jeudi 15 juillet 2021

BLACK WIDOW, de Cate Shortland


Après une année "blanche" (en raison de la crise sanitaire), le MCU est de retour dans les salles avec Black Widow, dont la sortie a été repoussée à trois reprises. Le film de Cate Shortland est particulier car son action se situe chronologiquement après Captain America : Civil War et avant Avengers : Infinity War. C'est donc à la fois un retour en arrière et un adieu pour le personnage de la Veuve Noire et son interprète Scarlett Johansson. Mais le résultat est boiteux.


1995, Ohio. Alexei Shostakov et Milena Vostokoff, espions russes installés en Amérique, dovent fuir après avoir été repérés. Ils entraînent dans leur cavale les deux fillettes à leur charge, Natasha Romanoff et Yelena Belova. Mais Milena est blessée. En atterrissant à Cuba, elle est prise médicalement en charge. Natasha refuse de suivre le général Dreykov, qui la neutralise et l'expédie avec sa "soeur" en formation dans la Chambre Rouge pour en faire des Veuves Noires.
 

Les années passent. Shostakov est envoyé en prison pour désobéissance. Milena intègre le programme de la Chambre Rouge comme formatrice. Natasha, adulte, passe à l'Ouest et entre au sein du S.H.I.E.L.D., pour lequel, avec Clint Barton/Hawkeye, elle accepte de tuer Dreykov. L'explosion de son bureau à Budapest coûte aussi la vie à Antonia, sa fille. Yelena, elle, devient une Veuve Noire. Mais alors qu'elle doit récupérer un gaz de synthèse annulant le conditionnement mental des recrues, elle y est exposée et déserte. Natasha reçoit l'antidote dans sa planque en Norvège où elle est attaquée par le Taskmaster. 
 

Face à cet adversaire capable de copier tous les gestes d'autrui, Natasha réussit malgré tout à fuir avec l'antidote. Direction : Budapest où Yelena l'attend et lui explique que Dreykov est toujours en vie et que les Veuves Noires à son service sont à leurs trousses. Les deux "soeurs" doivent déguerpir mais à nouveau le Taskmaster les traque. Néanmoins, elles arrivent à le semer.


Natasha et Yelena s'accordent sur un plan : détruire définitivement la Chambre Rouge. Pour cela, elles doivent la localiser et comptent sur Shostakov. Elles organisent son évasion de prison mais il n'a aucune idée d'où se trouve ce qu'elles cherchent. Il leur conseille d'interroger Milena, restée proche de Dreykov, mais retirée du service de formation des Veuves Noires.


Milena vit en effet dans une ferme où elle pratique des expériences de conditionnement. Elle promet d'aider les filles mais les piège et les livre, elles et Shostakov, au Taskmaster et Dreykov. Lorsque Natasha revient à elle, elle est détenue dans la forteresse volane du général, qui abrite la Chambre Rouge et ses recrues.


Mais, en vérité, Milena et Natasha ont échangé leurs places. La ruse fait long feu et Dreykov présente à Natasha qui se cache derrière le masque du Taskmaster. Milena, pendant ce temps, sabote le système de vol de la forteresse et provoque son crash puis va libérer Yelena et Shostakov. Dreykov envoie le Taskmaster tuer ses prisonniers et affronte Natasha avec ses Veuves.


Grâce à l'antidote, Natasha libère les Veuves de l'emprise de Dreykov et peut quitter à son tour la forteresse avec Yelena tandis que Milena et Shostakov ont réussi à échapper au Taskmaster. Celui-ci s'en prend alors à Natasha dans un combat dans les airs puis sur Terre. Avec la dernière dose de l'antidote, elle le délivre à son tour du conditionnement de Dreykov.


