dimanche 8 octobre 2023

UNBELIEVABLE... Mais vrai


J'avais promis, après avoir écrit la critique du formidable No one will save you, de vous parler de la mini-série Unbelievable dans laquelle j'avais découvert Kaitlyn Dever. Chose promise, chose due : c'est en 2019 que Netflix mit en ligne les huit épisodes de ce show créé par Michael Chabon, Susannah Grant et Ayelet Waldman d'après l'enquête journalistique de T. Christian Miller et Ken Armstrong en 2015. C'est donc inspirée d'une histoire vraie et il faut mieux avoir le coeur bien accroché avant de s'y plonger.
 

2008, Lynnwood, Etat de Washington : Marie Adler, qui a toujours vécu en famille d'accueil, bénéficie désormais d'un programme de soutien social pour adolescents en difficulté. Elle confie à son ancienne mère adoptive, Judith, avoir été violée puis répond aux questions des inspecteurs Parker Pruitt qui lui demande de répéter plusieurs fois son agression. Tandis qu'elle est examinée à l'hôpital, la police la police trouve peu de preuves dans son appartement. Colleen qui l'a accueillie avant Judith l'aide à déménager mais Judith explique aux inspecteurs que Marie est en recherche d'attention et donc il faut de demander si ce qu'elle prétend est vrai. Parker Pruitt poussent Marie à se rétracter, ce qu'elle finit par faire et qui lui coûte la confiance de ses amis et éducateurs.


L'affaire est bouclée mais fuite dans les médias et Marie est harcelée par des journalistes. 2011, Golden, Etat du Colorado : l'inspectrice Karen Duvall enquête sur le viol d'Amber Stevenson qui signale que son agresseur avait une tâche de naissance au mollet gauche et l'a photographiée avant et après l'attaque. 2008 : Marie, éprouvée par ce qu'elle traverse, a du mal à se concentrer sur son travail. Ses éducateurs la sanctionnent lui imposant un couvre-feu tandis qu'elle essaie de se confier à Colleen dont le mari, Al, la repousse par crainte de la publicité. 2011 : Max, le mari de Duvall, également policier, évoque avec elle une affaire similaire qui s'est produite à Westminster et lui suggère de contacter l'inspectrice Grace Rassmussen, chargée de l'enquête. Les deux femmes décident de travailler ensemble.


Selon Karen, l'agresseur pourrait être un policier car, sachant que les départements de police ne communiquent par entre eux, il commet ses méfaits à chaque fois dans une juridiction différente.. Avec Grace, elle se met à éplucher les dossiers concernant des affaires similaires dans la région et Grace tombe sur une affaire troublante qui a eu lieu à Aurora il y a 3 ans. 2008 : Marie est devenue le sujet de ragots et trouve du réconfort auprès d'un ami, Connor, avant d'apprendre que la ville la poursuit pour déclaration mensongère, ce qui risque de l'exclure du programme de soutien social, même si Ty, un éducateur, jure de l'aider.
  

2011 : Un suspect aperçu près du domicile de Amber Stevenson est arrêté mais faute d'être identifié formellement par la victime, il est remis en liberté. Grace demande, à son mari, Steve, qui travaille pour le bureau du procureur, de se renseigner sur des plaintes déposées contre des policiers pour violences conjugales. 2008 : Ty trouve un avocat, Donald Hughes, à Marie et il va négocier avec le procureur. A la télé, Colleen voit un reportage sur une femme violée à Kirkland et en parle à Marie mais celle-ci refuse d'en parler à la police par peur. 2011 : Karen et Grace apprennent qu'un nouveau viol a été commis à Denver.
 

Grace interroge la victime, Lily, qui se plaint de la manière dont l'inspecteur Harkness qui a pris sa déposition l'a traitée alors que tout indique qu'elle a été agressée par le même homme que Amber Stevenson. 2008 : A bout de nerfs, Marie se dispute avec son employeur et démissionne. Colleen parle à l'inspecteur Parker du reportage qu'elle a vu mais celui-ci ne veut rien entendre. 2011 : Grace et Karen étudient les dossiers de plusieurs policiers fournis par Steve et détectent un suspect, l'officier James Massey.


Grace tente d'obtenir un prélèvement ADN de Massey mais celui-ci la menace de poursuites judiciaires. 2008 : Donald Hughes annonce à Marie qu'elle devra payer une amende et suivre une mise à l'épreuve dans le cadre des poursuites entamées par la ville. Furieuse, elle se met à boire et ne respecte pas le couvre-feu, ce qui lui vaut d'être exclue du programme de soutien. Judith paie l'amende et la recueille. 2011 : un nouveau suspect, Chris McVarthy, dont le véhicule a été repéré sur plusieurs scènes de viol, est arrêté avec son frère Curtis.


Grace et Karen pensent que els frères McCarthy ont pu commettre les viols en tandem. Mais Curtis a des alibis solides et il est relâché. 2008 : Marie est contrainte de suivre une thérapie et raconte à la psychologue qui la reçoit son viol et ses démêlés avec la police. La psy la croit. 2011 : Le domicile de Chris McCarthy est perquisitionné et la police trouve des preuves accablantes contre lui, dont des photos de ses victimes. Parmi elles : Marie Adler.


