Sous ses airs de blague potache, Minor Threats est quand même vachement bien fichu et si on peut regretter que cette série ne compte que quatre épisodes, on doit aussi reconnaître que ses créateurs - Pattton Oswalt, Jordan Blum, Scott Hepburn - ont préféré la qualité à la quantité. Ce qui se vérifie dans ce n° 3 brillant et déjanté.
Blessée par une balle perdue alors qu'elle tentait, comme le justicier The Insominiac, de rattraper les sbires du méchant Stickman, Playtime est sauvée par ses gadgets et les soins de Scalpel.
Mais Lady Nuke, de l'équipe du Continuum, entend bien connaître cette info avant. La bande de Playtime fuit avec Thread King en passant via une faille temporelle, vestige d'une ancienne bataille.
Torturé par Scalpel, Thread King dénonce le Stickman. La bande pénètre dans sa planque mais le maître des lieux les entend car il a un espion qui l'a averti de leur arrivée...
Le mois prochain s'achèvera donc Minor Threats, et sauf fin complètement ratée, cette mini-série aura été une des meilleures surprises de ces derniers mois. D'ailleurs, cette production affiche à chaque numéro en couverture les éloges de geeks passionnés et célèbres (Taïka Waïtiti, Edgar Wright...), ce qui peut faire penser qu'on aura peut-être un jour une adaptation pour le cinéma ou une plateforme de streaming.
Mais, en attendant cela, il faut savourer le comic-book, qui existe fort bien sans la perspective de devenir un long métrage. Car, même si Minor Threats a tout d'une blague potache imaginée par un groupe de comiques, c'est une sacrée bonne BD, avec une histoire efficace et des dessins toniques à souhaits.
Ce troisième épisode met en avant Scalpel, l'équivalent de l'Infirmière de Nuit de Marvel dans cet univers de poche. Plusieurs fois, le récit fait place à des flashbacks sur son passé, depuis que, fillette, elle a assisté au meurtre de son père, médecin qui a refusé de s'associer à un super-vilain. Plutôt que d'embrasser une carrière de justicière pour le venger, elle est devenue la soignante du milieu, allant jusqu'à aider l'assassin de son paternel.
A travers elle, Patton Oswalt et Jordan Blum se font plus graves : ils dressent un portrait cynique de la communauté des criminels de Twilight City et plus précisément de la bande formée par Playtime. Il s'agit de gredins sympathiques mais sans scrupules, qui traquent le redoutable Stickman non pour se débarrasser d'un criminel mais bien pour empocher la prime promis pour sa capture et calmer le Continuum, les Avengers de la cité, qui veulent lui mettre la main dessus avant the Insomniac dont le sidekick, Kid Dusk, a été abattu.
Lorsque l'épisode démarre, on voit Playtime survivre miraculeusement à une chute de plusieurs étages après avoir reçu une balle perdue. Ses gadgets la sauvent avant que Scalpel lui prodiguent des soins. A cet instant, déjà, on voit ses acolytes se demander s'ils ne feraient pas mieux de la laisser pour morte, histoire d'aller plus vite et d'avoir plus d'argent à se partager. Seulement voilà Playtime sait comment retrouver le Stickman...
Un peu plus loin, alors qu'ils font une pause chez la mère de Playtime, Scalpel découvre que Snake Stalker a travaillé pour le Stickman et même s'il jure n'être plus à son service, le doute s'installe jusqu'au cliffhanger final car on découvre qu'il y a un traître dans l'équipe. Tout devient donc beaucoup plus ambigü dans cet épisode dont le morceau de bravoure voit les "héros" traverser une faille temporelle. Lors de cette scène, ils sont soumis à des visions délirantes mais aussi révélatrices. En examinant ces images, on peut lire à quel point chacun n'est pas net. Ce sont tous des tocards hantés par leurs échecs mais aussi rongés par des fantasmes, parfois morbides.
A cet approfondissement psychologique répond le dessin survolté de Scott Hepburn. Comme beaucoup d'artistes qui n'ont pas réussi à s'imposer chez les "Big Two" (souvent parce qu'ils sont barrés par des stars, pas forcément plus ponctuels mais plus vendeuses), Hepburn donne tout ce qu'il a avec Minor Threats.
Il s'est occupé des characters designs jusqu'à la conception de la ville de Twilight. On voit qu'il a soigné son ouvrage car tout est cohérent : l'esthétique est délirante mais solide, chaque décor est mémorable, chaque individu identifiable. Le découpage, très nerveux et spectaculaire, regorge d'invention, comme avec cette spalsh page où Scalpel analyse l'anatomie de Playtime comme on examine un écorché. Le plan est peu ragoutant mais quand on se penche dessus, il fourmille de détails insensés.
La fameuse scène de la faille temporelle, quasiment muette, est au tour de force où Hepburn compose des plans entremêlés, cauchemardesques et expressionnistes. Derrière ce trait vif et exubérant, il y a un dessinateur méticuleux, qui a beaucoup bossé et a voulu rendre justice à un script dingue. Le lecteur est comblé par l'exigence des auteurs.
Conclusion dans un mois pour ces Minor Threats qui n'ont rien d'un comic-book mineur.
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