Pourquoi réécrire une critique ? Parce qu'on est vraiment pas satisfait de ce qu'on a rédigé la première fois. La semaine dernière, je suis parti en vrille car j'étais déçu et en colère après avoir lu Fire Power #23. Depuis, ça m'a travaillé, et pour avoir la paix, j'ai donc décidé de réécrire ma critique. Sans changer d'avis, mais en souhaitant être plus nuancé.
Quatre lignes pour résumer un épisode, ça peut paraître succinct. Mais quand l'épisode offre si peu de matière à résumer, alors il n'y a que ça à écrire. C'est bien là tout le problème de ce n°23 de Fire Power, qui sera, je le précise d'emblée, l'avant-dernier épisode que je critiquerai, ayant décidé d'arrêter les frais le mois prochain avec la fin de cet arc narratif.
Comme je le disais en préambule, la semaine dernière, j'avais rédigé la critique de cet épisode, déçu et surtout furieux. Résultat : je me suis emporté, je suis même parti en vrille en pointant le fait que Fire Power glissait inexorablement dans les pires travers des premiers comics d'Image au début des 90's.
Mais ce que j'ai écrit (et depuis effacé) ne m'a pas plu. On ne doit jamais écrire sous le coup de la colère. On n'a pas à faire partager son aigreur à ceux qui viennent chercher un avis sur un blog. Il faut rester mesuré, factuel, analytique, autant que faire se peut. Je n'étais surtout pas content donc de ma copie. Et j'ai décidé de réécrire la critique de cet épisode, à tête reposée.
Cela ne signifie pas que j'ai changé d'avis sur la qualité de l'épisode : je pense toujours qu'il est décevant, que Robert Kirkman se moque du monde, que Chris Samnee fait le plus gros du boulot avec un script minimaliste, que la narration est inutilement décompressée, et qu'en vérité on n'en est pas là par hasard.
Pour ainsi dire, c'est devenu un problème récurrent : à chaque fin d'arc, Fire Power déçoit. Et si on examine la série de près, on se rend compte que le souci vient de la conception de son héros. owen Johnson ne veut justement pas être un héros et Kirkman s'est lancé un défi fou de cosntruire une série sur un protagoniste qui marche à reculons, qui tente à tout prix d'esquiver les coups, qui a tourné le dos non seulement à son passé mais aussi, surtout, à son destin.
Est-ce que ça peut marcher ? Oui, si, au bout d'un certain moment, et après une vingtaine d'épisodes, je crois que tout le monde s'accordera à dire que ce moment est venu, Owen Johnson accepte son destin, sa mission et embrasse son rôle de héros. Mais Kirkman, lui, pense autrement et continue à l'écrire comme un personnage réticent, n'agissant qu'en dernier recours. Du coup, souvent, à la fin des arcs, il intervient rarement de manière décisive, son pouvoir fait rarement la différence.
Cette fois, cependant, reconnaissons-le, Kirkman place Owen devant un obstacle tel qu'il ne peut l'esquiver. Et cet 23ème épisode gratifie le lecteur de scènes spectaculaires où Owen doit vraiment se sortit les doigts et ne plus retenir ses coups. Le cliffhanger de l'épisode confirme que la bataille n'est pas fini et que le n°24 mettra en scène un duel peut-être encore plus crucial
Mais ce qui déçoit, ce qui agace, ce qui met en colère dominent. Pour en revenir à la brièveté du résumé de cet épisode, c'est bien qu'il suggère une écriture trop décompressée et s'appuyant trop sur le génie graphique de Samnee. Vingt pages pour raconter qu'un dragon bouffre des dizaines de soldats, que Shaw met une raclée aux vieux maîtres, et que Owen envoie une méga boule de feu dans la gueule du dragon pour le terrasser, je vous trouve ça un peu court. Ou trop long. En tout cas, ça ne me convient pas.
Depuis l'apparition du dragon et de Maître Shaw, la série patine. On a eu droit à des épisodes spectaculaires, mais si on est honnête, il ne s'est pas passé grand-chise, l'histoire n'avance plus. Il ya eu le recrutement des maîtres masi ça a été fastidieux et finalement peu convaincant quand on voit comment Shaw les surpasse. On a l'impression que Kirkman a abattu sa carte maîtresse et depuis il ne sait plus comment avancer, alors il décompresse pour arriver à produire un nouvel arc en six épisodes. Mais c'est long, c'est lent.
Que reste-t-il ? Samnee ! Kirkman a de la chance : comme Mark Millar, il sait s'entourer de dessinateurs capables de transcender ses scripts, de leur donner une plus-value graphique, d'en mettre plein les yeux au lecteur. Samnee ne ménage pas ses efforts (encore moins quand on sait qu'il est toujours à l'oeuvre sur son creator-owned, Jonna and the Unpossible Monsters, chez OniPress, mais plus pour longtemps car le titre va se conclure au #12). Il fait ce qu'il sait faire mieux que tout le monde : s'emparer d'un scénario et le mettre en images avec une énergie affolante.
Mais (encore un "mais") on a un peu mal pour Samnee (si on a aimé ses travaux chez Marvel avec Mark Waid, qui lui donnait des scripts un peu plus fournis). Parce qu'il se tape un boulot énorme avec des splash, des doubles pages, avec un dragon, des décors dévastés, des figurants à foison, des engins énormes. Tout ça à animer de manière dynamique et soignée. Franchement, je ne sais pas comment il fait, où il trouve la force, car en plus n'oublions pas qu'il dessine à l'ancienne, pas sur tablette graphique. Samnee doit avoir le poignet droit en compote et le bras douloureux en dessinant autant (sans parler de problèmes dorsaux). Le dessin, à ce rythme, avec ce volume de travail, c'est vraiment physique, sportif. Et là, c'est un peu comme si Kirkman disait à Samnee : "tu me fais l'ascension du Tourmalet sans t'échauffer et sans ravitaillement.".
Bon, Samnee est un grand garçon et il est crédité comme co-créateur de Fire Power, il savait dans quoi il s'embarquait (même s'il a peut-être sous estimé la charge de travail que représente de dessiner deux séries, dont l'une comme Fire Power avec des scènes aussi énergivores). Mais j'ai mal pour lui. Tout ça donne l'image d'un artiste livré à lui-même, collaborant avec un scénariste qui en fait beaucoup moins que lui (c'est souvent le cas, mais ici, c'est flagrant : je serai curieux de voir le script de cet épisode qui doit se résumer à des indications du genre "double page : le dragon détruit le dirigeeable en bouffant tout l'équipage". Débrouille-toi avec ça !).
J'ai vraiment été, je crois, très patient avec Fire Power depuis plus de deux ans. Mais la vérité, c'est que je n'ai jamais retrouvé le plaisir que m'avait procuré son Prologue. Il y a eu des épisodes fabuleux, mais le plus souvent grâce à Samnee. L'écriture de Kirkman n'est pas mauvaise, disons qu'elle ne me convient pas. Je n'attends plus rien de Fire Power, il m'arrive même plutôt de m'ennuyer en le lisant ou de redouter le prochain épisode. S'entêter à continuer, juste pour profiter du dessin de Samnee, n'est donc plus raisonnable. L'aventure s'arrêtera pour moi au #24 le mois prochain.
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