X-Men : Red #8 est un chef d'oeuvre !... Attendez, j'ai pas dit ça pour le n° précédent ? En tout cas, c'est encore vrai. Et bon sang, quelle série que Al Ewing écrit là, c'est vraiment incroyablement dense, intelligent, ça relie tout un tas d'histoires et c'est magistral ! Madibek Musanbekov s'impose lui aussi comme bien plus qu'un remplaçant en signant des planches à tomber. Un chef d'oeuvre, je vous dis !
Après avoir découvert grâce Wiz Kid les archives de Abigail Brand, Cable est déterminé à la tuer. Mais avant cela, il forme une équipe pour débusquer Orbis Stellaris avec lequel elle est associée.
Cependant, le conseil galactique se réunit à la demande de Paibok, le Skrull, qui dénonce une infamie perpétrée jadis par les Kree suivant de fausses infos transmises par les Shi'ar.
Grâce à Manifold, Cable et sa bande se téléportent dans le repaire de Orbis Stellaris où ils découvrent ce qu'il conçoit pour Brand mais aussi l'identité de son espion au sein de Krakoa et Arakko.
Le plan de Abigail Brand se dévoile complètement, mûri de longue date, et se développant sur le long terme, pour qu'elle devienne avec le SWORD la nouvelle puissance incontournable de la galaxie...
Quand on lit ce genre d'épisode, on est face à quelque chose de véritablement bluffant. Al Ewing n'écrit pas X-Men, la série-phrare, le vaisseau amiral de la franchise X, mais avec X-Men : Red, c'est lui qui oeuvre de la manière la plus ambitieuse et surtout la plus accomplie pour proposer un projet comparable à ce que Hickman fit jusqu'à Inferno.
Et encore, même en disant cela, on est en dessous de la vérité car ce que Ewing orchestre, sans faire de bruit, englobe plus que la franchise X : il opère une synthèse magistrale et captivante de qu'il semble avoir mis en chantier dans son coin depuis Empyre, donc avant sa série S.W.O.R.D. et aujourd'hui X-Men : Red.
Mais avant d'aller plus loin, il faut considérer la situation actuelle : Cable vient de découvrir que Abigail Brand a trahi la "mutanité" en s'alliant avec Orchis. Toutefois, il a aussi conscience qu'elle peut très bien avoir scellé cette alliance pour se jouer d'Orchis et donc neutraliser les mutants et cette organisation anti-mutants. Il a raison de penser cela quand on lit à la fin de l'épisode le plan de route qu'elle a rédigé et qui révèle depuis combien de temps elle prépare son coup et jusqu'à quand elle compte le développer.
Brand veut la guerre pour s'imposer comme celle par qui il faudra passer obligatoirement pour, sinon faire la paix, en tout cas parvenir à un règlement, un nouvel état. Pour cela, elle veut que les héros de la Terre (Avengers, Fantastic Four en premier) adhèrent à ce projet sans savoir évidemment qu'elle l'a planifié, mais en croyant qu'ils seront partie prenante grâce aux liens qu'ils ont avec différentes parties extra-terrestres.
On assiste donc à une réunion du conseil galactique, avec quelques absences notables (notamment celle de Tornade, qui, comme on l'a suivi récemment, a passé la main comme régente d'Arakko, suite au dénouement de Judgment Day). Une vieille affaire déterrée par Paibok, l'émissaire Skrull, va faire grimper la tension : jadis les Kree, mal informés par les Shi'ar, ont commis un massacre contre les Skrulls dans un endroit où leurs soldats se remettaient de blessures de guerre et non pas y fabriquaient de nouvelles armes. Paibok exige réparation sinon il promet une nouvelle guerre, à laquelle l'empereur Hukling ne saurait s'opposer vu la gravité des faits.
Xandra accède à sa demande mais comment abonder à la requête de Paibok ? Brand a sa réponse et elle abat sa carte maîtresse grâce à un mutant dont elle a su abuser depuis son retour à la vie. A ce stade, mieux vaut avoir lu X-Men #10 par Jonathan Hickman et Leinil Yu (paru en 2020) car Ewing fait référence à ce qu'a vécu un mutant et exploite ce subplot laissé en plan par Hickman (peut-être en suivant ses indications, mais je doute que Hickman ait rédigé un plan détaillé à ce sujet, étant donné qu'il a lui-même admis avoir abandonné en route plusieurs idées à cause de la pandémie et du désordre que cela a provoqué dans ce qu'il avait prévu pour X-Men).
