vendredi 23 septembre 2022

BATMAN - SUPERMAN : WORLD'S FINEST #7, de Mark Waid et Dan Mora


Quel bonheur de retrouver chaque mois cette série ! Mark Waid et Dan Mora (de retour après sa courte absence le mois dernier) reviennent avec un nouvel arc déjà jubilatoire : comme l'indique la couverture, on fait ici connaissance avec un personnage inédit, dont le parcours évoque fortement celui de Superman. C'est beau, malin et jouissif.


David Sikela vit sur une planète condamnée et ses parents le placent dans une capsule pour le sauver. Projeté dans l'espace, il assiste à la fin de son monde et traverse le multivers.
 

David atterrit sur notre Terre et Batman, Robin et Superman se rendent sur le lieu du crash. Mais le garçon manifeste des pouvoirs dangereux, réveillés par le stress. Superman l'apaise.


Après quelques examens à Kandor, David Sikela rejoint Gotham où Batman a trouvé les Sikela de notre Terre. Mais ils ont perdu leur fils quand il était encore enfant. David est affligé.


Superman est prêt à prendre David sous son aîle mais Robin a une meilleure idée et l'emmène voir des amis de leur âge qui pourront le soutenir dans l'épreuve qu'il traverse...

Comment Mark Waid fait-il ? Avec lui, tout sonne si juste, c'est un petit miracle, et le début de cette nouvelle histoire vient à nouveau le prouver. Un nouvel arc débute pour Batman -Superman : World's Finest où il est question d'une intrigue qui renvoie aux origines du man of steel.

La couverture nous présente the Boy Thunder, un personnage inédit, et comme l'action de la série se situe dans le passé (puisque Dick Grayson est encore Robin), c'est une petite retcon. Mark Waid, qui, autrefois, réécrivit (comme d'autres avant et après lui) le passé de Superman (dans Birthright, dessiné par Leinil Yu), s'amuse ici à imaginer ce qui arriverait si un adolescent débarquait sur Terre dans les mêmes conditions que celles de Kal-el.

David Sikela provient d'une Terre parallèle qui a explosé, mais ses parents ont réussi à lui épargner cette fin tragique en l'expédiant dans une capsule spatiale. Différence notable : le garçon n'a pas pas fait que traverser l'espace, il a parcouru le multivers et fini par atterrir sur notre Terre (la Terre-0). Jusqu'à présent, ce genre de périple était en quelque sorte la spécialité des speedsters, comme Flash.

De manière identique, David développe des pouvoirs considérables très rapidement et Superman l'emmène dans la cité miniaturisée de Kandor pour qu'il passe quelques examens. On fournit au jeune homme un costume permettant de contenir ses capacités. Pendant ce temps Batman mène son enquête et fait une découverte déchirante pour David...

A ce stade, évidemment, impossible de savoir où Mark waid va nous mener. Toutes les hypothèses sont possibles : David peut devenir un héros ou un méchant en fonction de sa capacité de résilience ? Plus globalement, Waid va-t-il chercher à l'installer dans la continuité en procédant à une retcon officielle (un oprocédé qui n'aurait rien d'exceptionnel dans l'écriture du DCU) ? Ou bien ce nouvel arc narratif aboutira-t-il à un simple passage de ce personnage dans le passé dans lequel se situe la série, tout en restant un souvenir marquant pour les protagonistes ?

Ce qui est sûr, c'est que Waid réussit un épisode dense et mené sur un rythme très soutenu. les émotions se succèdent à toute allure sans pourtant qu'on ait le sentiment que ça aille trop vite. Les parallèles dressés entre Superman et David sont habilement mis en scène, et si Batman apparaît un peu en retrait, son rôle reste déterminant. Surtout Robin devient bel et bien le troisième membre de World's Finest, et l'apparition finale des Teen Titans (dans leur formation originelle, des années 60, avec Aqualad, Kid Flash, Speedy et Wonder Girl) joue à fond sur l'effet madeleine de Proust (comme c'était le cas dans la mni-série Robin & Batman de Jeff Lemire et Dustin Nguyen, sortie il y a quelques mois sur le DC Black Label).

Après son absence le mois dernier, Dan Mora revient pour notre plus grand ravissement (bien que Travis Moore ait fait office d'intérimaire de luxe). L'artiste va bientôt pouvoir se consacrer pleinement au titre puisque son autre série (Once & Future, écrite par Kieron Gillen, chez Boom ! Studios) touche à sa fin).

Encore une fois, on ne peut qu'admirer l'énergie du dessin de Mora, alors qu'il abat quarante planches mensuelles. C'est impressionnant. Mais on sent surtout qu'il trouve son inspiration dans l'amour qu'il porte à ces personnages et à la série elle-même. Et ça, àa transpire à chaque page, où rien n'est bâclé.

Comme Waid, Mora semble avoir à coeur de mettre en scène un Superman qui soit convaincant, séduisant. On prétend souvent que le man of steel est démodé - d'ailleurs, c'est cet argument qui est fréquemment exprimé par Warner Bros. pour justifier que le krytonien n'ait plus de film programmé (et donc que Henry Cavill ne revienne pas).

Mais le miracle que réalisent Waid et Mora, c'est de ne jamais considérer Superman comme un personnage sacré, ce qui est le meilleur moyen pour effectivement le pétrifier. Au contraire, il est expressif, le parfait contrepoint d'un Batman ombrageux, cérébral. Superman, c'est le coeur, la lumière, et si tous les scénaristes qui l'animent le comprenaient ainsi, tous les lecteurs verraient à quel point Superman est intemporel, à quel point il fonctionne aussi bien aujourd'hui que jadis. Il ne faut pas traiter Kal-el comme une statue du commandeur, mais comme un héros certes puissant mais aussi plus qu'humain - ce qui ne signifie pas surhumain, au-dessus des humains, mais intégré aux humains, désormais plus humain que kryptonien.

C'est ce Superman qu'on voit là, et l'effet est souligné par la présence de David Sikela, qui montre vraiment à quel point Superman est un être compassionnel, touchant, et pas une sorte de demi-dieu, un übermensch. Un traitement si juste d'un personnage est la preuve qu'il est entre les meilleurs mains.

Si certains comics s'épuisent vite, à cause d'histoires peu inspirées, de personnages mal animés, d'egos d'auteurs encombrants, Batman - Superman : World's Finest donne à voir combien Mark Waid et Dan Mora sont des auteurs-artistes intelligents et talentueux, d'abord soucier de bien faire, ce qui reste encore le meilleur moyen de produire des comics plaisants pour le plus grand nombre.

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