samedi 30 juillet 2022

THOR : LOVE AND THUNDER, de Taika Waititi (Critique avec spoilers !)


Avant-dernier chapitre de la Phase IV du MCU, Thor : Love and Thunder a profondément divisé le public et la critique. Mais le cinéma de Taika Waititi ne fait jamais l'unanimité. C'est également le quatrième opus consacré au dieu du tonnerre de Marvel (la première tatrlogie pour un héros). Le résultat est effectivement clivant, parfois too much, mais aussi malin, drôle et épique.


Désormais compagnon d'aventures des Gardiens de la Galaxie, Thor reçoit un appel de détresse de Lady Sif, sauvagement attaqué par Gorr le boucher des dieux. Celui-ci a juré de tuer toutes les divinités depuis qu'il a perdu sa fille alors que ses idoles n'ont pas répondu à ses appels à l''aide. Cependant sur Terre, Jane Foster suit une chimiothérapie alors qu'elle est atteinte d'un cancer en phase 4. Condamnée par la médecine, elle décide de s'en remettre à la magie en se rendant à la Nouvelle Asgard où sa présence permet au marteau Mjolnir (brisé par Hela) de se reformer et de la transformer en la Puissante Thor.


Odinson resurgit avec Sif à qui des soins sont prodigués. La nuit venue, Gorr s'en prend à la cité et Odinson découvre à la fois le boucher des dieux et Jane Foster brandissant Mjolnir. Gorr s'éclipse après avoir été malmené mais en kidnappant tous les enfants de la ville. Valkyrie promet aux parents que leur progéniture leur sera rendue puis s'en remet à Odinson pour échafauder un plan. Il entraîne Jane, Valkyrie et Korg à Omnipotence City, refuge des dieux, pour lever une armée.


Mais sur place, Zeus, qui préside cette assemblée, refuse de prêter main forte aux asgardiens, considérant que Gorr n'osera pas attaquer ici. Valkyrie dérobe l'éclair de Zeus et s'enfuit avec Odinson, Jane et Korg. Stormbreaker génère un Bifrost qui les conduit jusqu'au repaire de Gorr, localisé grâce à Axl, le fils de Heimdall qui a réussi à contacter Odinson.


Durant le voyage, Jane et Odinson renouent l'un avec l'autre puis elle lui avoue sa maladie. Avant que Odinson ait pu intégrer cette nouvelle, l'équipe pénètre dans le royaume des ombres, antre de Gorr, et leur vaisseau atterrit sur une planète désolée. Gorr tend un piège à Odinson pour récupérer Stormbreaker qui lui ouvrira la Porte d'Eternité qui, exauce le voeu de celui qui la franchit le premier. Odinson affronte Gorr qui blesse Valkyrie et oblige ses ennemis à rentrer à la Nouvelle Asgard. Mais Gorr a eu ce qu'il voulait.
 

Valkyrie survit mais Jane est dans un état critique : Odinson lui explique que chaque fois qu'elle se transforme grâce à Mjolnir, elle écourte son espérance de vie car la magie de l'arme annule les effets de la chimiothérapie. Il convainc Jane qu'il doit repartir affronter seul Gorr et délivrer les enfants avant qu'il n'ouvre la Porte d'Eternité.


Gorr est déjà à l'oeuvre pour forcer l'entrée de la Porte d'Eternité lorsque Thor revient dans le royaume des ombres. Ne pouvant battre seul à la fois les créatures des ténèbres que créé le boucher des dieux et ce dernier, Thir transmet une partie de ses pouvoirs aux enfants pour qu'ils affrontent les monstres. Armé de l'éclair de Zeus, le dieu du tonnerre ne réussit pourtant pas à dominer son adversaire, plus enragé que jamais au moment de voir son souhait exaucé de tuer tous les dieux.


Mais Jane Foster resurgit et brise la Nécrolame de Gorr. Celuic-ci franchit la Porte d'Eternité mais il est comme Jane à l'article de la mort. Thor le conjure de ne pas commettre l'irréparable et de ramener plutôt sa fille, Love, à la vie en lui promettant qu'il s'en occupera. Gorr acquiesce tandis que Jane s'éteint et de volatilise. De retour à la Nouvelle Asgard, son sacrifice est honorée, les parents retrouvent leurs enfants et Thor, comme promis, devient le tuteur de Love, qu'il entraîne dans ses nouvelles aventures cosmiques.

Deux scènes post-générique de fin viennent conclure le film :

- Zeus, furieux de s'être fait humilié par Thor et ses amis, envoie son fils Hercule éliminer le dieu du tonnerre.

- Jane Foster arrive au Valhalla, accueillie par Heimdall qui la remercie d'avoir veillé sur son fils Axl.

