Et c'est parti ! Ici commence le méga-giga event Marvel de l'été 2022, A.X.E. : Judgment Day, avec en vedettes les Avengers, les X-Men et les Eternels. Kieron Gillen est aux manettes de cette superproduction en six éisodes et trois actes qui oppose trois des groupes les plus puissantes de l'univers Marvel. L'excellent Valerio Schiti assure le dessin (après Empyre). Un premier numéro dense, spectaculaire et accrocheur.
Jusqu'à présent, Destinée prédisait une guerre immente contre les mutants mais sa vision s'est éclaircie et elle identifie les Eternels comme ennemis. Diablo part sur Arakko prévenir de la menace.
Druig, avec les infos de Moira MacTaggert, lance plusieurs attaques : le Grand Esprit occupe les télépathes de Krakoa tandis que l'armée éternelle fond sur l'île avec les Cinq comme cibles.
Druig s'adresse à la population de la Terre en l'assurant que les mutants n'imposeront plus leur loi. La foule, qui leur reprochait de ne pas partager le secret de leur immortalité, se réjouit.
Long de presque quarante pages, ce premier chapitre de Judgment Day (je laisse tomber ici l'acronyme A.X.E., qui désigne, je le rappelle Avengers-X-Men-Eternals) offre une lecture consistante. Kieron Gillen a tenu à frapper un grand coup dès le début de son event, au risque de perdre le lecteur dans un flot d'informations et de personnages. Au risque, mais évité de justesse car en vérité s'il y a un souci avec cet épisode, il est ailleurs et j'y reviendrai plus loin.
En effet, ce qui saisit le lecteur, c'est l'abondance et la vitesse de ce premier volet. Le scénariste ne perd pas de temps, il a six épisodes pour raconter ce qu'il a en tête, et un rythme de parution soutenu (deux épisodes par mois), il a aussi beaucoup de personnages à animer, beaucoup d'action à mener, de thèmes à brasser. Trop ?
L'avenir le dira. Même si vous n'avez pas lu A.X.E. : Eve of Judgment et Immortal X-Men #4 (qui étaient liés et dont j'ai parlé la semaine dernière), la page des crédits offre un résumé sommaire mais suffisant pour savoir ce qu'il faut avant de plonger dans l'aventure : les mutants sont désignés comme des déviants dont le développement est jugé excessif par les Eternels (ou du moins par le Prime Eternel Druig). Or les Eternels ont pour mission d'empêcher ce genre de déviations excessives et ils décident donc de les éliminer. Mais les X-Men via Destinée devine qu'une guerre va les frapper et les Avengers soupçonnent aussi une crise provoquée par les Eternels.
Les rôles sont donc distribués : les Eternels (du moins Druig) sont les méchants de l'histoire, les X-Men les cibles, les Avengers les arbitres. Mais ce qui surprend, c'est donc le rythme imprimé par Gillen pour exposer tout ça. On n'a tout simplement pas le loisir de souffler et d'une manière, c'est très bien car en comparaison avec Empyre, qui s'enlisait dans des palabres avant un final encombré, là, au moins, ça avance, et dans des proportions cosmiques.
Druig frappe fort et vite, tel le serpent qu'il symbolise. Il distrait les télépathes de Krakoa, envoie un escadron de la mort sur l'île pour tuer les Cinq, missionne Uranos sur Arakko pour en massacrer la population. C'est effrayant. Les mutants sont dépassés, ce qui n'est pas rien, et les Avengers ont un bon train de retard (avoir capturé Sersi ne leur a servi à rien puisqu'elle a fait sécession avec Thena, Ikaris et Phastos).
Comme je le disais néanmoins plus haut, la vitesse d'exécution empêche dans un premier temps tout le monde réfléchir, héros comme lecteur. Mais une fois qu'on y repense, quelques incongruités de glissent dans cette puissante mécanique : certaines sont intrinséques au statut de la "mutanité" depuis Hickman et se révèlent donc au grand jour, d'autres sont le fait de Gillen qui ose parfois trop pour qu'on y croie.
Prenons les bizarreries héritées de Hickman : comment concevoir que les krakoans n'aient pas pensé à une protection pour les Cinq ? Déjà lors des épisodes tie-in à King in Black dans S.W.O.R.D., on avait pu constater la panique de ce côté et Brand était la seule à avoir anticpié un plan de secours (même s'il n'était pas dénué d'arrières pensées, comme on le découvrit ensuite). Mais c'est à croire que rien n'a été amélioré pour préserver les cinq mutants permettant de ressuciter tous les autres quand on remarque avec quelle facilité les soldats de l'armée éternelle atteignent au moins deux d'entre eux (heureusement sans conséquences).
