J'ai beaucoup aimé le premier épisode de cette mini-série écrite par John Ridley et ce nouveau numéro de G.C.P.D. : The Blue Wall confirme la qualité du projet. On suit cette fois une autre des recrues de la police de Gotham, présentée le mois dernier, et l'intrigue qui se noue autour de lui est captivante et bien étudiée. Les dessins de Steafno Raffaele sont également excellents, même si la colorisation est toujours un peu trop sombre et uniforme.
L'agent Eric Wells, contrôleur judiciaire, vient d'apprendre qu'un des ex-détenus dont il a la charge est le braqueur de banque arrêté par son amie, l'agent Samantha Park. Il doute de lui-même.
La commissaire Renee Montoya doit aussi affronter la tempête car le comportement de l'agent Park, d'abord traîtée comme une héroïne, est maintenant critiquée par la hiérarchie et les médias.
Devante, un autre ancien détenu sous la surveillance de Wells, est abordé par un ancien complice pour un casse, dont le butin lui permettrait de subvenir aux besoins de sa femme et de leur futur enfant.
Mais Devante, que son passé empêche de trouver un job réglo, choisit de dénoncer les voleurs, arrêtés par la brigade de l'agent Ortega. Une décision qui s'avérera tragique...
Le principe de G.C.P.D. : The Blue Wall semble donc être de consacrer un épisode à chacune des nouvelles recrues de la police de Gotham que John Ridley a introduites dans le premier numéro. Après Samantha Park le mois dernier, c'est donc, comme l'indique la couverture, au tour d'Eric Wells.
Toutefois, avant d'aller plus loin, on distingue un fil rouge dans ce projet puisque, en parallèle, on suit Renee Montoya, devenue commissaire principal. Ridley s'emploie à la décrire comme une femme de terrain désormais en charge de toutes les forces de l'ordre de la métropole. Le scénariste montre avec brio combien cette nouvelle situation cause de tracas à cette femme qui a été promue certes pour ses mérites mais aussi pour ce qu'elle représente - une femme, latino, gay.
Montoya n'aime guère son nouveau job et ne s'en cache pas. Elle doit composer avec des intérêts divers : la hiérarchie la pousse dans un premier temps à profiter de l'agent Park pour son geste héroïque puis, ensuite, à la lâcher, voire la blâmer, parce qu'elle a failli et avoué ne pas avoir ouvert le feu par peur sur un braqueur ayant blessé des passants. On saisit parfaitement le dilemme qui se pose à Montoya entre l'envie de ne pas sacrifier une jeune recrue et sa responsabilité de chef de ne rien laisser passer, d'autant plus que les médias font pression et que l'image du GCPD est mauvaise.
Ce qui est un peu moins plaisant pour le lecteur et décevant de la part de Ridley est la référence pesante à Harvey Dent/Double-Face, un des super-vilains les plus fameux de Gotham dont l'histoire est liée à Montoya (comme établie dans Gotham Central, par Ed Brubaker, Greg Rucka et Michael Lark, il l'avait kidnappée, séquestrée, fait accuser de meurtre, ce qui a abouti à un traumatisme durable chez elle).
Toujours ramener Montoya à Dent est non seulement répétitif et peu original, mais cela revient surtout à ne définir ce personnage que par rapport à son statut de victime traumatisée, hantée par Double-Face même quand ce dernier semble ne plus la persécuter. On verra comment cette partie de l'histoire évolue, s'il s'agit d'une volonté de Ridley d'intégrer Dent à son projet ou s'il s'agit d'une fausse piste (point sur lequel cet épisode joue).
Pour en revenir au protagoniste de l'épisode, Eric Wells est donc un jeune contrôleur judiciaire. Sa bienveillance lui vaut les railleries récurrentes de son instructeur, Phelps, pour qui les détenus libérés ne comprennent que la peur. Il se trouve que l'agent Park a procédé à l'arrestation d'un braqueur ayant blessé plusieurs passants et qui était suivi par Phelps et Wells. Pour ce dernier, c'est un échec perturbant.
