Réussir sa sortie : c'est le défi qui se posent à Cecil Castellucci et Marley Zarcone pour ce sixième et dernier numéro de Shade the Changing Woman, série qui s'est sérieusement enlisée, comme assommée par son annulation en plein vol. Avec ce titre et son arrêt, c'est aussi l'aventure éditoriale "Young Animals" qui s'achève (même si Gerald Way, son initiateur, a réussi à sauver "sa" Doom Patrol, pourtant la plus en retard de toutes les productions de la collection...). Du coup, le thème du sacrifice au centre de cet épisode prend un relief tout particulier...
Loma a découvert les corps de ceux que Rac a précédemment envoûtés avec sa poésie et sa folie pour ne pas rester seul et en manque d'inspiration. Désormais, il veut récupérer son manteau magique pour retourner vivre parmi les humains. Et, pour cela, il est prêt à éliminer Loma.
Celle-ci lutte pour repousser son ancienne idole mais elle sait qu'elle ne pourra le vaincre - car elle n'a pas récupéré son coeur et sans l'amour qu'il donne et reçoit, elle est impuissante. Aussi décide-t-elle de se servir comme substituts du coeur des victimes de Rac.
Sur Terre, pendant ce temps, Mrs Deeps demande son exfiltration car l'invasion de la planète par The Cray a débuté, mais on lui répond de s'échapper par ses propres moyens. Surprise par Kelvin, elle tente de l'écarter mais il s'accroche à elle jusque dans la dimension de Rac.
De son côté, Wes, l'ex-fiancé de Megan (dont Loma a investie le corps), apprend par Teacup la vérité sur Loma. D'autre part, River fait équipe avec Lepuck et gagne lui aussi la dimension de Rac afin d'y trouver et d'aider Loma. Tous à présent convergent dans la même direction - Mrs Deeps et Kelvin, Wes et Teacup, River et Lepuck, et même le tueur en série venu de Meta.
Ce dernier sera la clé du combat qui se joue entre Loma et Rac : elle le convainc de fusionner avec elle pour tuer son adversaire et stopper l'invasion de la Terre tandis que Lepuck arrête Mrs Deeps. Blessé dans l'affrontement par Mrs Deeps, River sera sauvé par Loma grâce à un échantillon de la folie de Rac, faisant de lui le nouveau Shade.
C'est ce qui s'appelle limiter la casse : en effet, depuis deux-trois épisodes, le scénario de Cecil Castellucci avait pris une direction bien complexe que l'annulation programmée de la série n'arrangeait pas pour une conclusion satisfaisante. En multipliant les pistes narratives, le récit m'avait perdu, le rythme flottait, l'ensemble dérivait, semble-t-il, inexorablement.
Qui trop embrasse mal étreint : avec un serial killer (dont je n'ai jamais retenu le nom, si tant est qu'il en ait eu un...) extraterrestre et une invasion alien sur les bras, plus la relation dégradée entre Loma et Rac, sans oublier les seconds rôles brouillés entre eux (River, Teacup), Castellucci n'avait à l'évidence pas conçu son histoire pour la boucler en seulement six épisodes. Mais il fallait bien terminer, si possible sans expédier trop facilement ce qu'elle avait mis en place.
Pour son dernier chapitre donc, Shade the Changing Woman devait composer avec de nombreux handicaps et on louera les efforts de la scénariste pour les surmonter avec panache. Il s'agit donc d'associer des éléments épars pour les résoudre en paquet : l'astuce n'est pas très subtile mais elle fonctionne pas trop mal. Le sort de Rac, le poète premier porteur du manteau de folie, devient lié à l'invasion de The Cray, donc à l'évasion de Mrs Deeps. Pour empêcher la victoire de ces crapules, Loma devra lutter avec ses dernières ressources, donc en s'appuyant sur le renfort des amis qu'elle a si longtemps négligés.
L'alliance se scelle en même temps que s'opèrent les retrouvailles avec River, Teacup, Lepuck dans la dimension parallèle de Rac. On sent nettement la compression à laquelle a été obligé Cecil Castellucci, et la résolution finale devient pathétique par son manque d'ampleur, tout comme le sauvetage providentielle de River (peu probable que DC utilise cette version de The Shade the Changing Man - Boy ? - dans le futur).
Marley Zarcone aura fait preuve d'une remarquable constance tout au long des deux volumes de la série, produisant dix-sept épisodes sur dix-huit, avec une aide mineure d'Ande Parks à l'encrage, et surtout la colorisation de Kelly Fitzpatrick, essentielle dans la charte graphique du titre.
Si on constate un net essoufflement dans ces ultimes pages, avec des compositions moins inventives qu'auparavant et un abandon total de souligner les volumes et textures (laissés aux bons soins de Fitzpatrick, dont les teintes acidulées ne sont pas d'un grand secours), la régularité de l'artiste et sa marge de progression devraient lui permettre de rebondir vite, même si son avenir est, à mon avis, davantage dans la production indé que dans le mainstream.
Je ne peux cacher le soulagement avec lequel je quitte cette lecture, tant le plaisir n'était plus au rendez-vous. Contentez-vous de Shade the Changing Girl si vous êtes curieux. Pour le reste, l'expérience "Young Animals" ne me paraît pas prête à rebondir (malgré les promesses de Way).
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