lundi 7 novembre 2022

COUP DE THEÂTRE, de Tom George


Coup de Théâtre est sorti en salles en Septembre, sans faire de bruit ni connaître le succès critique et commercial. Ce whodunnit a eu le malheur de passer après une franche réussite comme A Couteaux Tirés (Rian Johnson, 2019), devenu le mâitre étalon de ce sous-genre. Pourtant, tout n'est pas à jeter dans See How They Run (en vo) de Tom George, ne serait-ce que l'irrésistible tandem formé par Sam Rockwell et Saoirse Ronan.



Londres, 1953. La Souricière, pièce de théâtre écrite par Agatha Christie, célèbre sa centième représentation et sa productrice, Petula Spencer, vient de conclure un contrat avec le producteur de cinéma, John Woolf, pour une adaptation au cinéma, dirigée par Leo Köpernick. Hélas ! la fête tourne au drame quand on trouve ce dernier sauvagement assassiné en coulisses.


L'inspecteur Stppard est chargé de l'enquête, assisté par l'agent Stalker. Il considère tout le monde comme suspect mais aussi comme potentielle prochaine cible du tueur. Les relations d'Agatha Christie avec le ministre de l'Intérieur dissuade le commissaire Scott de fermer le théâtre comme le lui demande Stoppard.


Stoppard et Stalker commencent par interroger Mervyn Cocker-Norris, le scénariste du film à venir, qui a eu une altercation avec Köpernick comme l'a signalé le concierge de l'hôtel où était descendu le cinéaste. Mais Mervyn est trop jugé trop lâche pour être le tueur et il indique avoir vu la femme de Köpernick rentrer dans sa suite avec leur fils après leur dispute.


Stoppard et Stalker questionnent ensuite le producteur de cinéma John Woolf que köpernick avait fait chanter après avoir découvert qu'il avait une liaison avec son assistante pour avoir une suite à l'hôtel. Mais ayant accepté de reloger le cinéaste, il est blanchi. L'ouvreur du théâtre, Dennis Corrigan, parle, lui, d'un individu louche traînant en coulisses le soir de la centième mais en donne ue descritption trop vague pour être exploitable.


Stalker réprime difficilement son admiration pour Richard Attenborough quand elle doit le passe au grill avec Stoppard. Le comédien s'était querelllé avec Köpernick qui draguait sa fiancée Sheila Sim mais celle-ci lui ne l'a ensuite pas quitté de la soirée. Petula Spencer n'avait rien à reprocher à Köpernick mais plutôt à Woolf qui souhaitait tourner le film rapidement alors qu'elle lui imposait de le commencer une fois les représentations achevées pour ne pas éventer le nom du tueur dans la pièce.


Après avoir fait le point autour de plusieurs verres, Stoppard est ramené chez lui par Stalker qui remarque une photo de lui avec sa femme, qui correspond au signalement de celle de Köpernick. Le lendemain soir, ils assistent à une représentation de La Souricière au cours de laquelle Stoppard s'absente après avoir vu Cocker-Norris quitter sa place. Lorsque Stalker trouve Mervy mort, elle poursuit un suspect et assomme Stoppard. Il reprend connaissance au commissariat, confronté à la veuve de Köpernick qui affirme ne pas le connaître et l'innocente donc.


Stoppard reprend l'enquête seul mais Stalker fouine aussi de son côté et ils trouvent trace du fait divers qui a inspiré La Souricière. Cependant, toute la troupe se rend chez Agatha Christie où l'assassin l'a convoquée en produisant une fausse invitation signée par la romancière. Stoppard et Stalker arrivent juste à temps pour empêcher un nouveau meurtre...

Même s'il y a peu de chance que vous alliez voir (si tant est que vous le trouviez encore à l'affiche) Coup de Théâtre, je n'ai pas le coeur de vous spoiler l'identité du tueur. Mais cela est accessoire de toute manière car l'intérêt du film est ailleurs.

En effet, d'entrée, la voix off qui nous introduit dans ce whodunnit est celle de la victime, le réalisateur Leo Köpernick et il ironise sur les clichés récurrents de ce type d'histoires, avec l'inévitable scène finale où le policier chargé de résoudre l'affaire réunit tous les suspects dans une pièce, expose les mobiles de chacun, avant de pointer le coupable du doigt, souvent l'individu le plus improbable du lot afin de surprendre le spectateur.

