C'est donc, si je ne me trompe, le huitième volume de Daredevil qui débute ce mois-ci. Le run de Chip Zdarsky et Marco Checchetto s'est achevé le mois dernier et je n'étais franchement pas chaud pour essayer celui qu'initient Saladin Ahmed (dont je n'ai jamais rien lu) et Aaron Kuder. Mais, vous savez ce que c'est : quand vous aimez un personnage, vous avez envie de prendre de ses nouvelles...
Après s'être sacrifié en affrontant la Bête pour sauver ses amis de la mort, Matt Murdock est revenu, inexplicablement à la vie. Il est désormais prêtre, attaché à s'occuper d'orphelins avec le Père Javi, dans le foyer St Nicholas. Jusqu'à ce que Elektra resurgisse, possédée par une entité maléfique. Le prix à payer pour la résurrection de Matt ?
J'avais cessé de suivre le run de Chip Zdarsky et Marco Checchetto en Juillet 2020 au #21. Je m'en souviens comme d'un excellent numéro qui, normalement, aurait dû me motiver pour poursuivre, mais j'ai laissé tomber, sans doute après avoir lu les textes des sollicitations pour les futurs épisodes qui ne me donnaient pas envie.
Zdarsky, après 36 chapitres, a ensuite écrit l'event Devil's Reign, qui servait de transition pour le volume 7 de Daredevil, qui compta donc 14 épisodes. Le scénariste a donc signé en tout 50 numéros de Daredevil, auxquels il faut ajouter les trois de Daredevil : Woman without Fear (tie-in à Devil's Reign) et les 6 issues de Devil's Reign. Soit 59 épisodes en tout, un run un peu plus long que celui de Mark Waid (54 #).
Rassurez-vous pour ceux qui voudraient reprendre avec ce volume 8 : Saladin Ahmed fait bien les choses en résumant sur une double page les derniers événements dans la vie du diable de Hell's Kitchen. En effet, Zdarsky et Chechetto achevaient leur cycle par une bataille sacrificielle en Enfer entre le Bête, le démon à la tête de l'organisation de la Main, et DD, parti sauver ses amis morts.
Il y a une sorte de tradition entre les auteurs de Daredevil : chacun laisse à son successeur une situation a priori impossible à résoudre. On se souviendra, sans remonter trop loin, que Brian Bendis avait envoyé Matt Murdock en prison comme "cadeau" pour Ed Brubaker qui, lui, en avait fait le chef de la Main pour Andy Diggle qui, lui, en avait fait un chef de secte en cavale pour Mark Waid qui, lui, mettait fin à l'identité secrète de DD pour Charles Soule qui, lui, terminait en laissant Matt entre la vie et le mort dans un hôpital pour Zdarsky.
Saladin Ahmed hérite de Matt Murdock quasiment amnésique, revenu de l'enfer, et devenu prêtre. Elektra opère toujours sous le masque et le nom de Daredevil et veille sur son amant en finançant secrètement le foyer pour lequel il oeuvre (et qui est menacé de fermeture). Jusqu'à ce que Elektra tombe sur un os : une entité maléfique qui la possède et s'en prend à Matt visiblement pour qu'il paie ce qu'il doit pour être revenu parmi les vivants.
L'épisode est long (une quarantaine de pages) et le scénariste prend son temps pour bien définir ce que sont devenus les deux héros mais aussi introduire de nouveaux seconds rôles et un ennemi (qui s'évèrera n'être qu'une première épreuve). Dans la postface écrite par l'editor de la série (Devin Lewis) à la fin du numéro, outre les habituels compliments adressés à l'ancienne et à la nouvelle équipe artistique, on nous promet que le programme établi par Saladin Ahmed va nous surprendre tout en suggérant que Bullseye, le Caïd, et même l'Homme aux échasses ne seront pas oubliés.
