jeudi 29 juillet 2021

S.W.O.R.D. #7, de Al Ewing et Stefano Caselli


Ce septième épisode de S.W.O.R.D. fait partie d'un crossover avec Guardians of the Galaxy, autre série écrite par Al Ewing, et intitulé The Last Annihilation. Mais le scénariste ne ment pas quand il assure que ce chapitre peut se comprendre sans avoir lu ce qui le précéde. Encore une fois, Ewing fait preuve d'une intelligence dans l'écriture exceptionnelle, et positionne SWORD comme un titre au carrefour de diverses franchises. Valerio Schiti parti, c'est Stefano Caselli qui officie au dessin, sans qu'on perde au change.


Dormammu a pris possession d'Ego la planète vivante pour en faire sa base arrière. Les Incérébrés y lancent une série d'assauts contre l'Alliance Kree/Skrull et Hulkling, l'empereur des deux peuples, doit rappeler en renfort Captain Glory lorsque Hala est attaquée.
 

Cependant sur Arakko, le Dr. Fatalis dîne avec Tornade, régente de l'ancienne Mars. Il évoque rapidement le Mysterieum, ce métal qui a permis aux mutants d'acheter le conseil galactique, et qui a des propriétés magiques. Fatalis propose son aide pour l'exploiter à bon escient.


Les forces Kree/Skrull sont submergées par les Incérébrés. Abigail Brand, chef du SWORD, mène une équipe pour aller au secours de Hulkling et Manifold l'évacue avant un nouvel assaut des agents de Dormammu.


Excédée par l'arrogance de Fatalis, Tornade abrège brutalement leur dîner, arguant du fait que les mutants n'ont pas besoin de lui pour exploiter le Mysterium et encore moins pour juger de leur expansion galactique, malgré ses mises en gardes sur le déséquilibre politique provoqué par ls mutants.

Dès sont deuxième numéro, la série S.W.O.R.D. avait composé avec l'event King in Black écrit par Donny Cates. A cette époque, j'avais déploré qu'un titre aussi récemment lancé soit si vite impacté par une saga qui semblait bien loin de son propos. Mais la maestria avec laquelle son scénariste, Al Ewing, avait géré la chose forçait le respect.

Aujourd'hui, Ewing répéte l'opération mais de son propre fait : en effet, il s'est lancé dans un crossover entre deux séries qu'il écrit, et donc dont il contrôle la progression. Il s'agit de The Last Annihilation, qui concerne Guardians of the Galaxy et SWORD (plus un épisode spécial de Cable). Et encore une fois l'auteur démontre sa capacité à manager un projet pareil. Mais surtout à revenir sur ce qu'il avait mis en place il y a un an à la fin de l'event Empyre.

Tout d'abord, chose promise, chose dûe : Al Ewing a tenu à rassurer les lecteurs qui ne suivraient pas Guardians of the Galaxy que SWORD #7 serait compréhensible malgré tout, se suffirait à lui-même. Et c'est bien le cas. On est rapidement et clairement mis au courant du pitch de The Last Annihilation dans lesquel Dormammu et ses incérébrès (les Mindless Ones) ont colonisé Ego la planète vivante pour en faire leur base arrière. Ils attaquent de manière efficace et express plusieurs cibles (Shi'ar, Kree, Skrull, etc) grâce à des portails de téléportation magiques. Leurs assauts sont agressifs et imprévisibles.

Premier tour de force donc pour Ewing. Suivi d'un deuxième quand il dévoile une ruse terrible d'Abigail Brand : elle a intercepté l'appel au secours de l'Empereur Hukling lancé à Alpha Flight et aux Avengers. Pourquoi ? Parce que, pour gagner la confiance de l'Alliance Kree/Skrull et de leur règent, méfiant envers les mutants qui refusent leur pardon à sa mère, la Sorcière Rouge, et qui ignore que celle-ci vient d'être retrouvée morte après le Hellfire Gala, elle doit lui faire croire que Alpha Flight et Avengers ont délibérément ignoré son S.O.S.. En constatant que seul le SWORD a répondu présent, il leur sera naturellement reconnaissant ensuite.

Ewing fait ainsi de Brand l'égale en machiavélisme d'un Nick Fury de la grande époque (je parle du Nick Fury original et non de son fiston, imposé par Marvel pour que les spectateurs du MCU et les fans de comics aient affaire au même maître espion avec la tête de Samuel L. Jackson). La stratégie est sournoise mais particulièrement brillante. Si Brand ne veut pas dépendre de Krakoa pour mener son business, elle s'avère aussi implacable que les mutants en manoeuvrant ses partenaires. C'est, je trouve, particulièrement jubilatoire.

