ont eux aussi servi à rien, sinon pour l'une d'elle à boire un café avec Captain America, puis retrouver leur vie d'avant sans se rappeler de rien. Décidément, ces teasers sont aussi déplacés que mensongers.

Visuellement, on sent que Valerio Schiti était au bout de ses forces. Il produit encore des planches épiques, impressionnantes, soutenues par les couleurs vibrantes de Marte Gracia. Mais il était temps que ça se finisse. L'italien a tout donné, mais une fois encore sans disposer d'un script à la hauteur de son immense talent (vivement qu'on en sache plus sur son projet avec Jonathan Hickman pour l'année prochaine). Il faudra aussi qu'un jour editors, scénaristes et artistes se réunissent autour d'une table pour que les deux premiers comprennent que les events sont des laminoirs pour les dessinateurs, qui se trouvent à animer des épisodes surpeuplés, des actions spectaculaires jusqu'à la saturation, qui sur le papier sont très excitants mais épuisants à représenter. Si même Schiti n'y arrive plus, alors ce serait dans doute judicieux que tout le monde se calme et pense histoire avant de penser blockbuster.

Schiti donc laisse l'épilogue de l'épisode à Ivan Fiorelli, soit huit pages sur 32. Fiorelli n'est pas un artiste déplaisant à lire et donc on lui sait gré de nous livrer des planches honorables. Néanmoins, après Schiti, ça fait quand même bizarre car leurs styles ne se ressemblent pas du tout. Et je pense surtout que cet épilogue aurait plus eu sa place dans ce fameux n° Omega car il consiste en une succession de saynètes au ton diamètralement opposé à ce qui précéde. Mais c'est aussi la responsabilité de l'editor et du scénariste de penser à ça en offrant à la mini-série centrale de l'event une vraie conclusion plutôt que de penser en termes de n° Alpha et Omega pour l'encadrer.

C'est dommage car Judgment Day a été agréable à lire, avec des tie-in très bons (pour ceux que j'ai lus du moins, notamment Immortal X-Men et surtout X-Men : Red). Après, le décalage entre la lecture à chaud de chaque chapitre et le bilan qu'on en tire à la fin du dernier épisode est implacable et répète trop d'erreurs du passé pour satisfaire. C'est ce qu'il y a de plus rageant : faire une course excellente mais rater l'arrivée.

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