jeudi 22 juillet 2021

MARAUDERS #22, de Gerry Duggan, Matteo Lolli et Klaus Janson


Autant vous prévenir : si vous n'avez pas lu les derniers n° de Marauders et ceux des séries encadrant le Hellfire Gala, passez votre chemin, rattrapez votre retard et alors vous pourrez profiter de ce vingt-deuxième épisode. Car Gerry Duggan connecte tout dans ce nouveau chapitre où il est question de secrets et de dissimulations. Matteo Lolli dessine la moitié et laisse l'autre, un gros flashback, à Klaus Janson, guest-artist ce mois-ci.


Les lendemains de fête laissent souvent des migraines comme c'est le cas pour Emma Frost, qui lit la couverture du gala du Club des Damnés dans la presse et se voit rappeler par le Pr. X de parler à Sebastian Shaw au sujet de l'impossibilité de ressuciter Lourdes Chantel.


Leur "mère" trop accaparée par ces affaires, les Stepford Cuckoos découvrent sur l'île de Mykines Wilhelmina Kensington en état de choc. En sondant son esprit, elles découvrent qu'elle est submergée par un trauma d'enfance et décide de l'aider.


Emma Frost se confie à Sebastian Shaw à propos de Lourdes Chantel en lui révélant qu'elle n'est pas morte comme il le croit. Par le passé, elle l'a aidée à fuir les brutalités du Roi Noir du Club des Damnés en mettant en scène sa mort.


Emma a ensuite requis les services de Wilson Fisk pour que Lourdes bénéficie de faux papiers et d'une nouvelle vie en échange de quelques faveurs; Aujourd'hui, Emma fait comprendre que ce mensonge a finalement motivé Shaw a aider l'établissement de la Nation X.

L'épisode est donc clairement découpé en deux parties. C'est le genre de dispositif que peut se permettre Gerry Duggan sur Marauders, qui n'est pas une série aussi stricte dans sa construction, aussi rigoureuse dans son déroulement que X-Men où le cahier des charges lui impose un quota d'action, des subplots, des cliffhangers et du soap opera. On mesure bien à présent que le scénariste doit se dédoubler non seulement physiquement pas aussi stylistiquement car les deux titres qu'il écrit n'ont pas les mêmes ambitions.

X-Men est la vitrine de la franchise, la série qui doit imposer le nouveau statu quoi d'une équipe de mutants justiciers en les rendant aussi sympathiques que les Avengers. Marauders reste plus lié à ma mythologie de Krakoa établie depuis Hox - PoX, où il s'agit encore de développer les intrigues de l'île des mutants. Récemment, juste avant l'event Hellfire Gala, au cours du dîner d'adieu de Tornade à l'équipe des Marauders, Sebastian Shaw déplorait l'absence de Lourdes Chantel, la femme qu'il aimait et qui est morte tragiquement, tuée par une Sentinelle - dans une histoire de X-Men Classic.

Cette affaire revient sur le devant de la scène maintenant que la fête est terminée. Et le Pr. X exige d'Emma Frost qu'elle clarifie la situation auprès de Shaw. Mais on y reviendra plus tard car l'épisode s'attarde sur une autre piste qui est amenée à se prolonger. En effet, les Stepford Cuckoos, de retour d'Arakko, trouvent sur la plage de l'île Mykines Wilhelmina Kensington en état de choc.

Wilhelmina est une membre des Homines Verendi, ce club de gamins richissimes qui ont pris le contrôle de Madripoor dont ils ont réussi à chasser les mutants. Apparus dans Wolverine and the X-Men de Jason Aaron, Gerry Duggan les a réutilisés depuis le début de Marauders d'une manière finalement assez efficace, quoique irrégulière, dans une guerre des nerfs et de territoire. Wilhelmina a été invitée au gala mais l'expérience a été un choc qui a fait remonter de mauvais souvenirs à la surface : les Stepford Cuckoos découvrent qu'elle a été victime d'abus sexuels durant son enfance par son père.