Quand, après la sortie de Black Panther 2 : Wakanda Forever, en Novembre prochain, il faudra tirer un bilan de la Phase IV du MCU, Thor : Love and Thunder résumera certainement bien les hauts et les bas de cette période. Avec sept longs métrages au compteur, les productions initiées par Kevin Feige auront globalement déroutés et déçus les fans, malgré de beaux scores au box office (même si aucun des titres n'a détrôné Avengers : Endgame).

On aura assisté en parallèle des sorties en salles à l'émergence des séries Marvel sur Disney +, où là aussi l'ensemble a été très inégal. Certaines ont contribué à enrichir le MCU (Loki, WandaVision, Ms Marvel, Falcon et le Soldat de l'Hiver), d'autres ont été des projets standalone à la pérennité plus qu'incertaine.(Moon Knight, What if...?, Hawkeye). Mais il est avéré désormais qu'il vaut mieux tout voir pour tout comprendre à cet univers étendu et partagé.

Si j'ai zappé Shang-Chi (mais il faudra bien que je me rattrape), et que j'ai été déçu par Black Widow et Les Eternels, en revanche j'ai apprécié Spider-Man : No Way Home et Doctor Strange in the Multiverse of Madness. Le premier trailer de Wakanda Forever est plutôt prometteur. Quid de Thor : Love and Thunder ?

Depuis ses premières bandes annonces et sa sortie, il ya une quinzaine de jours, les réactions ont été très mitigées. Déjà la durée du film a surpris (1h 59). Et le style de Taika Waititi, qui avait déjà divisé sur Thor : Ragnarok, a encore plus dérangé. Quand à l'intrigue, en puisant dans le run de Jason Aaron avec Gorr le boucher des dieux et Jane Foster en Puissante Thor, certains ont eu beaucoup de mal à en apprécier la synthèse radicale.

Si je dis plus haut que Love and Thunder risque fort d'être le maître étalon de la Phase 4, c'est parce que ce n'est pas un film évident, il a des faiblesses, des excès, et des points forts, mais de façon très contrastée. C'est un objet hybride, extrême, presque expérimental, comme si Kevin Feige avait voulu voir ce que donnerait un film du MCU où le réalisateur pouvait faire ce qu'il voulait (alors qu'on sait le producteur interventionniste, jusqu'au clash parfois).

Il ne fait en effet, pour moi, aucun doute que Waititi est le seul responsable du résultat. Les acteurs ont révélé en voyant le montage final que beaucoup de scènes tournées n'y figuraient plus et le cinéaste lui-même a reconnu qu'il avait beaucoup coupé et même qu'il était farouchement contre les director's cut (qui ne l'ont jamais convaincu). Donc, ce que nous avons vu est ce qu'il voulait montrer. C'est comme Doctor Strange 2 où Sam Raimi avait aussi beaucoup élagué, malgré des reshoots importants.

Par ailleurs, l'esthétique de Waititi est, on le sait depuis Ragnarok, très, très colorée. Il enfonce le clou ici avec une bande son très rock FM 80's (avec une part belle à Guns'n'Roses), mais aussi une photo n'hésitant pas à flirter avec le kitsch mais aussi des audaces formelles à la fois toutes simples (les scènes en noir et blanc dans le royaume des ombres) et très prononcées donc. Waititi s'amuse beaucoup, parfois, avouons-le, plus que nous certainement (il ne se contente d'ailleurs pas de mettre en scène puisqu'il interprète aussi Korg), et assume tout, sans complexe, y compris un certain mauvais goût, quelques moments de gêne, du sentimentalisme.

Après les deux premiers films Thor, qui dressait un portrait sérieux du dieu du tonnerre, sans convaincre, Waititi a eu carte blanche pour réinterpréter le héros en l'entraînant vers la comédie, à la limite de la parodie, du moins de la farce. Le succès de Ragnarok a convaincu Marvel Studios que c'était une formule gagnante et payante. Logiquement, le réalisateur a pu souligner ses effets encore plus avec Love and Thunder et ne s'en est pas privé, commençant par faire de Thor un super-aventurier costumé aux côtés des Gardiens de la Galaxie (avec qui il quittait la Terre à la fin de Avengers : Endgame) tiraillé par des interrogations existentielles. D'un côté, il resre ce guerrier viking immortel, maîtrisant la foudre, et qui aime se battre ; de l'autre il aspire à trouver un sens à sa vie, quitte à troquer le combat pour la méditation.

La menace de Gorr le rappelle à l'ordre et Waititi réussit, selon moi, à établir ce vilain de manière remarquable, à la fois dangereux, violent, et aussi émouvant, motivé par une vengeance légitime. dans un cadre un peu moins déconnant, le scénario (co-écrit par Waititi et Jennifer Kaylin Robinson) aurait même pu creuser un peu plus franchement la question de la foi, de la confiance dans les dieux, dépeints comme des êtres égocentriques, jouisseurs, et indifférents au sort des mortels. Mais c'est à peine effleuré. Dommage. 