Les Veuves Noires prennent en charge le Taskmaster, Antonia, Milena et Shostakov. Natasha confie à Yelena la mission de débusquer les Veuves que Dreykov a envoyées partout dans le monde pour les déconditionner. Le général Ross arrive sur les lieux du crash pour arrêter Natasha, recherchée depuis qu'elle a trahi les accords de Sokovie et pris le parti de Captain America qui dénonçait le recensement des Avengers auprès de l'OTAN. 

Scène post-générique 1 : Deux semaines après, on la retrouve pourtant aux commandes d'un quinjet pour partire libérer les Avengers arrêtés et détenus au Raft.
 

Scène post-générique 2 : Yelena se recueille sur la tombe de Natasha lorsqu'elle est rejointe par la comtesse Valentina Allegra de Fontaine. Celle-ci lui donne une photo de l'homme responsable de la mort de sa "soeur" : Clint Barton/Hawkeye.

C'est un bien curieux film que Black Widow, dont la sortie a été plusieurs fois repoussée car Marvel Studios voulait le distribuer en salles (même si au final il est aussi disponible en streaming sur Disney +, du moins aux USA, moyennant une vingtaine de $). Il n'est pas question de discuter cette stratégie, elle n'impacte pas le résultat : de toute façon, Black Widow serait sorti après Avengers : Endgame, même si son intrigue se situe entre Captain America : Civil War et Avengers : Infinity War.

Non, ce qui est curieux, c'est à quel point le film, finalement, n'apporte rien de conséquent au personnage de Natasha Romanoff et, au-delà, à la mythologie des Avengers. Cela risque d'ailleurs d'être la même chose pour de futurs projets de la Phase 4 du MCU où on voit encore mal ce que tel héros apportera à la toile d'ensemble (par exemple, Shang-Chi). De là à penser que la Phase 4 sera celle où on pourra aisèment zapper quelques titres, il n'y a qu'un pas.

C'est aussi qu'entretemps le MCU s'est développé via Disney + avec des séries comme WandaVision, The Falcon and the Winter Soldier et Loki, dont les contributions au futur de l'univers Marvel au cinéma sont déjà cruciales (avec l'introduction de la notion de Multivers notamment). 

Pour sa réalisatrice, Cate Shortland, et sa vedette, Scarlett Johansson, un film sur Black Widow demeure pourtant essentiel, mais le discours des deux femmes vise moins l'histoire du film que son impact en termes d'image et de représentation. En effet, il s'agissait de prouver que Natasha Romanoff n'était pas qu'un faire-valoir dans l'équipe des Avengers et aussi de commenter l'ère post #Metoo dans le monde des super-héros en dépassant l'objétisation de la belle et redoutable espionne.

Ce décalage entre le souci de produire un long métrage qui prend acte de la libération de la parole des femmes, de leur affirmation et celui de raconter une histoire qui vaille vraiment la peine, qui enrichisse rétrospectivement le personnage et son rôle dans la galaxie Marvel, aboutit à quelque chose de bancal, souvent maladroit et finalement dérisoire, voire futile. De ce point de vue, oui, le film sort en retard, non d'un point de vue quasi-revendicatif, mais narratif, car Natasha ayant trouvé la mort dans Avengers : Endgame, qui s'intéresse encore à ses origines au-delà de la réponse apportée au fameux mystère entourant l'affaire de Budapest mentionnée dans Avengers ?

Le succès au box-office de Black Widow, aussi bien en salles qu'en streaming, pourrait contredire mon avis, mais je crois simplement que les spectateurs sont contents de renouer avec le MCU et un personnage familier. L'appréciation du message que porte le film ne me semble pas avoir été ce qui a retenu l'attention.

Surtout les scénaristes (Eric Pearson, Ned Dawson et Jac Shaefer) ont pris comme modèle Captain America : Le Soldat de l'Hiver. Ni plus ni moins qu'une des plus plus grandes réussites du MCU (un des rares opus en outre à plaire autant aux fans de comics qu'à ceux qui s'en moquent). Or, le résultat joue en défaveur de l'opus de Cate Shortland, qui n'a ni la même rigueur, ni la même intensité, ni la même puissance. Ne serait-ce que parce que Captain America 2 s'est construit grâce à Captain America : First Avenger, et c'est ce précédent qui manque à Black Widow, dont les origines sont ici expédiées dans un prologue et un générique, certes habiles, mais pas assez consistants.

