mardi 27 juillet 2021

BLOODY MILKSHAKE, de Navot Papushado


Si, comme moi, vous avez été déçu par Black Widow et que vous cherchez un bon film d'action avec des filles, qui ne se prend pas au sérieux, alors je vous conseille de voir Bloody Milkshake, une pure série B, jubilatoire. Co-écrit et réalisé par Navot Papushado, le long métrage évoque à la fois John Wick et le cinéma de Quentin Tarantino, tout en ayant sa propre personnalité - un petit exploit. Qui doit aussi beaucoup à ses vedettes féminines, Karen Gillan en tête.


Scarlet, une tueuse professionnelle, abandonne sa fille, Samantha, âgée de 12 ans, après avoir assovi une vengeance personnelle. La gamine est confiée à Nathan, cadre de la Firme, qui emploie des assassins à gages, et qui en fait une de ses meilleurs employées.


Mais, 15 ans plus tard, Samantha est à son tour compromise après un règlement de comptes. Nathan l'envoie descendre le comptable de la Firme qui a fui avec la caisse. Samantha s'arrête chez les Bibliothècaires, des anciennes collègues de sa mère, qui n'ont pas pardonné à celle-ci sa désertion, pour changer d'armes.


Samantha retrouve le comptable dans un motel et le blesse gravement en lui tirant dans l'estomac avant de comprendre qu'il a volé la Firme pour payer une rançon aux kidnappeurs de sa fille, Emily. Contre les ordres de Nathan elle décide de récupérer la fillette en payant ceux qui la retiennent avec l'argent de la Firme. Nathan envoie trois hommes de main intercepter Samantha.


Samantha se débarrasse des hommes de main de Nathan en leur infligeant une raclée puis remet la rançon aux kidnappeurs. Mais ceux-ci se disputent le magot et s'entretuent. L'argent part en fumée. Blessée, Samantha retourne à la clinique privée où elle a déposé le père d'Emily pour apprendre qu'il n'a pas survécu à sa blessure et que les hommes de main de Nathan sont dans une chambre voisine. Elle réussit à s'en débarrasser définitivement. Nathan, entretemps, s'est résolu à lâcher Samantha en la livrant au caïd Jim McAlester dont elle a tué le fils.


Pourchassées par le gang de McAlester, Samantha et Emily se rendent à la dernière adresse connue de Scarlet qui les entraîne chez les Bibliothècaires. L'endroit est bientôt pris d'assaut par le gang de McAlester et une fusillade éclate. Virgil, le neuveu de McAlester, réussit à tuer Madeline, une des Bibliothècaires, qui veillait sur Emily et enlève la fillette. 


Madeline est enterrée quand Samantha reçoit un appel de Jim McAlester à qui elle accepte de se rendre en échange de la vie sauve et la libération d'Emily. Mais c'est un piège car le caïd veut torturer Samantha devant la fillette. Il n'en aura pas l'occasion car Scarlet, Anna May et Florence surgissent et massacrent McAlester et ce qui lui reste d'hommes de main tandis que Samantha évacue Emily.


Pour s'assurer que la Firme ne les poursuivra pas, Samantha appelle Nathan en le menaçant de les tuer, lui et tous les cadres de l'organisation. La bande de filles peut filer profiter d'un repos bien mérité au soleil où Emily grandira au calme.

Gunpowder Milkshake, soit le milkshake à la poudre à canon, est le titre original et aussi éloquent de Bloody Milkshake - changer un titre anglais par un autre toujours en anglais, c'est franchement ridicule.

En tout cas, c'est un titre programmatique bien trouvé car il ne ment pas sur la marchandise. Comme je le disais en préambule, j'ai vu - et j'en ai parlé il y a peu - récemment Black Widow, et j'ai été déçu par ce film à message bien lourd déguisé en film d'action assez pataud. Un ratage qui montre bien que les bonnes intentions ne font pas toujours de bonnes histoires.

Black Widow voulait trop jouer la carte de l'action movie féministe pour ne pas enfoncer des portes ouvertes et s'empêtrer dans des scènes souvent grotesques pour dénoncer les violences machistes. Or, ce que prouve Bloody Milkshake, c'est qu'on peut très bien divertir en assumant une démarche féministe. A condition de ne pas placer la charrue avant les boeufs, c'est-à-dire en n'oubliant pas que l'histoire passe avant tout et que si elle est bien tournée, alors le message passera mieux.