Trosième tour de force : lorsque Brand et son équipe arrive sur Hala pour exfilter Hulkling blessé, cela renvoie directement à la fin de Empyre : Aftermath Avengers lorsqu'on était projeté dans le futur et que l'Empereur terrassé par on-ne-sait-qui voyait le SWORD débarquer pour le sauver en déplorant que personne depuis la Terre ne soit venu l'aider. Ewing boucle la boucle, assez génialement. J'éai d'abord été étonné qu'il revienne à cette scène maintenant, car j'imaginai qu'il gardait cette cartouche pour plus tard, mais c'est brillant. En fait, SWORD n'est pas une série qui procède par arcs, de manière classique, mais par bonds : tout consiste à montrer comment Brand et son équipe règle des problèmes, scelle des alliances, tout en magouillant, en complotant, sans rien dire à personne, sans demander de permission. Chaque épisode est un pion de plus avancé sur l'échiquier dans une partie que conduit Brand, stratège hors-pair.

Mais l'épisode n'est pas que magistral sur ce plan car Ewing souligne que cette tactique ne fonctionne que tant que le Conseil de Krakoa ignore ses mouvements. En parallèle, une autre femme rebat les cartes : Tornade devenue la régente d'Arakko. Elle a accepté de recevoir sur Mars le Dr. Fatalis comme il l'exigeait et on assiste à nouveau à un morceau de bravoure narratif de la part de Ewing. Pour faire le lien avec les activités du SWORD, la question du Mysterium, ce métal ramené des confins du cosmos par l'équipe de Brand, devient le sujet de leur discussion autour d'un repas copieux.

Ewing connaît bien ses classiques et rappelle avec à-propos que Tornade et Fatalis ont une histoire en commun plutôt délicate : dans Uncanny X-Men #147, les X-Men étaient intervenus en Latvérie pour délivrer Arcade aux mains de Fatalis. Le souverain avait alors asservi Tornade de manière humiliante pour en faire son arme contre les X-Men. Aujourd'hui, il se défend en racontant que c'était un de ses Doombots qui était responsable - une manière de s'excuser sans le faire directement, en reportant la faute sur un autre. Fatalis tente d'amadouer Tornade en la flattant aussi (référence à son ex-statut de femme du roi T'challa. Black Panther, déesse devenue reine de Arakko). Tornade le défend de flirter, amusée mais pas dupe.

Puis Fatalis, comme toujours, s'enflamme : il a deviné les propriétés du Mystérium; leurs origines (magiques) et propose son expertise. Les mutants le remercieront plus tard. Tornade (et les mutants) ont toutefois beaucoup changé depuis deux ans (en temps éditorial) et Fatalis est renvoyé dans les cordes sans ménagement car il n'a aucune autorité. Qu'importe ses mises en garde concernant le déséquilibre des forces provoqué par les mutants, l'exploitation du Mystérium, les alliances galactiques - autant de préventions que, pourtant, Tornade et ses pairs devraient considérer car Fatalis, malgré ses défauts, est un politicien aguerri, au moins autant si ce n'est plus que les nouveaux dirigeants mutants... Tout ce dialogue entre Tornade et Fatalis est magistralement écrit et développé : c'est un régal à lire.

Restait l'interrogation de la partie graphique : Valerio Schiti, qui s'est beaucoup investi dans la série, a choisi de la quitter pour participer au prochain gros coup de Jonathan Hickman, Inferno. C'est un peu dommage car j'aurai adoré que Schiti s'installe durablement sur ce titre, mais en même temps on ne refuse pas de collaborer avec Hickman pour le futur virage de la franchise X, c'est aussi une preuve de la confiance placée en lui par le scénariste star et Marvel.

Toutefois, quand Stefano Caselli a été désigné pour lui succéder, l'appréhension a vite laissé la place au soulagement (même si les deux prochains n° devront se passer de lui puisque Hickman a confié à Caselli un chapitre de Inferno). L'artiste italien n'a pas besoin de s'échauffer pour s'installer dans le fauteuil de son compatriote sur le départ et comme l'histoire est riche en action, il met le bleu de chauffe.

Si la colorisation laisse parfois un peu à désirer, mangeant un peu trop l'encrage, Caselli livre une copie impeccable. Qu'il s'agisse de mettre en scène le dîner entre Fatalis et Tornade, au cours duquel, subtilement on sent la tension monter jusqu'à l'explosion, ou d'orchestrer les scènes de guerre sur Hala avec les Incérébrés et l'Alliance Kree/Skrull, on en prend plein les mirettes. C'est expressif, fluide, puissant. Nul doute que, quand il aura fait sa part d'Inferno, Caselli va s'imposer comme un partenaire irréprochable de Ewing.

SWORD gardera en tout cas cette patte italienne puisque Guiu Vilanova et Jacopo Camagni vont suppléer Caselli en Août et Septembre. Sous la direction ferme de Ewing, on peut rester confiant sur la qualité de la série, une des toutes meilleures de la franchise X et au-delà.

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