lundi 2 octobre 2023

NO ONE WILL SAVE YOU... Et c'est vrai !


Quand Guillermo de Toro et Stephen King recommandent un film, la moindre des choses est de vérifier s'ils ont raison. C'est ce qui attiré mon attention sur No One Will Save You (traduit en vf par Traquée - bonjour l'inspiration du traducteur...), deuxième long métrage écrit et réalisé de Brian Duffield. Mieux qu'un énième opus d'horreur, il s'agit surtout ici d'épouvante et d'exercice de style puisque le film est quasiment muet !

Attention ! Ce qui suit contient des SPOILERS !


Encore adolescente, Brynn et sa meilleure amie Maude se disputent et la seconde fait tomber la première parterre dans une forêt. Brynn se relève en saisissant un caillou avec lequel elle frappe Maude à la tête, la tuant accidentellement. Ce drame a mis au ban Brynn dans la ville où elle a grandie et elle vit depuis seule, à l'écart de tout, dans la maison que lui a laissée sa mère.


D'(un tempérament anxieux, dévorée par la culpabilité, Brynn, aujourd'hui jeune femme, passe son temps à fabriquer un modèle réduit de la ville voisine et à coudre des habits qu'elle revend ensuite sur un site internet. Une nuit, elle est réveillée par le bruit d'une poubelle métallique qui est tombée dans son jardin. Elle se lève et descend la ramasser lorsqu'elle aperçoit une étrange silhouette au rez-de-chaussée. Elle tente de s'échapper mais l'intrus a des pouvoirs télékinésiques avec lesquels il la rattrape. Elle se débat et le tue en lui plantant dans le crâne un des bâtiments miniatures du modèle réduit de la ville.
 

Brynn examine l'extraterrestre et recouvre son corps avec une couverture. Puis elle constate qu'il a désactivé avec ses pouvoirs tous les équipements électriques et électroniques de la maison. Au petit matin, elle enfourche son vélo pour gagner la ville mais découvre en chemin la camionnette du facteur renversée sur la route puis une maison également visitée dans la nuit, dont les habitants ont disparu. Une fois en ville, elle entre dans le poste de police et se trouve nez à nez avec les parents de Maude (dont le père est policier). La mère lui crache au visage.


Brynn ressort et décide de prendre le bus pour quitter la ville. Mais plusieurs passagers, possédés par un parasite, se mettent à l'agresser. Elle réussit à sortir du bus et part en courant à travers bois. De retour chez elle, elle se calfeutre mais la nuit venue les extraterrestres resurgissent en commençant par récupérer le cadavre de leur semblable. Puis Brynn est attaquée par deux autres aliens qu'elle réussit à tuer avant d'être poursuivie à l'extérieur par un troisième qu'elle piège dans sa voiture à laquelle elle met le feu.


Brynn retourne dans la maison mais un quatrième extraterrestre l'immobilise et lui fait avaler un parasite pour la contrôler. Des hallucinations lui montrent alors ce qu'aurait été sa vie sans la mort de Maude et de sa mère. Pourtant Brynn réagit et vomit, expulsant le parasite. Elle disparaît dans la forêt jusqu'à ce qu'elle tombe sur son double alien qui la poignarde et qu'elle égorge avec un cutter. Elle est alors aspirée à l'intérieur d'une soucoupe volante en vol stationnaire au-dessus de la forêt.


Sondée télépathiquement par ses ravisseurs, Maude les trouble suffisamment en leur révélant son passé pour qu'ils la relâchent. Finalement, Brynn reprend le cours de sa vie en cohabitant avec ses voisins, tous sous l'emprise des extraterrestres, mais désormais beaucoup plus aimables avec elle.

Je ne connaissais pas le scénariste et réalisateur Brian Duffield avant de voir No One Will Save You. J'ai depuis appris qu'il avait signé un premier film, Spontaneous, déjà salué par les critiques. Toutefois, c'est sans commune mesure avec l'accueil reçu par ce nouvel opus, produit par Hulu et disponible sur Disney +.

Un buzz incroyable entoure le film depuis sa mise en ligne et les commentateurs s'étonnent qu'il n'ait pas eu droit à une sortie en salles, certains qu'il aurait rencontré un beau succès. Deux des fans du film se sont exprimés avec enthousiasme sur les réseaux sociaux pour encourager le public à le découvrir et ce ne sont pas les premiers venus puisqu'il s'agit de Guillermo del Toro (le cinéaste à qui on doit Hellboy, La Forme de l'Eau, Nightmare Alley) et Stephen King (le romancier auteur de La Tour Sombre, Carrie, The Shining).