En ce qui concerne les audaces un peu trop grosses de Gillen, il faut mentionner le massacre commis par Uranos sur Arakko. Certes Uranos est un éternel très puissant, avec un casier chargé (puisqu'il a été plusieurs fois mentionné qu'il était un criminel génocidaire). Mais tout de même, qu'il ait rasé Arakko en une heure ! Tous les arakki sont des mutants de niveau oméga, les plus puissants qui existent, avec Tornade et Magneto parmi eux (eux aussi omega level). Et en soixante minutes, le gars, à lui seul, a eu raison de deux millions de mutants omega ?! Certes, ça permet de poser le bonhomme, mais ça me paraît trop rapide, trop simple. Et surtout, même si des lecteurs se fichent des arakki, qui peut raisonnablement croire que Magneto et Tornade y sont passés (même en tenant compte du fait qu'ils ont renoncé à mettre à jour leur Cerebro miniature pour être ressucités afin de se conformer aux arakki qui, eux, refusent d'être ramenés à la vie) ? De toute façon, Marvel a déjà éventé le suspense à ce sujet en diffusant la couverture de X-Men : Red #7...
Ces bémols à part, Judgment Day #1 est une lecture exaltante, grisante. Gillen assume à fond le côté blockbuster de son affaire et n'y va pas par le dos de la cuiller. Il met en scène un paquet de persos de façon habile et pose des enjeux énormes, jusqu'à la fin avec l'apparition des Hex (des Eternels immenses) ou le plan de Ajak (qui n'est pas un règlement du conflit mais plutôt une sortre d'arbitrage). Il ya des moments vraiment intenses, où cette vitesse joue à plein en faveur de l'histoire, en particulier lors de l'assaut contre Krakoa, et là il faut remercier...
... Valerio Schiti. Le dessinateur italien l'a résumé sur Twitter : Judgment Day est l'histoire la plus exigeante qu'il ait eue à illustrer et ce, même s'il finit les dernières planches du dernier épisode actuellement. Le script de Gillen l'a poussé dans ses retranchements, donc si un mec comme Schiti, qui est aussi rapide que généreux dans l'effort, dit qu'il en a bavé, on peut croire que la suite va être vraiment grandiose. Peut-être pas la garantie d'une grande ou d'une bonne histoire, mais sûrement de quelque chose qui va dépoter.
Et, actuellement, chez Marvel, il n'y a pas trente-six artistes comme Schiti capable de produire six épisodes sans retard, en assumant dessin, encrage, avec l'assurance pour le lecteur d'une qualité constante et de morceaux de bravoure. Larraz a ce puissance de feu, mais depuis House of X, il n'a plus enchaîné six épisodes de haut niveau. Hitch est occupé sur Venom et n'a plus accepté d'events depuis Age of Ultron (dont il n'avait dessiné que la première moitié). Romita Jr... Non, laissons-le où il est. Immonen n'est plus là.
Schiti, donc, c'est un dessinateur que j'adore. Je dirais même que plus ça, plus j'aime son travail, même si je déplore qu'il ne s'installe pas sur une série régulière comme du temps des Gardiens de la Galaxie (de Bendis). Il a quitté Tony Stark : Iron Man (de Slott) pour Empyre, qui n'a pas tenu ses promesses, et délaissé S.W.O.R.D. pour ce Judgment Day. Une fois qu'il se sera reposé, je souhaite vraiment que Marvel le fixe sur une bonne série (la reprise de Fantastic Four, après le run de Slott ? ça risque d'être juste, mais ce serait top qu'il s'occupe d'eux un jour).
Ici, il impressionne. Ce qui est épatant avec Schiti, comme souvent avec les artistes italiens, c'est cette impression de facilité à s'approprier les personnages. Alors le voir animer les Avengers, les X-Men, les Eternels, c'est le pied. J'avais pas vu une telle distribution aussi bien représenté depuis Immonen (une référence pour Schiti). Et puis Schiti, même s'il dessine numériquement, n'a pas ce rendu aseptisé : son dessin est texturé, son encrage est impeccable.
Niveau découpage, c'est là aussi le top, le fin du fin. Il y a des planches à couper le souffle par leur envergure, d'autres mises en scène avec une fluidité imparable avec juste deux personnages qui échange. Quand il lâche une splash, ce qui est exceptionnellement rare et donc étonnant pour ce genre de projet (d'habitude généreux en grandes images), il le fait pour bien marquer un temps dans la narration et montrer au lecteur que c'est là que l'histoire bascule. Non, franchement, on est à un niveau très élevé graphiquement.
Tout (ou presque, mais c'est des bricoles), dans cet épisode, donne de grands espoirs pour la suite. Les events sont souvent décevants, comme écrasés par leur ambition et l'interventionnisme des editors. Mais Judgment Day a de quoi faire mentir tout ça. Croisons les doigts.
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