Le mois dernier, je découvrais le premier épisode délirant de Cosmic Ghost Rider en me demandant si Donny Cates et Dylan Burnett pourraient poursuivre sur cette voie, tant le résultat sortait des clous de ce que propose Marvel. Bonne nouvelle, ce numéro deux est aussi ahurissant en se fichant aussi effrontément de tout ce qui peut figer les séries mainstream.
Après avoir échoué à tuer un Thanos âgé de trois ans dans son berceau, Frank Castle, le Cosmic Ghost Rider, l'a enlevé avec un plan tordu en tête. Pour l'accomplir, il se rend sur la planète Markus-Centauri et descend dans un bar où il tente d'inculquer quelques valeurs de base au gamin déjà bien enragé.
Mais évidemment le barman fait vite savoir qu'il ne veut pas d'enfant dans son établissement et l'ambiance se tend rapidement. Frank raisonne tous ceux prêts à engager la bagarre en expliquant qu'il attend un ami. D'ailleurs, le voilà qui arrive : c'est Galactus, venu dévorer ce monde.
Prétendant aller négocier avec le géant, Frank lui rappelle en fait qui il est et ce qu'ils ont déjà partagé. Galactus sonde l'esprit du Rider et se rappelle alors qu'il fut son héraut avant que, une fois défait par Thanos, il ne l'abandonne.
Galactus pense alors que Frank veut qu'il exécute lui-même Baby Thanos mais il se trompe car le Rider souhaite élever l'enfant de telle manière qu'il ne devienne pas un criminel. Visiblement, ce plan ne convient pas Uatu le Gardien qui apparaît alors et décrète que c'est une idée vouée à l'échec.
Pour le prouver, il place Frank dans une situation délicate : Nathan Summers et ses Gardiens de la galaxie l'arrêtent pour lui retirer Thanos enfant sous peine de mort !
Si je peux comprendre que certains fans de comics soient attachés à certains codes comme l'immuabilité du caractère d'un personnage et le respect de la continuité, ça ne m'empêche pas de penser que tout ça bride considérablement les auteurs et découragent des lecteurs novices de se familiariser avec des BD qui comptent plusieurs décennies d'aventures.
En ce sens, même si ce n'est pas toujours parfait, les reboots fréquents que tentent DC Comics (comme récemment avec "Rebirth" qui a succédé aux "New 52") me semblent une alternative rafraîchissante en même temps qu'un rafraîchissement opportun de certains concepts. Les personnages y sont remis à jour grâce à des auteurs qui souhaitent les moderniser sans déformer leur ADN.
Ce qui est appréciable aussi, c'est lorsqu'un grand éditeur ose carrément sortir des clous et construire des univers parallèles où les auteurs ont toute liberté pour s'amuser avec des motifs, des figures, des thèmes sans se soucier de l'impact sur les séries qui sortent régulièrement en appartenant au même univers partagé. De ce point de vue, les "Elseworlds" de jadis ou le futur "Black Label" chez DC ou des expériences comme Nextwave chez Marvel sont de vrais oasis.
Donny Cates paraît avoir bien révisé la mini-série de Warren Ellis et Stuart Immonen au moment de démarrer la carrière du Cosmic Ghost Rider car on retrouve la même irrévérence potache et en même temps solidement construite que dans Nextwave. Que Marvel autorise une série régulière aussi atypique est louable même si l'effort devrait être plus large pour offrir aux fans plus de fantaisie que des mensuels fréquemment ponctués par des events (et leurs inévitables tie-in - la plaie de l'industrie).
Contrairement à Deadpool, dont je parlais hier, il n'y a pas de commentaire caché dans ce titre, conçu comme un divertissement délirant, mené sur un rythme infernal. Bien entendu, on peut lire dans l'attitude de Frank Castle une mission en soi comparable à celle de Fantomex avec le jeune Apocalypse dans le run d'Uncanny X-Force de Remender : peut-on, par la simple éducation, changer le destin d'un futur monstre ? Est-ce même encore possible quand le tuteur qui ambitionne ce projet est lui-même un justicier n'hésitant pas à tuer ses adversaires ? Et que ses décisions altéreront considérablement le cours des choses ?
Mais il ne faut pas non plus sur-interpréter les intentions de Cates qui, à l'évidence, cherche (et réussit) à produire une comédie d'action totalement azimutée en osant tout, y compris le plus grandiloquent et le plus absurde. De ce côté-là, tout va bien avec Galactus et Uatu invités de l'épisode jusqu'au dénouement qui voit intervenir Nathan Summers et une version dégénérée des Gardiens de la galaxie (mention spéciale au mix entre Howard le canard et le Juggernaut !).
Dylan Burnett n'est pas un artiste qui pourrait illustrer une série classique sans que le fan intégriste se demande ce qu'il fait là. Son style semi-réaliste et hyper-dynamique frôle le cartoon par l'exubérance qu'il dégage. Il transforme en un éclair une leçon d'éthique dans un tripot en une embrouille où tous les clients sont prêts à faire le coup de poing parce que Thanos, même à seulement trois ans, est déjà enragé !
Ce Baby Thanos est irrésistible et résume toute la folie du projet de Frank Castle : Burnett lui donne des expressions sommaires pour mieux créer un contraste fort entre sa candeur et les énormités qui s'enchaînent, de l'irruption de Galactus à celle de requins volants en passant par l'intervention sarcastique de Uatu. C'est n'importe quoi, je vous l'accorde, mais très bien fait. Et la colorisation flashy d'Antonio Fabela (dans une registre plus rock'n'roll que Skyward) est parfaite.
Cosmic Ghost Rider, ce n'est donc pas seulement un énorme WTF réjouissant, mais une vraie alternative, très drôle, au sérieux parfois grotesque de tous les comics traditionnels d'un gros éditeur qui réapprend à s'amuser - et à nous amuser.
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