L'affiche montrant ce couple d'ados souriant et s'aimant, unis dans un geste tendre, sur le point de s'embrasser, et le titre (All the Bright Places, soit Tous ces Endroits Lumineux, mais la vf est très bien aussi) entraînent le spectateur curieux sur des fausses pistes. Il ne s'agit pas d'une bluette, mais bien d'un film dramatique, sensible et triste.
Adapté du roman de Liz Hannah, le scénario écrit par Jennifer Niven se distingue par la délicatesse avec laquelle elle explore la situation de deux adolescents aux prises avec un profond mal-être. D'un côté, nous avons Violet, jolie jeune fille blonde, qui a survécu à un accident de la route, fatal à sa soeur aînée, et qui compose mal avec la culpabilité. De l'autre, on a Finch, un garçon moqué par les autres élèves, qui consulte le conseiller psychologique du lycée depuis qu'il a frappé un de ses camarades, mais qui en vérité refuse toute aide.
Pourtant, après avoir sauvé Violet sur le point de suicider, il se met en tête de la réconcilier avec la vie en lui prouvant qu'elle mérite d'être vécue, malgré tous les coups durs qu'on peut subir et dont on pense ne jamais se relever. Impulsif, insistant, fébrile, Finch colle sur le plafond de sa chambre, sous le toit de la maison où il habite avec sa soeur, des post-it sur lesquels il écrit des phrases courtes, parfois des citations : son moyen à lui de canaliser son énergie, de rester concentré, de ne pas oublier ce qui a illuminé ses journées.
On apprendra plus tard quelles douleurs dissimule ce garçon au sourire trop franc mais qui, parfois, a le regard perdu dans le vide, ou qui disparaît sans donner signe de vie pendant plusieurs jours. Son meilleur ami explique à Violet que c'est fréquent mais qu'il faut le respecter, qu'il ne veut pas causer du souci mais simplement faire le point, loin de tous.
A l'occasion d'un exposé, Violet suit Finch dans la région pour visiter des coins insolites. Autant de prétextes pour rester avec elle et la convaincre que tout ne s'est pas arrêté ce soir tragique où sa soeur est morte et où elle a survécu. Ces endroits ne doivent rien au hasard : cet arbre où sont pendues des paires de chaussures, ce monticule désigné comme le plus haut sommet de l'Indiana, et surtout ces montagnes russes, ce sont autant d'étapes pour s'émerveiller même face à des sites pas terribles. Le beau se cache même dans le laid, c'est à nous de le trouver, de ne pas s'arrêter à la première impression.
Et ça fonctionne : Violet retrouve le sourire, apprécie les efforts de son partenaire et lui rend son baiser quand il lui en donne un. Si l'histoire s'était arrêtée là, ce n'était qu'une romance adolescente fleur bleue quelconque. Jolie mais insignifiante. Mais ce n'est que la fin du premier acte.
Ensuite, le film révèle sa part sombre et dramatique, avec les éclipses de Finch, ses accès de colère, sa hantise mal formulée d'avoir hérité des gènes violents d'un père abusif, sa peur de ne pas être digne de Violet, son besoin de tout gâcher pour ne pas être regretté. Et alors c'est Violet qui devra rechercher, tenter de sauver Finch comme lui l'a sauvé ce matin alors qu'elle allait se jeter d'un pont. Sauf qu'elle n'y arrivera pas : Finch est trop cassé, trop endommagé, pour être sauvé.
La scène où Violet comprend qu'il s'est noyé est absolument bouleversante, et le cri qu'elle pousse alors nous brise le coeur. Tous nos jours parfaits n'est définitivement pas un teen drama de plus, et son dénouement nous serre la gorge. L'exposé que lira Violet se transforme en une élégie et un hommage pour ce garçon qu'elle a aimé, à qui elle s'est donnée, mais qui surtout lui a enseigné la beauté du monde, la valeur de la vie. La mort de Finch permet à Violet de dépasser le deuil de sa soeur et éprouve sa résilience, d'une façon terrible, mais aussi lumineuse.
Réalisé très sobrement, sans artifices (pas de voix off, pas de violons, en une centaine de minutes), le film de Brett Haley bénéficie aussi, surtout de deux comédiens en état de grâce. Justice Smith est une révélation et il incarne Finch avec une justesse renversante, sans jamais forcer le trait, sans jouer de son charme simple et naturel. Face à lui, on trouve celle qui esst sans doute l'actrice la plus douée de sa génération, Elle Fanning : elle a 22 ans quand elle tourne ce long métrage, qu'elle co-produit, et sa présence radieuse imprègne tout le récit. La subtilité de son jeu, son élégance innée, transcende son rôle.
Beau et cruel aussi, comme un conte, Tous nos jours parfaits est un récit initiatique très émouvant, jamais tire-larmes ni putassier, magnifié par ses interprètes. Une pépite.
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