Un autre cas va l'occuper : Devante, lui aussi, sort de prison. Il vit avec sa femme qui attend leur premier enfant, mais son casier judiciaire lui vaut des refus répétés auprès des employeurs à qui il se présente. Wells lui dit de ne pas se décourager mais avec un bébé à naître et un loyer à payer, Devante doute que cela suffise. Il est bientôt abordé par un ancien complice qui lui propose un coup fumeux mais qui le mettrait à l'abri du besoin. Pourtant le simple fait de parler à cet ancien acolyte peut déjà renvoyer Devante derrière les barreaux comme le lui rappelle Wells quand il l'apprend.
Pour ponctuer l'épisode, Ridley n'oublie pas Park et Danny Ortega. La première en veut à Montoya de ne pas l'avoir soutenue même si elle est consciente d'avoir commis des erreurs graves. Elle pensait que, étant issue d'une minorité comme la commisssaire, il y aurait une solidarité. Ortega, lui, doit supporter le racisme de ses collègues et les reproches de son père, qui le trouve bien naïf d'avoir cru que la police de Gotham accueillerait gentiment un porto-ricain même né sur le sol américain. Ces scènes servent à étoffer la personnalité et à enrichir la trame de la série et prouve que Ridley a à coeur de dresser un tableau sans concessions, ne cherchant ni à faire de ses jeunes héros des individus angéliques ni à enjoliver le contexte dans lequel ils exercent.
La conclusion de la ligne narrative impliquant Devante est surprenante et tragique. Le jeune homme fait un choix terrible qui dit tout son désespoir sur l'impossibilité de se réinsérer et d'échapper à son passé. Mais il accomplit aussi un geste héroïque et généreux, en ayant une idée pour effectivement permettre à sa femme et son enfant d'être en sécurité. Cependant, pour Wells, le résultat le plonge à nouveau dans des tourments et à son tour, comme Park et Ortega, il se met à questionner le système, depuis la prise en charge des anciens détenus jusqu'au comportement de la hiérarchie policière. L'expérience de ces trois jeunes flics est teintée d'amertume, de désillusions, et c'est écrit avec beaucoup de subtilité et de force.
Stefano Raffaele capte tout cela dans son dessin. L'artiste italien est parfois un peu gauche quand il s'agit de composer certains plans, en particulier lorsqu'il faut orchestrer une scène d'action, même très simple. Il est nettement plus à l'aise quand il s'agit de cadrer un dialogue.
Pour cela, il a recours à un découpage très simple, qui s'attarde sur des gros plans de visages où les émotions qui traversent les personnages sont trés lisibles. On ressent la fatigue de Montoya et son côté désabusé quand elle se met à parler au poisson rouge dans son bocal que lui a offert son frère Benny.
Eric Wells est bien campé également. C'est un jeune homme corpulent avec une attitude aimable, mais qui peut être cassante quand il est excédé apr Devante. On comprend d'ailleurs sa réaction à cet instant quand, auparavant, Phelps lui a conseillé d'être plus ferme avec les ex-détenus dont il s'occupe. De coup, le lecteur a conscience que Eric se force à être dur et le regrette vite ensuite, car il joue contre sa nature.
Cela prend une dimension dramatique dans la dernière partie dee l'épisode avec l'arrestation des braqueurs et la disparition de leur chef mais aussi celle de Devante. Une course contre la montre s'engage pour localiser ces derniers avant que le premier ne se venge du second. Le dénouement est poignant et Raffaele encore une fois le dessine avec beaucoup de sobriété, une direction payante car la situation se suffit à elle-même et il n'y a pas besoin d'en rajouter visuellement.
Toutefois, j'exprimerai le même bémol pour cet épisode que pour le premier en ce qui concerne la colorisation de Brad Anderson. Celle-ci est sombre et trop monotone, ce qui donne l'impression désagréable que toutes les scène baignent dans la même ambiance et ce qui atténue donc les pics émotionnels de l'épisode. Anderson n'est pourtant pas un mauvais coloriste (son travail sur Justice League Dark, notamment, était exceptionnel), mais ici, ça ne fonctionne pas.
Ceci mis à part, G.C.P.D. : The Blue Wall confirme ses qualités. Cette mini-série est formidablement écrite et servi par des dessins solides, même si perfectibles.
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