Voilà encore une de ces drôles de parution dont Marvel a le secret : ne cherchez pas les 999 numéros précédents de Marvel Age, mais profitez de ce #1000. Il s'agit d'une anthologie censée célébrer... Quoi au juste ?... Qu'importe ! On a là huit histoires courtes par le gratin de "la maison des idées". Le résultat est évidemment inégal mais ne manque pas d'allure.
- MACHINE LEARNING (Ecrit par Mark Waid et dessiné par Alessandro Cappuccio) - Comment la première Torche Humaine, Jim Hammond, a développé un sens moral ? C'est à cette question que répond Mark Waid dans ce récit d'ouverture, situé en 1939. Il s'agit probablement d'un script écrit par le scénariste avant son départ pour DC, à moins qu'il n'ait produit ceci pour l'occasion. En tout cas, c'est, comme souvent avec Waid, finement raconté.
Jim Hammond a été un des premiers héros Marvel, plus tard c'est avec lui que s'ouvrait Marvels de Kurt Busiek et Alex Ross. Mais l'androïde capable de s'enflammer demeure une énigme, supplantée par Johnny Storm des Fantastic Four. Waid imagine comment, en écoutant un feuilleton radio il a acquis une éthique et échappé à son créateur, Phineas Horton, qui espérait l'exploiter.
Dommage d'avoir confié les dessins à Alessandro Cappuccio (Moon Knight), dont les planches sont trop sombres pour ne pas voir qu'il se sert de cette astuce pour négliger les décors et dont le trait manque singulièrement d'élégance.
- SUNDAY DINNER (Ecrit et dessiné par Ryan Stegman) - Toujours occupé à piéger les vilains, Spider-Man empêche Peter Parker d'avoir une vie sociale et d'arriver à l'heure à un rendez-vous... Alors là, on a affaire à une sorte d'anomalie chez Marvel qui refuse fréquemment depuis des lustres, sans qu'on sache pourquoi, à ses artistes d'écrire aussi leurs scénarios. Pourtant, cette fois, dans Marvel Age #1000, l'éditeur a accordé cette permission à deux d'entre eux.
Ryan Stegman (Venom) a donc eu le droit de raconter sa petite histoire de Spider-Man et de la dessiner. Certes, ça ne mange pas de pain, mais c'est très sympa et tonique. Stegman s'affirme comme un disciple de Todd McFarlane, qui a marqué de son empreinte une époque du Tisseur. Et ma foi, il mériterait d'avoir sa chance sur le titre (vu ce que commet actuellement John Romita Jr...).
- PEOPLE WONDER WHY (Ecrit par Rainbow Rowell et dessiné par Marguerite Sauvage) - Pourquoi Cyclope se montre-t-il toujours si surprotecteur avec Marvel Girl ? Encore une interrogation superbement traitée, ici par Rainbow Rowell (She-Hulk).
Accompagnée par Marguerite Sauvage au dessin, comme d'habitude enchanteresse, acidulée, expressive (un vrai bonheur), la scénariste signe un segment romantique à souhait sur les débuts des X-Men, la première génération. C'est merveilleusement inspiré, sucré au possible, mais très touchant aussi. Et, en pleine vague Fall of X, ça fait du bien de se replonger dans cet âge de l'innocence.
- EARTH'S GREATEST WEAPON (Ecrit par Dan Slott et dessiné par Mike Allred) - Lorsque Captain Mar-Vell espionnait pour le compte de l'Empire kree les humains, qu'est-ce qui l'a convaincu que nous ne représentions aucun danger ?
Il y a quelque chose de magique à chaque fois que Dan Slott (Spider-Man) et Mike Allred (Madman) sont réunis. Ensemble, ils produisent des comics uniques où chacun fait ressortir le meilleur de l'autre. C'est encore une fois le cas avec cette histoire qui prouve que, non, il n'y a pas de tabou à ranimer Captain Mar-Vell. Carol Danvers figure dans ce chapitre qui semble au passage se moquer, à juste titre, de la retcon débile de ses origines. C'et beau, c'est pop, c'est indispensable.
