Pour ce dernier épisode de l'arc The Fall of the house of Kane, Marguerite Bennett orchestre un face-à-face entre Batwoman et Batman, qui trouve aussi des racines dans la série Detective Comics écrite par James Tynion IV. Fernando Blanco est au taquet. Et Alice au milieu. Autrement dit : ça va chauffer !
Batman est sur le point d'arrêter Alice pour l'envoyer à l'asile d'Arkham. Mais Batwoman lui demande de la s'occuper de sa soeur, convaincue qu'elle peut l'aider à recouvrer sa personnalité. Alice profite de la confusion pour fuir.
Batman la prend en chasse dans le building des entreprises Kane. Batwoman tente encore de raisonner son mentor, en vain. Elle prend alors le parti de sauver Alice, coûte que coûte, et l'embarque dans une folle course à moto dans le bâtiment.
Mais Batman ne lâche rien et réussit à écarter Batwoman et récupérer Alice. Batwoman riposte, d'abord par la force, pour gagner du temps, puis par la ruse en utilisant ce qu'elle pense être la seule vraie faiblesse du dark knight : un enregistrement des détonations du pistolet qui a servi à tuer ses parents.
Troublé, Batman accepte de laisser Alice à Batwoman. Mais il prévient cette dernière, fermement, que c'est sa dernière chance : après avoir tué Clayface et sauvé sa soeur, une troisième infraction l'obligerait à la chasser de Gotham en lui interdisant de conserver le nom de Batwoman.
Batwoman enlace Alice, consciente de la responsabilité qu'elle prend mais surtout que sa soeur l'a poussée dans cette voie périlleuse.
Précisons d'abord que l'épisode est accessible sans connaître les références à Detective Comics qu'il contient. Mais néanmoins, il est utile de savoir que James Tynion IV a écrit un arc narratif dans lequel Clayface perd le contrôle de ses pouvoirs et menace à nouveau des civils innocents. Contre l'avis de Batman et de ses partenaires, Batwoman prend la décision d'abattre Clayface. Ce choix entraîne une forme de procès, auquel elle ne se rend pas, mais pour lequel Batman demande conseil auprès de ses fidèles (Robin, Batgirl, Nightwing, Red Hood...). Au bout du compte, Batwoman est exclue de l'équipe.
Marguerite Bennett a donc dû composer avec l'histoire de son confrère, par ailleurs son ancien co-scénariste au début de la série Batwoman. On mesure, en comparant la manière de chacun de caractériser l'héroïne, la différence de ton : pour Tynion IV, Kate Kane est d'abord un soldat et elle agit en conséquence, sans états d'âme, pour sauver des vies quitte à sacrifier celle d'un acolyte ; pour Bennett, c'est plus nuancée puisqu'elle a toujours obéi à Batman pour lequel elle est en mission. Il y a donc une contradiction évidente entre d'un côté une héroïne qui commet l'irréparable en refusant l'autorité de son chef et de l'autre, la même qui est son agent.
Pour rendre ces deux facettes compatibles malgré tout, la scénariste installe Batwoman au coeur d'un dilemme encore plus cornélien puisqu'elle veut sauver sa soeur de Batman qui estime que sa place est dans un asile pour criminels. Il ne s'agit pas de tuer Batman pour tirer Alice de cette détention, mais, comme Kate tente de l'expliquer, de faire admettre à son cousin que Beth Kane est aussi de sa famille. Elle joue sur la corde sensible tout en paraissant honnêtement persuadée que Beth peut prendre le dessus sur Alice.
Marguerite Bennett est habile : elle sait que l'attitude de Batwoman n'est pas objective, et même peu défendable. Aussi concentre-t-elle l'essentiel de l'épisode sur Batman - un Batman taiseux, déterminé, sans indulgence, ce qui fait qu'il n'attire guère la sympathie et, donc, par ricochet, nous rend Batwoman plus humaine. Néanmoins, elle gagne en employant un subterfuge assez bas (rappeler à Bruce Wayne son pire souvenir) et la conclusion de l'épisode souligne bien l'ambiguïté de cette victoire, chargeant d'une lourde responsabilité l'héroïne et donnant à Alice le gain de la partie (elle échappe à Batman, à l'asile, et elle accable sa soeur). C'est très finement joué.
Fernando Blanco a de l'espace pour scénographier beaucoup d'action et sa maîtrise du découpage fait une nouvelle fois merveille. Comme il nous en a donnés l'habitude, il produit notamment une somptueuse double page (voir ci-dessus) avec une cascade et une vraie tension.
Mais surtout, ce qui séduit, c'est sa manière de ménager les temps forts de ceux où l'action fait une pause. Les deux tiers de l'épisode sont intenses, explosifs, et opposent l'expérience et l'obstination de Batman à la résolution désespérée de Batwoman, dont on sait qu'elle ne peut l'emporter physiquement. Puis dans le dernier tiers, le dialogue prend l'avantage et, malgré cela, Blanco maintient le lecteur sous pression (que va faire Batman ?). Les dernières pages montrent les personnages dans des plans larges, isolés, séparés, leur rupture consommée, ponctuées de rares gros plans insondables. Dans ces moments-là, les masques qu'ils portent sont des caches ineffectifs contre les sentiments exprimés et les fossés creusés : Kate Kane parle à Bruce Wayne de Beth, ce ne sont plus deux super-héros mais trois cousins qui comprennent que le Rubicon a été franchi.
Il reste désormais deux épisodes à Marguerite Bennett et Fernando Blanco pour terminer leur superbe run. C'est une autre triste perspective de savoir que cette série va s'interrompre en ayant redoré si bien le blason de Batwoman...
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