Avec ce cinquième épisode, Skyward atteint la fin de son premier arc narratif (c'est la moyenne des séries Image : juste assez pour donner envie de poursuivre ou pour arrêter les frais sans s'être ruiné, avec la publication dans la foulée d'un premier recueil à moins de 10$). Joe Henderson et Lee Garbett en profitent pour boucler vraiment un cycle et donnent la clé pour la suite, toujours de manière inventive et accrocheuse, mais non sans une pointe d'émotion.
Equipée d'une bouteille d'oxygène, d'un détendeur pour respirer et de palmes aux pieds, Willa Fowler sort sauver son père d'un orage qui approche. Dans ce monde privé de gravité, par coalescence, en effet, la moindre particule liquide en suspension comme une goutte de pluie peut former une bulle énorme. Et Nathan Fowler est prisonnier de l'une d'entre elles.
Pour leur permettre de respirer à l'intérieur de cette goutte d'eau, Willa créé une autre bulle d'air dans l'eau en suspension et ranime son père. Maintenant il faut qu'elle aille sauver son ami Edison, enlevé par Roger Barrow, l'ex-partenaire en affaires de Nathan qui insiste pour l'accompagner.
Ainsi de déplacent-ils jusqu'au gratte-ciel de l'homme d'affaires. Willa isole son pistolet dans une bulle d'air et tire à bout portant sur la vitre du bureau de Barrow. L'eau envahit la pièce et menace de noyer ses occupants. Willa tire de là Edison sans parvenir à attrape Barrow car Nathan la tire de là grâce au cordon autour de la taille de sa fille.
Mais Barrow a réussi à survivre et subtilise le pistolet de Willa dans son holster. Il menace de tuer Nathan dont il craint qu'il anéantisse son business en rétablissant la gravité. Le coup part et propulse Willa et Barrow en altitude. Il se débarrasse d'elle et la pousse encore plus haut.
L'oxygène manque alors à Willa mais son père la rattrape et lui glisse son journal avec le fruit de ses recherches pour rétablir la gravité avant de la renvoyer plus bas. Lui disparaît sereinement dans les hautes sphères. Willa pleure son père mais se jure d'accomplir son oeuvre.
Allier le grand spectacle, l'action et conclure sur une note émouvante est un exercice d'enchaînements périlleux que même les scénaristes aguerris tentent sans garantie de réussite. C'est d'abord pourquoi ce que fait dans cet épisode Joe Henderson est formidable et ambitieux.
Jusqu'à présent, Skyward était une série charmante, tonique, reposant sur un concept simple et épatant, parfaitement exploité. L'histoire en elle-même donnait la part belle au mouvement et cette mobilité suffisait à capter l'attention, comme si l'action se déroulait en temps réel, reliant les épisodes les uns aux autres tels les wagons d'un petit train. Un aimable mécano bien huilé.
Mais il y a toujours ce moment délicat où il faut passer à la vitesse supérieure, monter d'un cran, sans quoi on ne lit qu'un divertissement original certes mais classique. L'astuce à laquelle recourt Henderson ici n'est pas nouvelle, il sacrifie un personnage important (comme Millar dans The Magic Order #3, mais de façon différente), afin de relancer la dynamique de son intrigue et d'épaissir la substance de ses personnages.
Là encore, la manoeuvre ne doit pas se contenter d'être une béquille scénaristique, elle doit provoquer une impulsion nouvelle dans le grand plan de la série afin que le lecteur ait envie de continuer à la lire tout en sachant qu'il ne lira plus la même chose car les protagonistes auront franchi une étape et que les enjeux seront encore plus importants.
Sur tous ces points de vue, ce cinquième numéro est une réussite exemplaire : le premier acte se clôt en beauté, offrant son lot de scènes vertigineuses et originales, avec en prime un petit cours de sciences physiques sur l'hydraulique et le phénomène de coalescence en particulier (ça ne fait jamais de mal à une Bd d'instruire son public). Le sauvetage de Nathan par Willa, celui d'Edison, la confrontation entre Barrow et Nathan sont autant de moments forts, bien construits, intenses.
Lee Garbett les met en scène avec beaucoup d'adresse : pour représenter les décors impressionnants nécessaires à cette suite d'actions, il a recours à l'incrustation de fichiers numériques reproduisant de vrais buildings vus du ciel. Mais l'encrage et aussi la colorisation (d'Antonio Fabela) camouflent bien ces inserts pour les intégrer au dessin des personnages et aboutir à des images certes trafiquées, hybrides, mais dont les effets spéciaux ne perturbent pas la lecture.
Garbett a franchi, lui aussi, un palier avec cette série : son trait s'est libéré, affranchi des références qui le limitaient auparavant. En laissant tomber un style réaliste classique pour un trait subtilement plus exagéré et en appuyant l'expressivité, il a atteint une nouvelle énergie qui sied bien à l'histoire mais lui permet aussi d'enchaîner les épisodes sans chute de régime. Il y a une vraie cohésion depuis le début, une esthétique personnelle et attractive.
Ainsi, entre ce que veut faire passer Henderson à la fin et ce que traduit graphiquement Garbett, le sort de Nathan et celui de Willa deviennent vraiment poignants. Mais Skyward, en renonçant à seulement aller plus haut, plus fort, a surtout réussi à être plus juste. On n'est plus simplement diverti, on est aux côtés de son attachante héroïne, dont la quête a radicalement changé, moins frivole, plus ambitieuse. De quoi entreprendre la suite avec optimisme.
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