Et revoilà The Magic Order, troisième volume de la saga écrite par Mark Millar. Le scénariste écossais est cette fois accompagné par le dessinateur italien Gigi Cavenago pour une nouvelle salve de six épisodes. Ce premier chapitre en dit peu sur l'histoire à venir mais introduit de nouveaux personnages, superbement mis en images.
Honk Kong. Le milliardaire Sammy Liu débarque de son paquebot volant pour assister au conseil d'administration de son entreprise. Il est également membre de l'Ordre Magique.
Floride. Sacha Sanchez se présente chez un couple âgé dont le fils est revenu à la vie 48 ans après sa mort sous forme de nourrisson. Mais il doit tous les tuer car ils sont sous l'emprise de gobelins.
Loin de là. Leonard Moonstone accoste sur une île où sa femme Salomé tient un phare contre les démons. Il lui confirme la mort de leur fils Gabriel...
C'est un plaisir à chaque fois renouvelé de retrouver The Magic Order, et c'est déjà le troisième volume (sur une saga prévue pour en compter cinq au total) qui débute sa publication de mois-ci. De son propre aveu, dans sa newsletter, Mark Millar n'a pas été satisfait du précédent volume (sans préciser pourquoi) et il a promis que ces six nouveaux épisodes relèveraient le niveau.
On peut en effet arguer que le volume 2 donnait beaucoup (trop) de place aux méchants et pas assez à l'Ordre Magique, sévèrement ébranlé. En revanche, graphiquement, la prestation de Stuart Immonen était impeccable (il faut espérer que Millar annonce bientôt la suite de Empress avec l'artiste canadien).
La couverture et les premières pages introduisent un nouveau personnage, Sammy Liu, extravagant comme les aime Millar, puisqu'il est membre de l'Ordre et multimlliardaire (au moins). Il se déplace à bord d'un paquebot volant invisible (sauf à ceux à qui il souhaite le montrer) et il arrive à Honk Knog pour assister à un conseil d'administration. Il est sûr de lui, suffisant même, et on pense à un avatar de Tony Stark avec son physique (comme Iron Man il porte une fine moustache à la Errol Flynn et la couverture indique qu'il est un séducteur).
Mais déjà Millar change de décor et nous entraîne dans un endroit beaucoup moins glamour, chez un couple de petits vieux dont le fils est revenu à la vie. Sacha Sanchez (quel nom !) doit intervenir et il le fait sans ménagement. Par des touches suggestives, Millar nous renseigne sur cet espèce d'exorciste avec lequel on peut prendre rendez-vous via le dark web, donc l'individu travaille dans la clandestinité et pour de basses oeuvres.
Le récit se pose ensuite pour une scène plus longue (mais pas de beaucoup) et avec des visage familiers puisqu'on part pour Milwaukee dans le bar à strip-teaseuses de Regan Moonstone qui y reçoit sa soeur, Cordelia, mais aussi Sacha, Edith et quelques autres membres de l'Ordre. L'ambiance est tendue car Sacha est perturbé par le fait que la fille de Gabriel, qu'élève désormais Regan, fait ses devoirs sur le comptoir alors que des filles s'effeuillent sur scène. Juste avant que Regan n'arrive, il administrait une raclée à un client qui avait importuné une de ses filles et on le sent toujours à cran.
Pourtant Cordelia recadre les deux hommes et explique qu'elle les a appelés pour traiter du cas de Sammy Liu. On n'en saura pas plus mais il est évident que les activités du milliardaire doivent déranger l'Ordre d'une manière ou d'une autre. A suivre. L'épisode se termine avec des retrouvailles entre Leonard et Salomé Moonstone puis un cliffhanger concernant Edgar, le gardien du château Moonstone...
Il se dégage de cet ensemble quelque chose de très frustrant car Millar, à dessein, passe d'une scène à une autre, très rapidement, sans rien approfondir. Le rythme est donc très soutenu et le propos très évasif. Le seul moment vraiment prégnant concerne Leonard, grand absent du volume précédent, et Salomé, qu'on n'avait encore jamais vue (encore mois évoquée), au sujet de la mort de Gabriel (survenu dans le volume 1). Le scénariste en garde beaucoup sous le pied et tient à nous faire languir : c'est réussi.
Même si Olivier Coipel devait certainement à l'origine dessiner plus que le premier volume, on ne peut pas se plaindre du fait que la série ait vu ses plans changer. Déjà le renfort de Stuart Immonen a permis de vérifier que Millar ne comptait pas confier la mise en images à n'importe qui pour cette saga dont il a maintes fois répété qu'elle lui était chère.
Et donc il a convaincu Gigi Cavenago, cover-artist italien (notamment pour le fumetto Dylan Dog), de franchir le rubicon pour dessiner ces six nouveaux chapitres. Pour qui a eu la curiosité de chercher des pentures de ce prodige sur Google images, ce n'est pas une surprise de voir à quel point il est doué et ne dépareille pas aux côtés de Coipel et Immonen, même s'il n'a pas leur notoriété.
S'il a confié la colorisation à Valentina Napolitano, le trait souple et dynamique de Cavenago est bien là, intact. Son sens de la composition produit des cases incroyablement fortes, avec une fluidité remarquable. Il privilègie un découpage aéré avec peu de vignettes apr cases pour que ses perspectives soient le mieux mises en valeur. Et ainsi, chaque plan a une profondeur de champ exceptionnelle.
L'autre atout de Cavenago, c'est l'allure qu'il donne aux personnages. Déjà, il les place dans l'image de telle manière que le regard est immédiatement attiré vers eux, ensuite avec une facilité folle, il les dote d'un charisme unique. La classe tapageuse de sammy Liu ou le gabarit impressionnant de Sacha Sanchez frappent sans effort au milieu de décors savamment étudiés, qu'e ce soit l'intérieur luxueux d'un paquebot, les couloirs immaculées d'un building, ou l'appartement miteux d'un couple de petits vieux. L'intérieur du bar de Regan est également saisissant, avec dans la même image un premier plan avec le comptoir derrière lequel se trouve une trappe, un second plan avec la salle, et un arrière-plan avec une scène où dansent des effeuilleuses.
Cette densité d'informations visuelles donne presque le tournis car elle est inhabituelle dans un comic book américain où le cadre de l'action est souvent moins minutieusement décrit. Mais c'est la marque des grands dessinateurs de proposer tout ça sans que l'image ne soit encombré, sans que le regard du lecteur ne soit perdu, submergé. Et Cavenago sait aussi faire beaucoup avec peu comme il le prouve avec la scène du phare, merveille de suggestion.
On va certainement se régaler en suivant ces six épisodes car visuellement ça envoie du bois. Et Millar lui-même veut se racheter d'un précédent volume qui ne l'a pas satisfait. Et le meilleur, c'est que, à peine en aura-t-on fini avec ce récit que le quatrième tome arrivera début 2023 (avec cette fois Dike Ruan au dessin). Vous avez dit "vivement" ? Moi, oui.
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