Saisissant l'occasion à la fois d'aider la jeune fille (comme le leur a enseignées leur mère) et peut-être avec une idée derrière la tête (soulager Wilhelmina pour qu'elle leur soit redevable ensuite et donc affaiblir les Verendi), elles l'accompagnent pour règler ce problème. La suite aux prochains numéros. Le risque pour Duggan, c'est qu'il aime multiplier les pistes narratives, les subplots. Il le fait avec de bonnes intentions (pour n'oublier aucun mutant) mais on peut se demander s'il aura vraiment le loisir de développer tout ça : après les Morlocks (qui font de la résistance à Madripoor, car ils rejettent l'autorité de l'ONU) et maintenant le cas Wilhelmina, sans oublier le business de la Hellfire trading company, ça commence à faire beaucoup.

Revenons à présent à Emma Frost, Sebastian Shaw et Lourdes Chantel. Duggan a sorti ce personnage des oubliettes (puisqu'elle n'était apparue que dans un épisode de X-Men Classic, donc seuls les connaisseurs s'en souvenaient), mais son idée est séduisante, d'autant qu'on voit qu'au lendemain du gala, Shaw a récupérait ses moyens (il avait été sévèrement remis en place pour avoir voulu tuer Kitty Pryde et Lockheed) et que la hâche de guerre semble enterrée avec Emma. Toutefois celle-ci est sommée par le Pr. X de révèler la vérité à Shaw sur sa défunte maîtresse.

Jusqu'alors, l'épisode est dessiné par Matteo Lolli, plutôt dans un bon jour. Il nous gratifie par exemple d'une superbe splash page avec Emma (voir ci-dessus), inspirée par un cliché célèbre de Faye Dunaway par Terry O'Neill après qu'elle avait reçu son Oscar pour Network (de Sydney Lumet, 1976) :


Le dessinateur italien a du goût et il aime représenter Emma. Le reste est aussi bon, même s'il manque toujours à Lolli une certaine rigueur dans les compositions, du dynamisme, de l'expressivité. Comme Stefano Caselli ne reviendra pas (il remplace Valerio Schiti sur SWORD), il va falloir que Marvel trouve un artiste régulier solide pour que Marauders ne sombre pas visuellement.

D'autant que, pour se charger du long flashback qui occupe la seconde moitié de l'épisode, Klaus Janson a été appelé. Janson jouit toujours d'un prestige certain dans la profession car il reste le compagnon de route de Frank Miller dans les années 80 (sur Daredevil où il était plus un finisseur qu'un simple encreur) puis de John Romita Jr. C'est une sorte de monstre sacré.

Pourtant, je l'avoue, je ne partage pas cette idolâtrie. Avec Miller, Janson formait un duo exceptionnel (même si les deux hommes se sont brouillés). En revanche, je n'ai jamais considéré qu'avec Romita Jr., il avait quelque chose d'aussi conséquent - JR Jr. ayant bien baissé aussi. Mais il y a pire : c'est quand Janson se pique de dessiner (et de s'encrer). Là, franchement, ce n'est ni fait ni à faire. Malheureusement, ça se vérifie une fois de plus ici.

Ses pages sont moches et trahissent un je-m'en-foutisme peu reluisant de la part d'une "légende" comme lui. Quand on atteint la scène où Emma confie Lourdes au Caïd, c'est du grand n'importe quoi : les plans sont composés d'une façon affreuses, les personnages sont mal proportionnés et même difformes (le Caïd est carrément bossu !), les gros plans sont hideux. Désolé, mais je ne vois aps comment on pourrait encore être indulgent devant un tel massacre.

On referme donc cet épisode avec un sentiment partagé (comme souvent sur cette série). Gerry Duggan a en tout cas du boulot maintenant : avec tout ce qu'il sème dans Marauders et l'écriture de X-Men, il devient le scénariste à la tête de deux gros titres de la franchise X. L'avenir nous dira s'il peut assumer cela, mais il est déjà évident qu'il ne bénéficie pas sur Marauders d'un artiste comparable à Pepe Larraz, à même de compenser ses éventuels coups de moins bien.

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