mardi 8 novembre 2022

NOPE, de Jordan Peele


Nope est le troisième film écrit et réalisé par Jordan Peele. Depuis Get Out (2017) et Us (2019), ce cinéaste s'est taillé une réputation solide au point d'être comparé à Steven Spielberg à ses débuts, avec des histoires fantastiques à suspense, métaphores de la place des afro-américans dans la société. Pour ma part, Nope est le premier de ses opus que j'ai vu. Et je n'ai vraiment pas été convaincu.


1999. Sur le plateau de tournage de la sitcom Gordy's home, le chimpanzée star du show tue plusieurs acteurs dans un accès de rage. Il épargne le jeune comédien Rick Park avant d'être abattu. De nos jours, Otis Haywood et sa soeur Emerald héritent du ranch de leur père, tué par un éclat de nickel tombé du ciel. Mais alors que Emerald cherche la gloire et la fortune à Hollywood, Otis souhaite continuer à dresser des chevaux pour le cinéma et la télé comme son père.


Six mois après, lors du tournage d'une pub dirigé par Anthers Holst, Otis est renvoyé après avoir perdu le contrôle d'un de ses chevaux. Il doit le vendre à Rick Park, qui est devenu le patron et l'animateur d'un parc d'attractions, Jupiter's Claim. Cette nuit-là, avec Emerald, Otis assiste à un étrange phénomène dans sa propriété en apercevant un objet volant non identifié qui provoque des perturbations électriques et la panique parmi les bêtes.


Persuadée qu'ils peuvent se faire de l'argent grâce à cela, Emerald convainc Otis d'investir dans des caméras de sécurité pour filmer la prochaine apparition de l'ovni. Angel Torres, employé chez Fry's Electronics, vient leur installer des équipements qu'il peut contrôler à distance. La nuit venue, le mystérieux engin capture un cheval et disparaît. Mais Angel croit avoir vu il se dissimule en remarquant un nuage immobile dans le ciel.


Rick Park, aussi, a vu l'objet volant et veut en tirer profit. Il organise un spectacle en plein air où il se sert du cheval que lui a vendu Otis comme appât. Mais la démonstration va dégénèrer car l'ovni massacre le public. Otis arrive sur place et contemple ce carnage lorsque l'apparel fond sur lui. Il se cache jusqu'à ce qu'il s'éloigne et qu'il puisse récupérer son cheval.


Otis en déduit que le vaisseau est en fait une créature intelligente et qu'il peut le piéger et le détruire. Mais Emerald et Angel restent convaincus qu'ils peuvent le filmer à condition d'avoir de leurs côtés un professionnel. Ils font appel à Holst qui arrive équipé de caméras à manivelle, donc ne dépendant pas de l'électricité que perturbe l'ovni. Otis dispose des leurrres dans la propriét et joue lui-même le rôle d'appât. Angel et Holst se mettent en position. Emerald supervise toute l'opération.
  

Comme prévu, la créature volante se manifeste. Mais c'est alors qu'un paparazzi surgit. Il se fait dévorer. Puis c'est Holst qui, voulant le filmer de plus près, se fait attraper. Voyant son frère menacé, Emerald récupère la moto du paparazzi pour entraîner la créature au loin.


Emerald est suivie par l'ovni jusqu'au aprc d'attractions où elle détache la mascotte gonflable géante qui mystifie la créature. Celle-ci l'avale avant d'exploser tandis que Emerald a immortalisé la scène en la photographiant. Otis retrouve sa soeur au même moment où les autorités et les médias arrivent sur place.

Le risque quand on vous promet qu'un film révolutionne un genre, c'est qu'on vous l'ait survendu. Et c'est ce sentiment qui s'impose avec Nope, qui n'est rien d'autre en définitive qu'un quasi-remake des Dents de la Mer (Steven Speilberg, 1975) dans lequel on aurait remplacé le requin par une créature volante extra-terrestre.

Quand Spielberg tourna Les Dents de la Mer, il dut affrotner des conditions infernales car le requin mécanique dysfonctionnait. Mais formé à la télé, et habitué donc aux contraintes techniques et budgétaires, le cinéaste choisit de finalement peu montrer son monstre des mers, préférant suggérer sa présence et s'appuyer sur la musique géniale de John Williams pour créér un sentiment d'angoisse très efficace. Cela fonctionna au-delà de ses espérances car le film fut un énorme succès et c'est à partir de là qu'on parla de blockbusters estivaux  qui signèrent en même temps le début de la fin du Nouvel Hollywood (où les cinéastes les plus créatifs bénéficiaient d'une liberté inédite).

