Un an après sa première édition, voici le deuxième Hellfire Gala. Mais contrairement à l'an dernier, cette fois, tout se tient (presque) dans un seul numéro, à la pagination consistante (66 pages) et avec Gerry Duggan à la barre. Il est accompagné au dessin par Kris Anka, Matteo Lolli, C.F. Villa et Russell Dauterman. Pour un résultat qui sans être déshonorant manque singulièrement d'envergure.
Emma Frost cache sa contrariété au moment d'accueillir les invités du Gala du Club des Damnés. En effet, la fête est gâchée par Cyclope qui a révélé à Ben Urich que les mutants pouvaient désormais ressuciter. Et cela attise bien sûr des convoitises.
Au même moment sur Phobos, Nathaniel Essex/Dr. Stasis et Feilong écoutent Moira MacTaggert leur expliquer comment, grâce à Mary Jane Watson, elle va s'inviter à la fête pour mieux la gâcher et apporter des informations crucials à Orchis.
Cyclope obtient d'Emma une danse afin de lui ouvrir son esprit. Elle découvre ainsi qui est le Dr. Stasis tandis qu'elle apprend à Scott Summers quel rôle a joué Moira MacTaggert pour Krakoa et contre la nation mutante en s'alliant désormais à Orchis.
C'est l'heure de l'élection de la nouvelle équipe des X-Men. Moira rentre chez elle où elle est attendue par deux autres ennemis des mutants qu'elle compte également aider dans leur projet...
Forcément, la première réflexion que nous inspire ce X-Men : Hellfire Gala #1 cru 2022, c'est la dimension réduite par rapport à celui de l'an dernier où toutes les séries mutantes avaient été mobilisées en plus d'un numéro spécial (Planet-Size X-Men). Jonathan Hickman, Gerry Duggan, Benjamin Percy, Vita Ayala, Tini Howard, Si Spurrier, Al Ewing avaient vu les choses en très grand autour d'un dispositif ingénieux (chaque épisode montrait un point de vue différent sur la fête et sa surprise finale).
Hickman parti, Marvel a revu ses ambitions nettement à la baisse et le Hellfire Gala 2022 tient (presque uniquement) dans ce numéro de 68 pages avec le seul Gerry Duggan à la manoeuvre. On est donc légitimement un peu déçu et ce sentiment ne nous quitte jamais durant la lecture et ensuite.
Commençons par parler de la partie grtaphique qui m'a déjà questionné. L'épisode s'ouvre par huit pages signées Kris Anka, fidèle à lui-même : des personnages aux traits anguleux, une absence notable de décors, une narration fantomatique. Comme Lucas Werneck, Anka est un character's designer talenttueux (quoique non sollicité pour habiller les invités du gala) mais pas vraiment un storyteller. Son introduction ne sert pas à grand-chose.
C.F. Villa lui succède pour les dix-neuf planches suivantes (et aussi les deux dernières de l'épisode). Sa prestation est plus correcte sans être flamboyante. Ce qu'on en retire, c'est toujours un manque de dynamisme gênant, un peu comme s'il ne savait pas comment mettre le script en scène de manière un tant soi peu inspirée. C'est dommage, mais ça prouve surtout que Marvel n'a clairement pas confié ce numéro soi-disant événementiel à des artistes de premeir plan.
Matteo Lolli, qui a beaucoup collaboré avec Duggan sur Marauders, prend le relais. C'est un dessinateur que j'ai toujours trouvé moyen, sans être désagréable. Il se taille la part du lion en enchaînant dix neuf planches d'abord, puis en revenant pour les pages 48 à 55 et enfin 62-63. Sa prestation est honnête, sans éclat, mais sans faute non plus. Toutefois, le voir ainsi aller et venir tout au long de l'épisode donne la curieuse impression qu'il a comblé les trous et réalisant ce que ses collègues n'ont pas eu l'énergie ou le temps de compléter - encore une fois, éditorialement parlant, ce n'est pas top.
