Clap de fin pour la mini-série Batman : Killing Time écrite par Tom King et dessinée par David Marquez. Et pas de miracle : c'est une déception. Le fin mot de cette histoire ne fait qu'en souligner le caractère laborieux, inutilement capillotractée. Je crois que Tom King devrait un peu lâcher la grappe de la chauve-souris (même s'il n'en a pas fini avec elle...).
A l'origine de cette affaire, il y a la Roi du Temps : c'est lui qui a élaboré tout le plan exécuté par le Sphinx, Catwoman et Killer Croc, en y impliquant le Pingouin et l'Aide.
Aujourd'hui, tout cela trouve un dénouement dramatique à Moldoff Park où une fusillade entre les gangsters alliés au Pinguoin et les forces aux ordres de l'agent Espinzoa se sont entretuées.
Dans le chaos qui s'en est suivi le Sphinx, Catwoman et l'Aide ont fui. Et leur butin avec eux. Batman retrouve Edward Nygma et Selina Kyle au Maroc. Mais l'Aide a disparu.
Quand au Roi du Temps, il attend, résigné, Batman au pied du Parthénon en Grèce où il ui avoue la raison pour laquelle i a voulu acquérir ce qui était en fait l'Oeil de Dieu...
Batman : Killing Time avait sans doute trop bien commencé pour durer aussi correctement. Tom King semblait vouloir nous embarquer dans une aventure trépidante à la narration décousue, située dans les premières années d'activité de Batman; Au final, il a livré un récit confus, dérisoire, au dénouement abscons, renouant avec ses pires travers.
Ce sixième et dernier épisode débute pourtant bien en révélant l'identité de l'instigateur de toute cette intrigue. Car ce n'est pas le Sphinx ni le Pingouin qui a eu l'idée de ce vol audacieux d'une relique mystérieuse aux pouvoirs divins, c'est le Roi du Temps (Clock King en vo).
Cette mise en perspective assez habile redistribue les cartes et donnerait presque envie de tout relire à l'aune de cette découverte. Toutefois, le revers de la médaille, c'est que cela n'aboutit qu'à un dénouement tiré par les cheveux, aux motivations particulièrement grotesques. Tom King s'est pris les pieds dans sa propre histoire.
Ce n'est pas la première fois que le scénariste est victime de ses ambitions : déjà lors de son run sur Batman, dans la seconde moitié de celui-ci (donc après le mariage raté entre Bat et Cat), il avait entrepris de montrer, dans le détail la déchéance de son héros, absolument dévasté par cet échec amoureux, tandis que Bane et Thomas Wayne (le Flashpoint Batman) mettaient la main sur Gotham. Des arcs interminables, verbeux, réglés de manière insuffisamment intenses pour satisfaire.
Dans Heroes in Crisis, aussi, King avait tenté de tricoter une intrigue policière autour d'un sancturaire pour héros sujets au stress post-traumatique. La résolution était tellement compliquée qu'elle suscita moquerie et méfiance pour la suite. Avec, comme pour Batman, un excès de texte, de considérations philosophiques.
Parfois, c'est son péché, King s'écoute trop parler. C'est un auteur cultivé qui aime le montrer. Quand il est bien inspiré, cela produit des digressions qui en définitive enrichissent le propos (comme dans Rorschach, Supergirl, The Human Target, ou dans une moindre mesure Strange Adventures). Mais souvent, elles ne font que l'alourdir, le lester, au détriment de la tensio dramatique, du rythme, et alors cette culture exprimée passe facilement pour du verbiage ou de la prétention.
Avec Killing Time, et sa narration exagérèment éclatée, King avait l'obligation d'arriver à une fin qui en vaille la peine. Or l'explication du Roi du Temps et la justification des flashbacks sur les origines de la relique volée par le Sphinx et Catwoman ne peuvent que décevoir. Tuer le temps, disait le titre, ou nous l'avoir fait perdre, comme on a en le sentiment : dans cette intervalle se trouve tout l'échec entre l'ambition de King et la vérité de son projet.
Et David Marquez ? J'ai beaucoup aimé ce dessinateur chez Marvel. Mais j'emploie le passé à dessein car je me demande à présent si je ne l'ai pas surévalué. A moins que DC ne lui aille pas au teint. Quoiqu'il en soit, sa production depuis qu'il a quitté Marvel pour suivre Bendis chez DC n'a été qu'une grande désillusion. Et ce n'est pas Killing Time qui rattrapera ce triste bilan.
Ce dernier épisode abuse de cases copiées-collées, d'absence de décors. Quand il se plie aux tics de King (avec une scène découpée en "gaufrier"), c'est embarrassant car on voit qu'il obéit paresseusement à une consigne et la page elle-même témoigne à elle seule du manque de rythme de l'affaire (une page pour ça, franchement, c'est ridicule).
Marquez a du talent, attention, et ça se voit par éclairs, quand ça bouge, quand il représente la moto de Batman, une action acrobatique dans un hélicoptère. Mais comme un artiste trop gâté par la nature et qui ne se force pas, parfois Marquez cède à la facilité, oubliant les décors, s'appuyant sur son coloriste (Alejandro Sanchez, excellent et méritant).
Surtout, ce qui effare, c'est à quel point, à part pour Catwoman et le Pingouin, Marquez semble incapable d'interpréter personnellement, de s'approprier de manière originale, des figures comme le Sphinx ou, surtout, Batman. Son style paraît trop lisse, inadapté, au point qu'on a l'impression de revoir du Billy Tan (par raport auquel Marquez a pourtant plus de technique). Quand il s'agit d'animer un héros aussi iconique, il faut se l'approprier, en donner une version, pas simplement bien le dessiner, or le Batman de Marquez n'a rien de spécial, il est désespérément sans aspérités. A tout prendre, je pense que Marquez serait sans doute plus à son avantage avec Superman. Mais plus encore avec Catwoman (d'ailleurs il le reconnaît en ayant dit le plaisir à la croquer).
C'est donc un échec. Ce n'est pas grave, mais je crois que Tom King devrait oublier Batman quelque temps, essayer d'autres héros, ou faire ce qu'il sait le mieux (revisiter des personnages de second rang dans des mini-séries du Black Label). Pourtant, ce ne sera pas pour tout de suite : dans quelques semaines sort un one-shot sur... Le Sphinx, avec l'inévitable Mitch Gerads, dans le cadre d'une collection sur les méchants de Batman). Pas sûr que je lise ça. Et de toute façon, King va aussi proposer un hors-série Tales of the Human Target avant le retour de Christopher Chance en Septembre.
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