vendredi 25 novembre 2022

THE MAGIC ORDER 3 #5, de Mark Millar et Gigi Cavenago


Ce péultième épisode du volume 3 de The Magic Order file à toute allure et comble le lecteur de bout en bout. Plus que les précédents numéros, il suit une ligne unique et résoud une intrigue avec efficacité, comme si Mark Millar se recentrait. Gigi Cavenago impressionne toujours autant avec ses dessins, rehaussés par les couleurs flamboyantes de Valentina Napolitano.


Alors qu'elle va être dévorée par le démon Shavatan à qui l'a livré Sacha Sanchez, Rosie prévient l'Orde Magique de sa situation grâce à un double qu'elle s'est créé. Cordelia intervient in extremis.


Face à l'Ordre Magique, Sacha préfère fuir mais il est rattrapé par Regan Moonstone qui le défie. Il résiste étonnamment aux ripostes de Sacha et l'efface de l'existence avec un sort emprunté à son père.


Cette victoire inattendue éveille les soupçons de Cordelia qui en parle à Francis King, craignant que son frère n'ait eu recours à la magie noire - ce qui le condamnerait à être exclu de l'Ordre magique.


Cordelia avec d'autres membres de l'Ordre vont donc interroger Regan à la sortie de son cabaret pour en avoir le coeur net...

Le mois prochain prendra fin le troisième volume de The Magic Order et si ce cinquième et avant-dernier épisode résoud un des nombreux subplots de la "saison", on peut toutefois se demander comment Mark Millar va boucler les trois autres.

Car si on assiste à la fin de Sacha Sanchez, cet espèce de tueur à la solde de l'Ordre Magique, qui était convaincu que Rosie, la fille de feu Gabriel Moonstone, revenue des morts (dans le volume 1), était celle qui détruirait l'organisation dans le futur, il reste bien d'autres dossiers en suspens.

Mark Millar règle le cas de Sacha avec son efficacité coûtumière et Gigi Cavenago illustre tout ça avec une maestria incroyable. Si l'artiste italien impressionne depuis le début de sa prestation, il ne faut pas minorer la contribution de sa coloriste, Valentina Napolitano, qui acccomplit ici un travail tout à fait splendide.

Comme je l'ai évoqué en parlant de Kroma (de Lorenzo de Felici), le travail du coloriste est ingrat car (et je je me compte parmi ces oublieux) on a tendance à ne retenir que la "performance" du dessinateur. Certains fans de comics estiment même que la BD se porterait mieux sans la couleur ou qu'en tout cas un bon dessin se juge en noir et blanc, que la "vérité" du dessin est dans le noir et blanc.

Mon opinion à ce sujet a évolué avec les années, et notamment en m'adonnant au travail de la critique, qui m'a fait reconsidérer l'importance des contributeurs à un comic-book. Si effectivement je pense qu'un bon dessin doit s'évaluer en noir et blanc, sans artifices, il faut prendre en compte l'évolution du dessin lui-même et des outils dont dispose l'artiste.

Par exemple, aujourd'hui, énormément de dessinateurs se passent d'encreurs car il dessinent sur des tablettes graphiques mettant à leur service des fichiers très pratiques pour corriger le dessin, l' "encrer", prendre en charge les décors, etc. Certains poussent même jusqu'à effectuer leur colorisation pour contrôler complétement ce à quoi ressemblera leurs planches (par exemple Phil Noto, Greg Smallwood, Cliff Chiang...). Aux Etats-Unis, ça reste exceptionnel alors que dans la BD franco-belge il existe beaucoup d'artistes qui assument tout, du crayonné à la colorisation (mais le rythme de production n'est pas le même et il est évidemment plus difficile de tenir des délais mensuels en accomplissant tout).

Souvent, pour en revenir aux coloristes, ils sont là, dans les comics comme les lettreurs, en fin de processus. S'il existe des coloristes avec un style identifiable (par exemple Jordie Bellaire, Brad Anderson, Matt Wilson, Dave Stewart), la plupart est considérée comme interchangeable, le lecteur, même exigeant, n'y prête guère attention, tant que ça ne gâche pas le dessin/l'encrage.. 

Dans le cas de Gigi Cavenago, la contribution de Valentina Napolitano prend une importance spéciale car Cavenago, qui est un cover-artist virtuose, est aussi son propre coloriste habituellement. Si vous êtes curieux, allez sur Google images et tapez sans votre barre de recherche "Gigi Cavenago couvertures Dylan Dog" et vous verrez ce qu'il produit.

On pouvait donc craindre qu'en délégant la colorisation à Napolitano, le dessin de Cavenago serait moins puissant. Mais il n'en est rien et cet épisode le prouve magistralement, avec des pages et des scènes entières bluffantes, notamment le duel entre Sacha et Regan. La palette est vive mais exprime bien le déferlement d'énergies magiques à l'oeuvre et établit une ambiance fantastique à tout point de vue.

Ce qui est remarquable, c'est qu'après ça, Napolitano et Cavenago enchaînent avec une scène beaucoup plus banale, le discussion entre Francis King et Cordelia Moonstone, et ils calment le jeu, aussi bien dans les teintes employées que dans le découpage, non pas parce qu'ils sont moins motivés, mais pour souligner le contraste entre le combat et le dialogue. Et les dernières pages de l'épisode renouent avec un effort sublime de Napolitano et Cavenago pour représenter un décor urbain nocturne, les lumières au néon du cabaret de Regan, les phares des voitures, etc.

Reste que, pour revenir à des points plus basiquement narratifs, Mark Millar a encore bien des éléments à finaliser et un seul épisode pour le faire. Quid de Sammy Liu, le magicien milliardaire (lui aussi accusé d'avoir utilisé la magie à des fins personnelles) ? Quid du tueur traqué par Salomé et Leonard (le Puzzle) ? Qui du secret entourant l'oncle Edgar dans le château Moonstone ?

Je ne pense pas, en vérité, que Millar va solutionner tout ça dans le prochain épisode, mais en gardera sous le coude pour le volume 4 (qui arrivera en Janvier). Il n'y aura donc pas à patienter pour sauter d'un volume au suivant (ce qui me conforte dans l'idée que les volumes 3 et 4 sont intimement liés).

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