Enfin, Russell Dauterman, comme l'an passé, signe la scène de l'élection. Comme il est largemetn au-dessus de ses collègues, ses planches sont les plus abouties et les plus belles. Mais il n'en dessine que six, ce qui ne fait vraiment pas lourd. Je déplore que cet artiste si élégant se consacre presque exclusivement à des couvertures (actuellement pour X-Men : Red, mais aussi des variants covers), mais je prends quand même avec plaisir ce qu'il distribue.
Passons maintenant au contenu de l'épisode.
Duggan insiste d'entrée de jeu sur la révélation publique du secret des mutants : suite aux confidences de Cyclope à Ben Urich, tout le monde sait à présent que les X-Men sont immortels. Cela va véritablement être le fil rouge du numéro et empoisonner la soirée de Emma Frost. De son côté, Cyclope est regardé en chien de faïence par nombre de ses semblables. Mais bizarrement, il y a un mutant qu'on voit très, très peu durant tout ça (une case en tout et pour tout !) et dont on aurait pourtant apprécié de connaître la réaction : c'est Charles Xavier. De façon plus générale, les membres du conseil de Krakoa sont très (trop) discrets dans ce numéro alors qu'on aurait pu s'attendre à ce qu'ils convoquent Cyclope pour une explication en règle.
Revenons à Emma Frost : Duggan apprécie le personnage et il en fait la vedette du show. Elle change moins de toilette que l'an dernier mais elle déambule tout au long de l'épisode, échange avec beaucoup de personnages, elle est vraiment sur le devant de la scène en permanence. Je crois même pouvoir affirmer que Duggan aurait apprécié de l'intégrer à nouvelle équipe de X-Men (comme on peut le deviner nettement dans un dialogue lors de la scène de l'élection). Y a-t-il renoncé parce que Emma est aussi présente dans Immortal X-Men de Kieron Gillen et qu'elle occupe plus que jamais une place majeure au sein du conseil de Krakoa ? Ou par que Jordan White, l'editor-in-chief de la franchise X, a posé son veto, estimant que Jean Grey devait rester aux côtés de Cyclope ?
En tout cas, en suivant Emma Frost, on remarque déjà une chose surprenante : comme l'an dernier, Marvel a beaucoup communiqué sur le vestiaire exubérant des invités et des mutants au gala (designé pour l'essentiel par Russell Dauterman). Or, on ne voit quaisment rien de ce défilé, et pour certains personnages, ils sont même absents de l'épisode (Black Widow notamment) ! C'est comme si des caméos de prestige avaient été coupés au montage !
Malgré tout, Duggan se rattrape avec des dialogues bien sentis : Dr. Fatalis qui se demande si, après tout, David Bowie était un mutant (petite blague amusante), Captain America qui conseille à Emma de ne pas compter que sur des mutants dociles pour défendre Krakoa (référence à une vieille altercation entre le Cap et Malicia mais aussi aux Uncanny Avengers), Stark qui rabat le caquet à Feilong, Stark qui suggère à Firestar de devenir son espionne au sein des X-Men, Emma et Firestar qui ont du mal à enterrer la hâche de guerre (un vieux contentieux là aussi car Angelica Jones a longtemps préféré les Avengers aux X-Men), le petit coup de pute de Forge à Cyclope en imposant Havok dans la nouvelle formation des X-Men... Tous ces petits moments composent ce que cet épisode a de meilleur.