Grace envoie le dossier avec la photo de Marie à l'inspecteur Parker qui réalise alors son erreur. Il informe Marie de l'arrestation de Chris McCarthy et lui remet un chèque de 500 $ de la part de la ville pour le préjudice subi. A son procès, McCarthy plaide coupable mais plusieurs de ses victimes acceptent de témoigner et il est condamné à 327 ans de prison. Marie poursuit la ville de Lynnwood qui la dédommage à hauteur de 150 000 $ et lui présente des excuses publiques. Avec cet argent, elle s'achète une voiture et part. Elle s'arrête devant le commissariat où Parker lui demande pardon, mais pas Pruitt. Puis elle appelle Karen Duvall pour la remercier d'avoir arrêté McCarthy.

Quand j'écrivais plus haut qu'il fallait avoir le coeur bien accroché pour suivre ces huit épisodes, c'est parce que, dès le début, on devine l'atroce erreur judiciaire dont est Marie Adler est la victime. La voir endurer ce calvaire est abominable et en même temps on espère de tout coeur qu'elle s'en remettra tout comme on souhaite que les inspectrices Duvall et Rassmussen réussissent à épingler le violeur en série.

Les statistiques, partout dans le monde, montrent que le nombre de victimes d'agressions sexuelles est monstrueusement élevé. Chaque affaire est différente, mais celle sur laquelle enquêtèrent les reporters T. Christian Miller et Ken Armstrong en 2015 a fourni un dossier édifiant sur ce fléau.

D'un point de vue strictement technique, narratif, la série qu'en ont tirée Michael Chabon, Ayelet Waldman et Susannah Grant est irréprochable. Il n'y a pas une faute de goût dans l'écriture : tout est minutieusement exposé, sans exagération dramatique, au plus proche des faits et des personnages. C'est remarquable de constater que jamais Unbelievable ne sombre dans le sensationnalisme. Le fait qu'on va et vient entre deux époques permet d'apprécier (si je puis dire) la descente aux enfers de Marie Adler et la pugnacité dont font preuve les deux détectives pour lier les agressions, dresser un profil de l'agresseur, et procéder enfin à son arrestation.

La série est très intense et parfois difficile à supporter car la succession des viols, des témoignages des victimes, tout autant que les manières affichées par les policiers masculins pour recueillir leurs paroles, rend le récit douloureux et choquant. Le problème de la formation des policiers pour écouter les victimes est un sujet en soi et qui est ici très franchement mis en lumière. D'ailleurs, à la toute fin, on voit bien encore à quel point une remise en question des méthodes est compliquée quand l'inspecteur Parker, réalisant son erreur, présente des excuses à Marie alors que son collègue, Pruitt, s'y refuse obstinément.

Ce que j'ai aimé dans Unbeleivable, c'est que tout n'est pas résolu en 45 minutes comme dans nombre de séries policières (même s'il en existe de très bonnes dans ce format, comme Law and Order). On assiste au travail de fourmi de deux enquêtrices qui collaborent ensemble pour faire éclater une vérité dérangeante. Elles procèdent avec tact mais fermeté, sans que la série n'appuie sur une quelconque notion de sororité entre des femmes flics et des victimes féminines. Pour Duvall comme Rassmussen, il s'agir d'abord de bien faire leur job, de bâtir un dossier solide, de collecter des indices, de résister aux intimidations, de repartir quand elles aboutissent à une impasse.

Leur intransigeance, leur exigence sont d'abord envers elles même. Ces deux femmes fortes sont elles aussi secouées, ébranlées par ce qu'elles découvrent, entendent. Et cela fait écho à la situation déclinante de Marie contre qui les éléments semblent se liguer, comme si elle était aspirée dans une spirale infernale. Parce qu'elle a consenti à se rétracter, elle est harcelée par les médias, son employeur, ses encadrants, trahie même par une de ses anciennes mères adoptives (qui, certes, se rachètera ensuite). Unbelievable est une série sur la parole, crue ou non, mais qui se libère, parfois au prix de courageux efforts, et de ce point de vue, le tournant de ces huit épisodes se situe sans doute quand Marie se confie à la psychologue, qui la croit.

Lorsque, après bien des rebondissements, le coupable est enfin pris, le geste de Rassmussen de s'éclipser pour laisser à Duvall le mérite de l'avoir arrêté parce que c'est elle, la première, qui a initié l'affaire, est tout aussi frappant. La révolte saisit en revanche le téléspectateur quand il assiste à la remise d'un misérable chèque de dédommagement à Marie : 500 $ pour s'excuser d'avoir ruiné sa vie. Jusqu'au bout la série ne ménage ni son héroïne ni ceux qui assistent à son calvaire. Heureusement, elle remporte une victoire salutaire en attaquant à son tour la ville qui l'a ainsi diffamée. Et in fine Marie et Duvall partageront quelques mots au téléphone alors que nous mesurons que trois ans ont été nécessaires pour rendre justice - c'est peu mais trop malgré tout.

L'interprétation est exceptionnelle et compte pour beaucoup dans la qualité de la série. La production a misé sur trois actrices formidables, qui se sont emparés de leurs rôles avec une dignité impeccable. Kaitlyn Dever est bouleversante. Toni Collette est superbe. Et Merritt Weaver d'une humanité renversante.

Un show hors normes, surtout pour sa subtilité et son intégrité morale.

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