J'aime décidément beaucoup ce que Gerry Duggan fait avec Fall of X : on a le sentiment que le scénariste se lâche comme jamais et surtout il traduit à merveille l'ambiance oppressante de cette période. Dans ce X-Men #27, il ne reste pas en place, divisant l'épisode en deux parties distinctes, également intéressantes et prometteuses. Le dessin est assuré par Phil Noto qui a dû remplacer au pied levé Stefano Caselli, initialement prévu.
Shadowkat infiltre une prison d'Orchis où elle trouve le Fléau et découvre que son voisin de cellule est Cyclope dans un sale état et qu'elle ne peut libérer. De retour auprès de Synch, Talon, Ms. Marvel et Rasputin IV avec un casque Cerebro, elle les laisse aller rendre une visite aux 4 Fantastiques, eux aussi indésirables à New York...
Au fur et à mesure des épisodes se déroulant dans ce nouveau statu quo qu'est Fall of X, on mesure à quel point Gerry Duggan est un scénariste qui n'est jamais aussi bon que dans un cadre strictement établi. C'est déjà frappant avec Uncanny Avengers, ça semble l'être avec Invincible Iron Man (série également impactée par les mésaventures actuelles des mutants), et surtout avec X-Men.
En toute honnêteté, je ne trouve pas que Gerry Duggan a l'étoffe d'un grand scénariste susceptible d'apporter quelque chose de renversant à la franchise. Mais c'est un professionnel expérimenté maintenant et qui potasse ses dossiers de manière appliquée pour sortir de bonnes histoires, divertissantes.
A ce jeu-là, en tout cas, il est autrement plus convaincant que d'autres auteurs Marvel que l'éditeur a décidé d'éprouver sur de gros titres (comme Ryan North sur Fantastic Four ou Jed MacKay sur The Avengers). Tout simplement parce qu'il se plie plus facilement aux contraintes : mieux il s'y épanouit.
Comme, avec Kieron Gillen, c'est lui qui a précipité Fall of X avec le dernier Hellfire Gala en date, il a dû se préparer à raconter quelque chose de sensiblement différent de ce qu'on lui demandait jusqu'alors, c'est-à-dire mettre en scène les X-Men comme les champions de Krakoa, une équipe de super-héros dont la particularité est de ne comporter que des mutants.
Or, pendant les deux dernières années, on a pu constater que Duggan affichait ses limites dans cet exercice trop convenu. Les intrigues, les adversaires qu'il imaginait pour les X-Men n'avaient rien de bien palpitant : c'était efficace, bien fait, mais sans grand relief. Désormais que la crise est là, que les mutants sont à nouveau en position de faiblesse (comme ils l'ont rarement été), le cadre n'est certes pas original mais fournit à Duggan des ressorts dramatiques qu'il manie bien mieux.
La série est devenue plus dure, plus sombre, plus désespérée et en conséquence l'adversité est partout. Les X-Men sont acculés, diminués, face à Orchis qui a réussi à les entamer sérieusement, à retourner l'opinion contre eux. On n'est en vérité pas si loin de ce que Brubaker faisait quand il écrivait Captain America avec cette atmosphère poisseuse, noire, dépressive et un héros qui semblait ne jamais voir le bout du tunnel après avoir retrouvé Bucky Barnes changé en Soldat de l'Hiver et Crâne Rouge en coulisses.
Il y a donc maintenant un côté polar, série noire dans X-Men qui lui va bien, je trouve. C'est la guerre, tous les mutants sont réquisitionnés, sont des X-Men, doivent se salir les mains au besoin, gagner des points patiemment face à un ennemi omniprésent, malin, retors, organisé, puissant. C'est ce qu'on voit spécialement avec ShadowKat qui joue les ninjas et découvre ce mois-ci les conditions de détention du Fléau et surtout de Cyclope qu'elle ne peut même pas faire évader (je ne vous dis pas pourquoi pour ne pas spoiler mais c'est terrible).
L'autre partie de l'épisode met en avant Rasputin IV, la chimère conçue dans le futur de Powers of X par Mr. Sinister, désormais présente à notre époque. Comme toutes les chimères, elle possède les pouvoirs de plusieurs mutants mais sans avoir la puissance des originaux. Avec Synch et Talon, promus bien malgré eux chefs de la résistance, et Ms. Marvel, et muni d'un casque Cerebro récupéré par ShadowKat, ils vont demander de l'aide à Mr. Fantastic.
Comme les FF sont eux aussi hors de New York (suite aux événements dévoilés dans le premier arc de leur série - je vous renvoie aux critiques que j'avais rédigées de la série écrite par Ryan North), la rencontre se passe dans un environnement dépaysant, qui permet au lecteur de respirer un peu. Duggan revient sur une histoire développée dans la mini-série X-Men/Fantastic Four de Chip Zdarsky et Terry Dodson en 2020 quand Krakoa avait invité Franklin Richards à séjourner sur Krakoa. Pour résumer : méfiant, Reed Richards avait alors trouvé un moyen d'altérer le gène X de son fils afin qu'il ne puisse franchir le portail krakoan.
Aujourd'hui si les X-Men savaient à nouveau comment Reed avait réussi cela, ils pourraient échapper à leurs persécuteurs pour mieux les frapper. Mais Mr. Fantastic ne se souvient plus de ce qu'il a fait car Charles Xavier a effacé sa découverte de son esprit... Là encore, je ne vais pas vous spoiler comment cela lui revient mais Duggan emploie Ms. Marvel avec beaucoup d'à-propos dans une scène-clé.
Visuellement, l'épisode est, disons-le, assez faible. Pourtant j'aime beaucoup Phil Noto mais il est évident qu'il n'a pas disposé de beaucoup de temps pour livrer ses planches (que, comme d'habitude, il dessine, encre et colorise lui-même).
La raison en est simple : au départ X-Men 27 devait être illustré par Stefano Caselli, or celui-ci a fait ses adieux aux mutants il y a deux mois avec le n° 25, qui comptait une pagination plus conséquente qui plus est. Après quoi il s'est mis au boulot sur le one-shot Ultimate Universe qui sortira le mois prochain.
Marvel a dû donc trouver un artiste rapide et vite. Phil Noto est capable de relever le défi mais il a dû quand même se presser car plusieurs pages sont expédiées. Les décors sont pauvres, certains personnages sont rapidement croqués, sans finitions, et la colorisation est également peu nuancée.
Noto réussit les scènes les plus faciles, comme quand ShadowKat infiltre la prison. La suite est beaucou moins convaincante et lorsque les X-Men rencontrent les FF et que Rasputin IV écarte la Torche puis la Chose, on sent vraiment que Noto a dû faire vite. Comme les scènes d'action ne sont pas son fort en général, c'est particulièrement flagrant. Je reste quand même indulgent en prenant en compte les conditions dans lesquelles il a travaillées mais bon, c'est pas fameux éditorialement.
La fin de l'épisode annonce déjà le programme du suivant où Firestar va passer un sale quart d'heure. Mais chut ! Et rendez-vous dans un mois.
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