Avec ce dixième tome, recueillant les épisodes 75 à 80, James Robinson conclut sa série Starman (même s'il y aura un épisode 81, tie-in superflu lors de la saga Blackest Night en 2009). L'aventure se termine, toujours dessinée par Peter Snejbjerg, en interrogeant la retraite volontaire d'un super-héros - un thème peu abordé dans les comics - mais aussi en jouant sur le titre du premier TPB (Sins of the Father). Un épilogue aussi périlleux que magistral, qui vaut au titre son statut de classique.
Le calme est revenu à Opal City. Mason O'Dare en profite pour demander Charity, la diseuse de bonne aventure, en mariage (ce qu'elle accepte). Jack Knight, qui vient de perdre son père et dont la fiancée, Sadie, a quitté la ville, s'occupe du fils que lui a laissé la fille de The Mist et songe à se retirer. Mais, entre deux missions avec la JSA, il reçoit la visite de Superman à qui Jay Garrick/Flash a raconté que Starman avait rencontré lors de son périple spatio-temporel son propre père, Jor-El. Les deux hommes discutent de leur carrière avant de se séparer. Alors qu'il se recueille devant la statue de Ted, Jack voit son frère David lui apparaître à nouveau...
... Et in n'est pas venu seul cette fois puisque leur père, Ted, est là aussi ! Cette dernière réunion de famille a été rendue possible grâce à la magie de Kent Nelson/Dr. Fate. Les trois Knight passent en revue leurs faits d'armes, glorieux ou tragiques avant de se faire leurs adieux définitifs. Mais Ted et David ont réservé un dernier tour à Jack en le laissant à Opal City... En 1951 pour y rencontrer l'éphémère Starman de cette époque !
Après une rapide altercation contre The Mist et sa bande, Jack découvre que le Starman de 1951 n'est autre que David, déplacé à cette époque par Dr. Fate. Il remplace Charles McNider alias Dr. Mid-Nite qui avait tenté de reproduire la technologie de Ted avec l'aide de Robotman et Red Tornado. Ted, lui, s'était provisoirement retiré, traumatisé par la mort de sa fiancée et sa participation à l'élaboration de la bombe atomique durant la seconde guerre mondiale. Mais The Mist piège Jack en lui injectant une drogue alors que David était sur le point de l'appréhender...
Une fois rétabli, Jack fait la connaissance du Hourman de cette époque, enquêtant à Opal City pour le compte de Rex Tyler (son alias) sur un vol commis par The Mist dans une de ses succursales. La police a coincé un des hommes de main du vilain qui évoque une opération impliquant l'emploi d'un gaz hallucinogène à grande échelle. Jack en déduit que le coup aura lieu dans un lieu public fréquenté et mise sur un cinéma. Mais le temps d'y arriver, les spectateurs sont déjà possédés !
Avec le concours de Hourman qui dispose du gaz soporifique de Sandman, la foule déchaînée est tranquillisée. Cependant, Ted rend visite au père de Doris Lee, sa défunte fiancée, et lui fait avouer sa complicité avec The Mist, qui compte vendre aux russes son gaz hallucinogène. Le vilain est arrêté avant la transaction. Ragaillardi, Ted accepte, encouragé par Jack, à se rendre à un réception : bien lui en a pris car, comme le rappelle ensuite David à son frère, c'est à cette occasion que leur père a rencontré leur mère. Il est minuit, ce 31 Décembre 1951 et David se volatilise définitivement. Jack se demande ensuite comment il va rentrer chez lui et c'est alors que Thom Kallor, le Starman du XXXIème siècle, arrive pour le ramener...
De retour à son époque, Jack trouve dans son courrier une lettre envoyée de San Francisco par Sadie où elle lui annonce avoir accouché d'une fille de lui puis lui demande de la rejoindre s'il est prêt à renoncer à sa tâche de Starman. Jack entame sa tournée des adieux : les Dibny, Black Condor, "Bobo" Bennetti, Charity et les O'Dare, Mikaal Tomas, et enfin The Shade. Il transmet sa lance cosmique à sa jeune cousine, membre de la JSa, Courtney Whitmore/Stargirl. Puis Jack prend la route, son fils sous le bras, et quitte Opal City.
