vendredi 8 septembre 2023

BIRDS OF PREY #1, de Kelly Thompson et lLeonardo Romero


Birds of Prey #1 marque le grand retour d'un titre emblématique de DC, longtemps écrit par Gail Simone (notamment dans un run datant de 2010). Aujourd'hui, c'est en quelque sorte avec sa bénédiction que Kelly Thompson, la scénariste qui lui ressemble le plus, ranime ce groupe en compagnie de Leonardo Romero, l'artiste qui illustra son run sur Hawkeye. Mais c'est surtout un rêve qu'exauce l'auteur et dont l'a privée Marvel.


Black Canary recrute une nouvelle formation de Birds of Prey : Big Barda, Zealot, Batgirl et Harley Quinn acceptent de l'aider à libérer sa "soeur' Sin de l'île de Themyscira, refuge des amazones. 


Avant de parler de cette relance de Birds of Prey (qui a, depuis Gail Simone, surtout connu des runs abrégées - le dernier sous l'ère Rebirth avec le titre Batgirl and the Birds of Prey), permettez que je fasse deux crochets.


D'abord, cette semaine, avant de lire ce premier épisode, je tombe sur Twitter sur des croquis de Mike Perkins pour un projet intitulé Liberators écrit par Marjorie Liu, proposée par cette dernière à Marvel en 2012 et qui devait réunir un casting 100% féminin (Black Widow, Mystique, Elektra, X-23 et Cecilia Reyes). Le projet fut rejeté car l'éditeur estimait que ça ne vendrait rien. Or, c'était déjà après le succès de Birds of Prey chez DC.


Ensuite, toujours chez Marvel, la scénariste Kelly Thompson, aux commandes de ce relaunch, s'est faite connaître en participant à l'écriture d'épisodes de A-Force, créée par G. Willow Wilson et Marguerite Bennett en 2015 au cours de l'event Secret Wars (de J. Hickman). Pratiquement toutes les séries qu'écrira ensuite Thompson pour Marvel ont été des tentatives pour elle de composer un titre féminin mais sans que Marvel ne lui confie un team-book avec juste des super-héroïnes.

Désormais freelance, Kelly Thompson peut se consacrer à des projets en creator-owned (The Cull, initié sur Substack, maintenant dispo chez Image) et travailler pour la "Distinguée Concurrence". Et celle-ci lui confie Birds of Prey. Autrement dit tout ce qu'elle a toujours voulu faire chez Marvel sans y avoir accès. Et en prime avec la bénédiction de Gail Simone, son idole.

Morale(s) de l'histoire : que Marvel cesse d'avoir peur de séries entièrement féminines et que leurs editors accordent à leurs scénaristes le droit de s'y essayer... Sous peine de les voir partir en face.

Fin des crochets. Si les Oiseaux de Proie ont souvent été formés par Oracle (Barbara Gordon) et Black Canary, avec Huntress en troisième position, la série a accueilli plusieurs héroïnes au fil des histoires, comme Big Barda (qu'on retrouve ici), Lady Blackhawk, Dove, Manhunter, the Question, etc. Pourtant, sans encore dévoiler pourquoi, Thompson écarte d'emblée deux des membres les plus populaires et récurrentes  : pas de Oracle ni de Huntress.

Tout l'épisode est donc consacré à la composition du groupe et Thompson a voulu surprendre, quitte à déplaire ou dérouter. Elle réintègre Big Barda certes, mais incorpore surtout Batgirl (Cassandra Cain, ancienne Orphan, formée par la Ligue des Assassins), Zealot (transfuge des WildC.A.T.S.) et Harley Quinn. C'est probablement l'arrivée de cette dernière qui a le plus ému les lecteurs, certains estimant qu'elle n'avait pas sa place ici (pourquoi ?) et d'autres supposant que c'était un élément purement marketing (Et alors ? Si ça aide effectivement à faire vendre la série...).

Dans tous les cas, Thompson, qui a toujours été une excellente dialoguiste à défaut de livrer des intrigues parfaites, justifie la présence de chacune : Barda incarne la puissance, Zealot l'expérience, Batgirl la loyauté. Et Harley est la "wildcard", l'élément qui créé justement la surprise.Un beau pied-de-nez. Evidemment, c'est un chapitre introductif : on n'entre pas dans le feu de l'action, on sait juste qu'il s'agit de sauver Sin sur l'île de Themyscira mais on ignore comment elle y a échouée, ce qu'on lui reproche et pourquoi est-ce Meridian (Mia Mizoguchi, ancienne élève de la Gotham Academy de Batman, communiquant depuis le futur) qui a alerté Black Canary.

Sin était un personnage dont j'ignorai tout, peut-être comme vous, et donc je me suis informé et j'ai appris que, pendant un temps, Black Canary et Lady Shiva avaient échangé leurs vies, la première pour parfaire son entraînement, confiant donc sa place au sein des Birds of Prey à la seconde (sans que ses camarades le sachent). C'est ainsi qu'elle fit la connaissance d'une jeune fille maltraitée, Sin, qu'elle prit sous son aile jusqu'à la considérer comme sa soeur. On comprend mieux le mobile sentimental de la série actuelle.

Je crois, sans trop me mouiller, que cette nouvelle version de BoP a des chances de séduire le public parce que c'est rondement mené et aussi parce que c'est superbement mis en images. Pour l'occasion Thompson renoue avec l'excellent Leonardo Romero qui était son partenaire sur son meilleur run chez Marvel, Hawkeye (starring Kate Bishop), et la coloriste de ce titre, Jordie Bellaire.

Trop rare alors qu'exceptionnellement doué, Romero retrouve un titre sur lequel il pourra briller et il s'y emploie sans tarder. Il donne à chacune des héroïnes une présence étonnante en peu de pages, les distinguant bien par leurs looks mais aussi par leur façon de bouger, leur gabarit (particulièrement avec le binôme Batgirl-Barda, cette dernière étant vraiment représentée comme une force de la nature, très grande et baraquée). Quand Harley arrive, il réussit parfaitement à visualiser sa folie sans que les autres ne soient écrasées par cette créature exubérante. Zealot a une classe fabuleuse. Et Black Canary a cette autorité naturelle sans forcer sur sa séduction (d'ailleurs Romero a conservé le design du costume de Dinah Lance qu'avait retouché subtilement David Marquez dans Justice League).

Les décors sont fournis, au-delà de la moyenne, et les effets de composition sont maîtrisés à la perfection, notamment la signature de Thompson, l'effet De Luca qui consiste à décomposer à l'intérieur d'un même plan les mouvements d'une action (voir image 1) - qu'on a déjà vu dans ses épisodes de Black Widow (avec Elena Casagrande au dessin), Captain Marvel (avec Carmen Crnero), etc.

Les couleurs de Bellaire évoquent celles de vieux comics, un peu passées, délavées, un parti-pris audacieux, mais qui colle à l'ambiance, évoquant une sorte de mélancolie, voire de crépuscule. C'est que, en ambitionnant d'aller délivrer une captive des amazones, on sait déjà que les Birds of Prey vont immanquablement croiser la route (et le fer) avec Wonder Woman (voire plus). Entre elle et Black Canary, qui ont été co-équipières souvent au sein de la Justice League, cela risque d'aboutir à un duel déchirant.

En bref, même si sur le fond, c'est classique, la série promet beaucoup. Pour Kelly Thompson, cela ressemble à un dream project, longtemps différé. Pour Leonardo Romero, c'est l'occasion d'imposer son immense talent. Pour DC de refaire briller une série culte. Et pour Marvel d'avoir des regrets...

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