Arrêtons-nous un instant sur la nouvelle équipe : déjà, surprise, c'est la Sorcière Rouge qui annonce la composition. Je pense que sa présence est désormais tolérée sur Krakoa depuis la mini Trial of Magneto (que je n'avais pas eu le courage de finir). En tout cas, ça fait plaisir de revoir Wanda dans les parages sans qu'elle soit dépeinte comme une vilaine ou une folle (si Al Ewing pouvait la récupérer dans X-Men : Red, je serai comblé). L'autre surprise, c'est que l'élection, contrairement à ce que je pensais, ne se joue pas de la même manière pour tous. Ainsi, Synch, Marvel Girl et Cyclope veulent rempiler et c'est accepté sans discussion - ce qui est surtout étonnant pour Cyclope (vraiment je trouve très léger que le choix qu'il a fait de révéler le secret de Krakoa ne soit pas davantage jugé, voire sanctionné par le conseil).
Ensuite, là encore, contrairement à l'an passé, les mutants ne votent pas pour les autres membres : certains sont choisis par ceux qui restent (Forge designé par Cyclope) ou arrivent (Havok désigné par Forge, Firestar par Emma Frost et Iceberg), les autres se portent volontaires (Iceberg, Magik). Et enfin on constate qu'on est passé d'un groupe avec quatre femmes pour trois hommes à un groupe avec quatre hommes et trois femmes. Le résultat est en tout cas inattendu mais aussi référencé : Iceberg-Firestar, c'est un clin d'oeil aux Amazing Friends de Spider-Man mais aussi aux Amazing X-Men de Jason Aaron, Forge est l'invité qu'on n'attendait vraiment pas, Havok aux côtés de son frangin risque de provoquer des étincelles, Magik a une promotion méritée. C'est une formation inédite, intéressante, imprévisible, puissante. Prometteuse.
Faute de grand événement comparable à la terraformation de Mars, Duggan a profité de ce numéro pour avancer des pions pour sa seconde saison aux commandes de la série X-Men. Bien que je ne l'ai pas lue, la mini-série X Lives/X Deaths of Wolverine (de Percy, Cassara, Vicentini) a transformé Moira MacTaggert chassée de Krakoa en androïde résolue à se venger. On peut discuter de cette évolution, tout comme on peut revenir sur le fait que Hickman ait banni le personnage au terme de Inferno, mais je préfère pour ma part attendre de voir où ça va aller avant de me prononcer. En tout cas, désormais, Moira s'est alliée avec Orchis (mais pas seulement comme on le découvre à toute fin du numéro...) pour exterminer les mutants et ça, comment dire, ça pique un peu plus car on retombe clairement dans le schéma persécuteur-persécuté que Hickman avait réussi à reléguer au second plan (en se concentrant sur l'émergence de Nimrod). Mais bon, là aussi, attendons de voir comment Duggan va exploiter ça (d'autant qu'il prépare aussi le retour des Enfants de la Voüte à l'Automne).
Ce que j'ai trouvé pas terrible, c'est la manipulation de Mary Jane Watson par Moira pour gâcher la fête : tout ça tombe à plat (la scène avec Proteus est ratée) et renvoie même à un prochain épisode de The Amazing Spider-Man. Je sais pas mais il me semble qu'Orchis avait sûrement d'autres moyens, moins tordus, d'infiltrer le gala, notamment avec Essex et ses clones, ou même Feilong (dont, inexplicablement; personne ne fait grand cas alors qu'il tape l'incruste sans se cacher). La fin de l'épisode, que je ne divulgâcherai pas, renvoie elle à une publication X imminente mais là aussi, j'ai du mal à comprendre, à admettre même, que les autres alliés de Moira aient besoin d'elle pour leurs sombres desseins anti-mutants. Je me demande si en fait Moira ne va pas finir par être la victime de son propre double jeu, d'autant qu'elle ne peut se réincarner. Wait and see.
Au final, donc, ce X-Men : Hellfire Gala version 2022 est très inégal, incontestablement moins réussi que le précédent. J'ignore si Marvel va répéter l'opération chaque année : en soi, ça ne me déplairait pas car le principe reste de modifier la composition des X-Men. Mais il faudra à tout le moins que celui qui écrira le prochain numéro avec cette élection se montre plus inspiré.
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