Car, au fond, le film de Navot Papushado n'a évidemment rien d'un chef d'oeuvre mais il s'assume pour ce qu'il est : une série B qui ne cherche pas à dépasser son statut. Simplement, la différence ici, c'est que tout le projet est mis au service de son intrigue et de celles qui l'animent. En d'autres temps, le casting aurait été essentiellement masculin mais en choisissant de le faire interpréter par des femmes, le film gagne en originalité et acquiert une dimension féministe sans avoir besoin de souligner une ambition féministe puisqu'il l'est naturellement.

Il me semble que beaucoup d'actrices se trompent non pas de combat (car le machisme et ses dérives sont une plaie) mais de méthodes. Il en va de même pour le combat des "minorités éthniques". Que ce soit dans les comics ou le cinéma, les décideurs et les acteurs pensent qu'il faut communautariser leurs productions pour flatter ceux qu'ils espèrent toucher, autrement dit faire écrire, dessiner, réaliser, jouer des histoires par des noirs pour des noirs, par des femmes pour des femmes, etc. 

Outre que cela aboutit donc à un résultat communautariste qui ne résout rien (sinon à de l'entre-soi, où si on n'est pas noir, femme, etc, on n'a pas sa place), c'est grotesque et absurde car le talent ne se définit pas par la couleur de la peau ou le sexe : on peut très bien être un individu de couleur ou de l'autre sexe et être malgré tout incompétent ou dénué de talent pour signer un livre ou un film, même avec toute la bonne volonté du monde. Et puis, alors, si on pousse ce raisonnement jusqu'au bout, que penser des femmes qui dirigent des hommes dans leurs équipes techniques ou devant leur caméra ? Ou, comme Navot Papushado, des hommes qui filment des actrices ?

Ce qui est vraiment agréable avec Bloody Milkshake, c'est qu'on ne sent jamais qu'on regarde un film qui aurait été réécrit pour des femmes par un homme. Cette histoire ne fonctionne vraiment que parce que des femmes en sont les héroïnes, c'est ce qui donne sa singularité au projet. Et avec son co-scénariste, Ehud Lavski, Papushado n'a pas à se forcer pour filmer ça. Il s'en amuse même, comme en témoignent plusieurs scènes, telles que celle où Samantha et Emily échappent aux hommes de McAlester au volant d'une voiture dont la gamine tient le volant (pour des raisons que je ne spoilerai pas, mais qui sont irrésistibles) ou l'emploi du costume des serveuses endossé par les tueuses dans la fusillade finale dans le dinner (une manière habile et marrante de renverser le rapport de force - les serveuses ici servent de sacrés pruneaux !).

Une autre leçon, un peu plus technique, que livre Bloody Milkshake concerne son montage : Papushado ne cède jamais à un cut effréné qui découpe trop les scènes et les empêche de se déployer pleinement et efficacement, comme c'est parfois le tort des films d'action. Pourtant, le film ne dépasse pas les deux heures, et ça aussi, ça fait du bien à l'heure où beaucoup de longs métrage de genre sont inutilement longs.

Et donc, il y a le casting. Pas de vedettes issues de la A-list de Hollywood dans ce film qu'on devine au budget modeste (mais bien exploité). Mais des actrices solides, parfaitement choisies. Dans des seconds rôles marquants, le trio composé par Michelle Yeoh, Angela Bassett et Carla Gugino fait des étincelles, en plus de montrer des femmes d'âge mûr sans en faire des vieilles pistoleras. C'est important quand on sait que l'industrie n'est pas tendre avec les comédiennes passées un certain âge, les cantonnant à des rôles de mère, de grand-mère. 

Mais Bloody Milkshake peut surtout se reposer sur un autre trio, en verve, avec Lena Hadey (la Cersei Lannister de Game of Thrones), d'une classe inusable ; la jeune Chloe Coleman (excellente de bout en bout, à des lieues de la fillette mièvre) ; et de Karen Gillan (Nebula dans Guardians of the Galaxy), impeccable en tueuse sensible mais résolue. On adore ces trois nanas, bien plus drôles et pêchues que Florence Pugh-Scarlet Johansson-Rachel Weisz dans Black Widow.

Un popcorn movie qui n'a pas honte, et n'a pas à avoir honte, car il est bien fait. La fin laisse même la porte ouverte à une suite, car il y a de matière pour une franchise et que j'aimerai bien revoir ces Bibliothècaires.

1 commentaire:

midnighter a dit…

MALHEUREUSEMENT
il a déjà disparu des séances de cinéma à Dijon