Les héros naissent souvent suite à un accident ou une tragédie personnelle, parfois les deux à la fois, et leur carrière est engagée sans terme fixé. Quelquefois, il meurt, ressuscite ou sinon un autre reprend son rôle et son pseudonyme. Mais, comme partout, la nature a horreur du vide et le super-héroïsme apparaît comme un mode de vie rarement ou même jamais questionnée par l'intéressé qui part au combat comme pour assouvir une addiction incurable.
J'ignore si, en démarrant Starman avec Tony Harris, six ans auparavant, James Robinson imaginait qu'il écrirait quatre-vingts épisodes en six ans et demi et qu'il rendrait Jack Knight à la vie civile, normale, comme celle qu'il menait avant la mort prématurée de son frère David, l'héritier naturel de son père Ted, le Starman originel. Mais l'auteur a accompli une sorte de révolution au sens strict du terme en racontant une longue histoire qui commençait avec un type ne voulant rien avoir à faire avec le super-héroïsme et qui décide de mettre fin à son job (non sans avoir désigné sa remplaçante). La boucle était bouclée.
Et, aujourd'hui encore, alors que DC continue d'exploiter Watchmen d'Alan Moore et Dave Gibbons en dépit de toute logique (car méprisant sa forme parfaitement auto-contenue), le Starman de Robinson n'a pas repris du service, Jack Knight coule toujours des jours heureux avec Sadie Falk et ses deux enfants à San Francisco. L'éditeur a admis le choix du scénariste et l'a compris, intégrant le fait que les fans de la série ne réclamaient pas davantage.
Pour achever cette oeuvre, Robinson réserve encore quelques tours aux lecteurs : Jack a une discussion avec Superman et par ce biais on assiste au dialogue entre un héros malgré lui, sur le départ, et le héros par excellence, le surhomme, le protecteur de la Terre, pour qui cette question de la retraite ne se pose même pas (même si, dans des circonstances tragiques, Mark Waid et Alex Ross imagineront cela dans Kingdom Come).
Ensuite, les deux frères Knight et leur père ont l'occasion d'une dernière réunion, prologue à un retour en 1951 où est résolu l'énigme du Starman de cette époque. Ce tour de passe-passe narratif est tardif et, à vrai dire, dispensable, d'autant que l'explication sert surtout in fine à permettre à Ted de rencontrer la mère de ses enfants, mais l'ensemble s'inscrit logiquement dans la thématique de ces derniers épisodes, à savoir le départ, les adieux. La présence de Hourman est comme un clin d'oeil supplémentaire, quand on sait que ce justicier dispose pendant une heure, grâce à une drogue, de super-pouvoirs - une échéance dans une histoire qui en est truffée.
Thom Kallor renvoie Jack de nos jours et Robinson le montre donc comme la version ultime des Starmen, après qu'on l'ait vu en tant que Star-Boy lors du voyage dans l'espace-temps du tome 7. Geoff Johns utilisera le Starman du XXXième siècle, séparé de la Légion des Super-Héros, dans son fameux et excellent run de Justice Society of America (2007... Onze ans déjà, ça passe vite ! Mais DC a promis qu'on reverrait bientôt cette équipe...), tout en le rendant très perturbé par son retour de nos jours.
L'album se referme avec un épisode double où Jack salue ses amis et proches à Opal City après avoir décidé de raccrocher définitivement pour rejoindre Sadie à San Francisco... Et de passer le flambeau à Stargirl (également reprise par Johns ensuite). Ne craignez pas de scènes tire-larmes complaisantes et racoleuses : tout cela est fait avec ce qu'il faut d'émotion mais surtout de bonne humeur. Il flotte un sentiment d'apaisement général, comme si c'était naturel, évident pour tout le monde.
Peter Snejbjerg l'a d'ailleurs très bien assimilé et le met en images très sobrement. L'élégance lumineuse de son trait accompagne ces moments avec sérénité, le dessin est toujours aussi beau et soigné, il faut peu de choses à l'artiste pour rendre ces instants touchants, drôles même : il était dit que tout cela devait être mis en scène simplement, sans effets inutiles.
Au moment où Jack quitte son chez-lui, Snejbjerg se paie même le luxe, malicieux, de ne plus montrer Jack, ou seulement des parties de lui, mais plus son visage. Il disparaît de l'image comme il quitte la scène en nous montrant ce que lui voit, touche, pour la dernière fois, à Opal City. Le voilà ainsi prenant son fils jouant sur le trottoir à côté de sa voiture, puis la voiture s'éloignant de la ville.
Et c'est fini.
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