mercredi 20 septembre 2023

WONDER WOMAN #1, de Tom King et Daniel Sampere


"Une nouvelle ère commence" annonce la couverture et DC a décidé de mettre les petits plats dans les grands en confiant la série Wonder Woman (relancée pour l'occasion, après 800 n° tous volumes confondus) à deux de ses stars : le scénariste Tom King (qui fait donc son retour sur un titre régulier après Batman) et le dessinateur Daniel Sampere (qui avait illustré l'event Dark Crisis). Un début alléchant, même si alourdi par un texte encombrant.


Emelie, une amazone, tue neuf hommes dans un bar mais épargne les femmes qui s'y trouvaient. Les médias s'emparent de l'affaire qui prend une tournure politique : une loi est votée qui bannit toutes amazones du territoire américain. Sarge Steel est chargé de les expulser, par la force s'il le faut. Jusqu'à ce qu'il tombe sur Wonder Woman, qui, elle, veut comprendre ce qui s'est passé...


J'ai beaucoup hésité avant de décider à acheter ce numéro 1. Parce que, je l'avoue, Wonder Woman n'est pas mon personnage favori et que, souvent, quand j'ai commencé le run d'un auteur, je l'ai vite lâché, peu motivé. Ensuite parce que, hé bien, ai-je besoin de me lancer dans une nouvelle série mensuelle ?


Evidemment, le fan de Tom King que je suis a eu raison de mes hésitations, même si après avoir lu le premier épisode du Pingouin qui est paru en Juin, ne m'a franchement pas emballé (pour tout dire, je me demande toujours ce qui a inspiré King à écrire ce titre). J'avais surtout le sentiment que King en avait fini des séries régulières et préférait se consacrer à ses projets sur le DC Black Label (ce qui me convenait parfaitement).


Mais le pitch m'a intrigué et j'ai craqué. J'espère que ça vaudra le coup, même si ce premier numéro n'est pas exempt de reproches. Mais revenons sur le contenu.

N'étant pas un spécialiste de Wonder Woman, j'ai tout de même l'impression que les scénaristes à qui on confie sa série tentent à chaque fois de trouver un angle inédit mais se divisent en deux catégories. Il y a ceux pour qui l'amazone de Themyscera est une figure qui doit affronter des menaces mythologiques (c'était d'ailleurs ce qui faisait le sel du run, très réussi, de Brian Azzarello durant les New 52, ou encore du début de celui de Becky Cloonan et Michael Conrad, la précédente équipe) : en quelque sorte Wonder Woman est l'équivalent de Thor pour DC.

Et puis il y a les scénaristes pour qui Wonder Woman est aussi (surtout ?) Diana Prince, l'ambassadrice pacifiste des amazones dans le monde des hommes, qui est confronté à ce statut et affronte des ennemis plus traditionnels compte tenu des standards super héroïques.

Mais dans un cas comme dans l'autre, contrairement à Batman ou Superman (les deux autres membres de la Trinité DC), c'est comme si d'un auteur à l'autre, il n'y avait pas de continuité : c'est soit la Wonder Woman mythologique, soit Diana Prince.

Tom King fait donc le pari suivant : employer Wonder Woman dans une histoire de Diana Prince, avec une intrigue qui lorgne vers l'enquête policière, les codes du polar. Tout démarre par les meurtres commis par une amazone, Emelie, qui s'en prend à plusieurs hommes dans un bar après que l'un d'eux l'aurait touchée sans son consentement. Ce massacre est relayé par les médias, puis l'opinion publique, tous deux très divisés sur le statut des amazones. Les autorités s'en mêlent et votent une loi qui bannit les amazones du sol américain. On missionne Sarge Steel, un dur à cuire, de les traquer et les expulser, par la force si besoin. Il n'hésite pas à tuer les plus réfractaires.

Durant les deux tiers de l'épisode, on ne voit pas Wonder Woman et King se sert de cela pour faire monter la tension. Le lecteur s'attend à ce que l'héroïne fasse une entrée en scène spectaculaire et il n'est pas déçu : le scénariste lui écrit quelques pages où son talent de combattante, son efficacité, sa beauté, sa grâce, sa puissance sont exaltés face à un escadron de militaires dont elle ne fait qu'une bouchée avant de faire face à Sarge Steel.

D'un côté, King montre un fonctionnaire zélé et impitoyable, prenant un plaisir assumé à faire son job, et de l'autre, l'amazone, qui, elle, veut des réponses précises comme savoir à qui il obéit vraiment et surtout qui veut retrouver Emelie pout comprendre ce qui lui a pris. Toutefois, Wonder Woman est désormais considérée comme une ennemie de la nation avec un mandat d'arrêt lancé contre elle !

Daniel Sampere a gagné ses galons chez DC depuis qu'il a signé les dessins de l'event Dark Crisis. Avant cela, il avait notamment servi de doublure à son ami Bruno Redondo sur Suicide Squad. L'artiste affiche ses ambitions avec la série : il a prévu d'en dessiner au moins dix épisodes sur douze dans l'année qui vient, ce qui exige une sacrée régularité, rare par les temps qui courent, surtout pour quelqu'un qui s'encre lui-même et s'inscrit dans un registre réaliste et détaillé.

Car les planches sont superbes : suivant un script qui semble, comme d'habitude avec King, bien taillé, il le respecte avec une grande rigueur. Mais le scénariste a été exigeant avec Sampere qui a fourni de gros efforts notamment pour représenter les tenues militaires, les armes, mais aussi les décors. Tout est très fouillé, très précis, on est là en présence d'un comic-book très ouvragé. Et, oui, King a même imposé sur quelques scènes son fameux "gaufrier" à Sampere, qui s'en tire impeccablement.

Le style de ce dessinateur ne manque pas d'évoquer celui de Clay Mann, avec qui a souvent collaboré King, mais Sampere sera certainement plus ponctuel - en tout cas il l'a promis.

Maintenant, comme je l'écris plus haut, ce premier épisode n'est pas exempt de reproches et ils s'adressent à King. Comme pour Le Pingouin, et jadis parfois sur Batman, le scénariste livre quelque chose de très écrit, très bavard. On a une narration off, des dialogues fournis, beaucoup d'échanges. TROP ! J'ai parfois carrément zappé des cartons récitatifs ou lu en diagonale des dialogues tellement c'état verbeux.

Par exemple, King rend visiblement un hommage appuyé à Frank Miller et The Dark Knight returns avec notamment plusieurs pages en "gaufriers" de talking heads à la télé qui commentent les faits. Franchement, c'était original il y a 37 ans mais aujourd'hui c'est juste insupportable de devoir lire des pavés de texte comme ça qui ne font que freiner l'action, la progression de l'épisode. Il me semble que King se laisse plus volontiers aller dans cette direction sur ses séries ongoing quand sur ses mini-séries il est plus mesuré (même si c'est un auteur qui aime bien ce registre un peu bavard).

Malgré donc ce bémol, Wonder Woman #1 (ou #801 pour les fans hardcore de la continuité fâchés avec les relaunchs) est accrocheur. King et Sampere forment un duo de choc et leur run part d'une idée prometteuse.

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