Pour le moment, on est surtout intrigué. Mais plutôt positivement. Il est évidemment trop tôt pour juger, mais j'ai lu cet épisode avec plaisir, sans me forcer, sans être perdu non plus. J'ai apprécié l'effort et la fluidité avec laquelle Ahmed a expliqué où on en était (je me suis tenu au courant de la fin du run de Zdarsky mais sans plus). Même si, au bout du compte, Matt enfile à nouveau le costume de Daredevil, peut-être un peu rapidement quand même alors qu'il répète plusieurs fois en avoir fini avec cette partie de sa vie, surtout en interprétant son retour à la vie comme un geste divin qu'il trahirait en redevenant DD.
C'est là que la longueur de l'épisode joue en sa faveur parce que si cela avait écrit en 20 pages, là, ça aurait été vraiment expédié et les déclarations de Matt n'auraient pas été crédibles du tout. Ce qui m'a plu aussi, c'est l'ambiance de l'épisode. Tout coule, sans heurts. La narration est habile, les scènes s'enchaînent sans mal. On est curieux par rapport à cette entité qui possède brièvement Elektra pour éprouver Matt et qui prévient qu'elle n'est que la première à venir le tracasser. Cet aspect fantastique est sympa, originale. On n'est pas dans de l'horreur mais plutôt une forme d'épouvante, de mysticisme.
L'idée de faire de Matt un prêtre est convenue mais je ne crois pas qu'elle ait été déjà exploitée. En tout cas, Ahmed (qui doit être de confession musulmane) a le bon goût de ne pas verser dans un discours trop religieux, de ne pas transformer Matt en curé et lui faire débiter des versets remplis de messages simplistes. Au contraire, s'il porte l'habit, il n'est pas mis en scène comme un curaillon (ce que je déteste et qui m'horripile tant avec le traitement que font tant de scénaristes avec un autre héros marqué par la foi, Diablo, le mutant).
Marvel fait aussi un pari en confiant le dessin de la série à Aaron Kuder, qui n'est pas réputé pour être rapide et donc enchaîner les épisodes. De fait, en Décembre prochain, le n° 4 de la série sera illustré par German Peralta (ce qui est un chouette fill-in, même si son style est très différent de celui de Kuder).
Je ne connais pas bien non plus Kuder. Mais j'avais beaucoup aimé ses épisodes de Guardians of the Galaxy (écrits par Gerry Duggan). Et il sort d'Avengers Forever (où il alternait avec Jim Towe, sur des épisodes écrits par Jason Aaron).
Sa manière de dessiner Daredevil témoigne d'un artiste qui soigne son ouvrage. Les décors sont fournis, détaillés, et il y a de superbes planches et doubles pages dans un milieu urbain avec des décompositions de mouvements dans l'espace merveilleusement composés. Les personnages sont représentés de manière réaliste avec un trait fin mais une sensibilité particulière, un bon degré d'expressivité, et quelques trouvailles esthétiques pour souligner les scènes fantastiques. Ainsi l'entité qui possède Elektra et persécute Matt a le visage et le corps d'un vieillard barbu et maigre dans un costume informe mais aux dimensions de géant et lorsque Elektra se met à attaquer Matt, l'entité accompagne ses mouvements et sa barbe finit par dissimuler le visage de la jeune femme, créant un personnage grotesque et inquiétant, comme sorti d'un film de David Lynch.
Tout laisse à penser que Kuder soufflera régulièrement et j'espère que dans ce cas Marvel aura le bon goût de laisser Peralta dans son rôle de doublure, même si c'est évidemment ingrat pour ce dernier. A moins que Ahmed organise ses arcs narratifs de manière à ce que Kuder et Peralta alternent (ce qui permettrait à ce dernier de dessiner plusieurs n° d'affilée avant le retour de Kuder (qui, de toute façon, ne fera jamais plus de trois épisodes de suite). Je préfèrerai comme tout le monde que la série ait un seul artiste mais ce n'est plus cas depuis Samnee (à l'époque de Waid scénariste) et comme Marvel ne veut plus sortir de séries avec des épisodes en retard, c'est comme ça et pas autrement.
En tout cas, c'est plutôt une bonne surprise et j'ai envie de voir où ça va. En vérité, Daredevil, comme X-Men, sont les deux séries avec lesquelles je suis devenu un fans de comics et je ne peux me résoudre à m'en passer trop longtemps. Là, ça faisait trois ans sans "hornhead" : il était donc temps.
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