La (sublime) couverture (de Russell Dauterman) promettait beaucoup de choses pour ce huitième épisode de Scarlet Witch. Autant le dire tout de suite : Steve Orlando n'est pas à la hauteur. Et d'ailleurs la série affiche clairement ses limites ici (et aussi rétrospectivement). Lorenzo Tammetta dessine encore la majorité des planches, Sara Pichelli ne signant que sur les deux dernières.
Un nouveau "client" emprunte la porte magique de Wanda : il s'agit de Arkin le faible, en provenance du royaume de Jotunheim, dont le peuple en refusant de se soumettre à Malekith lors de la Guerre des Royaumes a été décimé. Aujourd'hui Loki règne sur Jotunheim et Arkin s'estime floué. Scarlet Witch accepte d'aller parler au dieu de la malice...
Le danger pour une série, quelle qu'elle soit, c'est d'être vendue sur la promesse d'une couverture flatteuse. Car s'il faut se garder de juger un livre à sa couverture, il n'en reste pas moins que c'est la couverture qui, la première, capte notre attention sur le livre.
En ayant Russell Dauterman come cover-artist, Scarlet Witch bénéficie d'un des spécialistes les plus élégants et les plus féconds dans cet exercice à tel point qu'il a quasiment abandonné le dessin de pages intérieures). Et quand on voit la couverture de cet épisode, on est saisi par sa beauté et ce qu'elle suggère.
Autant dire que, derrière, Steve Orlando a intérêt à proposer un scénario en béton pour que le lecteur ne soit pas déçu. Jusqu'à présent, l'auteur a réussi avec Scarlet Witch un de ses meilleurs efforts, ne déviant quasiment jamais du format done-in-one et réhabilitant un personnage qui a été depuis ses débuts bien malmené.
Mais en faisant le compte de ces huit épisodes déjà parus, on se rend compte (comme le relaunch de Fantastic Four par Ryan North) que le titre commence à afficher ses limites. Et même que ce nouveau chapitre les éclaire de façon frappante. Il ne s'agit pas de dire que c'est mauvais ou désagréable à lire (ça l'est moins que ne le fut Fantastic Four), mais à l'évidence la série stagne.
Comme d'habitude l'épisode s'ouvre par l'arrivée d'un nouveau "client" dans l'emporium de Scarlet Witch. Cette fois il s'agit d'un géant de Jotunheim dont le peuple, ayant refusé de se soumettre à Malekith lors de la Guerre des Royaumes (écrite par Jason Aaron dans son run sur Thor), a payé le prix cher. A l'issue du conflit, Loki a hérité du trône mais Arkin le faible se sent floué de ne pas pouvoir représenter ses semblables. Scarlet Witch accepte donc de négocier avec Loki.
Déjà on observe que la mécanique de la série ne varie pas d'un iota. C'est toujours la même amorce narrative, avec un personnage venant demander de l'aide à Wanda Maximoff - un personnage inventé pour l'occasion, qu'on ne reverra plus ensuite, qui n'a aucune caractérisation : autant dire que c'est davantage un prétexte qu'un personnage.
Steve Orlando a fait de Scarlet Witch une héroïne surpuissante, peut-être son incarnation la plus puissante. Dans ce cas de figure, la préoccupation de l'auteur est de trouver à l'héroïne des adversaires à sa hauteur, et évidemment là, pas question de jouer la demi-mesure. Orlando a là encore privilégié des créations originales mais avec Loki au programme, lui et Wanda s'attaquent à du lourd. On s'attend donc à un duel serré et trouble comme l'indique la couverture.
Mais toute puissante qu'elle est, voir Scarlet Witch jeter d'emblée un sort à Loki qui l'oblige à dire la vérité est tout de même étonnant. Difficile de croire que le dieu de la malice puisse ainsi être soumis par une terrienne alors que lui a une pratique de la magie vieille de plusieurs millénaires. Par ailleurs, l'intérêt d'un personnage comme Loki, c'est qu'on ignore tout le temps s'il est du bon ou du mauvais côté : c'est le dieu de la malice, c'est un joueur, un affabulateur, un manipulateur. Ce qui aurait été amusant, c'est de le voir donc ruser avec Scarlet Witch, et même, pourquoi pas, d'initier une romance entre eux (puisque, aux dernières nouvelles, Wanda avait une liaison avec Doctor Voodoo mais que celui-ci semble aux abonnés absents).
L'essentiel de l'épisode est une longue scène de danse où Lorenzo Tammetta, profitant que les quartiers où réside Loki n'ont pas une décoration fournie (c'est même ascétique à ce point et là aussi, c'est bizarre parce qu'on imaginerait plutôt le personnage dans un intérieur un peu plus ornementé, en rapport avec son caractère facétieux, pas dans une espèce de cave glacée), zappe tout arrière-plan, laissant à Matt Wilson le soin (c'est le cas de le dire) de meubler.
Tammetta est plus inspiré pour faire bouger ses deux personnages de manière suffisamment gracieuse pour que leur danse ait l'air vraisemblable et aboutisse à ce possible baiser montré sur la couverture (je ne vous spoilerai pas sur la réalité de ce bécot). Mais bon, ça reste quand même léger et c'est tout de même agaçant tous ces comics où les artistes ne s'embarrassent plus de dessiner de décor.
Sara Pichelli, elle, joue toujours les figurantes : comme le mois dernier, elle ne s'acquitte que des deux dernières pages, et là aussi, ça commence à devenir gênant de lire un comic-book où son nom est crédité comme artiste alors qu'elle produit si peu de matériel.
Pour en revenir au contenu, Orlando introduit à la fin un énième personnage original et révèle la duplicité d'un autre. Tout ça est en vérité cousu de fil blanc. Mais surtout, avec une Scarlet Witch imbattable, invaincue, le suspense est mort-né : on devine que, même si la partie s'annonce difficile, elle va quand même l'emporter.
Bien des critiques et des lecteurs estiment que Marvel a un problème avec les personnages surpuissants, que l'éditeur et ses auteurs résolvent souvent en finissant par réduire les capacités de ces héros ou carrément en les tuant (ou en en faisant des vilains coriaces). Orlando semble être tombé dans ce piège et si son portrait de Wanda échappe aux clichés qui l'ont longtemps définie (mi-folle, mi-victime), en revanche la Sorcière Rouge et le format de ses épisodes sont en train de la précipiter dans une autre impasse. Ajoutez à cela que la série va bientôt (comme d'autres) augmenter et je pense que je vais bientôt l'arrêter - non sans regrets mais pour toutes les raisons ici développées.
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