C'est ainsi que Coup de Théâtre s'amuse des conventions et tente une approche métatextuelle mais qui veut rester assez légère car on est dans une comédie policière. C'est à la fois la qualité du projet et sa limite car en ne prenant pas au sérieux son sujet, elle empêche qu'on s'y investisse.

Le scénario de Mark Chapman est pourtant efficacement mis en scène par Tom George qui use de split-screens à plusieurs reprises, avec adresse, pour rythmer le récit et ne pas en faire un divertissent trop désuet puisqu'il s'agit aussi d'une intrigue se déroulant dans le Londres de 1953. On ne s'ennuie donc pas, même s'il faut un certain temps avant que la mécanique comique ne fonctionne vraiment car au début tout est un peu trop appuyé. Le film se moque trop de lui-même et du genre qu'il aborde pour ne pas paraître trop forcé, trop roublard.

Ce qui va sauver Coup de Théâtre, ce n'est donc pas son suspense, ni son dénouement (quand bien même il renvoie à celui imaginé par Köpernick pour le film adapté de La Souricière), mais bien son duo d'enquêteurs. Cet inspecteur Stoppard, alcoolique et enrhumé, et la constable Stalker, qui aspire à devenir sergent de police et souhaite que son supérieur sur l'affaire soit son mentor, notant absolument tout dans un carnet, forme un duo irrésistible. On n'a pas affaire à des limiers comme Hercule Poirot mais à une paire mal assortie, avec d'un côté un vétéran désinvolte, et de l'autre une agent qui est adepte des conclusions hâtives.

Chaque interrogatoire déjoue les pronostics car aucun des suspects ne correspond au tueur : en vérité, chacun déteste un autre que Köpernick lui-même, à part, et c'est amusant, Richard Attenborough qui a pris ombrage de la cour que faisait le cinéaste à sa fiancée. En effet, avec Agatha Christie qui intervient dans le dernier quart du film, le film inclut le célèbre comédien (joué par Harris Dickinson) dans l'histoire, sans en faire un portrait très flatteur d'ailleurs (il est imbu de lui-même). Christie non plus ne sort pas grandie de l'aventure, décrite comme une empoisonneuse (littéralement) qui exploite sans vergogne les idées des autres.

L'intrigue réserve donc son lot de fausses pistes, figures imposées du whodunnit, jusqu'à faire de Stoppard un suspect idéal dans une séquence parfaitement amenée. Mais ensuite le film retombe sur ses pattes jusqu'au dénouement classique, avec le tueur relativement inattendu. Comme nous avait prévenu Köpernick au tout début, tout est très/trop balisé dans ce genre et puisqu'on ne peut pas révolutionner le fond, il faut essayer d'étonner sur la forme. Sauf que Tom George apparaît à court d'idées visuelles à la fin.

La dernière étape incontournable de ce genre de films réside dans son casting et Coup de Théâtre ne déroge pas à la règle en affichant une belle troupe de comédiens. On retiendra particulièrement David Oyelowo, Reece Shearsmith et Ruth Wilson (respectivement : Mervyn, Woolf, et Spencer). Mais c'est surtout Adrien Brody, dans le rôle de Köpernick, qui fait le show et se taille la part du lion en composant une belle canaille, antipathique à souhait.

Stoppard et Stalker sont joués par Sam Rockwell et Saoirse Ronan. Rockwell est plutôt sobre, pour une fois, au point que parfois on le sent un peu éteint, à moins que ce ne soit une façon de coller à son personnage qui traite cette affaire avec une certaine désinvolture et beaucoup d'alcool. En revanche, Saoirse Ronan est divine, elle qu'on n'avait plus trop remarquée depuis Les Quatre Filles du Dr. March (Greta Gerwig, 2019). Son charme malicieux, sa silhouette fine, ses airs de midinette et sa manie de tout écrire fournissent les moments les plus drôles du film. En fait, son énergie débordante contraste merveilleusement avec la bonhomie de Rockwell et leur tandem fonctionne très bien grâce à ça.

Ce n'est certainement pas inoubliable mais divertissant. Idéal pour passer un dimanche pluvieux donc avant la tombée de la nuit à 17h 30.

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