L'autre aspect de l'histoire, c'est le retour au premier plan de Jane Foster. Son traitement dans les deux premiers films avaient découragé son actrice à renoncer au MCU (pour une carrière ponctuée de coups d'éclats mais peu récompensée par des succès commerciaux). Jason Aaron, qui a, lui, écrit un chapitre important redéfinissant le personnage dans les comics a inspiré ce retour reproduit fidélement dans le film. Mais là encore, Waititi ne parvient pas à convertir avec suffisamment d'intensité le matériau d'origine, notamment en semblant refuser de filmer la maladie de trop près. C'est là encore dommage.

Pourtant, une fois ces éléments posés, le film se tient plutôt bien et l'intrigue se déploie agréablement. Il subsiste des trous d'air, une narration parallèle pas totalement aboutie (quand on suit Thor et sa bande d'un côté et Gorr et les enfants de l'autre côté - ces derniers étant trop absents et passifs alors qu'on aurait pu montrer le boucher des dieux continuer à massacrer quelques divinités en attendant que les asgardiens tombent dans son piège). C'est aussi sans doute à ce stade que Waititi a fait les coupes les plus remarquables car j'ai eu le sentiment que la séquence à Omnipotence City avait dû faire l'objet, à l'origine, d'une représentation plus consistante du panthéon, avec sans doute des caméos mémorables (on sait par exemple que Jeff Goldblum revenait revenait dans le rôle du Grand Maître et que Peter Dinklage apparaissait à un moment ou un autre).

Reste Zeus et sans doute un moment, disons, délicat. Car si Waititi ne se prive pas de montrer le père des dieux grecs (ici en grand patron de tous les dieux, au-delà du panthéon grec) en  hédoniste colérique, vantard et bedonnant (ce qui n'est pas si éloigné de la "vérité"), il ose aussi en faire une sorte de bouffon pleutre sans qu'on comprenne pourquoi (au-delà de la simple envie de faire rire facilement). Russell Crowe fait preuve d'une belle auto-dérision mais on aimerait, quand le prochain Thor sera en boîte (car un cinquième épisode est prévu, sans qu'une date ne soit fixée, mais pas avant 2024-2025), qu'il soit plus sérieusement traité (comme on en a un aperçu dans une des deux scènes post-générique de fin).

Le dernier acte du film offre des affrontements que j'ai trouvés très convaincants. Gorr y est présenté comme un adversaire coriace et tragique, les deux Thor affichent une complentarité efficace. Les effets spéciaux sont très bien (alors que les responsables ont exprimé leur exaspération concernant leurs conditions de travail). Le dénouement est émouvant, un peu fleur bleue aussi, mais j'ai apprécié.

Il se dégage de tout ça quelque chose d'à la fois euphorisant, qui fait du bien après deux années éprouvantes (à cause de la Covid, de la guerre en Ukraine, qui ne sont ni l'un ni l'autre résolues), et je remercie volontiers Waititi d'avoir pondu Love and Thunder avec la volonté manifeste d'offrir une parade à tout ça. Cela ne signifie pas que j'excuse tout, mais je ne peux pas non plus jouer la comédie et prétendre que j'ai détesté pour répéter ce que beaucoup disent au sujet du film. J'ai passé un bon moment, en reconnaissant que ce n'est pas un sommet du MCU, mais néanmoins plus aimable, de mon point de vue, plus convaincant que Black Widow ou Les Eternels (que je n'ai là, pour le coup, pas du tout aimé).

Cela vient aussi du casting. J'aime beaucoup Chris Hemsworth, dont la complicité avec Waititi fait plaisir à voir, et qui incarne parfaitement Odinson, avec beaucoup d'humour mais aussi une présence indéniable (et très, très musclée). Natalie Portman est formidable en Puissante Thor (et la deuxième scène post-générique de fin laisse supposer qu'elle pourrait revenir, comme Jane Foster dans les comics), c'est agréable de voir cette actrice épatante être plus légère, séduisante et badass. Comme Tessa Thompson, même si, elle, a moins l'occasion de briller que dans Ragnarok. Quant à Christian Bale, si son jeu très actor's studio m'horripile souvent, il incarne avec brio Gorr, hanté, rongé de l'intérieur : un sacré bon méchant dans le MCU (qui ne soigne pas toujours aussi bien les adversaires des super-héros).

Cette critique, je le sais, ne fera pas changer d'avis ceux qui n'ont pas aimé le film. Mais de manière plus générale, je ne crois pas qu'un film, quel qu'il soit, mérite d'être englouti sous des qualificatifs consternés. Certainenement pas Thor : Love and Thunder qui assume ses parti-pris et ne peut que surprendre ceux qui pensaient que Taika Waititi changerait son fusil d'paule.

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