Ce pénultième épisode de Batman vs. Robin est haletant et mouvementé. Mark Waid révèle les motivations du duo de méchants formé par le Diable Nezha et Mother Soul (la mère de Ra's Al Ghul et grand-mère de Damian Wayne) tandis que Batman se jette dans la gueule du loup. Mahmud Asrar a eu besoin du renfort de Scott Godleswki pour compléter cet épisode, mais le style des deux artistes est assez complémentaire.
Le Diable Nezha possède Alfres Pennyworth et voit donc arriver Batman sur l'île de Lazare. Damian envoie à la rencontre de son père Nightwing, Red Hood, Robin et Spoiler pour l'affaiblir.
Puis Damian se rend auprès de Talia Al Ghul, sa mère, à qui il reproche de l'avoir négligé et de lui prouver ses regrets. Il la livre à Mother Soul pour qu'elle réfléchisse.
Tandis que Batman combat successivement Red Robin, Red Hood et Spoiler, Damian fait la connaissance de Zou Bajie, torturé par Nezha, et qui lui révèle le plan de ce dernier.
Batman affronte Nightwing, son mielleur disciple. Le duel est disputé et Batman sacrifie Alfred dont il a deviné l'état. Nezha a eu ce qu'il voulait en touchant Batman au coeur.
Mais avant de disparaître définitivement, Alfred fait promettre à Bruce Wayne d'arrêter de se reprocher sa mort. Ce n'est qu'en se ressaisant qu'il pourra sauver Damian et vaincre Nezha...
En sachant que Batman vs. Robin va déboucher sur un event, Lazarus Planet, début 2023, la perception et l'appréciation qu'on a de cette histoire a changé, en tout cas en ce qui me concerne. Mark Waid, avec cette intrigue initiée dans le premier arc de Batman - Superman : World's Finest, série se déroulant dans le passé et donc détaché du reste, investit le présent et le futur avec évidemment l'intention de laisser une trace sur la continuité actuelle.
De fait, il procède de manière similaire à Geoff Johns avec Flashpoint Beyond qui a été la rampe de lancement au relaunch de Justice Society of America. Ce changement de perspective induit de s'engager dans un processus plus long si on est convaincu par l'amorce de l'histoire, en l'occurrence Batman vs Batman ici.
Si c'est une lecture agréable, je ne dirai pas pourtant qu'elle me séduit autant que World's Finest, dont le fait qu'elle se situe dans le passé joue beaucoup dans le charme qu'elle a. Pour le dire plus simplement et directement : je doute fortement de suivre Lazarus Planet qui, d'après ce que j'en sais, me paraît partir dans tous les sens avec des héros et des vilains transformés dans un récit où la magie est dominante et qui touche bien au-delà de Batman et Robin (Jon Kent, Red Canary, Cyborg, Power Girl, Martian Manhunter, et au centre duquel le Monkey Prince semble jouer un rôle crucial).
Je déplore un peu que Batman vs Robin ne soit pas une mini-série complète. En fait, cette extension - Lazarus Planet - souffre d'annonces parallèles où DC et Marvel vont enchaîner des nouveaux statu quo et events en 2023. Je le déplore d'autant plus qu'avec quatre épisodes de 50 pages, c'était déjà consistant pour boucler le dossier Nezha (ou au moins lui donner un deuxième acte satisfaisant, sans enterrer ce personnage).
Ce troisième et avant-dernier épisode est plein d'action et de révélations. Batman atterrit sur l'île de Lazare avec Alfred Pennyworth, dont on a découvert qu'il était sous l'emprise de Nezha. Mais le dark knight, au moment de s'enfoncer dans la jungle où il sait que Damian lui a tendu un ou plusieurs pièges, refuse que son majordome le suive, car il ne peut assurer sa protection en affrontant ce qui l'attend. On comprendra plus tard que Batman a deviné que Alfred n'était pas lui-même depuis le début de l'aventure (ce n'est pas le meilleur détective du monde pour rien...).
