Je garde toujours un oeil sur les publications Image car cet éditeur représente l'alternative la plus puissante aux "Big Two" (Marvel et DC) et aux super-héros. Lorsqu'un titre inédit apparaît dans leurs solicitations, l'efficacité de son pitch suffit pour avoir envie de le découvrir : c'est ce qui s'est passé avec The Weatherman, écrit par l'ex-editor de Vertigo Jody Leheup et dessiné par Nathan Fox.
Mars 2770. Nathan Bright est le présentateur du bulletin météo sur la plus grosse chaîne télé de la planète colonisée par la Terre. Sa personnalité extravertie transforme cette rubrique en un vrai show qui informe autant qu'elle amuse un large public, même si la rédaction du JT aimerait qu'il soit plus ponctuel et sobre.
Son travail fini, Nathan reçoit un appel d'Amanda Cross qui lui donne rendez-vous pour une soirée romantique. Même s'il préférerait passer la fin de la journée tranquille chez lui avec sa chienne Sadie, il accepte de donner une nouvelle chance à leur couple.
Ils prennent un verre dans le bar où Amanda est serveuse puis dînent au restaurant, puis vont se promener dans les rues de la capitale, Redd Bay, sans savoir qu'ils sont observés au loin par un trio de mercenaires visant Nathan.
Une fois chez lui, Nathan offre un dernier verre à Amanda lorsqu'une fusillade éclate. Sadie est tuée et c'est alors qu'Amanda dégaine un flingue et règle leur compte aux trois mercenaires en appelant ds renforts.
Nathan observe tout cela, médusé, puis le chaos maîtrisé, pleure sa chienne. Mais il est alors placé en état d'arrestation par Amanda qui l'accuse d'avoir causé la mort de huit milliards d'hommes, de femmes et d'enfants sur Terre !
Variant cover de Marcos Martin
Qui n'a jamais reproché au présentateur de la météo l'inexactitude de ses prévisions quand il avait promis du beau temps et que le jour dit il pleut ? Imaginez alors si ce même homme avait provoqué la mort de milliards de personnes à cause d'une mauvaise annonce ! C'est ce qui arrive à Nathan Bright, The Weatherman.
Le postulat de la série est tellement simple et accrocheur qu'on se demande comment personne n'en a eu l'idée avant. Mais il ne suffit pas d'un bon argument pour faire une bonne BD, et plus encore fournir la matière d'un bonne série : c'est là-dessus qu'on jugera vraiment l'idée et son potentiel de Jody Leheup.
En tout cas, l'ex-editor de chez Vertigo se reconvertit brillamment dans l'écriture pour cette production Image Comics avec ce premier épisode très dense et fluide à la fois. La scène d'ouverture intrigue quand on suit Amanda Cross (bien qu'on ignore encore tout d'elle, à commencer par son identité) accompagner une vieille dame à une cérémonie commémorative (là aussi sans savoir à quoi elle rend hommage, mais dont l'ampleur suggère quelque chose d'important).
Puis le scénario change subitement de ton et vire à la comédie avec un journal télévisé dont les présentateurs sont pris de panique parce que leur météorologue n'est toujours pas arrivé. Ainsi est-on présenté à Nathan Bright, le héros de la série, une star dans son domaine, capable de s'autoriser une grasse matinée puis d'enchaîner avec une prestation survoltée en studio, qui suscite les commentaires épatés du public et force l'admiration de son équipe.
Leheup aime visiblement ne pas laisser de repos au lecteur puisqu'il nous entraîne ensuite dans une séquence romantique réunissant Nathan et Amanda. En même temps, une menace rôde déjà, visant la vedette. La soirée en tête à tête s'achève dans une fusillade spectaculaire et l'arrestation de Nathan par Amanda - qui n'est pas qu'une serveuse amoureuse mais une super-flic avec une inculpation énorme contre son rencard !
Le rythme effréné, la variété des ambiances, le cliffhanger insensé, tout concourt à faire de The Weatherman un plaisir de lecture : on ne s'y ennuie jamais, on va de surprise en surprise, on a droit à de la romance, du gunfight, un héros accusé d'un crime inconcevable, une héroïne qui cache son jeu. N'en jetez plus ! Et j'allais oublier : tout ça se passe sur Mars, en 2770 !
Pour tenir le coup face à une telle avalanche de situations, il fallait bien un dessinateur aussi fou que ce récit et Nathan Fox, lui aussi échappé de Marvel et DC (où il ne s'est jamais imposé à cause d'un style atypique, mais qu'il a pourtant su raisonner), ne déçoit pas.
Son trait est semi-réaliste dans la mesure où ses personnages possèdent une physionomie correspondant à notre aspect mais avec des attitudes, une expressivité (faciale et gestuelle) exagérées. On utilise souvent le terme de cartoony dans ce cas, mais il est connoté de manière humoristique alors que même si là on sourit un peu (avec la scène où Nathan déboule en studio et présente tel une rock-star son bulletin météo), le reste de l'épisode oscille entre dialogues sentimentaux et action pétaradante. Toutefois, comme dans un dessin animé comique, il y a cette même énergie légère, insouciante... Jusqu'à la fusillade dans laquelle meurt de manière brutale la chienne Sadie (c'est aussi ça, la touch Image, toujours ce zeste de violence, montrée sans fard ni subtilité).
L'épisode est parfait dans sa fonction programmatique : on ne sait absolument jamais où il va et comment il va s'achever. Il y a fort à parier que Jody Leheup et Nathan Fox ambitionnent de poursuivre l'aventure en continuant à étonner sans cesse le lecteur, à déjouer toutes ses attentes. Le risque sera d'éviter une certaine surenchère. Mais si leur production est suffisamment rigoureuse, The Weatherman va vite devenir un must-read jubilatoire. A surveiller donc.
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