Quand deux célébrités aussi respectées vous conseillent un film, la moindre des choses, c'est de vérifier si ça en vaut la peine. La réponse est un grand "oui". No One Will Save You est d'ores et déjà une des meilleures surprises de cette année, un petit film malin, qui va vous faire sursauter souvent, très original, très efficace. C'est aussi un exercice de style magistral puisqu'il est quasiment dénué de dialogues !

Les seuls sons que vous entendrez ici sont la musique et les bruitages (dont le roucoulement flippant émis par les aliens quand ils communiquent entre eux ou s'adressent à leurs proies). Quand les humains s'expriment, Duffield fait toujours en sorte qu'on ne les voit pas parler à l'image, mais toujours hors-champ ou de manière assez éloignée pour qu'on n'identifie pas celui qui prend la parole. Le reste du temps, ce ne sont que râles, borborygmes, respirations, souffles, cris, onomatopées.

De fait, même si est souvent effrayé, si on frémit pour l'héroïne, ce n'est pas un film d'horreur. Il s'agit d'un film d'épouvante et la nuance est cruciale car tout passe ici par la suggestion, à tel point qu'à plusieurs reprises le cinéaste suggère que tout ça se passe dans la tête de Brynn. En effet, on peut douter de ce qu'elle voit et traverse quand on considère sa façon de vivre et son passé. Responsable de la mort de sa meilleure amie, orpheline, elle vit isolée dans une grande maison à l'écart de tout, n'ayant aucune interaction sociale avec quiconque. Sinon via une correspondance qu'elle tient en s'adressant à Maude, sa meilleure amie, qu'elle a donc tuée accidentellement.

A la toute fin, la confusion est encore mieux entretenue car, après avoir été relâchée par les extraterrestres, elle perd connaissance et quand elle se réveille, elle est dans son lit et sa maison ne porte plus aucun stigmate des événements traumatisants qu'on a vus. Mieux : ses voisins sont dans sa propriété, occupés à dresser des buffets et à accrocher des décorations pour une soirée festive. Le soir venu, tout le monde danse joyeusement et Brynn passe de bras en bras. Avant que le téléspectateur ne se rende compte qu'en vérité tout ça dissimule une réalité glaçante, dont a parfaitement conscience la jeune femme.

On pense à 10 Cloverfield Lane (autre petit chef d'oeuvre), Les Dents de la Mer de Spielberg mais surtout à Jacques Tourneur, le réalisateur de La Féline et Rendez-vous avec la peur, le maître absolu de l'horreur suggestive, de l'épouvante élégante. Je ne serai pas étonné d'apprendre qu'il s'agit de la référence de Brian Duffield qui a dû composer avec un budget serré (à peine 22 million de dollars) mais a su les dépenser intelligemment pour un maximum de frissons. D'ailleurs, le réalisateur ne cherche pas à révolutionner le genre, il semble même s'en moquer quand on détaille l'aspect de ses aliens, proche des créatures soi-disant disséquées à Roswell, mais auxquelles il donne une gestuelle et des dimensions particulièrement cauchemardesques.

Contrairement à Tourneur, Spielberg et Dan Trachtenberg cependant, Duffield montre très vite et clairement à quoi ressemblent ses envahisseurs. La surprise réelle vient quand on se rend compte qu'il n'y en a pas qu'un ou quelques-uns mais qu'on assiste bien à une attaque d'envergure. Dès lors le look des créatures n'a que peu d'importance, tout comme le fait que leurs vaisseaux sont de classiques soucoupes volantes : ce qui compte, c'est bien de savoir comment un pauvre jeune fille apparemment sans défense va se sortir de cette situation. Et c'est là que le titre prend tout son sens : effectivement personne ne va venir la (vous/nous) sauver.

Co-productrice du film, Kaitlyn Dever s'est donc accaparée le rôle de Brynn et produit une authentique performance. J'avais découvert cette jeune actrice aussi jolie que renversante dans la série Unbelievable (il faudra que je pense à en tirer un article) puis dans le premier film de Olivia Wilde, Booksmart. Mais ce qu'elle accomplit ici est extraordinaire : elle fait passer une foule d'émotions par la seule force des expressions de son visage et de sa gestuelle. Elle n'a pas besoin de parler, tout est là, et le procédé s'avère bien plus efficace car on s'attend à ce qu'elle finisse par s'exprimer sans que cela arrive, ce qui contribue à nous vriller les nerfs.

Cette série B a la classe des meilleurs films. L'imagination est au pouvoir et rien n'est en trop durant les 93 minutes que dure No One Will Save You. J'ai moins d'influence que Guillermo del Toro et Stephen King mais, comme eux, je vous recommande vivement cet authentique ovni.

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