En parallèle des combats de Batman contre Robin (Tim Drake), Spoiler, Red Hood et finalement Nightwing, qui se succèdent avec un sens du rythme jamais pris en défaut, (Mark Waid sait comme personne doser ce genre de péripéties), on assiste à des scènes avec Damian sur lequel l'emprise de Nezha se desserre. Même s'il livre Talia Al Ghul, sa propre mère, à Mother Soul, il pose des questions plus lucides à Zou Baijie, prisonnier de Nezha, et apprend que Nezha se prépare à affronter son fils, le Roi Fire Bull. De sa victoire dépend le projet de Mother Soul de créer un nouvel eden, dont elle aura purgé la magie et les surhommes
Zou Bajie est un personnage issu de la série Monkey Prince de Gene Luen Yan et Bernard Chang, mais je ne la lis pas. Je serai donc incapable de vous présenter ces deux héros, et ils sortent de nulle part pour moi. Rien n'est fait pour nous les présenter, et Waid les intègre à son scénario comme si le lecteur était familier avec eux. Ce n'est pas trop gênant puisque Zou Bajie est surtout là pour nous apprendre que Nezha a un fils, apparemment assez puissant pour contrarier les plans de son père et de Mother Soul. Mais ça risque de devenir plus compliqué quand Lazarus Planet débutera puisque Waid co-écrira l'event avec Yang et que Monkey Prince est mis en avant dans les images promotionnelles.
A côté de cela, Waid réussit un tour formidable en concluant une sorte d'histoire fantôme, serpent de mer, qui traînait depuis le run de Tom King sur Batman : la mort d'Alfred Pennyworth. On a découvert à la fin de l'épisode précédent que le majordome était possédé par Nezha et là, Batman n'hésite pas à le sacrifier pour battre Nightwing, ayant deviné l'imposture. Nezha a ramené à la vie une sorte de version spectrale d'Alfred pour surveiller Batman (et le trahir). Batman ayant déjoué ce traquenard comprend qu'il a aussi condamné Alfred à une fin définitive. Mais Waid en profite pour que Batman puisse faire ses adieux dignement et qu'Alfred donne un dernier conseil de vieux sage à maître Bruce. Alfred ne reviendra donc pas (respect à la volonté de King, qui l'avait tué pour faire grandir Batman) mais lui et Bruce auront eu droit à leur dernier moment (récompense pour les fans, frustrés par l'idée de King).
L'épisode a visiblement été compliqué à compléter puisque, c'est assez rare pour le mentionner, Mahmud Asrar ne le dessine pas entièrement. Il est aidé par Scott Godlewski qui signe seul les planches 15 à 18 et 22 à 29 : son style ne jure pas avec celui de Asrar même s'il n'a pas la même puissance, la même densité - en vérité, depuis qu'il travaille pour DC, Godlewski a beaucoup perdu du charme qu'on lui connaissait à ses débuts sur le titre Copperhead (écrit et abandonné par Jay Faerber) et qui faisait penser à une version soft de Sean Gordon Murphy. Son trait est devenu plus lisse, aseptisé, et d'ailleurs l'éditeur le balade de titre en titre (même si, dernièrement, il a réalisé l'intégralité des six épisodes du crossover Justice League - Legion of Super Heroes, dernier travail de Bendis pour DC).
Asrar dessine donc l'essentiel de l'épisode malgré tout. Comme il abonde en scènes d'action, il s'amuse et c'est un régal à lire. A plusieurs reprises, le script l'autorise à des pleines pages où son sens de la composition et de la dramatisation fait merveille. Toutefois, il faut bien avouer que, à mes yeux du moins, Asrar, ne me paraît pas aussi à l'aise avec Batman qu'il l'a été avec Conan (écrit par Jason Aaron), son personnage favori. Il n'ajoute rien, graphiquement, au personnage, pas davantage à Robin, Red Hood, Spoiler et Nightwing (même si c'est avec celui-ci qu'il s'en tire le mieux).
L'expérience d'Asrar lui permet toutefois de produire de magnifiques plans et la scène d'adieu entre Bruce et Alfred est simplement mise en scène, avec beaucoup de sobriété, mais aussi une réelle émotion. Le tout soutenu par les couleurs, toujours impeccables, de Jordie Bellaire.
On va donc voir, dans un mois, comment Batman vs Robin s'achève tout en sachant que la conclusion sera ouverte pour Lazarus Planet. Waid saura-t-il vaincre ma réticence envers cet event ?
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