Cate Shortland et Scarlett Johansson (qui est aussi co-productrice) ont voulu concilier divertissement spectaculaire et film à message. La première partie est honnêtement remplie, même si on ne trouve rien ici de révolutionnaire, ce petit plus qui ferait la signature de Black Widow, qui la distinguerait en tant qu'héroïne de tous les autres héros du MCU - la faute sans doute à l'absence d'un vrai duel, digne de ce nom, avec le Taskmaster (dont l'identité, remarquablement bien gardée par Marvel, s'avère un peu foireuse - je ne spoilerai pas, mais quand même, c'est pas fameux).

La seconde partie est trop lourdingue, trop appuyée. Tous les hommes du film sont soit abrutis, soit brutaux et sadiques. Cette caractérisation, pour le moins sévère et sommaire, discrédite complètement l'intention, louable, de défendre la cause féminine, d'autant qu'un personnage comme Milena (interprétée par une Rachel Weisz assoupie) n'a rien de bien recommandable (quand bien même elle mystifie Dreykov à la fin). Le général Dreykov est représenté comme un salaud unidimensionnel, plutôt pathétique, qui inspire plutôt le dépit (de ne pas avoir un méchant plus intelligent) que le rejet (alors qu'il est une caricature à peine voilée de Harvey Weinstein - il suffit de remplacer Veuves Noires par actrices et c'est le même comportement de prédateur/abuseur). Ray Winstone livre en prime une composition paresseuse pour camper ce vilain, dont on ne croit jamais qu'il vaincra Natasha.

Quant à l'abruti de service, il est incarné par David Harbour dans le rôle d'Alexei Shostakov alias l Red Guardian. Le comédien en fait des caisses au point d'en devenir embarrassant, comme s'il jouait dans une comédie alors que le film se veut grave. Mais surtout son personnage ne sert strictement à rien : on peut l'enlever de l'intrigue qu'elle n'en souffrirait pas. Même quand la baston commence, il est réduit au rang de punching-ball pour le Taskmaster alors qu'il est censé être l'équivalent (certes bedonnant) de Captain America.

Reste le duo Scarlet Johansson-Florence Pugh. Le film fait vraiment office de passage de relais entre les deux actrices. Pour ma part, j'ai toujours été réservé sur le choix de Scarlett pour camper Black Widow, décrite comme une ballerine dans les comics, alors que la star mesure 1,68 m ! Toutefois, elle a su composer un personnage mémorable avec une présence à l'écran souvent mineure, et elle porte ici l'histoire sur ses épaules avec une vraie autorité. Florence Pugh est une partenaire remarquable et une vedette en devenir, même si elle aussi, physiquement, n'a rien d'une ballerine (1,62 m) : la seconde scène post-générique de fin lui assure de revenir dans le MCU et ce sera certainement intéressant, mais sa Yelena Belova est écrite de manière trop irrégulière (tantôt dure à cuire implacable, tantôt gamine inconsolable - voir la scène où elle s'isole dans une pièce de la ferme de Milena et où Shostakov vient la réconforter). C'est dommage car le duo Johansson-Pugh fonctionne très bien, c'est la meilleure chose du film, mais il est parasité par le cabotinage de Harbour et un rythme décousu.

J'aurai aimé aimer davantage Black Widow, mais dans le genre, mieux vaut (re)voir Red Sparrow (de Francis Lawrence, avec Jennifer Lawrence, 2018), bien meilleur, avec des composants similaires (même si moins super-héroïques). En l'état, ce n'est pas suffisant pour nous faire regretter Natasha, et comparativement aux séries Marvel de Disney +, l'audace fait cruellement défaut.

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