C'est difficile d'en dire plus sans spoiler, même si le mois prochain, quand il me faudra parler de X-Men : Red #9, je ne pourrai pas faire autrement que de révéler l'identité de ce fameux mutant. En tout cas, un peu comme ce que fait actuellement Gerry Duggan avec les Enfants de la Voûte dans X-Men (là aussi en reprenant une idée de Hickman), Ewing fait feu de tout bois et construit une mythologie fgascinante sur ce qu'avait entrepris Hickman. Le plan de Brand rassemble des événements survenus dans X-Men (version Hickman donc), mais aussi l'event Empyre (que Ewing co-écrivit avec Dan Slott), et encore plus loin dans le passé War of Kings (de Dan Abnett et Andy Lanning). Et le plus fort, c'est que tout fait sens, tout est spectaculairement cohérent. Tout cela forme une fresque dont on comprend qu'elle n'en est qu'à sa moitié, si Brand réussit son affaire. Vertigineux.
Mais, bien sûr, Brand a un caillou dans la chaussure et il s'appelle Cable. Comme je l'ai déjà dit, Nathan Summers a découvert la trahison de Brand et son double, voire triple jeu. Il veut se débarrasser d'elle, mais aussi, avant cela, savoir ce qu'elle manigance avec Orbis Stellaris, un généticien marchand d'armes. Grâce aux talents de Manifold et le renfort de l'Epervier (Thunderbird), Wiz Kid, Khora et sa soeur Zsen, il a assemblé une bande pour débusquer le complice de Brand.
Ce qu'ils vont découvrir relie le dossier de ce mutant mystère à une affaire de clonage du virus techno-organique qui a infecté Cable et qu'il maîtrise avec beaucoup d'effort, mais qui pourrait devenir une arme terrible pour l'ennemi. La manière là aussi dont Ewing relie tous ces fils narratifs est impressionnante de clarté et d'intensité. Cet épisode est d'une telle richesse, d'une telle densité que ce qui s'y passe vous submerge dans un premier temps. Il faut digérer tout ce qui arrive pour véritablement comprendre la rigueur du travail du scénariste, sa portée, son envergure, sa puissance. C'est du grand art.
Et Al Ewing peut compter sur un dessinateur de choix pour illustrer tout ça sans que le lecteur n'en perde une miette et, mieux encore, soit embarqué dans cette aventure. Stefano Caselli étant toujours occupé ailleurs (avec le retour de Hack/Slash de Tim Seeley dans l'anthologie Image !), je doutais franchement que Madibek Musanbekov soit à même de supporter la comparaison, lui qui venait des productions Dynamite Comics.
J'avais tellement tort ! Musanbekov est une révélation telle que Caselli peut bien prendre son temps, X-Men : Red a trouvé un artiste plus que capable pour le remplacer avantageusement.
En vérité, quand je lis les planches de ce dessinateur, ce qui me frappe, c'est la ressemblance stylistique avec Juann Cabal, qui faisait équipe avec Al Ewing sur Guardians of the Galaxy : même trait ligne claire, même souci de lisibilité, même efficacité sobre pour la narration graphique. Musabekov est moins audacieux dans ses compositions (là où Cabal faisait parfois penser à J.H. Williams III), mais à vrai dire, cela n'est pas une faiblesse car le script est tellement foisonnant que des planches trop sophistiquées risqueraient de surcharger la lecture.
Ce qui ne veut pas dire que Musanbekov se contente de peu : quand il doit livrer une double page de ouf, il le fait et avec la manière (lors de la scène où Manifold et Wiz Kid pénétrent dans la zone où se trouve le repaire de Orbis Stellaris. Les personnages sont expressifs, les décors sont précis (et le fait qu'ils soient infographiés ne pique pas les yeux). Les couleurs de Federico Blee font merveille sur ce dessin à l'encrage un peu plat, très fin.
Cette semaine de critiques comics s'achève donc avec cet épisode, qui n'a aucun mal à dominer les sorties par son brio. Mais même au coeur d'une semaine plus chargée en publications, il aurait quand dominé les débats. X-Men : Red est tout simplement trop fort.
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