- OVERLOAD (Ecrit par Armando Iannuccci et dessiné par Adam Kubert) - Daredevil a un problème d'audition... Et le lecteur de compréhension ! Que vient faire ce machin sans intérêt, moche (Adam Kubert, vraiment, j'y arriverai jamais) dans cette anthologie. Je ne sais pas qui est Armando Iannucci mais je n'ai aucune envie de le savoir car ce qu'il a écrit est mauvais en diable.
Allez, on zappe !
- DEAF HEAVEN (Ecrit et dessiné par Steve McNiven) - Le Surfeur d'Argent marche au milieu d'un terrain bombardé et Mephisto en profite pour le tourmenter en accablant la nature humaine capable de telles atrocités... Mais Steve McNiven, trop rare, nous livre une pépite.
Comme Ryan Stegman, lui aussi a eu le droit d'écrire et dessiner ce segment. Autrefois superstar, suite au triomphe de Civil War, McNiven a ensuite eu toutes les peines du monde à enchaîner, jusqu'à se contenter de quelques covers par-ci, par-là. Désormais influencé par Barry Windsor-Smith (qu'il imite à la perfection) et Moebius, aborder le Silver Surfer est toute compte fait logique.
C'est classique, mais franchement somptueux. Toutes les pages sont découpées en trois cases verticales, avec une intensité rare. Le trait est fin et puissant à la fois; L'histoire est poignante. Bon sang, si Marvel avait un Black Label, ce serait génial d'avoir une mini Silver Surfer par McNiven...
- THE GIRL WHO HATES SUPER HEROES (Ecrit par Jason Aaron et dessiné par Pepe Larraz) - Jyl Tally n'aime pas les super héros qui sauvent le monde mais n'ont pas guéri sa mère du cancer. Jusqu'à ce qu'elle croise la route de la puissante Thor... Et là, miracle !
Oui, parce que Jason Aaron revient à sa meilleure création, Jane Foster/Thor, et prouve qu'il est encore capable d'écrire quelque chose de valable, de chouette, de lumineux. Ce récit est parfait, c'est comme une fable, il n'y a rien à jeter. Qui l'eût cru ? Et pour ne rien gâcher, c'est Pepe Larraz qui signe les dessins, qui sont évidemment d'une beauté à tomber à la renverse. Vraiment revigorant !
- OBSERVATIONS FROM THE BACKYARD (Ecrit par J. Michael Straczynski et dessiné par Kaare Andrews) - Trois gamins, dans le jardin d'une maison de banlieue, imaginent des histoires de super héros qu'eux seuls voient et dont ils sont convaincus qu'elles doivent être racontées...
S'il ne devait y avoir qu'un chapitre de ce Marvel Age #1000 à retenir, qui justifierait l'achat de ce comic-book, alors ce serait celui-ci. Parce que, avant son grand retour chez Marvel ce mois-ci pour la reprise de Captain America, J. Michael Straczynski rend un hommage absolument splendide aux trois pères fondateurs de Marvel. Car les trois gosses se prénomment Stan, Jack et Steve... C'est sans doute naïf, d'aucuns diront même mièvre, mais ne soyez pas cyniques et appréciez ce tribute si juste, si inspiré, si beau tout simplement.
Et encore plus beau grâce à Kaare Andrews qui dessine en couleurs directes des planches sublimes. Je n'ai que des compliments à faire à ce récit. D'autant qu'il paraît après un documentaire sur Stan Lee (sur Disney +) qui a passablement agacé les héritiers de Kirby (parce qu'on lui niait la paternité de plusieurs héros). Mais en vérité, quoi qu'on pense de Lee, Kirby, Ditko, de leurs relations houleuses, de qui a fait quoi, ces observations depuis l'arrière-cour nous rappelle que c'est surtout la combinaison du génie de ces trois auteurs qui a fait de Marvel ce qu'il est. Tout le reste n'est qu'accessoire.
A deux chapitres près, Marvel Age #1000 est quand même une belle parution. Même si Marvel vous déçoit, vous irrite, vous déboussole, c'est là une belle manière de rappeler aussi pourquoi on aime quand même lire leurs comics.
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