47 ans après, Nope semble être le dernier râle d'une industrie qui se moque des origines même des succès qui l'ont révolutionné. Comme si la même recette était servie depuis trop longtemps et n'aboutissait qu'à une pâle copie, qui ne provoquait plus aucun frisson, loin (très loin !) de l'inventivité de Spielberg. Ou quand l'esprit de débrouille est remplacé par de la roublardise décomplexée...

Jordan Peele, avant de passer derrière la caméra, a écrit et joué pour d'autres. Mais le succès de Get Out en 2017 a tout changé pour lui : les critiques, enthousiastes, ont vu en lui la relève du grand cinéma de divertissement et depuis il a multiplié les projets, en qualité de producteur. C'est sans doute la première fois qu'un cinéaste noir jouit d'un tel pouvoir à Hollywood, loin d'une figure plus provocatrice comme Spike Lee.

La sortie de Us en 2019 n'a fait que confirmer le statut de Peele et donc, logiquement, Nope, son nouveau projet, était très attendu. Je ne me prononcerai pas sur ses deux premeirs opus que je n'ai pas vus. Mais Nope m'a déçu, je n'ai pas compris son succès - ou plutôt je l'ai compris mais pas admis.

Car, donc, Peele ne fait que reproduire ce que d'autres ont fait avant lui, sans plus de talent. J'ai été très étonné par la lenteur avec laquelle l'intrigue se met en place, au point de me demander où il voulait en venir. Quand je l'ai compris, c'est un sentiment de "tout ça pour ça ?" qui s'est emparé de moi, comme la promesse d'un truc révolutionnaire qui faisait "pschiit", d'une montagne qui accouchait d'une souris.

Il paraît que Nope a un discours social, et même politique. Je le cherche encore. J'ai lu des critiques pointant une réflexion sur la société du spectacle, l'addiction du public au sensationnel. Et je me demande si tout ça ne relève pas de la grosse blague tant tout cela me semble totalement absent de ces deux très longues heures en compagnie de personnages endeuillés et fantomatiques dans un récit qui avance à la vitesse d'un escargot et qui jamais n'angoisse, ne fait peur. J'ai l'impression que de nombreux critiques sont hynotisés par la hype entourant Peele et surinterprète son film en y voyant des choses qui n'existent pas.

Même le casting, porté par deux acteurs blacks, par ailleurs très bons, n'apporte rien. On est à des années-lumière d'un Spike Lee qui a imposé des comédiens noirs pour représenter sa communauté caricaturée ou invisibilisée par Hollywood. Ici, ni Daniel Kaluuya ni Keke Palmer ne portent une quelconque charge équivalente. D'une certaine manière, c'est aussi bien car cela signifie qu'on ne se pose plus de question en voyant des acteurs afro-américains dans des premiers rôles dans un blockbusters (ce qui semble s'être vraiment banalisé depuis le triomphe de Black Panther, mais qui découle aussi de carrières comme celles de Sidney Poitier à Eddie Murphy en passant par Denzel Washington et Will Smith).

Kaluuya est excellent dans ce rôle de dresseur taiseux et têtu tandis que Keke Palmer montre une facette plus exubérante, expressive de son jeu. On croit qu'ils peuvent être frère et soeur, et ils dominent sans effort une distribution complétée par Steven Yeun, Michael Wincott et Brandon Perrea. Le souci, en vérité, c'est qu'ils peuplent tous un film sans âme et donc on a l'impression qu'ils gâchent leur talent (même si le succès commercial de Nope leur profitera pour la suite).

Ah, au fait ? Pourquoi Nope ? En dehors du fait que Jordan Peele, toujours avec la même roublardise, aime les titres courts, énigmatiques et donc accrocheurs, la réponse semble être qu'il s'agit d'une abréviation pour Not Of Planet Earth. Un signe de plus que ce cinéaste cherche à jouer au plus malin avec des astuces finalement beaucoup moins complexes qu'il y paraît.

Allez, rideau !

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