Ce sixième épisode de Captain America : Sentinel of Liberty marque la fin du premier arc de la série écrite par Collin Kelly et Jackson Lanzing et dessinée par Carmen Carnero. C'est aussi le dernier numéro que je critiquerai puisque j'ai décidé de ne pas aller plus loin. Ce n'est pas déplaisant à lire, mais tout simplement je n'accroche pas.
Alors, plutôt que de vous résumer l'épisode, comme je le fais souvent à la fin d'un arc narratif ou d'une mini-série, je vais m'en tenir à l'essentiel. D'ailleurs, à proprement parler, il n'y a pas grand-chose à résumer : on assiste à un long affrontement entre Captain America et Bucky, déclenché par la décision de ce dernier de sièger à la table du Cercle Externe, cette organisation qui semble avoir eu une énorme influence politique sur le monde depuis des décennies en en manipulant les symboles héroïques.
Bucky a lui-même été manipulé depuis sa formation militaire jusqu'à sa carrière comme Soldat de l'Hiver. Et il vient d'abattre froidement le membre du Cercle qui se faisait appeler la Révolution pour prendre sa place. Son plan : miner l'organisation de l'intérieur. Ce que refuse Captain America, craignant que son ami n'y laisse son âme...
Un peu contre toute attente, Collin Kelly et Jackson Lanzing donnent l'avantage à Bucky dans ce duel et il accomplit ce qu'il avait en tête, tandis que Cap est sur la touche. Est-ce si surprenant ? Pas vraiment et on peut accorder aux deux scénaristes d'être logiques.
En effet, déjà dans la dernière mini-série qui lui a été consacré (par Kyle Higgins et Rod Reis), Bucky finissait par tuer, accidentellement un homme. Bizarrement, personne n'avait considéré cela par la suite, sans doute parce que cette histoire a connu peu de succès et qu'aucun editor chez Marvel n'a cru bon d'y revenir.
Mais disons que le ver était dans le fruit. Et Kelly et Lanzing ont aussi exploité un tie-in de l'event Devil's Reign qu'ils avaient d'ailleurs écrit et où Bucky dérobait au Caïd un dossier compromettant à son sujet. Un de plus. Et c'est une partie du problème, une des raisons qui me fait arrêter la lecture de Captain America : Sentinel of Liberty.
Soyons clairs : j'ai plutôt bien aimé cette relance, attendue, de la série consacrée à Steve Rogers (alors que celle consacrée à l'autre Captain America, Sam Wilson, m'est tombé des mains). Kelly et Lanzing ont fondé leur intrigue sur un mystère entourant le bouclier de Cap et ils l'ont fait avec la manière. Mais au final, ça n'est pas allé là où j'espérai, comme j'aurai aimé.
En effet, le Cercle Externe, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire, n'est qu'un énième avatar de sociétés secrètes comme le Marvel Universe en regorge (Hydra, Empire Secret...) et ses desseins ne sont guère plus originaux (contrôler le monde en détournant ses symboles, en coulisses depuis des décennies, ce qui fait penser aux Illuminati).
Ensuite, de façon plutôt étonnante, le vrai héros de ce premier arc aura finalement plus été Bucky Barnes/le Soldat de l'Hiver que Captain America. A la fin de ce sixième épisode, cest lui dont le destin chavire le plus. Mais pas forcément le plus adroitement.
Depuis que Ed Brubaker a ramené Bucky parmi les vivants, le personnage est resté intimement lié à sa vision : un être torturé, usé par des années à avoir été manipulé, en quête de rédemption, mais à qui on retire toute solution de rachat. Il a perdu l'amour de la Veuve Noire, le droit d''incarner Captain America, de redevenir simplement un héros, un gentiln un bon. Et Kelly et Lanzing ont enfoncé un clou de plus dans le cercueil de Bucky au profit de son double sombre qu'est le Soldat de l'Hiver.
Bref, vraiment rien de nouveau sous le soleil, entre organisations secrètes et damnation éternelle de Bucky (quand bien même ce dernier souhaite intégrer le Cercle Externe pour le torpiller de l'intérieur). J'ai eu cette impression permanente que rien ne sortirait de neuf de cette relance à mesure que les épisodes se succédaient. C'était agréable à lire, mais il manquait quelque chose, un regard original, une perspective inédite. A croire qu'il est devenu très difficile d'écrire Captain America, comme Superman chez DC, sans répéter les mêmes clichés : le héros idéaliste dans un monde devenu trop complexe, la tentation d'en faire quelque chose de sérieux, de tragique.
Peut-être aussi ne suis-je pas prêt à m'investir dans une intrigue au long cours avec ce personnage que j'ai vraiment apprécié pour la dernière fois lors des épisodes de Mark Waid et Chris Samnee, avec leur format done-in-one mais sous-tendu par un fil rouge vite résolu. A peine un run mais tellement frustrant quand on considère à quel point il rafraîchissait le personnage, qui revenait de loin (après l'event Secret Empire et le "Captain Hydra" de Nick Spencer). Je ne veux jamais avoir à me forcer de lire une série, donc j'arrête avant d'avoir à en dire du mal.
Carmen Carnero, elle, je la regretterai car elle m'a vraiment bluffé pendant six épisodes. Souvent ces inventions visuelles m'ont gardé à flot et elle en produit avec une belle régularité. Pour le coup, elle mérite vraiment tous les éloges et son statut de "stormbreaker" Marvel, car c'est vraiment une artiste avec laquelle il faudra compter et pour peu qu'elle ne se lasse pas trop vite de Captain America, elle a tout pour devenir une dessinatrice appréciée du grand public (sans compter que c'est la première à illustrer la série).
Avec le coloriste Nolan Woodard, elle a formé une équipe très solide, très complémentaire, chacun mettant en valeur le travail de l'autre. Carnero m'avait laissé sur ma faim quand elle s'occupait de Captain Marvel, mais ici elle donne sa pleine mesure avec des découpages très dynamiques, un trait de toute beauté, un encrage solide. Marvel tient là une artiste de première classe.
Voilà, Captain America : Sentinel of Liberty, c'est fini pour moi. Je ne vais pas attendre que d'autres me proposent quelque chose qui me conviennent mieux parce que Kelly et Lanzing me paraissent être là pour un moment et c'est très bien pour ceux qui apprécient. Marvel, eux et Tochi Onyebuchi ont de grands plans pour 2023 puisqu'un crossover, Cold War, va lier les deux titres Captain America. L'année prochaine va d'ailleurs être très fournie en grosses histoires (pratiquemment sans discontinuer, sur toutes les franchises) et je vais sans doute en zapper un paquet.
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